Correspondances en Onco-Urologie - Vol. II - no 4 - octobre-novembre-décembre 2011
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Orteronel (TAK-700) : à jeu égal avec l’abiratérone ?
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être le plus spécifique possible sur l’activité
17α-hydroxylase/17.20 lyase afi n d’éviter tout eff et
secondaire off target, notamment minéralocorticoïde
(risque d’insuffi sance surrénale).
L’objectif de cette spécifi cité est aussi d'éviter toute
inhibition d’activité cytochrome impliquée dans la
détoxifi cation d’autres médicaments (CYP3A4, CYP2D6,
etc.) avec un risque d’interaction médicamenteuse
associé.
Ciblage pharmacologique du CYP17
Un inhibiteur du CYP17 se caractérise par sa structure
stéroïdienne ou non. Le kétoconazole et l’orteronel sont
non stéroïdiens. L’acétate d’abiratérone et le TOK-001
ont un noyau stéroïdien. Ils agissent ainsi comme des
inhibiteurs compétitifs.
La mesure des concentrations inhibitrices à 50 % (IC50),
constantes d’inhibition (Ki), constantes de Michaelis (Km)
et concentrations sériques devrait permettre de comparer
en phase préclinique ou clinique précoce ces diff érentes
molécules. Néanmoins, la variabilité des techniques
employées ne permet pas de faire ce travail.
La comparaison, en dehors d’un hypothétique essai
clinique de comparaison directe de ces différents
composés, est à ce jour très diffi cile, d’autant plus qu’ils
ne sont pas tous au même stade de développement.
Le TAK-700 [(1S)-1-(6,7-diméthoxy-2-naphthyl)-1-(1H-
imidazol-4-yl)-2-méthylpropan-1-ol] est un dérivé
imidazolé, inhibiteur du CYP17, actuellement en
développement dans le cancer de la prostate selon
un schéma d’étude clinique très proche de ceux de
l’acétate d’abiratérone et du MDV3100.
L’orteronel (3) est ainsi hautement spécifi que de l’acti-
vité 17,20 lyase (IC50 : 38 nM), avec une activité sur
les enzymes 11β-hydroxylase et CYP3A4 négligeable.
Les IC50 sont respectivement supérieures à 1 000 nM
et 10 000 nM sur des modèles in vitro. Sur un autre
modèle plus proche de la réalité humaine de micro-
some, l’IC50 pour la 17,20 lyase est à 18 nM et à plus
de 30 000 nM pour les CYP3A4 et 2D6. Ces données
soulignent la grande spécifi cité de l’orteronel pour sa
cible déclarée, et laissent présager sinon de son effi ca-
cité, du moins de la très faible probabilité d’interaction
médica menteuse à en attendre avec d’autres produits
substrats du cytochrome 450.
Activité biologique en préclinique
Sur des modèles de rat, l’orteronel diminue signifi cative-
ment le poids de la prostate et des vésicules séminales
ainsi que la testostéronémie. Sur un modèle de singe,
la prise unique de 1 mg/kg d’orteronel diminue de
75,9 % la testostéronémie à 2 heures et de 61,1 % la
DHEA à 2 heures.
Activité clinique
Les résultats d’une phase I/II ont été présentés à
l’ASCO® 2010 (4). Lors de la phase I, 5 paliers de dose
ont été réalisés (100, 200, 300, 400 et 600 mg × 2/j)
chez des patients atteints d'un cancer de la prostate
hormono résistant métastatique. Le profi l de tolérance
est favorable et les principaux eff ets indésirables de
grade 3 notifi és sont la fatigue et une toxicité gastro-
intestinale sans spécifi cité. Il n’y pas eu de dose limitante
toxique. Il existe une linéarité entre l’augmentation de
la dose et la C
max
(et l’aire sous la courbe [ASC]) de 100 à
600 mg, 2 fois par jour. À 4 semaines, la testostéronémie
médiane est passée de 4,9 à 0,6 ng/dl et la DHEA-S
de 54,6 à moins de 0,1 μg/dl pour le palier 400 mg × 2/j.
Les premiers résultats de l’extension de phase II ont été
présentés à l’ASCO® 2011 (5).
Les données d’effi cacité concernant 96 patients traités
à une dose supérieure ou égale à 300 mg × 2/j ont été
ainsi rapportées. À partir du palier 400 mg, une supplé-
mentation en prednisone/prednisolone est requise.
Les taux de réponse du PSA (diminution d’au moins
50 %) à 12 semaines étaient de 63 %, 52 %, 41 %, et 62 %
pour les paliers 300 mg × 2/j, 400 mg et 600 mg × 2/j +
prednisone, et 600 mg/j. Pour les 43 patients avec une
maladie évaluable selon les critères RECIST, 6 présen-
taient une réponse partielle, 23 avaient une maladie
stable et chez 9 d’entre eux la maladie progressait.
À 12 semaines, pour tous les paliers, la DHEA-S et la
testostéronémie ont diminué (tableau).
Ces résultats ont fait retenir la dose de 400 mg × 2/j
avec supplémentation en prednisone/prednisolone de
5 mg × 2/j pour les études cliniques à venir en mono-
thérapie.
Deux essais d’enregistrement sont actuellement en
cours, soit en pré-docétaxel soit en post-docétaxel
versus placebo + prednisone. Un essai de phase I/II en
combinaison avec le docétaxel est également ouvert (6).
Tableau. Variation de la testostéronémie et de la DHEA-S sous orteronel.
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