BMPs, le Ying et le Yang des cellules souches Comprendre l’origine du cancer et développer des thérapies ciblées Les traitements du cancer du sein font aujourd’hui face à des résistances et rechutes dont les cellules souches cancéreuses pourraient être à l’origine. Il est donc nécessaire de comprendre les mécanismes qui permettent l’apparition de telles cellules afin de développer des outils pour les cibler spécifiquement. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme avec environ 50 000 nouveaux cas diagnostiqués en France chaque année. Il existe différents types de cancers du sein, les plus fréquents étant de type Luminal ou Basal, selon les caractéristiques de la tumeur. Les thérapies actuelles consistent à réduire puis ôter la tumeur, mais aussi à administrer des chimiothérapies qui vont se diffuser dans l’ensemble de l’organisme et être toxique pour les cellules cancéreuses. Si ces traitements permettent de soigner la plupart des patientes, certaines sont confrontées à des résistances aux traitements et des rechutes plusieurs années après la maladie. Les cellules souches normales et cancéreuses Dans différents types de cancer, une petite population de cellules, appelées cellules souches cancéreuses a été impliquée dans ces résistances aux traitements. Chez l’adulte normal, ces cellules souches existent, notamment dans la glande mammaire. Elles sont capables d’une part de se conserver elles-mêmes, c’est l’auto-renouvellement, et d’autre part, de régénérer les cellules matures du tissu par le mécanisme de différenciation, notamment au cours de la grossesse. Il est essentiel pour l’organisme de préserver ces cellules pour son bon fonctionnement. Cependant, dans un contexte de cancer, ces cellules peuvent exprimer leurs propriétés de façon anormale et être à l’origine de rechutes, ce sont les cellules souches cancéreuses. Il est alors nécessaire de comprendre le fonctionnement des cellules souches cancéreuseset de développer de nouveaux outils pour les détruire. Tumeur Thérapie standard Rechute Résistance des cellules souches cancéreuses -Propriétés intrinsèques -Microenvironnement Cellule souche cancéreuse Régénération de la tumeur Thérapie ciblée Elimination du cancer Elimination des cellules souches cancéreuses Diminution de la tumeur Le concept de cellules souches cancéreuses D’après http://www.stemline.com/csc.asp L’environnement des cellules souches Un autre paramètre important pour l’étude des cellules souches est la compréhension de leur environnement. En effet, les cellules souches ne sont pas isolées mais ancrées dans un environnement spécifique, composé de différents types cellulaires, comme les adipocytes dans la glande mammaire. Ceux-ci sécrètent des molécules qui jouent un rôle essentiel dans la biologie des cellules souches. Ils constituent également une protection physique des cellules souches cancéreuses vis à vis des traitements. Les Bone Morphogenetic Proteins Au sein du laboratoire, nous nous intéressons à une famille de molécules, les « Bone morphogenetic proteins » ou BMPs. Ces molécules sont naturellement sécrétées par l’environnement des cellules souches pour réguler leur fonction en activant une voie de signalisation. Avant notre travail, il était connu que certaines molécules de cette famille étaient présentes de façon anormale dans des tumeurs du sein, cependant leur rôle exact dans la maladie restait inconnu. Pour mieux comprendre…. Cellule souche normale : cellule capable de maintenir l’intégrité du tissu en régénérant les différents types cellulaires par différenciation Cellule souche cancéreuse : cellule cancéreuse ayant certaines propriétés de cellules souches normales et capables de régénérer la tumeur Différenciation : processus au cours duquel une cellule souche va générer une cellule mature capable d’assurer une fonction au sein du tissu Transformation : processus au cours duquel une cellule normale acquiert de nouvelles capacités à l’origine des tumeurs Thérapie ciblée : thérapie dirigée contre une molécule présente spécifiquement sur les cellules tumorales BMPs et cellules souches mammaires normales Nous avons testé, en présence de BMPs, la capacité de cellules souches mammaires normales, à se différencier pour générer les cellules mammaires myoépithéliales contractiles et luminales capables de sécréter le lait. Ces cellules lorsqu’elles sont placées en culture, forment des structures facilement identifiables, appelées colonies, spécifiques du type myoépithélial ou luminal. Ainsi, nous avons pu montrer que les molécules BMPs orientent la décision des cellules souches mammaires de s’engager vers une différenciation myoépithéliale (BMP4) ou luminale (BMP2). Colonies épithéliales mammaires Myoépithéliale Luminale BMP2 et initiation du processus tumoral Nos résultats préliminaires indiquaient que, dans certains cas, BMP2 serait présente en trop grande quantité dans l’environnement mammaire. Nous avons donc évalué l’effet d’une exposition permanente des cellules mammaires à BMP2. Nous avons ainsi pu montrer que des cellules exposées à BMP2 pendant plusieurs mois devenaient transformées, c'est-à-dire engagées dans le processus tumoral et qu’elles présentaient certaines caractéristiques de tumeurs luminales. Par ailleurs, BMP2 est à l’origine des micro-calcifications de l’environnement mammaire, évènement précoce Transformation Résistance Déséquilibre CS du tissu Cancéreuse Cellule Souche Cancéreuse Micro -environnement normal BMP Cellule Souche Normale Equilibre du tissu Autorenouvellement Différenciation Micro -environnement tumoral Augmentation du taux de certaines molécules Les BMPs pourraient jouer deux rôles antagonistes dans la biologie des cellules souches en contribuant d’une part au maintien de l'intégrité du tissu dans un contexte normal, et d’autre part, en contribuant au processus tumoral et à l’émergence de cellules souches cancéreuses résistantes aux thérapies standards. dans la chronologie du cancer du sein et identifiable lors des mammographies. Pour la première fois, BMP2 apparaît donc capable, lorsqu’il est présent de façon anormale dans l’environnement mammaire, d’initier le processus tumoral à l’origine des tumeurs luminales. Voie BMP et marqueurs diagnostic/thérapeutique En étudiant des échantillons de tumeurs et une base de données de 130 patientes atteintes de cancer du sein, nous avons pu identifier des éléments de la voie de signalisation BMP exprimé de façon anormale sur la cellule cancéreuse elle-même. Les analyses sont en cours afin d’évalués le potentiel de ces marqueurs en terme de diagnostic et de thérapie ciblée pour bloquer la voie de signalisation par exemple. Ces résultats montrent que, si les molécules de la famille BMP jouent un rôle essentiel dans la biologie des cellules souches normales et notamment dans la régulation de la différenciation vers les différents types cellulaires, elles peuvent être présentes de façon anormale dans l’environnement des cellules souches, initiant alors le processus tumoral. Cette famille de protéine étant présente dans de nombreux tissus, ces données pourraient également ouvrir de nouvelles perspectives diagnostiques et thérapeutiques dans d’autres types de cancers. Implication des molécules de la famille BMP dans la régulation et la transformation des cellules souches mammaires Marion CHAPELLIER