Compte rendu de la conférence du 2 octobre à l’occasion de la Journée Inter Régionale de l’Autisme Je commencerais par le témoignage émouvant d’Elisabeth Emily, Maman Asperger d’un enfant autiste de haut niveau et fondatrice de CapaciTED 49: « J’ai 3 ans, je suis dans la cour de récréation, j’observe la scène, les enfants, l’école et moi j’ai pas le code, pas la capacité à improviser. J’utilise la cour pour compter mes pas. C’était le début de quelque chose. Le CP se traduit par une escalade vers l’échec, je ne comprends pas les codes de nouveau. Je trouve une astuce: transgresser les interdits. Je marche sur la ligne jaune alors que c’est interdit mais cela fait rire les autres, peut-être qu’ils deviendront mes amis. En CM2 les codes deviennent plus forts: comment intervenir dans la conversation? Comment être dans un groupe? Je me coupe les cheveux en classe, les autres pensent que je suis bizarre. Je rencontre une quinzaine de psychologues. Au collège, les choses empirent, il y a des codes vestimentaires et moi j’essaie de leur ressembler mais je suis complètement à coté de la plaque vestimentairement. Puis au lycée tout se dégrade, je suis passionnée par la condition humaine, sans tabou, cela occupe tout mon temps, l’écriture devient mon plus précieux psychologue. J’essaie d’imiter les autres filles car je n’arrive pas à déchiffrer les codes de séduction, là encore, je suis à coté de la plaque. Les psychologues me disent que ma différence vient surement du fait que je refoule un inceste paternel. Je commence donc, à chercher dans la littérature la réponse à mes différences. En terminale, le stress devient intense, je ne savais pas mémoriser ou voir ce qu’était une méthode de travail, je n’entendais pas le prof mais j’écoutais un murmure, les bruits de couloirs de cartables..Je subis des humiliations des professeurs, je ne comprends pas ces jugements. Je ne pouvais structurer ma pensée. Le jour du BAC, je ne veux pas me réveiller, peu importe je n’avais rien appris. Puis je me mets à courir en pyjama dans la rue, je fais du stop pour arriver jusqu’à mon lycée. C’est à ce moment là que je fais la première rencontre de ma vie: la proviseur me met la main sur l’épaule et me dit que je passerais le bac en septembre. En septembre, j’obtiens mon BAC. Je passe un DEUG de pédagogie, j’obtiens une maitrise avec mention très bien. Je donne des cours de stratégie d’insertion, j’ai du mal à comprendre les ordres de la direction, je ne suis, finalement, pas très bien au travail. Je tombe enceinte de Louis, il a 18 mois, il n’est pas comme les autres. On me dit que cela va changer. A l’école il tape les autres, il jette, il dit des gros mots, il est exclu. Aux réunions éducatives on me dit: «Il est trop ceci, il est trop cela..». Il me faut un diagnostic ! Puis on finit par me dire que cela apparentai à des troubles autistiques. Je suis en colère, personne ne m’avait cru. A 5 ans Louis n’a plus de troubles comportementaux, même si la gestion émotionnelle est encore compliquée, il a une prise en charge adaptée. J’enchaîne des formations sur l’autisme pour mon fils, je sors mon premier livre avec l’aide de Théo Peteers, je démissionne pour créer CapaciTED49. Je me bats pour que les familles soient financées pour des prises en charge éducatives adaptées. Pour rien au monde je ne regrette mon parcours, le chemin a été extraordinaire, aujourd’hui je suis fière de moi et de mon fils.» Le deuxième intervenant était René Cassou de Saint Mathurin, médecin-directeur CMPP de l’Aunis ADEI17. Il mettra en avant l’évolution d’un parcours en débutant par l’histoire d’Hans Asperger et Léo Kanner. Premier diagnostic de Léo Kanner réalisé sur la personne de Donald en 1933, vu 5 ans en consultation: -mémoire inhabituelle -pas d’intérêt pour autrui -fait tourner des objets circulaires -particularité du langage -fait des colères destructrices De l’autisme de Kanner aux troubles envahissants du développement. Lorna Wing, psychiatre et mère d’un enfant autiste réalise l’étude de Camberwelt en 1979 «Triade des déficiences». Cette étude concerne la prise en charge de 132 enfants au total : 58 enfants sociables avec un retard mental et 74 enfants présentant un trouble de la socialisation dont 17 avec antécédent autisme typique et 57 sans antécédent d’autisme typique. L’idée est qu’on ne peut pas faire de diagnostic si l’on a pas de classifications. Définition DSMIVCIM10, 6 symptômes dans 3 domaines: -altération qualitative de la communication -altération qualitative d’interactions sociales -caractère restreints, répétitifs, stéréotypés des comportements Evolution de la prévalence de 1980 à maintenant: 1980-1990: Autisme 5/10000 TED 20/10000 2000: TED 70/10000 2008: 1/88 2011: 1/68 Les études de Cohorte donne une mesure du handicap autistique, les filles sont apparemment moins bien identifiées que les garçons. Il faut se battre pour avoir un diagnostic précoce car il y a encore trop de diagnostic tardif qui entraine un nombre significatif d’enfants scolarisés, pas accompagnés et sans diagnostic. «Est ce que l’autisme est à une extrémité du développement normal ou est-ce une condition anormale?» (Skuse, DH, Mandy, WP & Scourfield J.2005) Pour le clinicien il s’agit de garder une perspective thérapeutique reéducative, avec une nécessité de fixer un seuil, y introduire une notion de handicap et de savoir comment l’expression du trouble va-t-elle être modulée par les exigences de l’environnement. Trois facteurs sont sous tendus par une déficience de l’instinct social (Wing et Coll, 2011). Ces trois facteurs reprennent la «Triade des déficiences»: l’interaction sociale, la communication (sociale), l’imagination (sociale). Le diagnostic n’est pas une fin en soi , parfois des personnes sans diagnostics se comportent mieux que ceux diagnostiqués. Le facteur d’environnement joue et le facteur génétique reste aussi important. Pour compléter ce résumé j’ai mis à votre disposition des photos du Powerpoint car je ne sais pas si mon résumé est très clair compte tenu de tous les tableaux et chiffres qui étaient présentés. Le troisième intervenant était le Dr Lavenne-Collot du CRA Bretagne qui parlera de l’intervention précoce en autisme et notamment du modèle de Denver. Un bébé qui va bien a des opportunités de s’éveiller, 70% de son activité est en interaction avec l’autre. Il y a beaucoup de modifications cérébrales durant la petite enfance, même si avant 2 ans il reste compliqué de faire un diagnostic sur un bébé, on peut distinguer un trouble de développement et ne pas retarder une prise en charge. Le programme de Denver prend en compte l’évolution de la science, c’est une méthode d’intervention auprès d’enfants dans le spectre de l’autisme (âgés de 9 à 48 voir 60 mois).Il est quasiment inconnu dans beaucoup de pays, on ne compte que 22 formateurs dans le monde. La méthode se définit comme précoce, développementale, exhaustive (agit sur tous les développement de l’enfant), pluridisciplinaire et basée sur le jeu. Elle répond à une problématique centrale de l’autisme. On part de ce qui intéresse l’enfant, de ce qui le motive puis le thérapeutique se propose comme un échafaudage, une base. Le but est de repérer les indices de tentatives de communication de l’enfant, les pousser et poursuivre l’échange. Il faut créer une connexion avec le langage sensoriel. DENVER et ABA sont deux approches à ne pas opposer, elles ont des compétences hétérogènes. On rédige les objectifs avec les parents, 2 à 3 objectifs par domaines par rapport à la liste de compétences. Le programme met en avant deux types d’activités: les routines avec objets et les routines sociales sensorielles (ex: créer des surprises, l’enfant doit focaliser son attention sur l’autre et non sur l’objet). Le ESDM (Early Start Denver Model) est un modèle global et bien articulé avec une approche très spécifique, flexible et ludique. On a constaté que, chez les enfants qui avaient suivi 1h de supervision hebdomadaire sur 12 semaines, les progrès étaient réels , l’expérience était bénéfique pour l’enfant ainsi que pour les relations avec les parents. « Combien de fois on a entendu mais attendez, attendez! Ne vous inquiétez pas! Alors qu’aujourd’hui on voit bien, avec la méthode ABA, qu’il faut très vite mettre quelque chose en place». Isabelle de Ponteves Le quatrième intervenant était Céline Jaret-LeDerf, psychologue clinicienne spécialisée dans les troubles du développement. Elle réalise des formations pour personnes autistes et défend le fait qu’il y a une réalité de la personne avant que celle-ci ne soit une personne autiste. Les choses doivent être faites à caractère individuel. Plus un enfant est pris en charge vite, plus il ne subira pas un surhandicap. Elle parle de Brigitte Harrisson comme un modèle de référence. Les porteurs de TSA se distinguent par le fait qu’ils ne prennent pas en compte tous les sens de l’environnement et se caractérisent par une rigidité mentale (je m’intéresse à mes centres d’intérêts et le monde ne me motive pas mais le monde ne va pas m’attendre, il faut une stimulation). On met en place des outils de compensation de handicap, tout handicap doit être composé de manière individuelle, les outils doivent être avec les enfants et il est indispensable que les parents soient formés. Dans un premier temps on évalue comment la personne perçoit, comprend et quels sont les supports accessibles pour la personne. Les deux premiers concepts qu’on travaille sont la notion du temps et la notion de l’aide qui sont tous deux optimisateurs pour leur autonomie. Les autistes veulent communiquer mais ne peuvent pas, il faut leur en donner les moyens. Dans un deuxième temps, il faut travailler la fonctionnalisation, mettre du sens aux choses. La personne porteuse d’un handicap ne doit pas être réduite à celui-ci, il est important de la valoriser. Outils d’anticipation et de fonctionnement mental: aides visuelles (stabilité recherchée), emploi du temps (vécu de temps différent) et structuration de l’espace (vécu de l’espace spécifique). Il faut toujours commencer par un centre de motivation puis ensuite amener à se détacher de ces schémas mentaux,travailler sur la notion de choix,sur la gestion de l’imprévu, rendre explicite ce qui est implicite. Elle terminera par cette phrase que lui ont dicté ses patients: «J’espère que mon discours a été cousu de fil blanc». Le cinquième intervenant était Laeticia Thébaud, psychologue du SAFE de l’Adapei44 SESSAD, service de guidance parentale. A l’origine du SAFE ce sont des parents qui se sont associés. En 2012, il a été rattaché aux IME SESSAD Pôle Nantais. Le SAFE est un service d’aide éducatif pour les parents, le but étant «Associer la personne et sa famille» et que celle ci bénéficie d’une formation: qu’elle soit informée et formée aux stratégies éducatives. Le service a un lien avec les professionnels qui s’occupe de l’enfant et s’appuie sur l’évaluation de ses compétences. L’intervention se fait au domicile de l’enfant ou dans tous lieux. Les objectifs: séquencer, décomposer les gestes prioritaires du quotidien, amener les loisirs, proposer du visuel, rendre l’enfant acteur, apprendre à jouer avec l’autre, à avoir un comportement en société, construire un réseau social. L’idée est de travailler des activités fines pour le généraliser au quotidien. Pour finir, le dernier intervenant était Armelle Saillour, chargé de Mission de l’Association «perce neige», résidents avec autisme sévère au Foyer d’Accueil Médicalisé La Maison Perce-Neige de Brissac-Quincé. Le foyer compte 32 résidents, tous atteints d’un autisme sévère dont le niveau de développement est faible, aucun d’entre eux ne peut vivre en autonomie ou avec un accompagnement plus léger. Il y a des écarts conséquents entre la prise en charge d’un enfant et celle d’un adulte autiste. L’établissement a 2 encadrants pour environ 8 résidents ce qui est peu, de plus, il subsiste un décalage entre les personnes encadrées et le personnel car celui-ci n’a pas toujours de formations spécifiques aux autistes. Une personne difficile est avant tout une personne en difficulté. La plupart des personnes adultes repérées «sans solution» ou assimilées à des «gens à problèmes» sont des personnes atteintes d’autisme. Le comportement a un sens, a une fonction et dépend d’un contexte. Il faut enseigner à la personne un comportement B, adapté, alternatif au comportement à problème. L’important aussi est d’agir sur les antécédents, faire que l’environnement soit moins anxiogène, que le contexte soit plus compréhensible et rassurant. Enseigner l’expression de la douleur, observations de toutes modifications de comportements, bilan de santé fréquent. Si la personne se sent mal psychologiquement, on essaie des supports (tableau avec des sourires etc..) mais il faut savoir que les adultes autistes sont aussi lourdement médiqués, traitement neuroleptique et psychotropes sont souvent nécessaires. On utilise les PECS car cela est plus adapté au public du foyer. Généraliser l’utilisation des images, des supports; les emplois du temps se traduisent par des objets, des photos. Le tinder va permettre à la personne d’anticiper. Le foyer met un point d’honneur sur la question essentielle de la motivation: mise en place d’activités manuelles et culturelles, motivation et compétences étant liées, on fait l’inventaire de leurs centres d’intérêts pour ensuite les utiliser comme renforcateurs. Ils ont aussi accès à des tableaux de choix: si la personne s’ennuie, elle apprends à s’occuper seule. La politique de l’établissement se veut totalement transparente pour assurer une confiance totale avec les familles. Je terminerais avec la conclusion d’Elisabeth Emily qui, je pense, est assez juste: « L’autisme n’est pas un choix. Les neurotypiques ne comprennent pas les autistes autant que le contraire. Nous sommes réciproquement étranger à l’autre, construisons des ponts entre nous». Compte rendu écrit par Clara Sanzay, volontaire en Service Civique au sein de l’association ABA Ille et Vilaine. 81, Boulevard Albert 1er 35200 Rennes 06.52.57.79.02 [email protected] http://aba-illeetvilaine.org/