l` antibiogramme

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BURNICHON Nelly
TEXIER Anthony
DES bactériologie – Semestre été 2003
Exposé du 20 juin 2003
L’ ANTIBIOGRAMME :
LA DETERMINATION DES SENSIBILITES
AUX ANTIBIOTIQUES
L’antibiogramme
DES bactério / été 2003
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Sommaire
I.
Introduction
II.
Bactériostase
II.1 Définition
II.2 Concentration Minimale Inhibitrice (CMI)
II.3 Détermination de la CMI
III.
Notion de Sensibilité/Résistance
III.1 Définition de la résistance
III.2 Détermination des catégories S/I/R
III.3 Etablissement des valeurs critiques délimitant les catégories cliniques
III.4 Relation avec la CMI
IV.
Notion de spectre
V.
Méthodes d’études in vitro
V.1 Antibiogramme
V.1.1 Principe
V.1.2 Techniques classiques
V.1.3 Standardisation
V.1.4 Résultats
V.1.5 Autres techniques
V.1.6 Limites de l’antibiogramme
V.2 Autres méthodes
V.2.1 Recherche des bêta-lactamases
V.2.2 Recherche de la méticillino-résistance chez les staphylocoques
V.2.3 Recherche des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE)
V.2.4 Apport de la biologie moléculaire
VI.
Cas particulier de l’antibiogramme automatisé
VII. Conclusion
Annexe : Epreuves de synergie
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L’antibiogramme :
La détermination des sensibilités aux
antibiotiques
I. Introduction
Le but de la réalisation d’un antibiogramme est de prédire la sensibilité d’un germe à
un ou plusieurs antibiotiques dans une optique essentiellement thérapeutique. Il sert
également :
-
À la surveillance épidémiologique de la résistance bactérienne ;
-
À l’identification bactérienne par la mise en évidence de résistances naturelles.
Sa réalisation est laissée à l’initiative du biologiste. Il doit être pratiqué en raison de la
qualité, de la densité de l’espèce ou des espèces isolées, soit de l’état clinique du patient ou du
siège de l’infection sur les espèces susceptibles d’engendrer un processus infectieux (arrêté du
30 juillet 1997-J.0. du 12 août 1997 fixant la nomenclature des actes de biologie médicale).
Il faut garder à l’esprit qu’en pratique, on étudie l’effet des antibiotiques in vitro le
plus souvent et dans des conditions normalisées de culture. Ainsi, il faut déterminer des
corrélations afin de présumer de l’efficacité in vivo de l’antibiotique et donc de la réussite (ou
de l’échec) du traitement sur la base de données biologiques in vitro.
II. Bactériostase
II.1 Définition
La bactériostase correspond à un ralentissement de la croissance d’une population
bactérienne, pouvant aller jusqu'à l'arrêt de la croissance. Ceci ne vaut que si la bactérie était
en phase de croissance avant le contact. Dans le cas contraire une absence de développement
peut aussi correspondre à une augmentation très prononcée du temps de latence.
La bactériostase peut être étudiée en milieu liquide par exemple par un suivi
photométrique de la croissance des microorganismes en présence de concentrations variées
d'antibiotiques.
II.2 Concentration Minimale Inhibitrice = CMI
Le paramètre le plus souvent utilisé pour évaluer l’effet d’un antibiotique est la CMI.
Elle correspond à la concentration minimale d’antibiotique qui inhibe la croissance visible du
germe en 24H. La CMI explore donc l’effet bactériostatique seulement, ce qui n’est pas
limitatif sachant qu’en bactériologie clinique, le but le plus souvent recherché est l’inhibition
de la prolifération bactérienne, dans la mesure où l’organisme est capable de se défendre
contre les bactéries (notons que son emploi n’est pas justifié chez un malade
immunodéprimé).
On note de bonnes corrélations biologico-cliniques de l'emploi de la CMI, qui, après
plusieurs dizaines d'années d'expérience s’avère être un bon prédicateur de l'efficacité de la
thérapeutique antibiotique : Quand elle excède une certaine valeur l'échec thérapeutique est
habituel : quand elle est inférieure à une autre valeur le succès est pratiquement assuré. Entre
les deux valeurs précédentes, la prédiction est impossible.
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II.3 Détermination de la CMI
La CMI n'est pas, pour une bactérie donnée, une constante biologique. Elle est définie
par le Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CA-SFM)
comme étant la plus faible concentration d’une gamme de dilutions d’antibiotique de demi en
demi qui entraîne l’inhibition de toute croissance bactérienne visible.
La méthode par dilution successive en milieu solide est la méthode de référence pour
déterminer la sensibilité bactérienne aux antibiotiques. Cette détermination exige une
standardisation rigoureuse du protocole expérimental (influence de l'inoculum, du délai
séparant ensemencement et observation, milieu de culture), toute modification des conditions
expérimentales rendant l’interprétation difficile.
D’autres méthodes sont applicables : dilutions successives en milieu liquide
(croissance bactérienne appréciée par l’apparition d’un trouble) ; E-Test (bandelettes
imprégnées d’un gradient d’antibiotique).
III. Notion de Sensibilité / Résistance
III.1 Définition de la résistance
La résistance des bactéries aux antibiotiques est soit naturelle, soit acquise.
La résistance naturelle d’une espèce ou d’un genre est :
- Une caractéristique propre, concernant l’ensemble des souches de l’espèce ou du
genre ;
- Portée par un chromosome donc toujours transmissible à la descendance : transmission
verticale ;
- Un caractère permettant de définir le phénotype sauvage ou sensible de l’espèce ;
- Une aide à l’identification d’une espèce.
La résistance acquise, pour sa part :
- Ne concerne qu’une proportion plus ou moins importante, variable dans le temps, de
souches d’une espèce ;
- Résulte d’une modification génétique par mutation ou par acquisition de plasmides ou
transposons, (résistance extra chromosomique) transmissible horizontalement, parfois
entre espèces différentes ;
- Définit des phénotypes « résistants ».
Les résistances croisées s’expriment, elles, au sein d’une même classe d’antibiotiques
et sont dues au même mécanisme de résistance.
III.2 Détermination des catégories S/I/R
A la suite des recommandations du Comité d'Experts de Standardisation biologique de
l'OMS (1979), la Société Française de Microbiologie a créé un Comité de l'Antibiogramme
(CA-SFM) chargé de déterminer les valeurs critiques qui délimitent les catégories cliniques et
de proposer un guide pour la détermination de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques.
Les valeurs critiques définies pour les concentrations et les diamètres des zones d'inhibition,
ainsi que les recommandations spécifiques à certaines espèces ou à certains groupes
d'antibiotiques sont publiées dans un communiqué annuel par le CA-SFM.
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Trois catégories cliniques ont été retenues pour l'interprétation des tests de sensibilité
in vitro : Sensible (S), Résistant (R) et Intermédiaire (I).
•
Les souches catégorisées S sont celles pour lesquelles la probabilité de succès
thérapeutique est forte dans le cas d'un traitement par voie systémique avec la
posologie recommandée dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP).
•
Les souches catégorisées R sont celles pour lesquelles il existe une forte
probabilité d'échec thérapeutique quels que soient le type de traitement et la dose
d'antibiotique utilisée.
Les souches catégorisées I sont celles pour lesquelles le succès thérapeutique est
imprévisible. Ces souches forment un ensemble hétérogène pour lequel les
résultats obtenus in vitro ne sont pas prédictifs d'un succès thérapeutique.
•
En effet, ces souches :
- Peuvent présenter un mécanisme de résistance dont l'expression in vitro est faible, avec pour
conséquence leur classement dans la catégorie S. Cependant, in vivo, une partie de ces
souches apparaît résistante au traitement ;
- Peuvent présenter un mécanisme de résistance dont l'expression n'est pas suffisante pour
justifier un classement dans la catégorie R, mais suffisante pour favoriser l'apparition d'une
résistance in vivo en cours de traitement ;
- Peuvent présenter un mécanisme de résistance dont l'expression n'est pas suffisante pour
justifier un classement dans la catégorie R, mais suffisamment faible pour espérer un effet
thérapeutique dans certaines conditions (fortes concentrations locales ou posologies accrues) ;
la catégorie intermédiaire est aussi une zone tampon qui tient compte des incertitudes
techniques et biologiques.
III.3 Etablissement des valeurs critiques délimitant les catégories
cliniques
Les concentrations critiques des antibiotiques sont établies sur la base des
concentrations sériques obtenues après administration d’une posologie « usuelle »
(concentration critique inférieure c) et de la posologie maximale tolérée (concentration
critique supérieure C). Le calcul de c et C met en œuvre une formule incluant le pic sérique, la
concentration au bout d’une demi-vie, la concentration après 4h et le taux de liaison aux
protéines plasmatiques, respectivement après administration de la posologie normale ou
élevée. Chaque antibiotique a ses concentrations critiques propres.
La méthode par diffusion réalise le classement en utilisant la relation entre CMI et
diamètre d’inhibition autour d’une source d’antibiotique, la lecture est donc relativement
directe. Pour une bactérie et un antibiotique donnés, le diamètre d’inhibition mesuré est
comparé aux diamètres critiques :
-
En dessous d’un diamètre critique inférieur d, la souche est classée R.
Au dessus du diamètre critique supérieur D, la souche est classée S.
Les diamètres critiques d et D correspondent respectivement aux concentrations critiques
hautes C et basses c.
Les valeurs des concentrations et des diamètres critiques définies pour chaque antibiotique
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sont établies en tenant compte de plusieurs paramètres :
•
La distribution des concentrations minimales inhibitrices (CMI) pour des
populations de souches définies et appartenant à chacune des espèces bactériennes
impliquées en pathologie humaine ;
•
Les concentrations humorales et tissulaires qui sont obtenues avec les posologies
recommandées dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) rédigé par
l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) ;
•
La confrontation des résultats obtenus in vitro et des résultats obtenus in vivo
(essais cliniques) ;
•
La variabilité statistique des méthodes utilisées pour mesurer les CMI et les
diamètres des zones d'inhibition.
III.4 Relation avec la CMI
Aux regards des concentrations et des diamètres critiques sont considérées comme :
•
Sensibles (S), les souches pour lesquelles la CMI de l'antibiotique testé est
inférieure ou égale à la concentration critique basse (c), ce qui équivaut à un
diamètre supérieur ou égal au diamètre critique D;
•
Résistantes (R), les souches vis-à-vis desquelles la CMI de l'antibiotique testé est
supérieure à la concentration critique haute C, correspondant à un diamètre
inférieur au diamètre critique d;
•
De sensibilité intermédiaire (I), les souches vis-à-vis desquelles la CMI de
l'antibiotique testé et du diamètre correspondant sont compris entre les deux
concentrations critiques et les deux diamètres critiques.
Catégories CMI (mg/L) Diamètre (mm)
CMI ≤ c
Diamètre ≥ D
Sensible
Diamètre < d
Résistant
CMI > C
Intermédiaire c < CMI ≤ C d ≤ Diamètre < D
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IV. Notion de spectre
À chaque antibiotique est associée une liste d'espèces bactériennes qui constitue le
"spectre d'activité" de la molécule. Le spectre naturel, établi dans les premières études avant
tout emploi en thérapeutique, reste stable par définition puisqu'il ne prend pas en compte la
proportion de bactéries ayant acquis une résistance à l'antibiotique après son utilisation. Cette
proportion augmente au cours du temps parce que l'emploi de l'antibiotique exerce la pression
de sélection nécessaire à l'émergence de mutants ou de souches porteuses de facteurs
extrachromosomiques de résistance. Cette notion doit être connue du clinicien car elle
explique des situations d'apparence paradoxale : par exemple, le spectre naturel de la
pénicilline G comprend Staphylococcus aureus alors que 90% des souches sont actuellement
résistantes par production de pénicillinase.
Pour faciliter le choix d'un traitement antibiotique, les espèces bactériennes ont été
réparties en 3 classes :
-
Espèces Habituellement Sensibles ;
Espèces Modérément Sensibles ;
Espèces Résistantes.
- Les espèces habituellement sensibles : il s'agit d'espèces répondant à la répartition
suivante :
90% ou plus des souches sont caractérisées par des CMI < c. Moins de 10 % des souches sont
résistantes ou de sensibilité diminuée.
Ex : pénicilline G et streptocoque A
- Les espèces modérément sensibles : il s'agit d'espèces dont la sensibilité naturelle n'a pas
été modifiée par la résistance mais qui sont habituellement classées I par l'antibiogramme :
90% et plus des souches se situent dans la catégorie I. Le classement ne dépend pas d'un
mécanisme de résistance acquis (dont la fréquence peut évoluer), mais d'un caractère propre à
l'espèce.
Ex : macrolides et Haemophilus influenzae
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- Les espèces résistantes : il s'agit d'espèces pour lesquelles plus de 50% des souches sont
résistantes. Cette résistance peut être naturelle ou acquise. L'antibiogramme ne fait que
confirmer la résistance s'il s'agit d'une résistance naturelle ; il permet de suivre son évolution
s'il s'agit d'un mécanisme acquis.
Ex : pénicilline G et S. aureus / aminosides et streptocoques
NB : la catégorie « Espèces Inconstamment Sensibles » a été supprimée fin 1999. La
nomenclature officielle oblige à classer les bactéries de cette catégorie dans la catégorie
« espèces sensibles » en mentionnant le pourcentage de résistance acquise.
Ex : penicilline G et pneumocoque.
Le spectre de l'antibiotique pour les diverses classes d'espèces bactériennes est publié
régulièrement, en France dans le Dictionnaire Vidal.
V. Méthodes d’étude in vitro
V.1 Antibiogramme
V.1.1 Principe
L'antibiogramme a pour but de déterminer la Concentration Minimale Inhibitrice
(CMI) d'une souche bactérienne vis-à-vis de divers antibiotiques. La détermination de cette
valeur est peu précise, mais elle est consacrée par l'usage et elle bénéficie d'une masse
importante d'informations recueillies à son sujet.
V.1.2 Techniques classiques
•
Méthodes de dilution
Les méthodes de dilution sont effectuées en milieu liquide ou en milieu solide. Elles
consistent à mettre un inoculum bactérien standardisé au contact de concentrations croissantes
d'antibiotiques selon une progression géométrique de raison 2.
En milieu liquide (figure 1), l'inoculum bactérien est distribué dans une série de tubes
(méthode de macrodilution) ou de cupules (méthode de microdilution) contenant
l'antibiotique. Après incubation, la CMI est indiquée par le tube ou la cupule qui contient la
plus faible concentration d'antibiotique où aucune croissance n'est visible.
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Figure 1 : Détermination de la CMI par dilution en milieu liquide.
La CMI de la souche testée est de 2 µg/mL (premier tube dans lequel aucune croissance n'est
visible à l'œil nu).
Technique en milieu liquide couramment utilisée :
La détermination de la sensibilité peut se réaliser en milieu liquide en testant la sensibilité de
la souche bactérienne vis-à-vis des concentrations critiques supérieures et inférieures des
différents antibiotiques ou uniquement vis-à-vis des concentrations critiques inférieures. Ces
méthodes simplifiées sont commercialisées, ce qui les rend accessibles aux laboratoires de
diagnostic. L'inoculation des galeries et la lecture des résultats peuvent se réaliser
manuellement ou à l'aide d'automates : technique en 24h (à 2 dilutions, c et C) ou en 4h (1 ou
2 dilutions possibles).
En milieu solide (figure 1bis), l'antibiotique est incorporé dans un milieu gélosé coulé
en boîtes de Petri. La surface de la gélose est ensemencée avec un inoculum des souches à
étudier. Après incubation, la CMI de chaque souche est déterminée par l'inhibition de la
croissance sur le milieu contenant la plus faible concentration d'antibiotique.
La méthode de dilution en milieu gélosé, réalisée avec une gamme de concentrations en
progression géométrique de raison 2 est la méthode de référence.
Figure 1bis : Détermination de la CMI par dilution en milieu gélosé.
Une boîte de Petri permet de tester jusqu’à 30 souches différentes. Dans l'exemple présenté
ci-dessus, le nombre de souches est limité à quatre.
La CMI de la souche 3 vis-à-vis de l'antibiotique incorporé à la gélose est de 1µg/mL. La
CMI de la souche 2 est de 2 µg/mL. Les déterminations des CMI des souches 1 et 4
nécessiteraient de tester des concentrations plus fortes en antibiotique.
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Les techniques de dilution en milieu gélosé permettent également de mesurer la
concentration inhibitrice 99% (concentration qui inhibe la croissance de 99% des cellules
d'une souche bactérienne) ou la concentration inhibitrice 50% (concentration qui inhibe la
croissance de 50% des cellules d'une souche bactérienne). Les déterminations des
concentrations inhibitrices 99% et 50% sont plus précises que la détermination des CMI
puisque les écarts-types moyens sont respectivement de 0,3 log base 2 et de 0,07 log base 2
contre 0,7 log base 2 pour la CMI.
Dans la pratique courante, les méthodes de dilution sont de mise en œuvre délicate
et/ou onéreuses et elles sont réservées à des laboratoires spécialisés.
•
Méthodes de diffusion : antibiogramme standard
Les méthodes de diffusion ou antibiogrammes standards sont les plus utilisées par les
laboratoires de diagnostic.
Des disques de papier buvard, imprégnés des antibiotiques à tester, sont déposés à la
surface d'un milieu gélosé, préalablement ensemencé avec une culture pure de la souche à
étudier. Dès l'application des disques, les antibiotiques diffusent de manière uniforme si bien
que leurs concentrations sont inversement proportionnelles à la distance du disque. Après
incubation, les disques s'entourent de zones d'inhibition circulaires correspondant à une
absence de culture. Lorsque la technique est parfaitement standardisée, les diamètres des
zones d'inhibition dépendent uniquement de la sensibilité du germe.
À la limite des zones d'inhibition, il existe dans la gélose des concentrations
d'antibiotiques égales aux CMI. Les méthodes de diffusion ne permettent pas de chiffrer
directement ces valeurs. Toutefois, il existe une relation simple entre les diamètres des zones
d'inhibition et les log base 2 des CMI mesurées par les techniques de dilution. Ces relations,
appelées droites de concordance ou droites de régression (figure 2), ont été établies par des
laboratoires spécialisés travaillant dans des conditions standardisées. À condition de respecter
un protocole identique, ces courbes sont utilisables par un laboratoire de diagnostic. En
théorie, les mesures des diamètres des zones d'inhibition et leurs reports sur les courbes de
concordance donnent les valeurs des CMI en µg/mL. Dans la pratique, les résultats de la
technique des disques doivent être considérés comme uniquement qualitatifs en raison de la
variabilité expérimentale des diamètres et de l'erreur sur les valeurs de la pente et de
l'ordonnée à l'origine des droites de régression.
Ces droites de concordance sont tracées expérimentalement à l'aide de nombreuses
souches. En général, on utilise un minimum de 100 souches appartenant au moins à quatre
genres bactériens différents.
Une droite de concordance n'est valable que pour un disque contenant une quantité
déterminée d'un antibiotique donné.
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Figure 2 : Droite de concordance établie pour l'amoxicilline avec un disque chargé à 25 µg.
V.1.3 Standardisation
La fiabilité des résultats d'un antibiogramme est influencée par de nombreux
paramètres qui doivent être rigoureusement contrôlés. La standardisation est régie par des
documents émanant de l'O.M.S. et des divers comités nationaux (pour la France, le Comité de
l'Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie). Selon les pays, il peut exister des
variations techniques et il est important de respecter une technique identique à celle utilisée
pour l'établissement des courbes de concordance.
Parmi les principales recommandations, on peut citer les points suivants :
Ø
Le milieu de culture doit permettre la croissance de nombreuses bactéries et il
ne doit pas contenir d'inhibiteurs des antibiotiques. Le milieu retenu pour la
majorité des espèces bactériennes est celui de Mueller-Hinton.
La gélose de Mueller-Hinton est enrichie de 5% de sang de mouton pour les streptocoques et
les campylobactéries, de 10% de sang de cheval pour Helicobacter pylori ou de 5 % de sang
de cheval hémolysé pour l'étude de la sensibilité des streptocoques vis-à-vis du
cotrimoxazole.
Pour Haemophilus influenzae et Neisseria gonorrhoeae, le milieu de Mueller-Hinton est
remplacé par une gélose chocolat PolyVitex® et pour les bactéries anaérobies par une gélose
Wilkins Chalgren additionnée de 5% de sang de mouton (ou une gélose Brucella contenant 1
mg/L de vitamine K1 et 5% de sang).
Dans le cas particulier de la recherche de la résistance à la méticilline de Staphylococcus
aureus subspecies aureus, il est possible d'utiliser un milieu de Mueller-Hinton hypersalé.
Ø
Les teneurs en calcium et en magnésium doivent être contrôlées, car des
concentrations trop élevées inhibent l'action des aminosides (réduction de la fixation sur la
membrane externe de certaines bactéries à Gram négatif), des tétracyclines (chélation) et des
polymyxines.
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Ø
La teneur en thymidine doit être fixe, car elle nuit à l'activité des sulfamides.
Ø
Le pH influence l'activité de plusieurs antibiotiques (les aminosides et les
macrolides sont plus actifs en milieu alcalin, alors que les tétracyclines sont plus actives en
milieu acide) et il doit être compris entre 7,2 et 7,4 (valeur qui permet une bonne croissance
bactérienne et qui réalise un compromis pour l'activité des antibiotiques).
Ø
Pour les méthodes de diffusion, la source d'antibiotique est en fait constituée
par le disque et le cylindre de gélose sous-jacente. L'épaisseur de la gélose va donc
conditionner la concentration de la source d'antibiotique et elle doit être de 4 mm.
Ø
Les antibiotiques, ainsi que les disques doivent être standardisés. Cette
standardisation est effectuée par les fabricants et le laboratoire a pour unique responsabilité de
stocker les disques dans des conditions optimales et de ne pas utiliser des disques périmés.
Avant utilisation, les disques doivent être amenés à température ambiante. Toute cartouche
ouverte doit être utilisée dans les cinq jours.
Ø
La densité de l'inoculum bactérien est un élément primordial et elle doit être
ajustée à l'aide d'un photomètre ou par comparaison avec un étalon d'opacité (échelle de
McFarland).
En France, l'antibiogramme par diffusion est réalisé avec une suspension contenant environ
106 bactéries par mL. Pour certaines bactéries, l'inoculum doit être plus important : 107
bactéries par mL pour les streptocoques, 108 pour Neisseria gonorrhoeae et 109 pour
Helicobacter pylori.
Pour les méthodes de dilution en milieu gélosé, les spots doivent renfermer environ 104
bactéries et ce nombre est porté à 105 pour les Campylobacter ou pour les bactéries anaérobies
et à 106 pour Neisseria gonorrhoeae.
Ø
Une phase de pré-diffusion des antibiotiques peut conduire à l'obtention de
zones d'inhibition plus importantes. Selon les pays, une pré-diffusion est ou non préconisée.
En France, la technique du "Comité de l'Antibiogramme de la SFM" ne prévoit pas de prédiffusion.
La température et la durée d'incubation doivent être fixes. Pour la majorité des
bactéries l'incubation est effectuée à 35-37 °C durant 18-24 heures dans une
atmosphère normale.
Pour les streptocoques, Neisseria meningitidis et Neisseria gonorrhoeae, l'incubation est
réalisée dans une atmosphère contenant 5% de dioxyde de carbone.
Pour les Campylobacter l'incubation est effectuée en micro-aérophilie ou en anaérobiose.
La durée de l'incubation, effectuée dans une atmosphère dépourvue d'oxygène, est portée à 48
heures pour les bactéries anaérobies et à 72 heures (dans une atmosphère micro-aérophile)
pour Helicobacter pylori.
Ø
Dans le cas particulier de la recherche de la résistance à la méticilline de Staphylococcus
aureus subspecies aureus, il est possible d'utiliser soit une gélose de Mueller-Hinton
hypersalée incubée à 37 °C, soit une gélose de Mueller-Hinton incubée à 30 °C. Dans ce
dernier cas, la durée de l'incubation peut être de 48 heures.
Ø
La technique doit être régulièrement contrôlée avec des souches de référence.
Les souches les plus couramment utilisées sont la souche ATCC 25922 (= CIP 76.24 = DSM
1103 = NCIB 12210 = JCM 5491) de Escherichia coli, la souche ATCC 27853 ( = CIP
76.110 = DSM 1117 = LMG 6395) de Pseudomonas aeruginosa et la souche ATCC 25923 (=
CIP 76.25 = DSM 1104 = JCM 2413 = NCTC 12981) de Staphylococcus aureus subspecies
aureus.
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La mise en place d'un contrôle de qualité interne a fait l'objet de recommandations de
la part du Comité de l'Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie.
Lors de sa première mise en œuvre par un laboratoire, la technique de diffusion doit être
réalisée quotidiennement 8 à 10 jours de suite afin de la maîtriser, avec les souches de
référence et les antibiotiques suivants : pénicilline G, oxacilline, amoxicilline,
amoxicilline/acide clavulanique, ticarcilline, pipéracilline, céfalotine, céfotaxime,
ceftazidime, imipénème, gentamicine, tobramycine, amikacine, acide nalidixique,
péfloxacine, ciprofloxacine, triméthoprime/sulfaméthoxazole, érythromycine, lincomycine,
pristinamycine, rifampicine, acide fusidique, fosfomycine, colistine, vancomycine et
teicoplanine.
Le maintien de la qualité est ensuite vérifié au minimum une fois par mois. Si des
résultats corrects ne sont pas obtenus, des mesures correctives sont mises en place, impliquant
alors de revenir à la première étape du contrôle de qualité.
V.1.4 Résultats
•
Expression des résultats (figure 3)
En pratique, les laboratoires ne disposent pas des courbes de concordance, mais de
bandelettes de lecture sur lesquelles sont reportés les diamètres correspondant aux
concentrations critiques. Si le diamètre mesuré est inférieur au diamètre correspondant à la
concentration critique supérieure, la souche est résistante. Si le diamètre mesuré est supérieur
au diamètre correspondant à la concentration critique inférieure, la souche est sensible. Si le
diamètre mesuré est compris entre les diamètres correspondant aux deux concentrations
critiques, la souche est de sensibilité intermédiaire.
Figure 3 : Bandelettes de lecture.
Les résultats quantitatifs (CMI en mg/L) sont le plus souvent interprétés par les
laboratoires en terme de possibilité thérapeutique. Cette interprétation consiste à comparer les
valeurs des CMI avec les concentrations critiques établies pour chaque antibiotique.
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•
Lecture interprétative de l'antibiogramme
La lecture interprétative de l'antibiogramme est fondée sur la connaissance des
phénotypes de résistance. Elle a pour principal but de transformer un résultat catégorisé
"sensible" en un résultat "intermédiaire" ou "résistant" en raison d'un risque d'échec
thérapeutique. La lecture interprétative nécessite une identification correcte de la souche et
une méthode d'antibiogramme parfaitement standardisée. La mise en évidence de phénoypes
de résistance hautement improbables compte tenu de l'identification de la souche doit
conduire à vérifier l'identification bactérienne, à contrôler la pureté de l'inoculum et à
contrôler la technique de l'antibiogramme.
Actuellement, il existe des systèmes informatisés d’aide à la validation des résultats :
les systèmes experts qui permettent la recherche de résultats anormaux. Ce contrôle de
validation vise à :
-
Vérifier la cohérence germe/antibiogramme
-
Détecter les phénotypes de résistance impossibles
-
Détecter l’absence d’une résistance associée
-
A reconnaître des phénotypes anormaux pouvant correspondre à de nouvelles
modalités de résistance.
Rq : Généralisation des résultats à des antibiotiques non testés :
Le choix des antibiotiques testés repose avant tout sur l'identification du germe et sur la
connaissance de sa résistance naturelle. Ce choix dépend également du site de l'infection.
Parmi les antibiotiques susceptibles d'être utilisés en thérapeutique, toutes les molécules ne
sont pas prises en compte. En effet, la connaissance des familles d'antibiotiques et des
mécanismes de résistance croisée permet de ne faire figurer dans l'antibiogramme qu'un
nombre restreint de molécules représentatives.
V.1.5 Autres techniques
•
Technique en milieu gélosé : le Etest®
La détermination précise de la CMI par la méthode de référence est difficilement
utilisable en pratique quotidienne. La commercialisation d'une technique rapide et simple, le
Etest® (AB Biodisk) permet à un laboratoire une estimation indirecte de la CMI, tirée de la
CID (figure 4).
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Figure 4 : Le Etest®.
Le Etest® permet de déterminer la CMI grâce à l'utilisation de bandelettes imprégnées d'un
gradient exponentiel continu de l'antibiotique à tester. Ce gradient couvre une zone qui, en
fonction des molécules, va de 0,016 à 256 mg/L ou de 0,002 à 32 mg/L. Le Etest® associe les
caractéristiques des méthodes de diffusion et de dilution en milieu solide. Les bandelettes
(supports inertes, hydrophobes, de 5 mm de largeur et de 50 mm de longueur) sont appliquées
sur la surface d'un milieu gélosé préalablement ensemencé avec un inoculum de la souche à
étudier. Après incubation, l'inhibition de la croissance se traduit par une ellipse d'inhibition
dont les points d'intersection avec la bandelette définissent la CMI. Une échelle de lecture,
imprimé sur la bandelette, permet une interprétation rapide.
Le milieu de culture (Mueller-Hinton ou milieux plus adaptés pour les bactéries à croissance
lente et pour les anaérobies) est ensemencé par la technique de Kirby-Bauer, soit par
inondation, soit par écouvillonnage (l’écouvillonnage permet de mieux fixer les bactéries à la
gélose). La technique de Kirby-Bauer est conseillée pour les bactéries à croissance lente et
pour les anaérobies. L'inoculum doit être standardisé et les boîtes doivent être parfaitement
séchées avant le dépôt des bandelettes. Ce dépôt est un temps délicat, il est impératif de ne pas
déplacer les bandelettes sur la surface de la gélose, car l'antibiotique diffuse dans le milieu en
quelques secondes.
Lorsque la zone d'inhibition est nette et parfaitement symétrique, la lecture ne pose
aucun problème. Dans tous les autres cas, une interprétation est nécessaire :
- Une zone de décrochage (dip) dans la zone de lecture impose de lire la CMI en
extrapolant la courbe de l'ellipse ;
- La présence de colonies "squatter" doit être analysée (résistance hétérogène,
émergence de mutants résistants, mélange bactérien) ;
- La présence d'une croissance en ligne le long de la bandelette n'est pas prise en compte
et résulte certainement d'un séchage insuffisant de la surface du milieu ;
L’antibiogramme
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-
Une asymétrie des points d'intersection de l'ellipse avec la bandelette conduit à lire la
CMI au niveau le plus élevé.
•
Cas particulier des mycobactéries
Une fois la mycobactérie isolée, il faut compter 3 à 4 semaines pour obtenir la réponse
de l’antibiogramme. Les techniques utilisées sont particulières à ce type de bactéries.
-
Méthode des proportions
La détermination de la sensibilité n’est pas fondée sur la détermination des CMI. On
considère les souches sensibles si, pour une concentration donnée d’antibiotique, la
population ne comporte une proportion trop importante de mutants résistants, définie pour
chaque antibiotique et chaque concentration (proportion critique).
Elle consiste à répartir des quantités égales d’inoculum bactérien sur des milieux contenant les
antibiotiques à tester (Milieux Lowenstein-Jensen, Middlebrook 7H10 ou 7H11). On
ensemence 0,1 mL des dilutions 10-2 à 10 -5 sur des milieux de contrôle tandis que 0,1 mL des
dilutions 10-2 et 10-4 est réparti en parallèle sur des milieux contenant des concentrations
critiques des antibiotiques à tester. La proportion de bactéries résistantes à une concentration
donnée est déterminée par comparaison du nombre de bactéries viables qui se sont
développées à celui obtenu sur les boites contrôle après 4 semaines. Pour chaque antibiotique,
un pourcentage de résistance est toléré pour déterminer si la souche est S ou R. Ce
pourcentage est appelé « proportion critique » et varie selon le milieu utilisé et l’antibiotique.
-
Méthode radiométrique
Dans cette méthode les bactéries métabolisent l’acide palmitique marqué au carbone
14 en bouillon Middlebrook 7H12. La croissance bactérienne est évaluée chaque jour par la
mesure du 14C-CO2 libéré dans le milieu et capturé par un détecteur qui exprime ensuite un
indice de croissance variant de 1 à 999.
V.1.6 Limites de l'antibiogramme
•
Limites techniques
La réalisation d'un antibiogramme est soumise au respect de conditions techniques qui
sont parfois incomplètement et insuffisamment respectées.
Un antibiogramme doit obligatoirement être effectué sur une culture pure et identifiée.
Cette dernière condition permet d'ajuster la densité de l'inoculum, de choisir judicieusement
les
antibiotiques
à
tester
et
de
pratiquer
une
lecture
interprétative.
Un antibiogramme réalisé de manière non standardisée et sur un mélange de germes non
identifiés est dépourvu de sens.
Tout laboratoire devrait vérifier la validité de sa technique en testant, au moins une
fois par mois, la sensibilité des souches de référence et vérifier que les diamètres des zones
d'inhibition obtenues vis-à-vis des divers antibiotiques sont conformes aux valeurs publiées
par le Comité de l'Antibiogramme.
Les techniques de l'antibiogramme ont été standardisées uniquement pour les bactéries
cultivant rapidement sur milieux usuels. Lorsque la souche isolée ne rentre pas dans ce cadre,
l'interprétation est parfois délicate :
L’antibiogramme
DES bactério / été 2003
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Ø Les bactéries appartenant aux genres Haemophilus, Brucella, Pasteurella,
Campylobacter, Nocardia... requièrent l'emploi de milieux et de conditions de
culture adaptés à leurs exigences de croissance. D'une manière générale, on
considère que la résistance est sans ambiguïté, mais que la sensibilité n'est
qu'apparente et devrait être confirmée par des techniques de dilution ;
Ø En raison de la petite taille des colonies et de la durée d'incubation souvent longue,
la méthode de diffusion en milieu gélosé est inadaptée pour les mycoplasmes.
Ø Les espèces des genres Chlamydia, Rickettsia... sont des parasites intracellulaires
obligatoires et l'étude de leur sensibilité aux antibiotiques nécessite le recours à des
techniques particulières rarement effectuées en routine.
Ø L'antibiogramme ne permet pas de déterminer la sensibilité des mycobactéries à
croissance lente et pour les espèces à croissance rapide, on doit avoir recours à des
méthodes de dilution (E-Test possible aussi).
Ø Les techniques de diffusion appliquées aux anaérobies ont été critiquées, car elles
ne peuvent être appliquées ni à toutes les espèces ni à tous les antibiotiques. Elles
sont peu reproductibles et les résultats diffèrent souvent de ceux obtenus par
dilution. Ces techniques sont cependant utilisées pour détecter des résistances
inhabituelles : résistance au métronidazole ou aux associations bêta-lactamines inhibiteurs des bêta-lactamases chez Bacteroides fragilis ; résistance à la
pénicilline chez les clostridies.
La technique des disques s'applique mal à l'évaluation de la sensibilité à des molécules
qui diffusent peu dans la gélose, ce qui est le cas des polymyxines ou des glycopeptides et
toute résistance devrait être confirmée par la mesure de la CMI.
•
Limites dans l'interprétation des résultats
Ø Incertitude sur l'étiologie de l'infection
L'antibiogramme ne peut apporter une aide que dans la mesure où il est effectué sur la
bactérie véritablement responsable de l'infection. Parmi les bactéries isolées d'un prélèvement,
le laboratoire doit faire un choix et n'effectuer l'antibiogramme que sur l'espèce ou les espèces
susceptibles de jouer un rôle étiologique. Ce choix n'est possible que dans la mesure où le
bactériologiste possède des connaissances en pathologie infectieuse.
Ø Évaluation de l'intensité d'action d'un antibiotique
L'antibiogramme ne renseigne que sur l'activité bactériostatique. L'étude du pouvoir
bactéricide d'un antibiotique sur la souche isolée nécessite d'autres tests.
Ø Association d'antibiotiques
D'une manière générale, l'antibiogramme ne permet pas la mise en évidence des
interactions éventuelles entre deux agents antimicrobiens et l'étude des synergies ou
antagonismes nécessite des tests complémentaires.
L’antibiogramme
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Aminosides (entérobactéries)
L'observation des phénotypes gentamicine "résistant", tobramycine "sensible", nétilmicine
"résistant" et amikacine "sensible" ou gentamicine "sensible", tobramycine "résistant", nétilmicine
"résistant" et amikacine "sensible" ou gentamicine "sensible", tobramycine "sensible", nétilmicine
"résistant" et amikacine "résistant" ou gentamicine "sensible", tobramycine "résistant",
nétilmicine "sensible" et amikacine "résistant" doivent conduire à vérifier l'identification et
l'antibiogramme car de tels phénotypes sont improbables.
Aminosides (entérocoques, Streptococcus sp. à l'exception de Streptococcus pneumoniae)
Seuls des disques fortement chargés en streptomycine, kanamycine et gentamicine doivent être
utilisés pour les entérocoques et pour les streptocoques, car ces bactéries sont naturellement
résistantes à bas niveau vis-à-vis des aminosides. Ils permettent de détecter une résistance acquise
de haut niveau qui abolit l'effet synergique bactéricide de l'association des aminosides concernés
avec les pénicillines. Les autres aminosides restent utilisables en association.
Diamètre supérieur ou égal à 14 mm pour la streptomycine ou la kanamycine, diamètre supérieur
ou égal à 17 mm pour la gentamicine : synergie possible avec les pénicillines en cas de sensibilité
à ces antibiotiques.
Diamètre inférieur à 12 mm pour la streptomycine : la streptomycine ne peut être utilisée.
Diamètre inférieur à 10 mm pour la kanamycine : la kanamycine, l'amikacine et l'isépamycine ne
peuvent être utilisés.
Diamètre inférieur à 11 mm pour la gentamicine : la gentamicine, la kanamycine, la tobramycine,
la dibékacine, l'amikacine, la sisomycine, la nétilmicine et l'isépamicine ne peuvent être utilisés.
Aminosides (Providencia sp.)
Les résultats gentamicine "sensible", tobramycine "sensible" et nétilmicine "sensible" doivent être
interprétés comme "intermédiaires" (résistance naturelle).
Ampicilline (entérobactéries)
Interprétation valable pour la bacampicilline, la métampicilline et la pivampicilline.
Ampicilline (entérocoques)
La sensibilité des entérocoques aux pénicillines est appréciée à l'aide d'un disque d'ampicilline
chargé à 10 µg. Pour Enterococcus faecalis, l'interprétation est valable pour la pénicilline G,
l'amoxicilline, la pipéracilline et l'imipénème.
Le traitement des infections sévères dues à des souches de Enterococcus sp. ampicilline S/I
nécessite des doses élevées d'une pénicilline associée à un aminoglycoside pour obtenir une
activité bactéricide.
Amoxycilline + acide clavulanique
L'observation d'un phénotype amoxicilline "sensible" et amoxicilline + acide clavulanique
"résistant" révèle une mauvaise conservation des disques d'antibiotique.
Céfalotine (entérobactéries)
Réponse valable pour toutes les céphalosporines de première génération.
Chloramphénicol (Acinetobacter sp., entérobactéries, entérocoques,
aeruginosa, staphylocoques, Stenotrophomonas maltophilia, streptocoques)
Réponse valable pour le thiamphénicol.
Pseudomonas
Clindamycine (anaérobies)
L’antibiogramme
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La lecture doit être effectuée après 48 heures d'incubation car après 24 heures d'incubation les
souches peuvent apparaître faussement sensibles.
Colistine
Réponse valable pour les autres polymyxines.
Colistine (Proteus sp., Providencia sp., Serratia sp.)
L'observation d'un phénotype colistine "sensible" doit conduire à vérifier l'identification et
l'antibiogramme, car un tel phénotype est improbable.
Érythromycine (entérocoques, staphylocoques, streptocoques)
Réponse valable pour l'azithromycine, la clarithromycine, la dirithromycine et la roxithromycine.
Gentamicine (staphylocoques)
Interprétation valable pour la nétilimicine. Les souches résistantes à la gentamicine sont
résistantes à l'ensemble des aminoglycosides (sauf streptomycine).
Kanamycine (entérobactéries)
Réponse valable pour la néomycine, la framycétine et la paromomycine.
Kanamycine (staphylocoques)
Interprétation valable pour la néomycine, la framycétine, la paromomycine, l'amikacine et
l'isépamycine.
Métronidazole (anaérobies)
Réponse valable pour l’ornidazole. Certaines souches apparaissent faussement résistantes si
l'anaérobiose n'est pas correcte.
Oxacilline (staphylocoques)
Les souches résistantes à l’oxacilline (résistance homogène ou résistance hétérogène) doivent être
considérées comme résistantes à toutes les pénicillines (associées ou non à un inhibiteur des bêtalactamases), aux céphalosporines et aux carbapénèmes, même s’il existe une sensibilité apparente
in vitro.
Les souches pénicillines résistantes - oxacilline sensibles sont sensibles aux associations
pénicilline - inhibiteur de bêta-lactamase, aux céphalosporines et aux carbapénèmes. Il n'est pas
utile de tester ces molécules en routine.
Le test doit être effectué dans des conditions permettant la détection de la résistance hétérogène :
milieu de Mueller-Hinton hypersalé incubé à 37 °C ou milieu de Mueller-Hinton incubé à 30 °C.
La résistance hétérogène se traduit par la présence de microcolonies dans la zone d'inhibition.
Pénicilline G (staphylocoques)
La résistance à la pénicilline G par production de pénicillinase se traduit par la présence de
grosses colonies en bordure de la zone d'inhibition ainsi que par l'éventuelle présence de colonies
"squatters" dans la zone d'inhibition. La réponse "résistant" est valable pour la pénicilline G et
pour les autres pénicillines sensibles aux pénicillinases (pénicilline V, aminopénicillines,
carboxypénicillines, uréidopénicillines). Seule la pénicilline G doit être testée et lorsque le
diamètre correspond à une souche sensible, l'absence de production de pénicillinase devrait être
recherchée.
L’antibiogramme
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Pénicilline G (streptocoques sauf Streptococcus pneumoniae)
La sensibilité des streptocoques à la pénicilline G est appréciée avec un disque d'oxacilline chargé
à 5 µg. Si le diamètre est supérieur ou égal à 21 mm la souche est sensible à la pénicilline G et
cette interprétation est valable pour les autres bêta-lactamines incluant les streptocoques dans leur
spectre. Si le diamètre est inférieur à 21 mm la souches est résistante ou de sensibilité
intermédiaire à la pénicilline G. Devant toute souche dont le diamètre est inférieur à 21 mm, il y a
lieu de déterminer la CMI de l'ampicilline, de l'amoxicilline ou du céfotaxime.
Quinolone de première génération (entérobactéries)
Réponse valable pour toutes les quinolones de première génération.
Spiramycine (staphylocoques)
Interprétation valable pour la josamycine et la midécamycine.
Tétracycline (entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas aeruginosa, staphylocoques,
streptocoques)
Réponse valable pour l'oxytétracycline et la doxycycline.
Tétracyclines (coques à Gram positif)
L'observation d'un phénotype tétracycline "sensible" et minocycline "résistant" doit conduire à
vérifier l'identification et l'antibiogramme car un tel phénotype est improbable.
Triméthoprime-sulfaméthoxazole
Réponse valable pour les autres associations triméthoprime-sulfamide.
Il existe toutefois deux cas particuliers où l'antibiogramme est apte à donner des
indications sur les associations :
o La résistance aux macrolides, lincosamides et streptogramines (résistance MLS),
par synthèse d'une méthylase inductible, peut être détectée en plaçant un disque
d'érythromycine en regard d'un disque de lincomycine. L'érythromycine déclenche
la synthèse de la méthylase inductible et une image d'antagonisme est visible en
face du disque de lincomycine.
o Un disque unique est utilisé pour les associations bêta-lactamine-inhibiteurs des
bêta-lactamases ou pour les associations triméthoprime-sulfamides.
Ø Cas particulier des streptocoques et des entérocoques
La détermination de la sensibilité des streptocoques et des entérocoques aux
aminosides permet au clinicien de prédire l'effet d'une association aminoside-bêta-lactamine.
Les streptocoques et les entérocoques sont naturellement résistants à de faibles concentrations
d'aminosides, car ces antibiotiques pénètrent difficilement dans le cytoplasme. L'association
avec une bêta-lactamine qui altère la biosynthèse de la paroi facilite la pénétration. Cette
association est cependant inefficace si la souche de streptocoques ou d'entérocoques a acquis
une résistance aux aminosides par mutation ou par synthèse d'enzymes altérant l'antibiotique.
Ce haut niveau de résistance est détecté en utilisant des disques fortement chargés en
streptomycine, en gentamicine ou en kanamycine.
En pratique, la réponse streptocoque ou entérocoque résistant à un aminoside signifie
que son association avec une bêta-lactamine n'est pas souhaitable. Inversement, la réponse
L’antibiogramme
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sensible signifie que l'aminoside pourra être utilisé, mais uniquement en association avec une
bêta-lactamine et à condition que la souche soit sensible aux bêta-lactamines.
Ø Absence de parallélisme entre les situations in vitro et in vivo.
L'antibiogramme ne peut prédire le comportement d'un antibiotique in vivo. Celui-ci
est fonction de multiples facteurs :
o Choix d'un schéma posologique ;
o Diffusion au site de l'infection ;
o Pénétration dans les cellules ce qui est important à considérer pour les infections
dues aux bactéries intracellulaires (les antibiotiques pénétrant bien dans les cellules
sont les tétracyclines, le chloramphénicol, la rifampicine) ;
o Influence des facteurs physiologiques ou pathologiques sur la pharmacocinétique
de l'antibiotique ;
o Transformation de la molécule in vivo ;
o Inactivation de l'antibiotique par chélation (tétracyclines) ou par fixation sur des
débris cellulaires (polymyxines) ;
o Effets du pH (les aminosides sont inactifs à pH acide) ;
o Etat physiologique de la bactérie au sein du foyer infectieux (les bactéries « au
repos » sont insensibles aux antibiotiques qui interfèrent avec la biosynthèse du
peptidoglycane et il en va de même pour les formes L qui sont des mutants
dépourvus de paroi) ;
o Émergence d'une résistance au cours du traitement ;
o Effets de l'antibiotique à concentration sub-inhibitrice sur le pouvoir pathogène
(les quinolones et les tétracyclines inhibent, au moins partiellement, la synthèse
des facteurs d'adhésion et une concentration insuffisante pour inhiber la croissance
peut avoir une certaine efficacité in vivo).
V.2 Autres méthodes
V.2.1 Recherche des bêta-lactamases
Les enzymes inactivant les bêta-lactamines peuvent être détectées par une méthode
chromogénique :
Le principe repose sur l'utilisation d'une céphalosporine changeant de coloration après
hydrolyse. La molécule la plus utilisée est la nitrocéfine qui, après action d'une bêtalactamase, vire du jaune au rouge. Des disques de papier imprégnés de nitrocéfine sont
commercialisés : Test Céfinase.
V.2.2 Recherche de la méticilino-résistance chez les staphylocoques
Dans les conditions standard de l’antibiogramme, seule une fraction de la population
exprime la résistance aux pénicillines M. seules des conditions plus drastiques (incubation à
30°C ; milieu MH hyper salé) permettent une meilleure expression de la résistance. On
dépose un disque d’oxacilline à la surface du milieu. La lecture se fait à 24 puis 48H. Une
résistance hétérogène se manifeste par la présence de colonies de taille variable autour du
disque. La forte présence de SARM en milieu hospitalier rend leur recherche indispensable.
L’antibiogramme
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V.2.3 Recherche des bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE)
La technique par diffusion est également utilisée dans le cadre de la recherche de
Bêtalactamase à Spectre Etendu (BLSE). Pour cela on dispose sur la surface d'une gélose des
disques de ceftazidime (et/ou de cefotaxime, et/ou de céfépime, et/ou de cefpodoxime, et/ou
d'aztréonam) et d'amoxicilline-acide clavulanique à 3cm l'un de l'autre.Les BLSE sont des
Bêtalactamases et sont donc inhibées par l'acide clavulanique. On observe alors une synergie
d'action entre les deux antibiotiques, appelée "bouchon de champagne". En cas de présence de
BLSE, on rendra sur l'antibiogramme sensibilité intermédiaire aux C3G et à l'aztréonam.
Cette technique permet de différencier une bactérie hyper productrice de céphalosporinase
d'une bactérie produisant une BLSE dans la famille des Entérobactéries par exemple.
V.2.4 Apport de la biologie moléculaire
Se référer pour ce chapitre à l’exposé
« BIOLOGIE MOLECULAIRE EN ROUTINE AU LABORATOIRE DE
BACTERIOLOGIE » DES BACTERIOLOGIE semestre hiver 2002/2003
disponible sur le site.
VI. Cas particulier de l’antibiogramme automatisé
L’automatisation de l’antibiogramme s’est développée pour pallier aux inconvénients
de cette technique manuelle, manquant de standardisation et dont la réalisation est lente.
Actuellement, ce terme est utilisé pour désigner des appareils effectuant la lecture et
l’interprétation de tests faits manuellement. Ces appareils fonctionnent selon 2 grands
principes :
- Ils miment les tests conventionnels d’étude de la sensibilité des bactéries aux
antibiotiques (technique la plus courante : dilution en milieu liquide en plaque de
microtitration avec lecture en point fixe par un photomètre)
-
Ou bien ils comparent la croissance d’un témoin à celle observée en présence
d’une ou plusieurs concentrations d’antibiotiques.
Les systèmes étudient la croissance bactérienne soit en présence d’une seule
concentration d’antibiotique (concentration permettant de discriminer les bactéries
sensibles des bactéries résistantes) soit en effectuant une analyse cinétique de la
croissance.
L’antibiogramme
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Les méthodes d’étude de la croissance des bactéries font appel à des méthodes optiques
directes :
-
Analyse de l’image recueillie par une caméra ;
-
Turbidimètrie (D.O. d’une suspension proportionnelle à la masse des particules en
suspension) ;
-
Néphélémétrie (mesure de la lumière diffractée). En règle générale, la
néphélémétrie a une sensibilité supérieure mais un domaine de linéarité plus étroit
que la turbidimètrie.
La plupart des instruments utilisés ne détectent un trouble que si la densité
bactérienne atteint au mieux 107 bactéries/mL (la turbidimètrie nécessite elle 108 à
109 bactéries/mL).
L’équipement maximum et représenté par :
- Un dispositif optique permettant la standardisation de l’inoculum ;
- Un système de répartition de l’inoculum
- Un incubateur
- Un dispositif de lecture des tests
- Un système informatique qui effectue l’interprétation des résultats
- Des extensions éventuelles : identification, système expert.
Exemples d’automates utilisés dans les laboratoires de bactériologie locaux :
Nom
Système ATB
Expression Biomérieux
Vitek IBiomérieux
Phoenix –
Becton
Dickinson
Principe
1 ou 2 concentrations
d’ATB
Lecture en point fixe
Turbidimétrie
Analyse cinétique
Photométrie
Antibiogramme pour
Entérobactéries, nonfermentants,
staphylocoques,
entérocoques, strepto B,
pneumocoques
Lecture en point fixe sur
5 points de gamme en
moyenne
Colorimétrie
Délai
24 ou 4h
Extension
Identification
Système expert
4h-18h
Identification
6h-11h
Identification
Système expert
Utilisateurs
HEH
X ROUSSE
CARDIO
CHLS
CLB
BELLEVUE
CHLS
CLB
HEH
X ROUSSE
CARDIO
Lecteur automatisé : Sirscan – i2a
Automatisation de la lecture des antibiogrammes réalisés en gélose.
Lecture en 18 à 24h.
L’antibiogramme
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VII. Conclusion
L’antibiogramme a pour but de prédire la sensibilité d’un germe à un ou plusieurs
antibiotiques dans le but d’adapter au mieux l’antibiothérapie dans un contexte infectieux.
Cette étude a lieu in vitro et il convient de considérer d’autres caractéristiques des
antibiotiques, pharmacocinétiques par exemple, afin de d’avoir le maximum de chances de
guérison pour le malade.
Les techniques de réalisation des antibiogrammes n’ont cessé d’évoluer depuis une
vingtaine d’années avec les progrès de l’automatisation. Ceci a permis de diminuer les temps
d’attente dans une optique d’optimisation de la qualité des soins, mais également de
standardiser au mieux les antibiogrammes. Toutefois, les anciennes techniques n’ont pas
disparu, car les techniques automatisées ne sont pas parfaites : les bactéries anaérobies et à
croissance lente poussent mal dans le cadre de techniques en milieux liquides. Ceci tend à
prouver qu’un laboratoire de bactériologie devrait posséder deux techniques pour réaliser les
antibiogrammes : une automatique (choix d’un automate parmi ceux sur le marché) et une
manuelle, afin d’obtenir une complémentarité maximale entre ces techniques.
Bibliographie
« Manuel de bactériologie clinique » 2e édition – volume 1
HANSEN W. Editions Elsevier – p. 413-464.
FRENEY J. RENAUD F.
« Précis de bactériologie clinique » FRENEY J. RENAUD F. HANSEN W. BOLLET C.
Editions ESKA Février 2000 - p.709-714 ; p.1071-1095.
« De l’antibiogramme à la prescription » JEHL F. CHOMARAT M. GERARD A. Editions
Biomérieux Février 2000.
Site internet : http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/atbq.sensibilite.htlm.
« Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie » - Communiqué
2003 – Edition de janvier 2003 – http://www.sfm.asso.fr
« Bactériologie médicale » - Sous la direction de Jean-Pierre FLANDROIS - Collection Azay
p.73-100.
L’antibiogramme
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ANNEXE : Épreuves de synergie
•
Introduction.
L'utilisation d'une association d'antibiotiques est justifiée dans quatre cas :
Ø Élargir le spectre d'activité dans les cas d'infections à germes multiples ;
Ø Traiter en urgence une infection grave non diagnostiquée ;
Ø Prévenir la sélection de mutants résistants lors des traitements de longue
durée ;
Ø Obtention d'un effet synergique.
La prévention de la sélection de mutants résistants (par exemple, lors d'infections à
mycobactéries ou à brucelles) et l'obtention d'un effet synergique avec, si possible, une action
bactéricide rapide constituent les raisons essentielles de l'utilisation d'une association. La plus
grande efficacité thérapeutique de certaines associations a été démontrée expérimentalement
et/ou confirmée par l'expérience clinique.
L'interaction de deux antibiotiques peut produire quatre effets principaux :
Ø Indifférence : l'activité d'un antibiotique n'a aucune influence sur l'activité de
l'autre ;
Ø Addition : l'effet de l'association est égal à la somme des effets produits par
chacun des antibiotiques pris isolément ;
Ø Synergie : l'effet de l'association est supérieur à la somme des effets produits
par chacun des antibiotiques pris isolément ;
Ø Antagonisme : l'effet de l'association est inférieur à la somme des effets
produits par chacun des antibiotiques pris isolément.
•
Mécanismes des associations synergiques
Ø Facilitation de la pénétration
La pénétration d'un antibiotique dans la bactérie peut être facilitée par une autre
molécule. Ce mécanisme est observé lors de l'association d'un antibiotique inhibant la
synthèse de la paroi avec un aminoside. Ainsi, les bêta-lactamines ou la vancomycine
facilitent la pénétration des aminosides en augmentant la perméabilité de la paroi. Cet effet
synergique a été démontré pour les entérocoques, les streptocoques, Staphylococcus aureus
subsp. aureus, Listeria monocytogenes, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, mais il
n'est pas constaté pour toutes les souches de ces espèces.
Ø Inhibition séquentielle d'une même voie métabolique
Les associations triméthoprime-sulfamides sont synergiques, car il y a inhibition
séquentielle de la dihydroptéroate synthétase et de la dihydrofolate réductase qui sont deux
enzymes impliquées dans la synthèse des folates.
Ø Inhibition de la synthèse de la paroi
Un effet synergique séquentiel se produit lors de l'association de la vancomycine avec
une bêta-lactamine. L'association de deux bêta-lactamines se fixant sur des PLP différentes
peut également avoir un effet synergique. Les PLP ou Protéines Liant les Pénicillines
constituent les cibles d'action des bêta-lactamines.
L’antibiogramme
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Ø Inhibition des bêta-lactamases
Une synergie par compétition d'affinité pour une bêta-lactamase peut être observée
lors de l'association pénicilline G (ou ampicilline) avec la cloxacilline.
L'association d'un inhibiteur des bêta-lactamases, tel que l'acide clavulanique, avec
l'amoxicilline permet à ce dernier antibiotique de conserver une efficacité sur des souches
productrices de certaines bêta-lactamases.
•
Mécanismes des associations antagonistes
Ø Association d'un antibiotique bactériostatique et d'une bêta-lactamine
Les antibiotiques bactériostatiques comme les tétracyclines, les macrolides ou les
phénicolés diminuent l'activité bactéricide des bêta-lactamines, car celles-ci ne sont actives
que sur les bactéries en phase de multiplication. Cet antagonisme a été démontré in vitro et in
vivo.
Ø Associations d'antibiotiques actifs sur la sous-unité 50 S des ribosomes
Les associations macrolides-chloramphénicol ou macrolides-lincosamides ou
macrolides-macrolides conduisent à une compétition pour la fixation sur la sous-unité 50 S
des ribosomes ce qui produit un effet antagoniste.
Ø Inhibition du transfert actif des aminosides
In vitro, l'association d'un aminoside avec un phénicolé ou une tétracycline inhibe le
mécanisme de transfert actif nécessaire à la pénétration de l'aminoside dans la cellule
bactérienne.
Ø Induction de bêta-lactamases
L'association de deux bêta-lactamines peut être antagoniste si l'une d'elles est
inductrice de bêta-lactamases. Exemples : associations pipéracilline-céfotaxime (ou
ceftazidime ou imipénème) ; associations céfoxitine-céfamandole (ou ceftazidime ou
carbénicilline).
•
Réalisation des épreuves de synergie
L'activité d'une association d'antibiotiques est variable en fonction des espèces
bactériennes et pour une même espèce selon les souches. En théorie, il est donc nécessaire de
vérifier l'activité de l'association envisagée sur chaque souche isolée. Il existe de nombreuses
méthodes pour étudier les effets d'une association, mais aucune d'elles n'est standardisée et
elles sont généralement de mise en œuvre complexe. Le choix d'une méthode dépend donc
des possibilités du laboratoire.
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Ø
Technique simplifiée utilisant une méthode de dilution en milieu liquide
(figure 5)
Figure5 : Schéma
triangulaire de
répartition (pour
quatre
antibiotiques)
A : Témoin inoculum
(de haut en bas) :
Inoculum pur
Dilué à 10-1
Dilué à 10-2
Dilué à 10-3
Dilué à 10-4
C : Antibiotiques associés (de haut en
bas)
. A + B : 0,01 % de survivants, synergie
. A + C : 0,01 % de survivants, synergie
B : Antibiotiques isolés (de haut en bas)
. A + D : 0,01 % de survivants, synergie
:
. B + C : 100 % de survivants,
. Antibiotique A : 0,1 % de survivants
antagonisme
. Antibiotique B : 1 % de survivants
. B + D : 0,1 % de survivants, synergie
. Antibiotique C : 1 % de survivants
(mais l'association est insuffisamment
. Antibiotique D : 10 % de survivants
bactéricide)
. C + D : 0,1 % de survivants, synergie
(mais l'association est insuffisamment
bactéricide)
Une même quantité de bouillon, ensemencé avec la souche bactérienne à étudier (106
bactéries / mL), est répartie dans une série de tubes disposés selon un "schéma triangulaire".
Dans chaque tube, l'adjonction de disques pour antibiogramme permet de réaliser les
concentrations désirées des antibiotiques à étudier, soit seuls, soit en associations. Ces
concentrations sont comprises dans les limites des concentrations sériques efficaces établis
pour chaque antibiotique. Après 24 heures d'incubation, chaque tube ne présentant pas de
culture visible sert à effectuer la numération des survivants réalisée en milieu gélosé. Le
pourcentage de germes survivants est déterminé par comparaison de la densité des colonies
avec un témoin inoculum.
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Ø Technique par diffusion
Deux techniques qualitatives permettent une évaluation, théoriquement simple, des
effets bactériostatiques des associations :
o Le placement rapproché de deux disques, à la surface d'un milieu gélosé,
permet de détecter les synergies ou les antagonismes les plus nets (figure 6).
Figure 5 Epreuve de
synergie
Avant d'effectuer le test d'association, on mesure le rayon de chacune des zones d'inhibition.
Dans le test proprement dit, la distance entre les disques sera égale ou légèrement supérieure à
la somme de ces rayons.
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o La disposition à angle droit de deux bandes de papier filtre imprégnées des
solutions d'antibiotique permet, après observation de l'angle formé par la
rencontre des deux zones d'inhibition, de déterminer l'effet de l'association
(figure 7).
Figure 7 : Disposition à
angle droit.
Ø Technique par diffusion avec transfert sur cellophane.
Deux bandes de papier filtre imprégnées d'une solution d'antibiotique sont disposées à
angle droit sur un milieu gélosé non ensemencé. Après diffusion des antibiotiques, les bandes
sont enlevées et on dispose sur la gélose une cellophane préalablement ensemencée avec la
souche bactérienne. Au cours de l'incubation, les bactéries se multiplient directement sur la
cellophane, sauf dans les endroits où les concentrations en antibiotiques inhibent la
croissance. Il est ainsi possible d'observer l'effet bactériostatique de l'association sur la souche
bactérienne. La cellophane est ensuite transférée sur une gélose dépourvue d'antibiotique et
après une nouvelle période d'incubation, on note la croissance des bactéries survivantes. La
croissance ou l'absence de croissance dans les zones de diffusion et d'intersection après
transfert permet d'évaluer l'activité bactéricide de chaque antibiotique et de leur association.
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