Le rhumatisme post-streptococcique fait classiquement
partie des étiologies que l’on recherche devant une poly-
arthrite débutante, surtout chez le sujet jeune. Il est néan-
moins classique de dire qu’il est exceptionnel, si bien que la
plupart des jeunes rhumatologues n’ayant exercé qu’en France
n’en ont jamais vu. Le rhumatisme articulaire aigu devient
donc une maladie historique, ce qui peut faire diminuer la
connaissance que l’on en a, avec le risque que certains cas
soient négligés si la fréquence de l’affection augmente dans
l’avenir.
Bien sûr, il n’y a pas d’argument a priori pour envisager que
cette fréquence s’accroisse si l’environnement ne se modifie
pas. Néanmoins, la campagne actuellement menée sur le bon
usage des antibiotiques, avec notamment une antibiothérapie
ciblée sur les angines documentées à streptocoque A, peut sou-
lever la question de la possibilité d’une résurgence du rhuma-
tisme post-streptococcique.
RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU ET RHU-
MATISME POST-STREPTOCOCCIQUE
(1-8)
Le streptocoque
Il s’agit d’une bactérie à Gram positif ubiquitaire, classée selon
l’hémolyse et l’appartenance à un groupe. Parmi les nombreux
sérotypes spécifiques, seuls certains peuvent avoir un poten-
tiel rhumatogène. La survenue du rhumatisme articulaire aigu
semble liée à un accroissement de la virulence d’une souche
spécifique à l’intérieur d’un même sérotype. Les souches
pathogènes ont une réactivité croisée avec différents épitopes
humains, ce qui en explique le mécanisme. Dans le cas du rhu-
matisme articulaire aigu, c’est le streptocoque ß-hémolytique
du groupe A (Streptococcus pyogenes) qui peut être respon-
sable des symptômes ; il survient du fait de facteurs d’envi-
ronnement (surpopulation, difficultés d’accès aux soins, dénu-
trition) et de la prédisposition particulière de l’individu, ces
paramètres modifiant le déroulement de la réponse immuni-
taire. C’est la phase humorale qui va dominer pendant l’épi-
sode aigu de rhumatisme articulaire, alors que la phase cellu-
laire initiée concomitamment laissera des traces à la phase
chronique.
Description clinique
Le rhumatisme articulaire aigu touche essentiellement les
enfants de 5 à 15 ans, quel que soit leur sexe. Le diagnostic
repose toujours sur les critères de Jones (tableau I), qui ont
été actualisés en 1992. Ils ne donnent pas une certitude, mais
une forte probabilité du diagnostic. Il n’y a pas de test de labo-
ratoire pathognomonique du diagnostic.
La Lettre du Rhumatologue - n° 296 - novembre 2003
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ÉDITORIAL
Rhumatisme post-streptococcique : le retour ?
Post-streptococcal arthritis
A. Saraux*, M. Garre**
* Service de rhumatologie et de médecine interne, ** Service de médecine
interne et maladies infectieuses, CHU de la Cavale-Blanche, Brest.
Mots-clés : Rhumatisme post-streptococcique -
Angine - Antibiotique.
Keywords: Post streptococcal arthritis - Sore
throat - Antibiotics.
Mots-clés
Tableau I. Critères de Jones.
Critères Majeurs Mineurs
Cliniques Cardite Fièvre
Polyarthrite Arthralgies
Chorée Poussées antérieures (rhumatismale
ou cardiaque)
Érythème marginé
Nodules sous-cutanés
Laboratoire Protéines d’inflammation
Allongement de PR (ECG)
Preuve d’infection streptococcique : antistreptodornases élevées, culture positive pour
streptocoque A bêta-hémolytique, scarlatine récente.
RAA très probable : s’il existe 2 critères majeurs, ou 1 critère mineur et 2 critères mineurs
lorsqu’une infection streptococcique antérieure existe.
La Lettre du Rhumatologue - n° 296 - novembre 2003
En résumé, le tableau habituel est celui d’oligoarthrite tou-
chant les grosses articulations, essentiellement des membres
inférieurs, avec une intensité douloureuse franche et un carac-
tère classiquement migratoire. La cardite est volontiers pré-
coce, dans les semaines qui suivent le début de la maladie,
mais inconstante. L’échographie cardiaque est conseillée de
façon systématique en cas de suspicion de rhumatisme arti-
culaire aigu, puisque l’examen clinique cardiaque n’est patho-
logique qu’une fois sur deux, alors que l’échographie car-
diaque l’est dans près de 70 % des cas. Toutes les tuniques
peuvent être touchées, l’endocardite étant celle qui laisse des
séquelles. Certains signes cutanés sont très intéressants, parce
qu’ils sont relativement spécifiques (érythème marginé, nodule
sous-cutané), mais ils sont tardifs et rares. On peut parfois
observer une fièvre, une altération de l’état général, une perte
de poids.
Chez l’adulte, il s’agit plus volontiers d’une polyarthrite aiguë
fébrile, habituellement sans lésion cutanée, et plus rarement
avec une atteinte cardiaque.
L’importance du syndrome inflammatoire et la présence d’an-
ticorps (ASLO et antistreptodornases) constituent des argu-
ments du diagnostic qui ne sont toutefois pas décisifs.
À côté du rhumatisme articulaire aigu, on distingue l’arthrite
réactive post-streptococcique, qui est une forme de polyar-
thrite d’évolution bénigne, sans atteinte cardiaque, survenant
au décours d’une infection streptococcique documentée
récente. Il est en pratique bien difficile de différencier les deux
affections, puisque le rhumatisme post-streptococcique peut
survenir à tout âge, est volontiers polyarticulaire, mais éven-
tuellement oligo- ou monoarticulaire, fébrile, au décours d’une
angine, et peut être associé à des signes cutanés (érythème
maculeux des extrémités, nouures, vascularite leucocytocla-
sique), avec biologiquement une élévation des ASLO et anti-
streptodornases (tableau II). Ce qui le différencie du rhuma-
tisme articulaire aigu, c’est le fait qu’il n’y a jamais d’atteinte
cardiaque, et donc que l’antibioprophylaxie associée, si l’on
est bien certain qu’il ne s’agit pas d’un rhumatisme articulaire
aigu, n’est pas nécessaire.
Fréquence du rhumatisme articulaire aigu
La fréquence du rhumatisme articulaire aigu n’a jamais été
évaluée chez l’adulte, tandis qu’une enquête nationale réali-
sée en 1995 et 1997 a permis de connaître avec précision son
incidence chez l’enfant. Olivier et al. (9) ont en effet demandé
aux 284 services de pédiatrie générale s’ils avaient observé
entre 1995 et 1997 des cas de rhumatismes articulaires aigus,
en partant du principe que tous les cas étaient probablement
hospitalisés, compte tenu de la sévérité du diagnostic. Ils ont
obtenu un taux de réponse de 92 % permettant de dénombrer
33 cas, soit une incidence nationale entre 0,08 et 0,15 pour
100 000 enfants selon les années.
PROPOSITION DE TRAITEMENT
RATIONALISÉ DES ANGINES
PAR ANTIBIOTIQUES
(9-13)
L’angine aiguë est une inflammation d’origine infectieuse des
amygdales, voire de l’ensemble du pharynx. Les virus sont
majoritairement en cause (tableau III).
Le streptocoque hémolytique du groupe A n’est responsable
que de 25 à 40 % des angines de l’enfant et 10 à 25 % des
angines de l’adulte (AFSSAPS) (13). Aucun signe ou score
clinique n’a de sensibilité et ou de spécificité suffisantes pour
affirmer l’origine streptococcique d’une angine. Pour cela, il
est donc recommandé d’utiliser des tests de diagnostic rapide
du streptocoque dont la sensibilité doit être d’au moins 90 %
dans les conditions réelles d’utilisation. Un test positif
confirme la responsabilité du streptocoque ß-hémolytique du
groupe A et justifie l’antibiothérapie. Lorsque le test est néga-
tif, la culture du prélèvement pharyngé et le traitement anti-
biotique ne sont généralement pas justifiés chez les patients
sans facteurs de risque de rhumatisme articulaire aigu. Le trai-
tement historique de référence des angines était la pénicil-
line V. Les difficultés d’observance liées à la durée du traite-
ment (10 jours) ont conduit à proposer des schémas abrégés
ÉDITORIAL
4
Tableau II. Critères diagnostiques des arthrites réactionnelles post-
streptococciques (d’après Deighton).
Arthrites survenant après une infection pharyngée avec :
1. un délai inférieur à 10 jours,
2. une arthrite prolongée supérieure à deux mois ou récurrente,
3. une non-réponse aux salicylés.
Agent microbien %
Viral Rhinovirus (100 types) 20
Coronavirus (> 3 types) 5
Adénovirus (type 3, 4, 7, 14, 21) 5
Herpes simplex (1 et 2) 4
Para-influenza (types 1-4) 2
Influenza (A et B) 2
Coxsackie (types 2, 4-6, 8, 10) < 1
Epstein-Barr < 1
Cytomégalovirus < 1
HIV-1 < 1
Bactérien Streptococcus pyogenes 15-30
Groupe C ß-hémolytique 5
Neisseiria gonorrhoeae < 1
Corynebacterium diphtheriae < 1
Arcanobacterium haemolyticum < 1
Chlamydia Chlamydia pneumoniae inconnu
Mycoplasme Mycoplasma pneumoniae < 1
Tableau III. Étiologies microbiennes des angines (11) (liste non
exhaustive).
.../...
La Lettre du Rhumatologue - n° 296 - novembre 2003
6
ÉDITORIAL
par études cliniques versus la pénicilline V. Il s’agit de l’amoxi-
cilline (6 jours), du céfuroxime (4 jours), du cefpodoxime
(5 jours) et du céfotiam (5 jours). Les macrolides sont une
alternative à laquelle on ne doit recourir qu’en situation d’al-
lergie vraie aux bêtalactamines (risque de résistance du strep-
tocoque A). Les traitements abrégés sont privilégiés : azi-
thromycine (3 jours), josamycine (5 jours), clarithromycine
(5 jours).
Les facteurs de risque de rhumatisme articulaire aigu qui jus-
tifient la culture du prélèvement pharyngé en l’absence de test
de diagnostic rapide du streptocoque positif sont l’antécédent
personnel de rhumatisme articulaire aigu, ou un âge entre 5 et
25 ans, associés à des facteurs environnementaux favorisants
(conditions sociales, sanitaires, économiques, promiscuité,
collectivités fermées) ou bactériologiques (souches rhumato-
gènes), à des antécédents d’épisodes multiples d’angine à
streptocoque de groupe A, ou à la notion de séjour en région
d’endémie streptococcique (Afrique, Antilles, etc.).
LA DIMINUTION DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE
SYSTÉMATIQUE CONDUIRA-T-ELLE
À UNE AUGMENTATION DU RISQUE
DE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU ?
Plusieurs arguments plaident contre le risque de résurgence
de rhumatisme articulaire aigu, s’il existe.
1. Les angines à streptocoques A ne représentent qu’une petite
frange de l’ensemble des angines, qui sont volontiers virales.
C’est sur cette base qu’il paraît logique de récuser l’indication
d’un traitement antibiotique systématique pour toute angine.
2. Parmi les souches de streptocoques A responsables d’an-
gines, il semble qu’il n’y ait pas de variétés rhumatogènes en
France.
3. Actuellement, 30 % des angines sont traitées par macro-
lides pour 6 ou 9 % de résistance, et 10 % ne sont pas traitées.
Or, on ne voit pas d’épidémie de rhumatisme articulaire aigu,
ce qui suggère que l’absence de traitement n’est pas associée
à un risque important de rhumatismes articulaires aigus et post-
streptococciques.
4. Plusieurs pays d’Europe n’utilisent pas les antibiotiques de
façon systématique comme c’était le cas en France, mais seu-
lement après avoir confirmé l’origine streptococcique, sans
avoir une incidence de rhumatismes articulaires aigus et post-
streptococciques plus grande que la nôtre.
CONCLUSION
Si les angines sont fréquentes, les rhumatismes articulaires
aigus et post-streptococciques sont exceptionnels, et il est peu
vraisemblable que la diminution de la prescription d’antibio-
tiques augmente nettement leur incidence.
Bibliographie
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13. Recommandations de l’AFSSAPS. agmed.sante.gouv.fr
.../...
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