La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 5 - mai 2005 149
La proportion de femmes présentant des troubles menstruels
varie de 50 à 20 % selon les études.
Cinquante pour cent des femmes épileptiques ont des troubles du
cycle menstruel (16 % d’aménorrhée, 20 % d’oligoménorrhée et
20 % de cycles irréguliers), alors que ce taux n’est que de 5 %
dans la population générale. Douze pour cent ont une aménorrhée
hypogonadotrope hypogonadique, contre seulement 1,5 % dans la
population générale (6). Ces anomalies sont retrouvées chez les
femmes épileptiques traitées ou non traitées. Nappi et al. (2), quant
à eux, n’ont retrouvé que 25 % de troubles du cycle menstruel.
Plusieurs études chez les femmes épileptiques ont montré une
relation de cause à effet entre les traitements antiépileptiques et
les troubles endocriniens. En particulier, le valproate de sodium
(VPA) pourrait induire une hyperandrogénie, des ovaires poly-
cystic-like (OPK) et des troubles menstruels (7).
Ainsi, Isojärvi (7) a étudié pendant 12 mois l’effet de l’arrêt du VPA
remplacé par la lamotrigine chez 60 femmes épileptiques souf-
frant de troubles endocriniens (obésité, hyperandrogénisme, OPK).
Cette étude a montré une diminution significative de l’obésité et du
taux des hormones androgéniques. De plus, 9 des 20 femmes pré-
sentant initialement des ovaires polykystiques n’en avaient plus.
Les effets des traitements antiépileptiques sur la fertilité chez les
femmes sont contradictoires. En revanche, il est bien montré que
la mise sous contraceptif oral contenant de faibles doses d’éthinyl-
estradiol (< 35 g) ou des progestatifs seuls chez les patientes
traitées par antiépileptiques inducteurs enzymatiques (phéno-
barbital, carbamazépine, topiramate et oxcarbamazépine) peut
être inefficace, le taux d’échec de la contraception étant estimé à
7%,comparativement à un taux de 1 à 2% dans une population
normale.
✔ Chez l’homme
Bien que peu d’études aient été publiées sur ce sujet, l’atteinte de
la spermatogenèse paraît incontestable chez les patients épilep-
tiques avec ou sans médicaments antiépileptiques. Dans une étude
ancienne, Christiansen et Lund (8) ont étudié les effets des médica-
ments antiépileptiques sur les différents paramètres spermatiques
chez 98 patients épileptiques. Cette étude montrait que 50 % des
patients avaient un volume éjaculatoire bas (n = 2-6 ml), 57 %
une diminution du nombre de spermatozoïdes (n = 20 à 200 mil-
lions/ml), 89 % des anomalies morphologiques des spermato-
zoïdes (n > 30 % de formes typiques) et 96 % une hypofertilité.
Roste et al. (9) ont, quant à eux, publié une étude évaluant les
effets des antiépileptiques sur les fonctions sexuelles et les para-
mètres spermatiques chez 36 patients épileptiques sous mono-
thérapie (16 sous VPA et 20 sous carbamazépine [CBZ]) comparés
à 90 hommes de la population générale. Ces auteurs ne rappor-
tent aucune différence concernant les fonctions sexuelles (libido
et impuissance) entre le groupe sous CBZ, le groupe sous VPA et
la population générale. En revanche, ils retrouvent une baisse de
la mobilité des spermatozoïdes et du pourcentage de formes
typiques dans les groupes traités par rapport au groupe témoin.
Cependant, ils n’ont pas trouvé de différence concernant le
volume testiculaire et les autres paramètres spermatiques entre
les divers groupes.
Dans une autre étude plus récente, Isojärvi et al. (10) ont évalué les
paramètres suivants : index de masse corporelle (IMC), dosages
hormonaux sériques, paramètres spermatiques, échographie tes-
ticulaire, volume testiculaire, chez 60 patients épileptiques sous
monothérapie (15 patients sous CBZ, 18 sous oxcarbazépine
[OXC] et 27 sous VPA) comparés à 41 hommes de la population
générale. Les patients traités par CBZ ont une élévation du taux
de déhydroépiandrostérone sulfate et ceux traités par VPA ont
une diminution du taux d’androstènedione par rapport à la série
témoin. Il n’existe pas de différence au niveau hormonal entre le
groupe sous OXC et les séries témoins. En revanche, ces théra-
peutiques, et surtout le VPA, entraînaient une diminution de la
numération spermatique, de la mobilité et du pourcentage de
formes typiques des spermatozoïdes. Enfin, les patients traités
par VPA ont un IMC supérieur et un volume testiculaire inférieur
à celui des sujets appartenant aux autres groupes.
PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DE LA FERTILITÉ
PAR LES TECHNIQUES D’ASSISTANCE MÉDICALE
À LA PROCRÉATION
Les indications d’assistance médicale à la procréation (AMP)
chez les patients épileptiques sont diverses et ne sont pas systé-
matiquement dues à la maladie elle-même ni à son traitement. La
prise en charge des couples où au moins un des conjoints est épi-
leptique ne pose en général pas de problèmes particuliers.
Le recours aux techniques d’AMP dépend des critères classiques
de prise en charge des couples hypofertiles. Par exemple, en cas
de stérilité tubaire, une fécondation in vitro est indiquée ; en cas
d’altération importante des paramètres spermatiques, une injec-
tion intracytoplasmique d’un spermatozoïde (ICSI) est effectuée.
Néanmoins, il est important de tenir compte de certaines parti-
cularités.
Chez l’homme épileptique, des troubles de l’érection ou l’absence
d’éjaculation peuvent aboutir à un échec du recueil de sperme. Il
est alors fortement conseillé au patient de faire une autoconser-
vation de sperme avant la tentative d’AMP pour pallier un éven-
tuel échec du recueil de sperme le jour de celle-ci, échec qui n’est
pas sans laisser de traces, tant physiques que psychologiques. De
la même façon, en cas de dégradation rapide des paramètres sper-
matiques, une autoconservation de sperme sera prescrite.
Chez les femmes épileptiques, dont on sait qu’elles sont sensibles
aux variations hormonales, et en particulier des estrogènes, on ne
retrouve pas, paradoxalement, de publications faisant état d’un
risque lié à la stimulation de l’ovulation souvent nécessaire en
AMP, et donc d’un risque accru de crises liées à l’hyperestro-
génie induite. Les patientes traitées par des antiépileptiques
inducteurs enzymatiques ou par le VPA et ayant développé un
aspect d’ovaires polycystic-like pourraient peut-être bénéficier,
en accord avec les neurologues, d’une modification de traitement.
Si le traitement ne peut être modifié, il est possible d’avoir recours
à l’AMP en cycle spontané ou à la maturation ovocytaire in vitro,
technique consistant à prélever des ovocytes immatures en dehors
de tout traitement hormonal et de les faire maturer in vitro. Cette