CONGRÈS
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000
ÉPIDÉMIOLOGIE
Une synthèse sur l’état des connaissances actuelles concernant
le mode de vie, l’alimentation et la prévention du cancer du sein
ne permet pas de définir précisément les facteurs associés à une
augmentation de l’incidence de ce cancer (W.C. Willett). Les fac-
teurs de risque déjà connus sont la surcharge pondérale, en par-
ticulier la prise de poids après la ménopause, et un déséquilibre
de la ration alimentaire en faveur des acides gras saturés. Une
prise excessive d’alcool pourrait avoir un effet péjoratif. En
revanche, la prise de caroténoïdes, de soja, de sélénium, ainsi
qu’un régime riche en fibres n’ont pas d’effet préventif démon-
tré. Bref, en dehors d’une modération alimentaire, déjà conseillée
dans la prévention des maladies cardiovasculaires, il n’existe pas
de régime préventif du cancer du sein.
FACTEURS BIOLOGIQUES
Les études biologiques présentées au cours du Congrès ont
concerné les marqueurs biologiques pronostiques et prédictifs de
la réponse au traitement, en particulier uPA, PAI-1, c-erbB-2,
p27, Bag1 et VEGF.
uPA, PAI-1. uPA (urokinase-type plasminogen activator)
est une enzyme impliquée dans la dégradation de la matrice
extracellulaire et dans l’invasion et la métastase. PAI-1est son
inhibiteur. Plusieurs travaux antérieurs ont montré qu’uPA et
PAI-1 sont des marqueurs pronostiques indépendants dans les
cancers du sein sans envahissement ganglionnaire (N). Thom-
ssen, Schmitt et Janicke (Hambourg et Tubingen ; abstr. 4) ont
présenté les résultats intermédiaires d’un essai randomisé de chi-
miothérapie adjuvante, adaptant le traitement des patientes por-
teuses d’un cancer du sein sans envahissement ganglionnaire en
fonction de ces deux marqueurs. Six cent soixante-quatorze
patientes ont été incluses de juin 1993 à janvier 1999. Le traite-
ment a été déterminé après stratification sur les valeurs d’uPA
et de PAI-1 déterminées sur la tumeur initiale. Les patientes
ayant des valeurs basses d’uPA et de PAI-1 (55 % des patientes)
ne recevaient pas de chimiothérapie adjuvante, alors que celles
qui avaient des valeurs élevées (45 %) étaient randomisées en
deux bras : les unes étaient traitées par 6 CMF, les autres ne rece-
vaient pas de chimiothérapie. L’analyse intermédiaire a été réa-
lisée sur 556 patientes évaluables, avec un recul moyen de 32
mois. Les auteurs confirment la valeur pronostique forte et indé-
pendante d’uPA et de PAI-1 dans les tumeurs du sein sans enva-
hissement ganglionnaire (DFS 93 % versus 85 %). Ils montrent
la valeur prédictive de ce marqueur, qui permet de déterminer
un sous-groupe de patientes (> 50 %) ayant un très faible risque
de rechute (< 10 %) et donc ne relevant pas d’une chimiothéra-
pie. Bien que le recul soit court pour ce type de cancer, cette
étude paraît pertinente. Il faut certainement attendre d’avoir un
recul suffisant pour conclure définitivement sur l’intérêt de ces
marqueurs.
Plusieurs équipes ont confirmé la valeur pronostique d’uPA et
de PAI-1 dans les cancers du sein : entre autres, Harbeck et coll.
(Munich), dans une étude rétrospective de 276 patientes avec un
recul de dix ans, et Billgren (Stockholm), avec 497 patientes et
un recul moyen de 59 mois.
C-erbB-2. Le groupe de Thor (New Haven ; abstr. 8) analyse
l’expression de c-erbB-2 ainsi que l’expression du récepteur de
l’EGF (EGFR) et de la protéine c-erbB-2 activée (phosphorylée).
Les membres de la famille de c-erbB, récepteurs à activité tyro-
sine kinase, forment des homo- et hétérodimères activés par leurs
ligands et qui eux-mêmes activeront une cascade de signaux intra-
cellulaires. Les auteurs analysent par immunohistochimie
l’expression de c-erbB-2, c-erbB-2 phosphorylée et EGFR et leur
valeur pronostique dans une série rétrospective de 807 cancers
du sein primitifs archivés, avec plus de 15 ans de recul.
L’expression des trois marqueurs est associée en univariable à
un âge plus jeune, à un haut grade, à la négativité des récepteurs
hormonaux, à une taille élevée, à une p53 altérée et à un index
apoptotique élevé.
Compte rendu
du 22eAnnual San Antonio Breast Cancer Symposium
8-11 décembre 1999
P. de Crémoux, V. Diéras, J.Y. Pierga*
* Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75231 Paris cedex 05.
Marqueur Taux de positivité
c-erbB-2 37,0 %
EGFR 15,6 %
c-erbB-2 P 4,7 %
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000
Tableau I. Risque relatif de DCIS en fonction de l’existence d’une
lésion mammaire non invasive.
L’association de deux marqueurs augmente la puissance pro-
nostique en termes d’analyse de survie et d’intervalle libre sans
rechute, lié ou non à la maladie (par exemple : EGFR : p = 0,004 ;
si l’on ajoute c-erbB-2 ou c-erbB-2 phosphorylée : p = 0,0008).
Dans une étude randomisée comparant docétaxel et 5-FU-métho-
trexate, la surexpression de Her-2 n’est pas corrélée à la réponse
au traitement (Collan, abstr. 236).
P27. L’équipe de Porter et coll. (Seattle ; abstr. 5) a analysé
par immunohistochimie des marqueurs du cycle cellulaire : la
cycline E, associée à la progression tumorale, p27, produit d’un
gène suppresseur de tumeurs, et p53, chez 914 patientes ayant un
cancer du sein, avec un recul moyen de 84 mois, afin d’évaluer
leur valeur pronostique. Ils montrent, que, dans les cellules en
division, le niveau d’expression de p27 est bas alors que celui de
la cycline E augmente. En revanche, le niveau de p27 est élevé
dans les cellules normales et les cellules tumorales bien diffé-
renciées. En ce qui concerne le pronostic, les auteurs concluent
que seule l’analyse combinée de ces trois marqueurs du cycle
pourrait être utile afin d’identifier un sous-groupe de patientes
de mauvais pronostic susceptible de bénéficier d’une chimiothé-
rapie. Cette étude mériterait d’être confirmée par des études pros-
pectives et une comparaison de l’indépendance de ces variables
par rapport à d’autres marqueurs pronostiques.
Bag 1. Turner et coll. (La Jolla ; abstr. 6) montrent que Bag1
est un marqueur pronostique indépendant dans les cancers du
sein. Bag1 est une protéine à multiples fonctions, qui se lie à Bcl-
2 et induit une résistance à l’apoptose. Les auteurs ont analysé
l’expression de Bag1 à l’aide d’un anticorps monoclonal et poly-
clonal chez 114 patientes ayant un cancer du sein de stade I ou
II. La médiane de survie est de 12,4 ans. Les auteurs analysent à
la fois l’intensité du marquage et la distribution intracellulaire.
Il existe en effet plusieurs isoformes de Bag1, dont la localisa-
tion subcellulaire est différente, nucléaire ou cytoplasmique.
L’expression de Bag1 se révèle significativement plus élevée
dans les cancers du sein invasifs (66 %) que dans les échantillons
de sein normal (11 %). Les niveaux élevés de Bag1 sont associés
à une plus longue survie sans métastases (90 % versus 40 %) et
à une plus longue survie globale (84 % versus 40 %). Bag 1
semble donc être un nouveau marqueur pronostique à suivre.
VEGF. Une étude irlandaise (Marson ; abstr. 29) a évalué la
densité vasculaire c’est-à-dire le nombre de capillaires, et
l’expression du VEGF (vascular endothelial growth factor) dans
57 tumeurs mammaires hormonosensibles (RE+) avant et après
un traitement par tamoxifène pendant trois à six mois en pré-
opératoire. Chez les patientes répondeuses, le nombre de cellules
marquées pour le VEGF était réduit et le nombre de capillaires
était diminué. Cette observation conforte l’hypothèse d’une action
angiogénique des estrogènes. Certaines patientes non répon-
deuses voient même la vascularisation de leur tumeur augmen-
ter sous tamoxifène.
Étapes de l’oncogenèse. Clarke (Manchester ; abstr. 14) a étu-
dié l’expression cellulaire de Ki67, des récepteurs de l’estradiol
et de la progestérone et de p27kip1 dans le tissu mammaire nor-
mal. Il montre qu’il différencie deux populations cellulaires dis-
tinctes, proliférante et non proliférante. Sur un modèle de souris
athymiques implantées avec du tissu mammaire normal et trai-
tées par estradiol pour stimuler la prolifération, il analyse le tissu
à court terme (1, 2 et 36 heures plus tard, ou, après un traitement
plus prolongé, 1 à 2 semaines plus tard). Il montre que les cel-
lules se multiplient rapidement, puis que la prolifération diminue
à deux semaines. L’expression de p27 est élevée à deux semaines
dans une population cellulaire plus différenciée. L’analyse des
comarquages de PR, p27 et Ki67 montre que 45 % des cellules
épithéliales normales expriment p27. Aucune des cellules expri-
mant Ki67 n’exprime p27, et 92 % des cellules exprimant PR
expriment p27. Cela confirme la dissociation entre prolifération
et PR et l’expression de p27 dans les cellules plus différenciées.
Épithélium mammaire normal
KI 67++++ Ki67
p27p27+++
ER/PRER/PR (20 %)
Cellules en division Cellules différenciées
UDH ADH DCIS
Incidence en l’absence d’un IBC 25 5 5
Incidence en présence d’un IBC 50 50 80
Risque relatif d’apparition d’un IBC x 2 x 4 x 10
Figure 1. Modèle d’évaluation du cancer du sein.
TDLU ADH DCIS IBC Métastases
ALH LCIS IBC Métastases
Plusieurs exposés ont été consacrés à l’étude du tissu mammaire
normal et des états précancéreux. Gusterson (Londres) défend
l’hypothèse d’une cellule souche qui pourrait être à l’origine de
l’ensemble des cellules du sein. Il s’appuie sur des modèles ani-
maux. Allred (Houston) a étudié avec beaucoup de rigueur les
formes histologiques en amont du cancer invasif du sein, au plan
morphologique, mais aussi biochimique et génétique. Il a ana-
lysé l’unité lobulaire terminale (TDLU), le lobule (UL), des
hyperplasies canalaires, typiques (UDH), canalaires et lobulaires
atypiques (ADH et ALH), des cancers in situ, canalaires et lobu-
laires (DCIS). Il montre qu’il existe un continuum histologique
entre ces différentes formes. Il observe une plus grande fréquence
des UDH par rapport aux ADH ou aux DCIS, et une plus grande
fréquence de DCIS associé aux cancers infiltrants (IBC). Il a éva-
lué vingt-cinq études comportant plus de 100 000 patientes afin
de déterminer le risque relatif de DCIS en fonction de l’existence
d’une lésion mammaire non invasive (tableau I).
Il propose un modèle d’évolution du cancer du sein (figure 1).
CONGRÈS
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Il a analysé la prolifération et les récepteurs hormonaux dans ces
différentes formes histologiques, montrant que seuls les DCIS
ont une prolifération significativement plus élevée. La plupart
des lésions possèdent des récepteurs de l’estradiol (70 à 100 %),
mais le pourcentage moyen de cellules positives est significati-
vement plus faible dans les TDLU (30 %) que dans les autres
formes (de 60 à 90 %). En revanche, il ne retrouve que rarement
une surexpression de c-erbB-2. Allred montre des pertes d’hété-
rozygoties usuelles dans les cancers invasifs et aussi retrouvées
dans les néoplasies bénignes du sein. Il conclut que l’analyse de
ces lésions précancéreuses est indispensable et peut contribuer à
une meilleure connaissance des mécanismes de cancérogenèse.
Le travail d’Osterreich, de l’équipe de Fuqua (Houston), met en
évidence un nouvel inhibiteur de la transactivation (HET/SAB-
B) médiée par le récepteur de l’estradiol (RE). On sait que le RE
est un facteur de transcription, et que ses effets sont régulés par
des facteurs nucléaires appelés corégulateurs. HET/SAB-B inter-
agit avec RE occupé par le tamoxifène. Il se lie aux domaines C
et D, c’est-à-dire aux domaines de liaison du RE à l’ADN de la
cellule cible. Il existe une balance entre coactivateurs et coré-
presseurs de la transcription, et HET/SAB-B est un corepresseur
de la transcription induit par le RE, qui est activé quand le RE
est lié au tamoxifène.
Puces à ADN. Les premiers résultats cliniques de l’utilisation
des DNA chips ou microarrays commencent à être présentés.
Ainsi, Assersohn (abstr. 33) a montré la faisabilité de l’étude de
3231 gènes sur : ADNC obtenu par cytoponction séquentielle
(J1, J3, J7, J21) dans des tumeurs mammaires de patientes RH+
ménopausées recevant du tamoxifène en préopératoire. Environ
190 gènes avaient un profil d’expression modifié au cours des
différents prélèvements. Ces groupes de gènes, qui restent à iden-
tifier, permettraient peut-être de définir un profil de tumeur répon-
dant au tamoxifène. La quantité de cellules nécessaire pour cette
étude était relativement limitée (un million de cellules obtenues
par cytoponction). Cependant, la fiabilité de la technique reste
encore faible, puisque seulement 20 % des patientes avaient des
résultats exploitables. L’intérêt de cette présentation était avant
tout la démonstration de la faisabilité de cette approche combi-
nant la miniaturisation des tests biologiques et la puissance de la
bio-informatique.
Micrométastases. La valeur pronostique de la présence de
micrométastases ganglionnaires a été montrée par Maibenco,
(abstr. 10). Les micrométastases étaient définies comme la pré-
sence d’un foyer tumoral de moins de 2 mm dans le ganglion,
sans étude immunohistochimique (pN1a). La série de carcinomes
mammaires classés T1 ( 2 cm) et ayant eu un curage ganglion-
naire était étudiée rétrospectivement et comportait 34 548 pN0
et 897 pN1a. En analyse multivariée, les facteurs péjoratifs étaient
la taille tumorale (> 1 cm), le grade SBR III, l’âge 65 ans et la
présence de micrométastases ganglionnaires (pN1a).
L’intérêt clinique de la mise en évidence de cellules épithéliales
isolées dans la moelle osseuse de patientes traitées pour un can-
cer du sein reste controversé. Une revue de la littérature au cours
d’un minisymposium consacré à ce sujet a été faite par G. Clark
(Baylor College, Houston), montrant que les techniques de détec-
tion et surtout les résultats sont très variables d’une équipe à
l’autre. Les techniques d’immunocytochimie sont actuellement
les plus robustes et ont le recul le plus important pour les ana-
lyses de survie. S. Braun (Munich ; abstr. 11) a retrouvé un taux
de 36 % de positivité de la moelle obtenue par ponction iliaque,
avec un anticorps anti-cytokératine (A45 B/B3) chez
552 patientes opérées pour un cancer du sein localisé (stades I
à III). La détection de ces cellules était un facteur pronostique
péjoratif indépendant en analyse multivariée sur la survie. Il
s’agit de la deuxième série après celle de I. Diel (JNCI, 1996),
avec un grand effectif et un marqueur probablement plus fiable,
montrant un impact sur la survie globale de ce paramètre, indé-
pendamment en particulier de l’envahissement ganglionnaire.
Plusieurs études présentées en poster ont porté sur la détection
de cellules épithéliales circulantes dans le sang périphérique en
utilisant des méthodes de détection par RT-PCR avec différents
marqueurs comme la cytokératine 19 (H.J. Kahn, abstr. 504), la
mammaglobine (P.C. Roche, abstr. 502), la mucine MUC1
(P. de Crémoux, abstr. 507). La plupart des études utilisent des
techniques d’enrichissement du prélèvement en cellules tumo-
rales par une sélection positive ou négative avec des billes
magnétiques couplées à des anticorps. Ainsi D.N. Krag (abstr.
505) rapporte un taux de détection de 95 % de cellules circu-
lantes en préopératoire dans le cancer du sein, diminuant en 48
heures jusqu’à 32 % après la chirurgie.
TRAITEMENTS ADJUVANTS
Hormonothérapie
L’essai de l’intergroupe (INT 102, S8897), présenté à l’ASCO
en 1998, avait montré la supériorité en termes de survie de l’asso-
ciation CAF, comportant de l’adriamycine par rapport au CMF
chez 2 691 patientes sans envahissement ganglionnaire axillaire
mais considérées comme à risque du fait de la taille tumorale
supérieure à 2 cm, de la négativité des récepteurs hormonaux, ou
d’une phase S élevée (figure 2). Cet essai comportait une
deuxième randomisation comparant l’adjonction ou non de
tamoxifène pendant cinq ans à la chimiothérapie quel que soit le
statut des récepteurs hormonaux (Hutchins, abstr. 1).
Figure 2. Schéma de l’essai S8897 phase III intergroupe (INT 0102).
C = cyclophosphamide, M = méthotrexate, F = 5 fluoro-uracile, A = adriamycine,
TAM = tamoxigène.
661 faible risque
4 406
patientes
dont
3 977
éligibles
Risque
indéterminé
1 153
Haut risque
2163
Cytométrie
de flux
1 075
Suivi, pas de traitement
adjuvant 1 208
Faible
risque
phase S
basse
547
Haut
risque
phase S
élevée
528
CMF
6cycles
677
CMF
6cycles
TAM 5 ans
CAF
6cycles
670
CAF
6cycles
TAM 5 ans
670
R
A
N
D
O
M
I
S
A
T
I
O
N
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000
cependant, chez les patientes RE, la chimiothérapie pourrait
apporter un avantage (survie sans récidive de 90 % contre 79 %
avec une chirurgie seule). De même, chez les patientes RE+, la
survie sans récidive paraît améliorée par l’association tamoxi-
fène et chimiothérapie (94 % contre 86 % avec chirurgie seule).
Cependant les comparaisons statistiques n’ont pas été faites, car
il s’agit d’une analyse en sous-groupe, sur de petits effectifs. La
question d’un bénéfice éventuel en survie globale ne pourra être
réglée qu’après un suivi beaucoup plus important, d’une ving-
taine d’années peut-être. Il s’agit de toute façon d’un groupe de
patientes à très bon pronostic, avec une survie supérieure à 90 %
à 8 ans (tableau IV).
Chez les patientes RH+, la survie sans récidive était améliorée par
le tamoxifène (TAM), passant de 82 à 88 % à 5 ans (p = 0,007).
Chez les patientes RH, cet avantage disparaît avec des taux à
5ans de 83 % (chimio. + TAM) contre 86 % (chimio. seule),
p=0,13. L’analyse en fonction du statut ménopausique montre
un avantage de l’hormonothérapie chez les patientes RH+, en par-
ticulier chez les patientes ménopausées. En revanche, l’hormo-
nothérapie n’apporte rien chez les patientes RH négatives. De
plus, dans le groupe de patientes non ménopausées RH, le
tamoxifène pourrait même avoir un effet délétère, la survie sans
récidive passant de 86 % à 76 % (p = 0,005). Les différences en
survie globale (DFS) n’étaient pas significatives (tableau II).
En conclusion, les résultats de cet essai incitent à ne pas donner
de tamoxifène chez les patientes RH - tant que le doute persiste
sur son éventuel effet péjoratif.
R. Jakesz (abstr. 2) a présenté pour le groupe autrichien ABCSG
la comparaison d’un traitement adjuvant soit par 6 cycles de CMF,
soit par un agoniste de la LH-RH (goséréline) pendant 3 ans, asso-
cié à du tamoxifène pendant 5 ans chez 1045 patientes non méno-
pausées, RE+et/ou RP+. Cinquante et un pour cent des patientes
avaient une tumeur inférieure à 2 cm, 54 % étaient pN. La sur-
vie globale n’était pas différente selon les groupes ; en revanche,
pour la survie sans récidive, un avantage était observé dans le
groupe hormonothérapie (p = 0,03). Le taux de récidive locale
était également nettement diminué dans le bras goséréline. Ce
bénéfice de l’hormonothérapie disparaissait dans l’analyse en
sous-groupe chez les patientes dont les récepteurs à la progesté-
rone étaient négatifs (PR). Au total, l’hormonothérapie était plus
efficace chez les patientes avec une atteinte ganglionnaire (N+>3)
et RP+(p < 0001). L’intérêt d’un bras de référence de chimio-
thérapie par un CMF selon un schéma d’administration en i.v. se
discute, alors qu’un traitement de type FAC est maintenant consi-
déré comme un standard. L’aménorrhée induite par le CMF était
un élément favorable dans le bras chimiothérapie.
L’impact d’un traitement adjuvant sur les tumeurs de moins de
1cm a été étudié rétrospectivement sur la base de données des
essais du NSABP (Tan-Chiu, abstr. 3). Sur un total de
10 302 patientes, 1 260 avaient une tumeur classée pT1 1 cm
(pT1a, pT1b) (236 ERet 1024 ER+). La répartition des patientes
avec une petite tumeur était équivalente dans les différents bras
de randomisation, ainsi que leur statut concernant les récepteurs
aux estrogènes (tableau III).
Avec un suivi médian de 8 ans, il n’y avait pas de bénéfice en
survie d’un traitement adjuvant dans ce sous-groupe de patientes ;
Tableau II. Différences de survie globale.
DFS à 5ans RH positives RH négatives
Total Preméno. Postméno. Total Préméno. Postméno.
1 531 764 767 1 160 612 548
Chimio. 82 % 90% 76 % 86 % 88 % 83 %
Chimio.
+ TAM 88 % 86 % 86 % 83 % 82 % 83 %
p 0,007 0,22 0,005 0,13 0,05 NS
Tableau III. Essais.
REB13 Chirurgie versus MF 1981 -88
B19 MF versus CMF 1988-90
RE+B14 Placebo versus TAM 1982-88
B20 Tam versus MFT versus CMFT 1988-93
REet RE+B06 Mastectomie versus tumorectomie +/– radiothérapie 1976-88
Tableau IV. Survie à 8 ans selon le traitement et le statut des récepteurs.
RH– (n = 235) RH+ (n = 1 022)
Chirurgie* Chirurgie Chirurgie Chirurgie+ Chirurgie
n = 61 chimiothérapie n = 264 tamoxifène tamoxifène +
n = 174 n = 539 chimiothérapie
n = 219
SSR 79 % 90 % 86 % 92 % 94 %
Survie 93 % 91 % 90 % 92 % 97 %
L’intérêt du Prozac®(fluoxétine) dans le traitement des bouffées
de chaleur a été évalué chez 48 patientes (Loprinzi, abstr. 37)
contre placebo. Seules 35 patientes étaient évaluables. 53 %
d’entre elles ont ressenti une amélioration de leurs symptômes
contre 19 % sans placebo, sans toxicité particulière. D’autres
molécules de cette famille d’antidépresseurs sont à l’étude.
TRAITEMENT NÉOADJUVANT
Le docétaxel permet d’augmenter le taux de réponse en situation
néoadjuvante (Eremin, abstr. 20). Le but de cette étude était :
de déterminer l’activité du docétaxel chez les patientes qui ne
répondent pas à une polychimiothérapie d’induction de type
CVAP ;
de comparer l’efficacité du docétaxel avec la poursuite du
CVAP chez les patientes ayant répondu à cette association.
Les patientes présentant une tumeur de plus de 3 cm ou locale-
ment avancée (T3, T4, TxN2) recevaient 4 cycles de CVAP
(cyclophosphamide 1 000 mg/m2, doxorubicine 50 mg/m2, vin-
cristine 1,5 mg/m2, prednisone 40 mg pendant 5 jours). Celles
présentant une réponse partielle (RP) ou complète (RC) étaient
* Tumorectomie + radiothérapie ou mastectomie.
CONGRÈS
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La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000
Réponse (%)
RC
RP
MS
MP
RO
Réponse
CVAP
après
4cycles
(n = 163)
14
52
33
1
66 %
Absence réponse
CVAP
(n = 49)
docétaxel
4cycles
10
37
35
1
47 %
Réponse CVAP
randomisation
(n = 94)
CVAP docétaxel
4cycles
33
34
29
4
67 %
61
33
6
0
94 %*
randomisées entre 4 cycles supplémentaires de CVAP ou
4cycles de docétaxel 100 mg/m2. Les patientes présentant une
stabilité (MS) ou une progression (MP) recevaient 4 cycles de
docétaxel 100 mg /m2. Après la chimiothérapie néoadjuvante,
les patientes étaient opérées et la réponse histologique appré-
ciée selon les critères publiés. Cent soixante-trois patientes ont
reçu 8 cycles, 63 ont été randomisées (RP/RC) et 29 (MS/MP)
ont reçu le docétaxel. Chez les patientes randomisées, après les
8cycles, le taux de réponse objective était de 67 % dans le bras
CVAP et de 94 % (p < 0,002) dans le bras docétaxel. Les
patientes non randomisées avaient un taux de réponse objective
de 66 %. Le taux de réponse histologique (RC et RP) était de
57 % dans le groupe CVAP et de 79 % dans le groupe CVAP-
docétaxel (p = 0,02). Dans cette étude, le statut négatif des
récepteurs hormonaux a été le meilleur facteur prédictif de
réponse majeure histologique (Miller, abstr. 232). Chez les
patientes non randomisées, le taux de réponse histologique était
de 42 %. Les analyses de qualité de vie n’ont montré aucune
différence entre les traitements. Le docétaxel améliore donc les
résultats en situation néoadjuvante après une association stan-
dard à base d’anthracyclines (tableau V).
CHIMIOTHÉRAPIE INTENSIVE
Une session spéciale était consacrée à la chimiothérapie à fortes
doses dans le cancer du sein. Le bilan qui en a déjà été tiré à
l’ASCO cette année a été repris au cours de revues de synthèse
par N.E. Nancy et I.G. Henderson. L’absence de bénéfice d’une
chimiothérapie intensifiée avec réinjection de cellules souches
périphériques par rapport à un traitement dit conventionnel, mais
à doses fortes, n’a pas été jusqu’à présent démontrée en situation
adjuvante dans les cas à haut risque de récidive ou dans les formes
métastatiques. Il n’existe pas actuellement d’indication en rou-
tine des intensifications. Plusieurs pistes restent à explorer dans
le cadre d’essais prospectifs randomisés, portant plus particuliè-
rement sur les modalités du traitement d’induction, voire sa sup-
pression, l’introduction des taxanes, les intensifications itératives.
P.J. Stiff a montré la faisabilité de l’obtention d’un greffon médul-
laire à partir d’une faible quantité de moelle osseuse en utilisant des
techniques d’expansion in vitro. De plus, ce type de greffon permet
une récupération hématologique plus rapide. Un avantage supplé-
mentaire de cette approche serait la diminution de la contamination
du greffon en cellules tumorales détectées en immunocytochimie.
La croissance in vitro des cellules tumorales étant moins importante
dans les conditions de cultures pratiquées, la contamination du gref-
fon diminuerait de 2 à 3 log. Sur 26 patientes, le greffon était conta-
miné dans 19 % des cas avant expansion, et dans 5 % des cas après
expansion in vitro. Les tests de clonogénicité tumorale, positifs dans
20 % des cas avant expansion devenaient négatifs dans tous les cas
après expansion. L’importance dans la récidive de la contamina-
tion tumorale du greffon dans l’intensification thérapeutique dans
le cancer du sein non métastatique restait controversée. Une pré-
sentation, faite quelques jours auparavant au congrès d’hématolo-
gie (American Society of Hematology) par Pecora (abstr. ASH
2952) et reprise par Stiff, montrait que la présence de cellules
micrométastatiques dans la moelle de patientes au stade II ou III
intensifiés avait un impact péjoratif sur la survie sans récidive. La
décontamination du greffon reste donc une voie de recherche
majeure pour la poursuite des chimiothérapie intensifiées.
TRAITEMENT LOCORÉGIONAL
Le grand nombre de présentations de posters concernant la tech-
nique du ganglion sentinelle traduit l’engouement des nom-
breuses équipes chirurgicales pour limiter la morbidité liée au
curage axillaire. Une étude américaine a évalué les facteurs asso-
ciés avec le succès de cette technique. Quarante et un chirurgiens
y ont participé, sur une période allant de février 1997 à mai 1999,
en utilisant une technique avec un colloïde marqué au techné-
tium 99 et une injection également de bleu. Sur 485 patientes, le
ganglion sentinelle n’a pu être identifié que chez 65, et 18 cas de
faux négatifs ont été retrouvés (ganglion prélevé non histologi-
quement atteint alors que le curage ganglionnaire est positif), soit
17 % d’échecs. Les facteurs associés à l’échec de la technique
étaient la faible expérience du chirurgien (moins de 10 cas opé-
rés) et l’âge de la patiente (plus de 50 ans).
La radiothérapie concomitante avec le paclitaxel dans les can-
cers du sein présente une toxicité excessive (Hanna, abstr. 19).
Tableau V. Taux de réponse à la chimiothérapie néoadjuvante.
* p = 0,001.
Une étude de l’administration hebdomadaire à hautes doses de
paclitaxel (175 mg/m2x 6) rapporte un taux élevé de réponse cli-
nique (87%) et un taux de réponse histologique mammaire de
20 %, mais le statut ganglionnaire n’est pas précisé (Sikov,
abstr. 249).
Le protocole TNCF (THP-adriamycine-navelbine-cyclophos-
phamide-5-FU) prescrit dans les cancers du sein opérables à haut
risque donne un taux de réponse clinique de 86 %, permettant
71 % de traitement conservateur (Mouret-Reynier, abstr. 250).
Le taux de réponse complète histologique est de 34 % (dont 10 %
in situ). La survie actuarielle à 5 ans est de 88 % pour la survie
globale et de 63,8 % pour la survie sans récidive.
Dans un essai de phase II associant adriamycine et docétaxel dans
les cancers du sein opérables, lors de l’analyse préliminaire, le
taux de réponse clinique est de 80 % (Ganem, abstr. 253). Dans
une autre étude américaine utilisant le même protocole, le taux
de réponse clinique est de 82 % (Marcus, abstr. 254), 40 % des
malades présentent une réponse histologique majeure (13 %
réponse complète et 27 % maladie résiduelle minime).
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