17
La Lettre du Cancérologue - Volume IX - no1 - février 2000
Tableau I. Risque relatif de DCIS en fonction de l’existence d’une
lésion mammaire non invasive.
L’association de deux marqueurs augmente la puissance pro-
nostique en termes d’analyse de survie et d’intervalle libre sans
rechute, lié ou non à la maladie (par exemple : EGFR : p = 0,004 ;
si l’on ajoute c-erbB-2 ou c-erbB-2 phosphorylée : p = 0,0008).
Dans une étude randomisée comparant docétaxel et 5-FU-métho-
trexate, la surexpression de Her-2 n’est pas corrélée à la réponse
au traitement (Collan, abstr. 236).
•P27. L’équipe de Porter et coll. (Seattle ; abstr. 5) a analysé
par immunohistochimie des marqueurs du cycle cellulaire : la
cycline E, associée à la progression tumorale, p27, produit d’un
gène suppresseur de tumeurs, et p53, chez 914 patientes ayant un
cancer du sein, avec un recul moyen de 84 mois, afin d’évaluer
leur valeur pronostique. Ils montrent, que, dans les cellules en
division, le niveau d’expression de p27 est bas alors que celui de
la cycline E augmente. En revanche, le niveau de p27 est élevé
dans les cellules normales et les cellules tumorales bien diffé-
renciées. En ce qui concerne le pronostic, les auteurs concluent
que seule l’analyse combinée de ces trois marqueurs du cycle
pourrait être utile afin d’identifier un sous-groupe de patientes
de mauvais pronostic susceptible de bénéficier d’une chimiothé-
rapie. Cette étude mériterait d’être confirmée par des études pros-
pectives et une comparaison de l’indépendance de ces variables
par rapport à d’autres marqueurs pronostiques.
•Bag 1. Turner et coll. (La Jolla ; abstr. 6) montrent que Bag1
est un marqueur pronostique indépendant dans les cancers du
sein. Bag1 est une protéine à multiples fonctions, qui se lie à Bcl-
2 et induit une résistance à l’apoptose. Les auteurs ont analysé
l’expression de Bag1 à l’aide d’un anticorps monoclonal et poly-
clonal chez 114 patientes ayant un cancer du sein de stade I ou
II. La médiane de survie est de 12,4 ans. Les auteurs analysent à
la fois l’intensité du marquage et la distribution intracellulaire.
Il existe en effet plusieurs isoformes de Bag1, dont la localisa-
tion subcellulaire est différente, nucléaire ou cytoplasmique.
L’expression de Bag1 se révèle significativement plus élevée
dans les cancers du sein invasifs (66 %) que dans les échantillons
de sein normal (11 %). Les niveaux élevés de Bag1 sont associés
à une plus longue survie sans métastases (90 % versus 40 %) et
à une plus longue survie globale (84 % versus 40 %). Bag 1
semble donc être un nouveau marqueur pronostique à suivre.
•VEGF. Une étude irlandaise (Marson ; abstr. 29) a évalué la
densité vasculaire c’est-à-dire le nombre de capillaires, et
l’expression du VEGF (vascular endothelial growth factor) dans
57 tumeurs mammaires hormonosensibles (RE+) avant et après
un traitement par tamoxifène pendant trois à six mois en pré-
opératoire. Chez les patientes répondeuses, le nombre de cellules
marquées pour le VEGF était réduit et le nombre de capillaires
était diminué. Cette observation conforte l’hypothèse d’une action
angiogénique des estrogènes. Certaines patientes non répon-
deuses voient même la vascularisation de leur tumeur augmen-
ter sous tamoxifène.
•Étapes de l’oncogenèse. Clarke (Manchester ; abstr. 14) a étu-
dié l’expression cellulaire de Ki67, des récepteurs de l’estradiol
et de la progestérone et de p27kip1 dans le tissu mammaire nor-
mal. Il montre qu’il différencie deux populations cellulaires dis-
tinctes, proliférante et non proliférante. Sur un modèle de souris
athymiques implantées avec du tissu mammaire normal et trai-
tées par estradiol pour stimuler la prolifération, il analyse le tissu
à court terme (1, 2 et 36 heures plus tard, ou, après un traitement
plus prolongé, 1 à 2 semaines plus tard). Il montre que les cel-
lules se multiplient rapidement, puis que la prolifération diminue
à deux semaines. L’expression de p27 est élevée à deux semaines
dans une population cellulaire plus différenciée. L’analyse des
comarquages de PR, p27 et Ki67 montre que 45 % des cellules
épithéliales normales expriment p27. Aucune des cellules expri-
mant Ki67 n’exprime p27, et 92 % des cellules exprimant PR
expriment p27. Cela confirme la dissociation entre prolifération
et PR et l’expression de p27 dans les cellules plus différenciées.
Épithélium mammaire normal
KI 67++++ Ki67–
p27–p27+++
ER/PR–ER/PR (20 %)
Cellules en division Cellules différenciées
UDH ADH DCIS
Incidence en l’absence d’un IBC 25 5 5
Incidence en présence d’un IBC 50 50 80
Risque relatif d’apparition d’un IBC x 2 x 4 x 10
Figure 1. Modèle d’évaluation du cancer du sein.
TDLU ➞ ADH ➞ DCIS ➞ IBC ➞ Métastases
➞ ALH ➞ LCIS ➞ IBC ➞ Métastases
Plusieurs exposés ont été consacrés à l’étude du tissu mammaire
normal et des états précancéreux. Gusterson (Londres) défend
l’hypothèse d’une cellule souche qui pourrait être à l’origine de
l’ensemble des cellules du sein. Il s’appuie sur des modèles ani-
maux. Allred (Houston) a étudié avec beaucoup de rigueur les
formes histologiques en amont du cancer invasif du sein, au plan
morphologique, mais aussi biochimique et génétique. Il a ana-
lysé l’unité lobulaire terminale (TDLU), le lobule (UL), des
hyperplasies canalaires, typiques (UDH), canalaires et lobulaires
atypiques (ADH et ALH), des cancers in situ, canalaires et lobu-
laires (DCIS). Il montre qu’il existe un continuum histologique
entre ces différentes formes. Il observe une plus grande fréquence
des UDH par rapport aux ADH ou aux DCIS, et une plus grande
fréquence de DCIS associé aux cancers infiltrants (IBC). Il a éva-
lué vingt-cinq études comportant plus de 100 000 patientes afin
de déterminer le risque relatif de DCIS en fonction de l’existence
d’une lésion mammaire non invasive (tableau I).
Il propose un modèle d’évolution du cancer du sein (figure 1).