La Lettre du Pneumologue - Vol. X - n° 6 - novembre-décembre 2007
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Rôle du récepteur à l’EGF dans la survenue et le traitement
des cancers bronchiques non à petites cellules
EGFR plays a key-role in the pathogenesis and treatment of non-small-cell lung cancer
IP A. Cortot*
* Service de pneumologie, centre hospitalier Lyon-Sud.
RÉSUMÉ
Le processus de cancérogenèse résulte d’un déséquilibre
entre les signaux favorisant la survie cellulaire et ceux favo-
risant la mort cellulaire. Cette rupture d’équilibre peut être
liée à une altération d’une ou de plusieurs voies de signa-
lisation. Le récepteur à l’EGF (EGFR) est particulièrement
impliqué dans la survenue des cancers bronchiques non
à petites cellules. Les traitements bloquant l’activité de
l’EGFR ont d’ailleurs montré une certaine efficacité dans
cette pathologie, particulièrement en cas de mutation du
domaine tyrosine kinase d’EGFR. Cependant, il nexiste pas
encore, à l’heure actuelle, de marqueur capable de prédire
le bénéfice en termes de survie lié à ces traitements. Nous
abordons dans cet article le rôle de l’EGFR et de ses muta-
tions dans la survenue et la réponse au traitement des can-
cers bronchiques non à petites cellules (CBNPC).
Mots-clés : Cancer bronchique non à petites cellules
(CBNPC) – EGFR – Gefi tinib – Erlotinib.
Summary. Carcinogenesis results from a disbalance between
pro-apoptotic and anti-apoptotic signals, secondary to altera-
tions occuring in various pathways. EGFR pathway is one of the
most implicated pathways in lung carcinogenesis. Therefore,
blockade of EGFR has been regarded as an interesting treatment
option. Tyrosine kinase inhibitors (TKI) have provided promi-
sing results in non-small-cell lung cancer (NSCLC), especially in
patients with EGFR mutations. However, at the moment, there
is no biomarker available for predicting responsiveness to TKI.
This review will focus on the role of EGFR in the pathogenesis
and treatment of NSCLC.
Keywords : Non-small-cell lung cancer (NSCLC) EGFR
Gefi tinib – Erlotinib.
POINTS FORTS
Le récepteur à l’EGF (EGFR) est un récepteur tyrosine
kinase, membre de la famille HER (ou erbB), qui transmet
des signaux de prolifération et de survie cellulaires.
EGFR est surexprimé dans 40 % à 80 % des CBNPC.
Les mutations d’EGFR surviennent dans 10 % à 40 % des
CBNPC. Elles sont plus fréquentes chez les non-fumeurs, les
femmes, les patients d’origine asiatique et les patients por-
teurs d’un adénocarcinome.
Les premières mutations d’EGFR ont été découvertes
chez des patients ayant présenté une réponse specta-
culaire au traitement par inhibiteurs de tyrosine kinase
anti-EGFR (gefitinib, erlotinib).
La présence d’une mutation EGFR est un facteur de bon
pronostic et un facteur prédictif de la réponse aux inhibi-
teurs de tyrosine kinase (ITK). Cependant, ce paramètre ne
permet pas de prédire le bénéfice en termes de survie lié au
traitement par ITK.
Toutes les mutations n’entraînent pas les mêmes effets :
certaines mutations sont associées à une résistance aux ITK
(mutation T790M d’EGFR).
Lamélioration de l’évaluation et de l’efficacité des théra-
peutiques moléculaires ciblées passe par une meilleure
sélection des patients à traiter.
Le veloppement du cancer bronchique résulte de l’accu-
mulation de modifi cations génétiques et épigénétiques
permettant l’expansion clonale et la progression vers le
phénotype invasif d’un petit nombre de cellules. Ces modifi ca-
tions concourent à l’acquisition par la cellule de six propriétés
élémentaires : l’autosuffi sance vis-à-vis des signaux de crois-
sance, l’insensibilité aux signaux antiprolifératifs, la résistance
à l’apoptose, le potentiel réplicatif illimité, la capacité d’angio-
genèse et le phénotype invasif et métastatique (1). Dans les
cancers bronchiques, les mêmes voies sont souvent aff ectées
par des mécanismes diff érents selon le type histologique.
Le récepteur à l’EGF (Epidermal Growth Factor) est un récep-
teur tyrosine kinase fréquemment impliqué dans la survenue
de tumeurs épithéliales. Des agents bloquant l’activité du
récepteur à l’EGF (EGFR) ont récemment été développés pour
des applications thérapeutiques, notamment dans le cancer
bronchique non à petites cellules (CBNPC). La recherche de
facteurs prédictifs de sensibilité à ces traitements a conduit à
la couverte de mutations dans le domaine tyrosine kinase
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EGFR
Gab1
p110
PI3K
p85
PDK 1
Akt Stat
src
Shc
Grb2
SOS
SOS RAS-GTP
RAF
MEK
ERK
Survie cellulaire Prolifération cellulaire
P
P
P
P
Survie
Angiogenèse Prolifération
Diérenciation
Migration
Adhésion
EGFR
Figure 1.
Principales voies sous-jacentes et fonctions d’EGFR.
d’EGFR. Si ces mutations semblent prédictives de la réponse
aux inhibiteurs de tyrosine kinase anti-EGFR, leur intérêt dans
la prédiction du bénéfi ce en termes de survie lié à ces traite-
ments n’est pas encore formellement démontré. Cependant,
la découverte de ces mutations est une étape fondamentale
dans la compréhension du processus de cancérogenèse des
CBNPC.
Dans cette synthèse, nous présenterons tout d’abord le rôle
des récepteurs tyrosine kinase dans le processus de cancéro-
genèse, puis nous résumerons l’état des connaissances sur
les mutations du domaine tyrosine kinase d’EGFR dans les
CBNPC. Enfi n, nous discuterons l’impact de ces découvertes
sur la place des thérapeutiques moléculaires ciblées dirigées
contre EGFR dans le traitement des CBNPC.
RÉCEPTEURS TYROSINE KINASE ET CANCÉROGENÈSE
Altération des récepteurs tyrosine kinase
Les protéines kinases sont des protéines dotées d’une capacité
de phosphorylation de certains résidus (sérine, thréonine, tyro-
sine). Elles représentent environ 2 % des protéines codées par le
génome des eucaryotes. Dans cet ensemble gurent environ 58
récepteurs à activité tyrosine kinase (RTK), regroupés en vingt
familles selon leur organisation structurale. Les RTK jouent un
rôle important dans la transmission des signaux qui contrôlent
le cycle cellulaire, la migration, l’adhésion, le métabolisme, la
diff érenciation, la prolifération, la survie et la dépendance de
ces processus vis-à-vis des signaux extracellulaires.
La participation à loncogenèse des protéines kinases peut être
le fait de plusieurs mécanismes : surexpression des RTK ou de
leurs ligands (liée ou non à une amplifi cation génique), muta-
tions, réarrangements chromosomiques Ces altérations
aboutissent soit à une activité kinase augmentée, soit à une
activité kinase constitutive, qui ne dépend plus de l’activation
de la protéine ou du cepteur par son ligand. La surexpres-
sion de HER-2 dans les cancers du sein, la mutation de KIT
dans les GIST (Gastro-Intestinal Stromal Tumor) et la fusion
bcr-abl dans les leucémies myéloïdes chroniques (LMC) sont
des exemples représentatifs de ces altérations.
EGFR ET LA FAMILLE erbB
Structure
EGFR (HER-1, erbB1) est un RTK de 170 kDa appartenant à la
famille erbB. Les autres membres de cette famille sont erbB2
(HER-2/neu), erbB3 (HER-3) et erbB4 (HER-4). Cette famille est
caractérisée par un domaine extracellulaire riche en cystéine, un
domaine transmembranaire, et un domaine intracellulaire porteur
dune activité tyrosine kinase intrinsèque (excepté pour erbB3).
EGFR a été initialement cloné comme un proto-oncogène
homologue à l’oncogène du virus de l’érythroblastose aviaire
erbB, codant pour une protéine EGFR tronquée (2). Il est situé
en 7p12 et se compose de 28 exons. Le domaine tyrosine kinase
est codé par les exons 18 à 24. Des mutations du domaine extra-
cellulaire d’EGFR ont été décrites dans les gliomes humains,
au moins 7 mutations (vI-vVII) ont été mises en évidence,
aboutissant soit à l’activation constitutive du récepteur (indé-
pendante du ligand), soit à l’absence de rétrocontrôle négatif
de l’expression du récepteur, soit à l’activation d’autres voies
de signalisation (3). La plus fréquente de ces mutations (vIII)
est présente dans plus de 50 % des gliomes. Plus récemment
ont été découvertes des mutations du domaine tyrosine kinase
d’EGFR, retrouvées presque exclusivement dans les CBNPC,
qui font l’objet d’une plus ample description ci-dessous.
Voies de signalisation et fonctions
Lors de la liaison du ligand, le récepteur subit un changement
conformationnel qui permet son homo- ou son hétérodiméri-
sation avec un récepteur de la famille erbB. Les ligands de la
famille erbB ont une affi nité spécifi que selon le type de dimère
formé (4).
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La dimérisation d’EGFR provoque l’ouverture de la poche qui
lie l’ATP et la phosphorylation intermoléculaire de résidus
tyrosine, avec pour conséquence la liaison de molécules dites
adaptatrices” (Grb2, Shc, Sos). Ces effecteurs sont capables
de discriminer entre différentes phosphotyrosines en fonction
de leur contexte local de structure et de séquence, constituant
ainsi la base de la spécificité du signal. Les principales voies
signalétiques sous-jacentes à EGFR sont la voie PI3K-Akt et
la voie Stat, qui favorisent toutes deux la survie cellulaire,
et la voie des MAP kinases (Ras-Raf-Mek-Erk), qui favorise
la prolifération cellulaire (4) [figure 1]. Lactivation d’EGFR
entraîne également, via ces différentes voies, une modulation
de l’adhésion cellulaire, de la migration, de la différenciation
des cellules épithéliales et de l’angiogenèse (figure 1).
INHIBITION DES RTK ET THÉRAPEUTIQUES CIBLÉES
Concept
Les RTK représentent des cibles moléculaires intéressantes
pour des interventions visant à assurer une meilleure sélec-
tivité thérapeutique, avec une toxicité duite par rapport à
la chimiothérapie. Deux canismes permettent l’inhibition
des RTK : les anticorps monoclonaux et les petites molécules
inhibitrices de l’activité tyrosine kinase. La première cible
validée des anticorps monoclonaux fut HER-2/neu, amplifié
dans 20 % à 30 % des cancers du sein et dont l’inhibition par
le trastuzumab (Herceptin
®
), anticorps monoclonal dirigé
contre le domaine extracellulaire de HER-2/neu, permet une
augmentation de la survie en situation adjuvante et métasta-
tique (5). Dautres anticorps sont actuellement utilisés, tel le
cetuximab, anticorps dirigé contre le domaine extracellulaire
d’EGFR dans le cancer colorectal et les cancers ORL, ou sont
en cours de développement dans différentes indications (anti-
corps anti-VEGFR, anti-PDGFR, anti-IGFR).
Parallèlement ont été veloppées de petites molécules inhi-
bant spécifiquement l’activité tyrosine kinase des protéines
kinases (tableau). Ces inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ont
généralement une affinité particulière pour un ou plusieurs
types de protéine kinase. Ils bloquent de façon réversible ou
irréversible le site de fixation de l’ATP, empêchant l’activation
de la protéine et des voies sous-jacentes. La première appli-
cation clinique de cette nouvelle classe thérapeutique fut la
LMC, avec l’imatinib (Gleevec
®
), qui cible l’activité kinase de
la protéine de fusion bcr-abl, e de la translocation t(9;22)
(chromosome Philadelphie) [6]. Dautres ITK ont par la suite
été développés, ciblant une ou plusieurs protéines kinases
telles que EGFR, PDGFR, KIT ou VEGFR.
Application au traitement du CBNPC
Le gefitinib est un inhibiteur de tyrosine kinase de la classe
des anilinoquinazolines, préférentiellement actif sur EGFR
(tableau). Dans les études précliniques, le gefitinib a montré une
certaine activité sur différentes tumeurs : poumon, prostate, sein,
côlon et ovaire. Dans les CBNPC, des résultats encourageants
dans les études de phase I ont conduit à la mise en route de deux
études de phase II visant à comparer l’effet du gefitinib à 250 mg/j
et à 500 mg/j chez des patients ayant déjà reçu au moins une
(étude IDEAL1) ou 2 lignes (étude IDEAL2) de chimiothé-
rapie (7, 8). Les taux de réponse étaient de 19 % (IDEAL1) et
de 12 % (IDEAL2) pour le bras 250 mg, sans gain d’efficacité
supplémentaire pour le bras 500 mg. Les effets indésirables
étaient modérés et comportaient principalement des rashs
cutanés et des réactions acnéiformes ainsi que des diarrhées.
La toxicité était plus marquée avec une posologie élevée. Dans
l’étude IDEAL1, seuls 1,5 % des patients du bras 250 mg/j ont
Tableau.
Caractéristiques des premiers inhibiteurs de tyrosine kinase développés en pratique clinique.
Dénomination
commune internationale
Nom
commercial
Nom
du produit Cible(s) Application
thérapeutique Formule
Getinib Iressa®4-(3-chloro-4-uoro-anilino)- 7-methoxy- 6-(3-
morpholinopropoxy)quinazoline
EGFR CBNPC (en évaluation)
Erlotinib Tarceva®N-(3-ethynylphenyl)-6, 7-bis(2-methoxyethoxy)-
4-quinazolinamine
EGFR CBNPC
Imatinib Gleevec®4-[(4-methyl-1-piperazinyl)methyl-N-[4-
methyl-3-[[4-(3-pyridinyl)-2-pyrimidinyl]amino]
-phenyl]benzamide methanesulfonate
Abl
KIT
PDGFR
LMC
GIST
Syndrome
hyperéosinophilique
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Figure 2.
Représentation tridimensionnelle du domaine tyro-
sine kinase d’EGFR et de ses principales mutations.
Boucle
d’activation
Hélice CB
Mutation
L858R
Délétions
LREA
Duplications
Insertions
Domaine de
liaison à l’EGF (1)
Domaine riche
en cystéine (1)
Domaine de
liaison à l’EGF (2)
Domaine riche
en cystéine (2)
Domaine
transmembranaire
Domaine
tyrosine kinase
Domaine de
régulation
Extrémité
C-terminale
Boucle P
Exon
Exon
(codon)
2-4
8-12
25-28
M
M
M
M
M
M
5-7
13-16
18-24
(688)
18
(728)
(729)
19
(761)
(762)
20
(823)
(824)
21
(875)
Figure 3.
Répartition des principales mutations d’EGFR.
(M = Mutation ponctuelle).
présenune toxicité de grade 3/4, contre 4,7 % dans le bras
500 mg/j. Dans cette même étude, deux cas de pneumopathie
interstitielle diff use ont été observés dans le bras 500 mg/j.
Après l’échec des études évaluant les ITK en première ligne
de traitement en association avec la chimiothérapie (essais IN-
TACT 1 et 2, TRIBUTE, TALENT) [9-12], deux études de
phase III ont été menées, l’une avec le gefi tinib (étude ISEL)
[13], l’autre avec l’erlotinib, un autre inhibiteur de tyrosine
kinase spécifi que d’EGFR (étude BR.21) [14]. Ces études ont
été menées contre placebo chez des patients atteints d’un
CBNPC localement avan ou métastatique (stade IIIB ou
IV), ayant déjà reçu une ou deux lignes de chimiothérapie.
Létude BR.21 a montré un bénéfi ce de survie statistiquement
signifi catif (6,7 mois versus 4,7 mois ; p < 0,001), alors que
l’étude ISEL a montré une diff érence de survie natteignant pas
la signifi cativité statistique. Faisant suite à ces résultats, l’erlo-
tinib (Tarceva
®
) a obtenu l’autorisation de mise sur le marché
(AMM) pour le traitement en deuxième ligne du CBNPC loca-
lement avancé ou métastatique, après échec d’au moins une
chimiothérapie.
MUTATIONS DU DOMAINE TYROSINE KINASE D’EGFR
Découverte des mutations
La découverte de l’effi cacité de l’imatinib dans les LMC
porteuses de la protéine de fusion bcr-abl et dans les GIST
porteurs dune mutation de KIT a fait considérer les récepteurs
tyrosine kinase comme le “talon d’Achillede la cellule cancé-
reuse. Par analogie, deux approches diff érentes ont simultané-
ment permis la découverte des mutations activatrices d’EGFR.
La première approche était fondée sur l’hypothèse selon laquelle
la mutation d’EGFR infl uence favorablement la réponse au gefi -
tinib ou à l’erlotinib. Léquipe de Lynch et al. a ainsi recherché,
chez des patients atteints de CBNPC et répondeurs aux ITK,
les mutations du domaine extracellulaire d’EGFR déjà décrites
dans les gliomes humains (15). En l’absence de telles muta-
tions, cette équipe a réalisé le séquençage du gène entier, qui a
mis pour la première fois en évidence la présence de mutations
dans le domaine tyrosine kinase d’EGFR ( gure 2).
La seconde approche reposait sur l’hypothèse selon laquelle
une mutation dans le domaine tyrosine kinase d’un RTK est
impliquée dans la survenue des CBNPC. Léquipe de Paez et
al. a réalisé le séquençage des boucles d’activation du domaine
kinase de 47 RTK sur des échantillons non sélectionnés de
CBNPC (16). Seul EGFR était porteur de mutations, ce qui
a conduit à une étude exhaustive du gène et à la découverte
d’autres mutations au sein du domaine tyrosine kinase.
Nature et fréquence des mutations
En 2006, Shigematsu et al. ont réalisé une syntse de la littérature
portant sur les mutations du domaine tyrosine kinase d’EGFR
dans le CBNPC (17). Environ 85 % de ces mutations surviennent
dans deux points chauds, à prévalence quasi égale ( gure 3) : les
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létions en cadre de lexon 19, emportant la séquence dacides
aminés LREA (leucine, arginine, acide glutamique, alanine, 747-
750), et les mutations ponctuelles de l’exon 21, aboutissant à la
substitution d’un sidu leucine par un sidu arginine en posi-
tion 858 (L858R). Il faut aussi noter la présence dun polymor-
phisme silencieux commun (Q787Q), dont la fquence exacte
est inconnue.
La fréquence des mutations EGFR dans le CBNPC est de l’ordre
de 10 % à 40 %. On les retrouve plus fréquemment chez les non-
fumeurs (45 %) que chez les fumeurs (7 %), chez les femmes
(38 %) que chez les hommes (10 %), chez les patients porteurs
d’adénocarcinome (30 %) que chez les patients porteurs de
carcinomes d’autres types histologiques (2 %) et enfin chez
les patients d’origine asiatique (33 %) que chez ceux d’autres
origines (6 %) [17]. Cependant, dans létude BR.21, qui a analy
177 échantillons et identifié 45 mutations chez 40 patients
atteints de CBNPC, seule l’origine asiatique était significative-
ment corrélée à la présence dune mutation (18). La cause des
mutations du domaine tyrosine kinase d’EGFR est inconnue.
Les disparités en fonction de la géographie et de l’exposition
tabagique laissent supposer qu’elles résultent d’interactions
complexes entre des facteurs génétiques et environnementaux,
dont la prévalence varie d’une région à l’autre (19).
Les mutations EGFR sont rares dans les autres cancers. Outre les
mutations du domaine extracellulaire décrites dans les gliomes,
des mutations du domaine tyrosine kinase ont été identiées
dans des cas danocarcinome colorectal, de cancer du sein et de
cancer des voies rodigestives surieures (VADS), ainsi que dans
une lignée cellulaire de cancer épidermoïde de lœsophage (KYSE-
450). Dans les cas de cancer des VADS, la mutation est toujours la
même (delE746-A750) et nest pas corrélée au statut tabagique.
Conséquences fonctionnelles des mutations EGFR
Les délétions en cadre dans lexon 19 surviennent juste en aval
d’un résidu lysine en position 745 (K745), essentiel pour la
fixation de l’ATP (figure 2). La disparition de quelques acides
aminés adjacents pourrait perturber la configuration du site
catalytique d’EGFR et la fixation de l’ATP. La mutation L858R
survient quant à elle à côté du motif très conservé DFG (acide
aspartique, phénylalanine, glycine) dans la boucle d’activation.
Ces mutations peuvent engendrer des changements confor-
mationnels responsables d’une augmentation de l’activité du
récepteur et de la sensibilité aux ITK.
Les travaux sur lignées cellulaires montrent que les mutants
EGFR engendrent une réponse accrue et prolongée après
stimulation par EGF, ainsi qu’une activation de voies sous-
jacentes différentes par rapport aux réponses obseres avec
le cepteur sauvage (20). Par ailleurs, la survie des lignées
porteuses de la mutation EGFR est pendante de l’activité
du mutant EGFR. Ces observations ont contribué à étayer le
concept d’“addiction” au mutant EGFR : les cellules porteuses
d’une mutation seraient constitutivement dépendantes de l’ac-
tivité d’EGFR pour leur survie. Cette hypothèse est confortée
par la constatation que l’inhibition de l’expression de l’EGFR
par si RNA (short-interfering RNA) ou l’inhibition pharma-
cologique de Stat ou d’Akt entraînent une apoptose massive
des cellules porteuses de la mutation, mais ont peu d’effet sur
la survie des cellules exprimant un cepteur sauvage (20).
Néanmoins, il faut souligner que toutes les mutations EGFR
nont probablement pas le même impact sur l’activité d’EGFR.
Parmi les mutations rares, certaines ne sont pas associées à
une réponse accrue aux ITK et d’autres sont même associées à
une résistance au traitement (mutation T790M).
THÉRAPEUTIQUES CIBLÉES ET MUTATIONS EGFR
Valeur prédictive des mutations EGFR
La réponse aux ITK peut être très variable : réponse specta-
culaire, stabilisation prolongée, progression sous traitement.
Cette observation a poussé à rechercher des facteurs prédic-
tifs de la réponse aux ITK. Plusieurs facteurs cliniques ont été
rapidement identifiés : statut non-fumeur, origine asiatique,
sexe féminin, histologie de type adénocarcinome (7, 8). Le
“tournant moléculaire” dans la recherche de facteurs prédic-
tifs est venu des premières descriptions de mutations EGFR,
menées chez des patients ayant présenté une réponse specta-
culaire sous ITK (15, 16). Cependant, la valeur prédictive de
ces mutations est loin d’avoir été formellement confirmée.
La recherche de facteurs moléculaires prédictifs de la sensi-
bilité aux ITK porte principalement sur les mutations EGFR,
mais aussi sur l’amplification génique d’EGFR et sur sa sur-
expression protéique. Elle concerne deux paramètres : la
réponse aux ITK et le bénéfice de survie sous ITK. Concernant
la réponse aux ITK, plusieurs études ont rapporté un meilleur
taux de réponse sous ITK chez les patients avec mutation par
rapport aux patients sans mutation. Par exemple, dans l’ana-
lyse moléculaire des essais IDEAL, le taux de réponse sous
gefitinib était de 46 % chez les patients avec mutation et de
10 % chez les patients sans mutation (21). Récemment, Hirsch
et al. ont rapporté, dans l’analyse biologique de lessai ISEL, un
taux de réponse au gefitinib de 37,5 % chez les patients avec
mutation et de 2,6 % chez ceux sans mutation (22). an-
moins, ces résultats doivent être nuancés. Dune part, il est
fréquemment décrit des cas de réponse chez des patients sans
mutation, ce qui peut s’expliquer par les limites techniques de
détection des mutations ou par une éventuelle voie d’action
alternative des ITK. D’autre part, tous les patients avec muta-
tion ne répondent pas aux ITK. Plusieurs hypothèses peuvent
être avancées pour expliquer ces cas : rôle des traitements
intercurrents reçus entre la date du prélèvement histologique
et celle de mise sous ITK, implications d’autres voies que la
voie EGFR dans la réponse aux ITK, fréquence des faux posi-
tifs dans la recherche de mutations EGFR, particulièrement
sur tissu inclus en paraffine (23), type de mutation observée…
Enfin, il faut souligner que la réponse aux ITK nest pas parfai-
tement corrélée à la survie sous ITK. En effet, les rares réponses
spectaculaires obtenues sous ITK ne peuvent expliquer à elles
seules le bénéfice de survie observé, qui semble donc en
grande partie dû aux stabilisations sous ITK.
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