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INSUFFISANCE CARDIAQUE
Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II
En attendant les grandes études et/ou pour les préparer, on assiste
à une floraison de travaux, dont la portée des conclusions reste,
comme leurs effectifs, limitée. Dans leur ensemble, ils montrent
une bonne tolérance du traitement, lorsqu’il est introduit à dose
faible (12,5 à 50 mg pour l’irbésartan), avec augmentation pro-
gressive jusqu’à la dose cible de 150 mg. En dehors de l’effica-
cité propre des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II,
ces études examinent la possibilité de les associer ou de les sub-
stituer aux IEC. La logique d’une association tient à la possibi-
lité d’un échappement thérapeutique sous IEC, avec formation
d’angiotensine par d’autres voies (chymase, cathepsine G...) que
celle de l’enzyme de conversion.
N. Vijay (Denver) rapporte ainsi les résultats d’une étude pilote com-
parant l’irbésartan au lisinopril chez 134 patients en insuffisance
cardiaque légère à modérée, déjà préalablement traités par IEC et
diurétiques. Dans cette étude, la substitution de l’IEC par l’irbésar-
tan est bien tolérée et, à l’issue de 12 semaines de traitement, les
deux molécules montrent une efficacité comparable sur la durée de
l’épreuve d’effort (critère de jugement primaire), la FEVG, le rap-
port cardiothoracique et l’état clinique (critères secondaires).
Sur un suivi également de 12 semaines, M. Tonkon (Anaheim)
évalue, sur 97 patients en classe II (80 %) ou III, l’intérêt d’as-
socier l’irbésartan au traitement conventionnel incluant déjà
un IEC. Il conclut à une bonne tolérance, malgré une baisse sup-
plémentaire des pressions artérielles systolique et diastolique, sans
effet sur la fréquence cardiaque, avec, comme effets secondaires,
seulement 6 arrêts de traitement. L’introduction de l’irbésartan
s’accompagne de tendances favorables mais non significatives sur
la durée de l’épreuve d’effort (critère de jugement primaire), la
FEVG, le rapport cardiothoracique et l’état clinique (critères
secondaires). Les dosages pratiqués sur un sous-groupe de
20 patients montrent l’élévation attendue de la rénine plasmatique
et du taux d’angiotensine II, avec blocage de l’aldostérone.
Dans deux autres études, conduites selon un même schéma,
M. Tocchi (Galveston) observe un effet favorable après trois mois
d’association losartan-captopril sur les volumes ventriculaires et
la FE d’effort, et G. Hamroff (New York) rapporte une amélio-
ration de la classe fonctionnelle et du pic de VO2six mois après
l’introduction de losartan à la dose de 50 mg/jour.
VENTRICULOTOMIE GAUCHE PARTIELLE
Les Américains s’intéressent de près à l’intervention de Batista,et
R.C. Starling rapporte l’expérience de la Cleveland Clinic Foun-
dation sur 57 patients, dont 54 étaient en attente de transplanta-
tion. La survie à un an est comparable à celle observée dans
le même établissement après transplantation (82,1 % versus
87,3%), mais au prix d’interventions complémentaires (dont une
transplantation) pour près d’un tiers des patients.
L’insuffisance mitrale postopératoire semble être un des points cri-
tiques de cette technique. Plusieurs communications soulignent la
nécessité d’associer à la résection musculaire une réparation de la
valve mitrale dès qu’il existe une insuffisance mitrale significative,
même si la survenue et la sévérité de l’IM postopératoire ne semblent
liées ni à une IM préexistante, ni à la nature de la cardiomyopathie.
La persistance d’une insuffisance mitrale après intervention s’ac-
compagne à moyen terme d’une nouvelle dilatation du VG, qui
retrouve des dimensions comparables à celles qu’il avait avant
résection musculaire. L’équipe de Batista (Curitiba, Brésil) s’in-
terroge sur la nature du geste à accomplir. L’insuffisance mitrale
reste fréquente après valvuloplastie, et si un remplacement val-
vulaire s’avère plus efficace, il s’accompagne en fait d’une
moindre survie, dès lors qu’il est associé à une résection des
muscles papillaires. Cela rejoint la discussion plus générale sur
l’intérêt de conserver l’appareil sous-valvulaire mitral lors d’une
chirurgie mitrale sur un ventricule gauche très altéré.
Les muscles papillaires sont décidément bien menacés dans cette
intervention. S’ils sont respectés par le chirurgien, ils courent un
risque de nécrose non négligeable. À l’autopsie de 11 patients
(sur 34 opérés suivis pendant 10 mois), P.M. Cury (São Paulo)
observe que tous les cœurs présentaient des lésions d’infarctus à
proximité de la cicatrice, de 3 à 6 cm et s’étendant souvent aux
muscles papillaires. Trois patients avaient également un héma-
tome ou un épanchement péricardique compressif.
Comment traite-t-on
l’insuffisance cardiaque
chez nos voisins européens ?
À partir de 1 825 patients inclus par
9 pays dans l’étude PRIME-II (sur
l’ibopamine), D.L. van Veldhuisen
(Groningue) a dressé un tableau mon-
trant les grandes tendances des pres-
criptions dans l’insuffisance cardiaque.
À le lire, Pascal est toujours parmi nous
(“vérité en deçà des Pyrénées, erreur
au-delà”) et les frontières ne sont pas
encore tombées dans l’Europe médi-
cale (tableau IV). Les nombres correspondent à des pourcentages.
* IEC : 150 mg de captopril ou 40 mg d’énalapril ou équivalent.
Antiarythmiques : amiodarone dans ± 90 % des cas.
(somme) : somme des % de patients sous anticoagulant ou sous antiagrégant plaquettaire.
Tableau IV. Grandes tendances des prescriptions dans l’insuffisance cardiaque selon les
pays.
Pays NL UK GER IT FR BE SP SW DK
Nombre de patients 427 337 223 220 208 124 123 82 81
Digitaliques 60 39 87 81 58 62 71 65 77
IEC * 25 35 18 19 22 17 32 29 25
Antiarythmiques 18 23 19 25 44 26 16 32 15
Bêtabloquants 11 2 10 3 3 10 3 6 7
Inhibiteurs calciques 7 11 13 5 15 2519
Anticoagulants 70 39 42 27 19 23 47 68 31
Antiagrégants 18 43 32 24 26 32 31 23 51
(somme) 88 82 74 51 45 55 78 91 82
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