I N F O R M A T I O N S Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies 4es Journées nationales du groupe de travail de la Société Française de Cardiologie ● Dr Ph. Duc* L e groupe de travail Insuffisance cardiaque et cardiomyopathie, de la Société Française de Cardiologie, présidé par le Pr M. Desnos, organise biannuellement des journées permettant aux cardiologues de partager leur expérience. Ces 4es Journées se sont déroulées du 4 au 6 juin 1998, à Nice, où le Pr P. Gibelin a accueilli près de 400 cardiologues. THROMBOSE, ARYTHMIES ET INSUFFISANCE CARDIAQUE Un symposium sur ce thème était organisé par le laboratoire Procter & Gamble Pharmaceuticals. Les accidents thromboemboliques sont relativement rares (1 à 2 %) et probablement sous-estimés, avec une évaluation risque/bénéfice rendue difficile par cette faible prévalence. Les facteurs de risque sont assez classiques (fibrillation auriculaire, thrombus ventriculaire, antécédent thromboembolique), même s’ils ne sont pas tous retrouvés dans la littérature (Dr R. Isnard). La prise en charge est encore très empirique, car les données sont peu nombreuses (Dr G. Roul). Selon les caractéristiques du patient (âge, facteurs de risque thromboembolique...), le clinicien a le choix entre les antivitamines K, l’aspirine, ou rien du tout ! Les arythmies supraventriculaires dans l’insuffisance cardiaque sont dominées par la fibrillation auriculaire (FA), dont la fréquence, comme celle de l’insuffisance cardiaque, augmente considérablement avec l’âge (Pr Le Heuzey). L’effet délétère de la FA est lié non seulement à la fréquence ventriculaire rapide mais également à son caractère irrégulier. Il est habituel, lors d’un premier accès de FA, d’essayer de réduire celleci. La prévention de la FA repose principalement sur l’amiodarone, les antiarythmiques de classe I étant contre-indiqués, du fait de leur action chronotrope négative. * Service de cardiologie A (Pr Aumont), CHU Bichat-Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 Le myocarde défaillant développe des phénomènes d’automaticité anormale avec ou sans réentrée (Dr C. Barnay). Les arythmies ventriculaires sont très fréquentes, avec environ 70-80 % d’extrasystolie ventriculaire et 30-40 % de tachycardie ventriculaire non soutenue ou soutenue. Elles ne permettent donc pas de discriminer les patients à risque de mort subite, celle-ci constituant le mode de décès dans environ 30-40 % des cas. Les examens disponibles sont d’un apport inégal. Le Holter ECG permet de quantifier les arythmies ventriculaires, mais sa valeur pronostique est incertaine dans les cardiopathies non ischémiques. Les potentiels tardifs ont surtout une valeur prédictive négative. Enfin, la stimulation ventriculaire programmée a montré son intérêt, principalement lorsque l’on peut déclencher une arythmie ventriculaire, l’absence de déclenchement d’arythmie ventriculaire ne préjugeant pas de l’absence de risque de mort subite. Finalement, c’est l’existence d’une tachycardie ventriculaire soutenue documentée ou d’un arrêt cardiaque récupéré qui reste le meilleur marqueur pronostique du risque de récidive. Le traitement des arythmies ventriculaires dans l’insuffisance cardiaque (IC) (Dr Mabo) est en pleine évolution. L’effet des traitements est modifié dans l’insuffisance cardiaque : changement des propriétés antiarythmiques et proarythmiques, interactions médicamenteuses, insuffisance hépatique ou rénale. Sur le plan pharmacologique, le choix est limité à l’amiodarone et aux bêtabloquants, qui peuvent être associés. Seules les arythmies ventriculaires symptomatiques sont à prendre en compte pour un traitement, qu’il soit médicamenteux ou non médicamenteux ; ce dernier volet est dominé par le défibrillateur implantable, et plus rarement par une ablation, en cas de tachycardie ventriculaire par réentrée de branche à branche. L’indication de défibrillateur implantable est difficile chez des patients souffrant d’IC, qui ont souvent un pronostic sombre. 11 I N F O R M A T I O N S PRONOSTIC DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE (modérateurs Drs M. Baudouy et M. Ferrière) La mort subite représente 28 à 42 % des décès (Dr M. Galinier), avec une fréquence inversement proportionnelle à la classe NYHA (50-60 % des classes I et II de la NYHA pour 20-30 % des classes III et IV). Les facteurs responsables de mort subite sont multiples (figure 1). Les troubles du rythme à l’origine de la mort subite sont nombreux : tachycardie ventriculaire soutenue, fibrillation ventriculaire, torsades de pointe, dissociation électromécanique et bradycardie. Il est à noter que, dans les classes III/IV, les troubles du rythme ventriculaire (TV ou FV) ne représentent que 38 % des causes de mort subite. Ce concept de mort subite est difficile à apprécier, car la définition varie selon les études. Ainsi, pour Bayes de Luna, la notion de mort subite suppose une stabilité antérieure de deux à quatre semaines, alors que d’autres études retiennent comme critère un décès survenu dans l’heure qui suit les premiers symptômes. Les facteurs prédictifs retrouvés de manière concordante dans les études sont peu nombreux : syncope et mort subite récupérée. Les épisodes de tachycardie ventriculaire non soutenue sont davantage des marqueurs de mortalité globale que de mort subite. Certaines études retrouvent, au Holter ECG, des éléments prédictifs de mort subite : la présence de plus de trois salves d’ESV/24 h, la fréquence rapide des ESV et leur caractère prolongé. Enfin, un taux élevé de noradrénaline est un marqueur de mort subite. Ainsi, même si le lien entre insuffisance cardiaque et mort subite est fort, il est faible entre trouble du rythme et mort subite. Facteurs impliqués dans la mort subite Facteurs iatrogènes Facteurs structuraux Fibrose Antiarythmiques Dilatation ou HVG Facteurs fonctionnels Digitaliques Système sympathique Diurétiques Système rénine-aldostérone Inotropes positifs Désordres hydro-électrolytiques Figure 1. Facteurs impliqués dans la mort subite. La variabilité aussi bien sinusale que tensionnelle a été étudiée dans l’IC (Dr R. Vidal). De nombreux marqueurs ont été décrits pour la variabilité temporelle (SDNN, SDANN, RMSSD, pNN50) ou spatiale (PT, VLF, HF, ULF, LF). Le SDNN est un marqueur indépendant de la mortalité dans l’IC, que celle-ci soit symptomatique ou non. Globalement, on observe une diminution des paramètres de la variabilité de la fréquence cardiaque, d’autant plus importante que l’IC est sévère. Pour la variabilité tensionnelle, il existe une diminution préférentielle des paramètres de basse fréquence. Le pronostic de l’IC diastolique est difficile à apprécier (Pr P. Bareiss). Les études sont souvent effectuées sur de faibles effectifs avec une hétérogénéité de définition. La mortalité 12 annuelle varie de 1,3 à 17,5 %, avec une moyenne de 3-9 %, même si ces chiffres ne sont malheureusement pas indexés à l’âge. Le pronostic semble donc nettement meilleur que celui de l’IC avec dysfonction systolique. BIOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE CHRONIQUE (modérateurs Prs M.C. Aumont et M. Lazdunski) Les endothélines sont produites par les cellules endothéliales (Dr F. Pousset). Il existe trois formes d’endothélines (ET-1, ET2, ET-3), mais c’est principalement l’ET-1 qui a des effets biologiques. L’ET-1 est sécrétée par les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses et les myocytes. Elle a de multiples actions : vasoconstriction intense, hypertrophie et croissance cellulaire, action inotrope positive, stimulation de la synthèse de l’angiotensine II et “up-regulation” des récepteurs bêta-2. L’ET-1 est le plus puissant des vasoconstricteurs actuellement connus. Ces trois endothélines agissent par l’intermédiaire de deux récepteurs à l’endothéline, les récepteurs ET-A et ET-B. Les ETA sont à l’origine d’une vasoconstriction des cellules musculaires lisses et les ET-B d’une vasodilatation de l’endothélium vasculaire. L’endothéline est principalement augmentée dans les stades III et IV de la NYHA, en raison d’une diminution de sa clairance pulmonaire. Plusieurs antagonistes des récepteurs de l’endothéline sont connus (ET-A, ET-B, ET-A et ET-B). Plusieurs molécules sont en développement, sans que l’on puisse déterminer quelle serait la meilleure approche pharmacologique entre les antagonistes mixtes ou les antagonistes spécifiques ET-A ou B. Le taux des cytokines est augmenté dans l’IC (Dr L. Beck). À titre d’exemple, le TNF alpha ainsi que l’interleukine 6 ou 8 sont d’autant plus augmentés que la classe NYHA est sévère. La surexpression du TNF alpha chez la souris entraîne une cardiomyopathie dilatée avec un syndrome inflammatoire, mais il semble être encore trop tôt pour pouvoir extrapoler chez l’homme le rôle des cytokines dans la pathogenèse de l’IC. La troponine I cardiaque semble être un bon marqueur de l’IC (Dr E. Missov). Lors de l’IC, on observe plusieurs phénomènes cellulaires ou subcellulaires : nécrose, diminution des sarcomères, œdème, fibrose... La troponine I fait partie du complexe actine-myosine et inhibe l’activité ATPasique de ce complexe. La troponine T positionne le complexe de myosine sur le filament d’actine. Dans l’IC, une libération anormale de troponine I se produit, reflétant l’exposition du milieu intracellulaire au milieu extracellulaire, avec libération du contenu cellulaire. Les taux de troponine I et T sont ainsi le reflet de la désorganisation myocardique, de la mort cellulaire et de la gravité de l’IC. Leur rôle comme facteur pronostique ou leur évolution ne sont pas encore connus. ÉCHOCARDIOGRAPHIE-DOPPLER ET INSUFFISANCE CARDIAQUE (modérateurs Drs A. Hagège et A. Habib) Les myocardiopathies, qu’elles soient dilatées ou hypertrophiques (MCH), possèdent un ensemble de caractéristiques permettant un diagnostic positif dans la très grande majorité des cas (Pr O. Dubourg). Les MCH sont caractérisées par une épaisseur .../... La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 I .../... des parois myocardiques supérieure à 13 ou 15 mm selon qu’il s’agit de formes familiales ou sporadiques. Cet épaississement est le plus souvent asymétrique, avec une petite cavité ventriculaire. L’obstacle dynamique intraventriculaire n’est pas fréquent (présent dans environ un tiers des MCH), avec une anomalie de la relaxation (temps de relaxation isovolumique du ventricule gauche augmenté). Il est à noter que l’oreillette gauche peut être augmentée sans fuite mitrale associée. L’hypertrophie du ventricule droit est fréquente (≥ 4,5 mm), de façon très variable selon les études (6 à 44 %). Les cardiomyopathies dilatées (CMD) ont des parois d’épaisseur normale mais sont associées à une dilatation ventriculaire gauche nette et à une altération de la fraction d’éjection (≤ 45 %). Plus la dilatation ventriculaire est importante et plus le pronostic est sombre. Ainsi, pour un diamètre télédiastolique du ventricule gauche > 70 mm, la mortalité à un an est de 71 %. En revanche, lorsque l’épaisseur est augmentée, le pronostic est meilleur. Les critères diagnostiques des CMD ou des MCH ne reposent donc pas seulement sur les épaisseurs des parois ou sur le diamètre ventriculaire, mais également sur les indices doppler ou du ventricule droit. Le doppler tissulaire (Dr D. Pellerin) constitue une voie de recherche très intéressante pour aider au diagnostic ou à définir le pronostic des patients ayant une CMD ou une atteinte ischémique. Il permet d’obtenir des informations sur les anomalies intramyocardiques. Des études sur des effectifs plus importants permettront de mieux préciser son apport. INSUFFISANCE CARDIAQUE ET BLOCAGE BÊTA-ADRÉNERGIQUE (modérateurs Prs J.P. Bounhoure et P. Gibelin) L’utilisation des bêtabloquants dans l’IC a été soulignée par un symposium sur ce thème organisé par Carveteam. La stimulation neurohormonale (Pr M. Komajda) constitue un marqueur de gravité, qui a été observé dans les études SOLVD (traitement ou prévention). Elle constitue également un marqueur pronostique. Les marqueurs neurohormonaux vasoconstricteurs s’opposent aux systèmes de compensation, vasodilatateurs, natriurétiques et antiprolifératifs. Le rôle antineurohormonal constitue une des propriétés fondamentales des médicaments bénéfiques dans l’insuffisance cardiaque, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloquants. L’apoptose ou mort cellulaire programmée (Pr J.J. Mercadier) intervient dans de nombreux processus pathologiques cardiovasculaires, notamment dans l’insuffisance cardiaque. Cette mort cellulaire programmée fait intervenir aussi bien les corps cellulaires que les noyaux, suite à un ensemble de stimulations. L’ensemble du processus d’apoptose et des stimulations qui en sont à l’origine n’est pas encore parfaitement connu. L’apoptose étant le résultat d’une cascade d’événements, elle pourrait être régulable quand ces mécanismes seront mieux connus. Même si l’apoptose ne concerne qu’une minorité des myocytes cardiaques à un moment donné, pendant un laps de temps assez bref, elle peut être à l’origine d’une destruction importante du myocarde. La plupart des étiologies d’IC impliquent l’apoptose (ischémie coronaire, myocardite virale, hypertrophie secondaire à une surcharge barométrique ou volumétrique...). La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 N F O R M A T I O N S Lors de l’IC, on observe une diminution de la densité des récepteurs, en raison aussi bien de la non-stimulation de leur gène que de la “down-regulation” (Dr B. Crozatier). Le système bêta-adrénergique est constitué de trois éléments : le récepteur bêta-adrénergique, l’adénylate cyclase, qui est l’enzyme permettant la transformation de l’ATP en AMP cyclique, et la protéine G, qui est l’enzyme effectrice. Lors de l’IC, un cercle vicieux s’installe progressivement : une moindre réponse du myocarde et la “down-regulation” des récepteurs bêta-1 entraînent une moindre réponse à la stimulation des catécholamines, celleci étant elle-même à l’origine d’une “down-regulation” des récepteurs adrénergiques... Les bêtabloquants exercent une action bénéfique par plusieurs mécanismes : protection cellulaire par diminution des effets délétères des catécholamines, restauration de la densité des récepteurs bêta-adrénergiques, diminution de la surcharge calcique... Les bêtabloquants diminuent la morbi-mortalité de l’IC, avec comme principal mécanisme de contrer la stimulation sympathique qui, si elle est initialement bénéfique, devient délétère à terme (Pr P. Lechat). Si la stimulation des récepteurs alpha- et bêta-adrénergiques est initialement bénéfique, car permettant une augmentation du débit cardiaque, elle est à l’origine d’une surcharge calcique intracytosolique et d’une ischémie, entraînant à long terme une diminution de la masse contractile et une apoptose. La propriété chronotrope négative des bêtabloquants a, par elle-même, probablement un effet bénéfique. Dans l’étude CIBIS I, le ralentissement de la fréquence cardiaque est le meilleur facteur prédictif de survie. Dans l’IC, l’augmentation de la production des radicaux libres et leur plus faible élimination sont à l’origine d’un stress oxydatif qui est réduit par les bêtabloquants. Ces éléments expliquent, après plusieurs semaines de traitement, l’amélioration de la fonction ventriculaire systolique (fraction d’éjection). Cette amélioration est un paramètre qu’il est important de prendre en compte pour la survie. La préservation de la fonction systolique est un des principaux facteurs prédictifs de l’amélioration de la survie. Inversement, chez les patients qui n’ont pas amélioré leur fonction ventriculaire, une augmentation de la mortalité a été observée (CIBIS I). L’étude CIBIS II permettra de connaître les effets du bisoprolol sur la morbi-mortalité. L’un des principaux problèmes rencontrés avec les bêtabloquants dans l’IC concerne leur mise en route. Le Pr J.B. Bouhour a exposé les résultats de différents schémas de mise en route du carvédilol. Les patients ont été classés comme étant à haut risque (groupe A) ou à bas risque (groupe B) en fonction de la classe NYHA, de leur âge et de la dose de diurétiques. Le groupe A rassemblait les patients en classe IV de la NYHA ainsi que les patients en classe II ou III de la NYHA ayant plus de 65 ans et une dose de furosémide journalière supérieure à 80 mg. Trois schémas de mise en route ont ensuite été comparés : augmentation lente (toutes les trois semaines) ou augmentation standard (toutes les deux semaines) pour le groupe A ; augmentation standard ou accélérée (toutes les semaines) pour le groupe B. Une majorité des patients étaient traités simultanément par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les diurétiques (70 %), et une moindre proportion par l’association inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques et digoxine (40 %). Les sorties d’es15 I N F O R M A T I O N S sais ont été observées dans 11 % des cas, principalement chez les femmes et les sujets âgés, et plus fréquemment dans le groupe A que dans le groupe B. L’asthénie, la bradycardie et l’insuffisance cardiaque étaient les principaux motifs de sortie d’essai. En ce qui concerne ces sorties d’essais, 6 % des insuffisances cardiaques étaient graves dans le groupe A, et seulement 2 % dans le groupe B. Pendant la durée de l’étude et sur 259 patients, on a observé 77 hospitalisations. Depuis la mise sur le marché du carvédilol, des ateliers pratiques d’échanges sur l’IC ont été mis en route et ont permis d’effectuer un relevé de données chez 371 insuffisants cardiaques stables traités par le carvédilol (Pr A. Cohen Solal). Les variations de fréquence cardiaque et de tension artérielle ont été faibles (respectivement – 5 battements/min et – 8 mmHg). Les épisodes de bradycardie (< 50 bpm ; 10 patients) ou d’hypotension artérielle (< 85 mmHg ; 11 patients) ont été observés pendant les deux premières heures. Même si quelques effets indésirables ont été notés chez des patients ayant une association de médicaments bradycardisants ou hypotenseurs, ces incidents peuvent survenir lors d’une surveillance systématique chez un insuffisant cardiaque “tout-venant”. L’instauration du carvédilol nécessite donc de suivre scrupuleusement les recommandations actuelles : pour un patient en insuffisance cardiaque stable, surveillance en milieu médical (hospitalier à ce jour), prenant en compte les contre-indications liées aux cothérapies, notamment hypotensives et bradycardisantes. CARDIOMYOPATHIES (modérateurs Prs M. Desnos et J.Y. Fraboulet) Les cardiomyopathies restrictives sont les atteintes primitives myocardiques les plus rares (Dr J.M. Langlard). Le pronostic est sévère chez l’enfant et variable chez l’adulte, avec des différences importantes liées aux études, qui sont faites sur de petits effectifs. L’amylose cardiaque est la plus fréquente des cardiomyopathies restrictives, avec un pronostic dominé par l’atteinte cardiaque. Lorsqu’une localisation cardiaque est diagnostiquée, la survie moyenne est de 13 mois. Le traitement est principalement symptomatique et fait surtout appel aux diurétiques. Les digitaliques sont à manier avec précaution, du fait de leur potentiel arythmogène. Le recours à l’association melphalan et prednisone semble donner de bons résultats. Quant à la transplantation cardiaque, elle semble ne pas être une thérapeutique de choix, avec fréquemment une localisation d’amylose sur le greffon. Les myocardiopathies hypertrophiques (MCH) ont été étudiées ces dernières années sur le plan génétique grâce au groupe de travail de la Société Française de Cardiologie. Les cas familiaux de MCH ont été recensés et analysés en utilisant l’ECG, l’échocardiographie cardiaque et la localisation du gène responsable de la maladie (Dr P. Charron). Les critères ECG majeurs retenus étaient une hypertrophie ventriculaire gauche selon l’échelle de Romhilt et Estes, des ondes T négatives et des ondes Q. L’épaisseur pariétale échographique retenue devait être supérieure à 13 mm (MCH familiale). Le gold standard retenu était l’atteinte génétique. La sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et négative montrent une amélioration des résultats lorsque l’on couple ECG et échocardiographie (tableau I). Les résultats sont d’autant meilleurs que les sujets sont âgés. 16 Tableau I. Sensibilité (Se), spécificité (Sp), valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN) de l’ECG et de l’échocardiographie pour le diagnostic de MCH chez l’adulte. Se (%) Sp (%) VPP (%) VPN (%) ECG 61 97 96 72 Échocardiographie 62 100 100 73 ECG + écho. 70 97 98 77 Les isotopes ont vu leur place augmenter considérablement ces dernières années parmi les investigations cardiologiques (Pr Y. Juillière). En dehors de la scintigraphie au thallium et de la fraction d’éjection isotopique, qui sont les examens les plus utilisés, on recourt à d’autres marqueurs. La scintigraphie au gallium 67 permet de mettre en évidence des lésions inflammatoires. La scintigraphie à la MIBG (analogue de la noradrénaline) permet d’étudier le recaptage et le stockage de la noradrénaline en explorant l’activité présynaptique. La fixation est corrélée à la fraction d’éjection et est de bonne valeur pronostique. La scintigraphie aux anticorps antimyosine permet de mettre en évidence les foyers de destruction cellulaire aigus ou subaigus comme dans les myocardites. NOUVELLES APPROCHES THÉRAPEUTIQUES (modérateurs Pr J.B. Bouhour, Dr Ph. Duc) Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont utilisés depuis plus d’une décennie, mais la posologie utilisée en pratique est rarement celle des essais cliniques (Pr M. Komajda). Pour l’énalapril, par exemple, la posologie des essais cliniques a été en moyenne de 18,4 mg, alors qu’en pratique elle est de l’ordre de 2,5 à 5 mg/j. Or, il existe une relation dose-effet avec la mortalité, et on ne sait pas quel est l’effet des faibles doses d’IEC sur la mortalité. Une étude avec l’énalapril (étude NETWORK) à des posologies de 2,5, 5 et 10 mg chez des insuffisants cardiaques en classe II à IV de la NYHA n’a pas montré de différence cliniquement significative pour le critère combiné décès et hospitalisations, mais le suivi n’était que de six mois et aucun critère de fraction d’éjection n’était demandé à l’inclusion. L’étude ATLAS a été mise en route pour répondre à cette problématique. Cette étude multicentrique a inclus 3 000 patients en classe II à IV de la NYHA, ayant une fraction d’éjection de moins de 30 % et un traitement associant diurétique et digoxine depuis plus de deux mois. L’IEC utilisé était le lisinopril, avec des posologies de 2,5-5 mg ou 32,5-35 mg/j. La moyenne d’âge était de 64 ans, avec 79 % d’hommes ; une majorité de patients avaient une cardiopathie ischémique (les deux tiers) et 18 % d’entre eux étaient en fibrillation auriculaire. La grande majorité des patients était en IC légère à modérée avec la répartition suivante selon la classe NYHA : classe I, 1 % ; classe II, 16 % ; classe III, 77 % ; classe IV, 7 %. La mortalité globale était inchangée entre les groupes à faible et forte posologie (risque relatif de 0,12, p = 0,128, tableau II). En revanche, le critère combiné décès toutes causes et hospitalisations cardiovasculaires a été significativement réduit dans le groupe lisinopril forte dose (risque relatif de 0,88, La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 I p = 0,002). Les hypotensions sous traitement étaient rares et de survenue similaire dans les deux groupes de traitement. Une forte dose de lisinopril diminue la morbidité hospitalière par rapport à une faible dose tout en ayant une bonne tolérance. Tableau II. Résultats de l’étude ATLAS (lisinopril). Critères de jugement Faible dose n = 1 596 Forte dose n = 1 568 RR p Décès toutes causes 44,9 % 42,5 % 0,92 NS Décès toutes causes et hospitalisations cardiovasculaires Hospitalisations pour IC 70,1 % 66,9 % 247 198 0,92 (0,84-0,90) 0,001 0,80 NC RR : risque relatif forte dose versus faible dose ; NS : non significatif ; NC : non calculé. Les antagonistes de l’angiotensine II sont utilisés depuis plusieurs années dans l’hypertension artérielle, mais leur place dans l’insuffisance cardiaque n’est pas encore définie (Pr F. Delahaye). Le losartan a montré une amélioration des paramètres hémodynamiques ainsi que des paramètres fonctionnels à trois mois. L’étude ELITE I, effectuée chez des insuffisants cardiaques de plus de 65 ans, en classe II à IV de la NYHA et ayant une dysfonction systolique (FE < 40 %), a montré que les tolérances, sur la fonction rénale, du captopril à une posologie de 150 mg/j ou du losartan étaient comparables. En revanche, la mortalité était plus faible dans le groupe losartan (4,8 % versus 8,7 %). Cette étude n’était pas une étude de mortalité et ces résultats sont donc à considérer sous toute réserve. L’étude de mortalité ELITE II, qui a inclus 2 662 patients, répondra à cette question de l’effet bénéfique éventuel du losartan. Par ailleurs, et outre leur effet bénéfique éventuel, quelle est la place des antagonistes de l’angiotensine II par rapport aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion ? Ces deux classes doivent-elles être associées ou administrées seules ? L’étude RESOLVD a étudié l’énalapril et le candesartan seuls ou en association, mais elle a été arrêtée prématurément en raison d’un augmentation de mortalité dans le groupe associant candesartan et énalapril. Toutefois, cette étude ne préjuge pas des résultats avec d’autres antagonistes de l’angiotensine. L’étude OPTIMAL permettra de juger de la place des antagonistes de l’angiotensine II dans le post-infarctus. Les inhibiteurs calciques ont également été étudiés dans l’IC (Dr C. Touati). La plupart d’entre eux ne sont pas utilisés du fait La Lettre du Cardiologue - n° 300 - octobre 1998 N F O R M A T I O N S de leur potentiel délétère (diminution de la contractilité, activation du système neurohormonal). Seule l’amlodipine semble avoir un effet bénéfique sur la morbi-mortalité dans l’IC non ischémique (étude PRAISE I). L’étude PRAISE II permettra de mieux apprécier son rôle dans l’arsenal pharmacologique. La félodipine a été également étudiée dans Veterans III. Les résultats sont modestes, avec une amélioration de l’épreuve d’effort au 27e mois. Au total, la place des antagonistes calciques dans l’IC semble peu importante par rapport à celle des autres classes thérapeutiques, et réservée à des cas restreints comme les hypertensions artérielles non contrôlées. L’amiodarone a fait l’objet de nombreuses études ces dernières années (Dr J.F. Aupetit). L’étude EMIAT a montré une diminution significative de la mort subite et des arrêts cardiaques avec l’amiodarone, de même que l’étude CAMIAT dans le post-infarctus, mais, dans les deux cas, la mortalité globale restait inchangée. Dans l’insuffisance cardiaque, l’étude GESICA a montré une diminution significative de la mortalité globale (28 %), mais il s’agissait d’une étude en ouvert, et l’étude CHF-STAT n’a pas montré de réduction de la mortalité avec l’amiodarone. Une métaanalyse a été effectuée à partir de 15 essais (étude ATMA). L’amiodarone entraîne une réduction de 23 % des décès cardiaques, une diminution de 30 % des morts subites et une diminution de la mortalité globale de 10 %. Cette efficacité a été retrouvée quel que soit le degré d’atteinte de la fraction d’éjection, qu’il y ait ou non une insuffisance cardiaque et que des épisodes de tachycardie ventriculaire soient objectivés ou non. Ainsi, l’amiodarone diminue significativement la mort subite, sans effet proarythmique mais avec une réduction discrète de la mortalité. Les défibrillateurs implantables ont été particulièrement étudiés ces dernières années, après une période de mise au point (Dr A. Millaire). L’étude AVID a montré une diminution significative de la mortalité dans le groupe défibrillateur implantable par rapport au groupe antiarythmique, chez des patients ayant moins de 65 ans et une fraction d’éjection inférieure à 30 %. L’étude MADIT va dans le même sens, montrant une diminution significative de la mortalité globale (p = 0,009), chez des insuffisants cardiaques en classe II/III de la NYHA, dans le groupe défibrillateur par rapport au groupe antiarythmique (l’amiodarone représentait 74 % des antiarythmiques). Ainsi, les défibrillateurs diminuent la mortalité dans l’insuffisance cardiaque légère ou modérée, mais l’amélioration n’est pas observée chez les sujets à faible risque rythmique. ■ 17