La Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
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Les travaux de C. Gautier (Nantes) ont bien montré que la
stimulation bêta 3-adrénergique induit un effet inotrope négatif
sur les myocytes humains, mettant en jeu une production d’oxyde
nitrique. Cet effet inotrope négatif est cependant atténué sur les
myocytes provenant de patients insuffisants cardiaques, sans
qu’une différence soit retrouvée en fonction de l’étiologie isché-
mique ou non. Cette réduction d’effet semble dépendre d’une
réduction de l’expression et donc de l’activité de la NO synthase
retrouvée au niveau du myocarde insuffisant.
Un autre aspect de l’impact des neurohormones du système
rénine-angiotensine et des catécholamines est celui de la modu-
lation des effets de l’angiotensine par les bêtabloquants
adrénergiques sur l’activité de type métalloprotéase de la
matrice extracellulaire. Cette activité est augmentée aux stades
très avancés de l’insuffisance cardiaque et est stimulée par l’ac-
tivation des récepteurs AT1 de l’angiotensine II. Elle induit la
dégradation des protéines de la matrice extracellulaire, ce qui
entraîne un œdème interstitiel et une augmentation de la rigidité
pariétale. Les expériences rapportées par S. Hideaki et coll. (Bal-
timore) ont évalué les effets sur la rigidité pariétale des perfu-
sions d’angiotensine II sur le modèle d’insuffisance cardiaque
induite par pacing rapide chez le chien. Le traitement bêtablo-
quant par l’aténolol prévient l’augmentation de rigidité pariétale
induite par l’angiotensine II. Ces résultats suggèrent qu’une par-
tie du bénéfice induit par les bêtabloquants dans l’insuffisance
cardiaque pourrait résulter de l’antagonisme des effets délétères
de l’angiotensine sur l’activité métalloprotéase.
BÊTABLOQUANTS ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
Études cliniques : CIBIS II , MERIT
Les résultats de l’étude CIBIS II,qui avaient été présentés pour
la première fois lors du congrès de la Société européenne de car-
diologie, l’ont été à nouveau avec certains compléments d’in-
formation. Le traitement par le bisoprolol des patients insuffi-
sants cardiaques en classe fonctionnelle III ou IV avec fraction
d’éjection inférieure à 35 %, traités par diurétiques et inhibiteurs
de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, réduit la mortalité
globale de 32 % si l’on considère les simples pourcentages, et
de 34 % si l’on considère l’estimation à partir des courbes de
survie. La mortalité subite est réduite de 42 %. Aucune hété-
rogénéité de l’effet du bisoprolol en fonction de l’étiologie
de l’insuffisance cardiaque ou du stade de la NYHA n’est retrou-
vée. De même, aucune interaction avec la prise concomitante de
digitalique ou d’amiodarone n’a été retrouvée. Le pourcentage
de patients sous IEC est identique (98 %) au sein des différents
pays européens ayant participé à l’étude. De même, aucune hété-
rogénéité statistique de l’effet du bisoprolol n’est retrouvée entre
ces différents pays.
La présentation des caractéristiques des patients inclus dans
l’étude MERIT,récemment interrompue pour bénéfice en faveur
du métoprolol, n’a été complétée que par l’annonce d’une
réduction de 35 % de la mortalité, chiffre remarquablement simi-
laire à ceux obtenus dans l’étude CIBIS II. Nous disposons ainsi
d’une somme de données concordantes particulièrement remar-
quables avec l’administration de bêtabloquants sélectifs des
récepteurs bêta 1-adrénergiques, bisoprolol ou métoprolol. Dans
l’étude MERIT, 3 991 patients ont été inclus, dont 73 % en Europe
(âge moyen 64 ans, 59 % en classe III, 62 % d’étiologie isché-
mique). La mortalité annuelle dans le groupe placebo n’est cepen-
dant que de 9,4 % (par rapport à 12 % dans CIBIS II). La dose
moyenne de métoprolol a été de 163 mg.
Les résultats complets de l’étude MERIT devraient être présen-
tés lors du prochain congrès de l’ACC. Ceux de CIBIS II seront
très prochainement publiés dans The Lancet.
Insuffisance cardiaque : études rapportées avec le carvédilol
Deux études intéressantes ont été rapportées concernant le rôle
du stress oxydant. Une première étude présentée par Kukin et
coll. (New York) a comparé en ouvert les effets du métopro-
lol à ceux du carvédilol administrés pendant un an chez
67 patients insuffisants cardiaques classe II à IV, recevant
presque tous un traitement par IEC ou antagoniste de l’angio-
tensine II. La dose visée des deux bêtabloquants était de 25 mg
deux fois par jour. La fréquence des arrêts prématurés de trai-
tement a été identique dans les deux groupes, soit 20 %. La
fréquence cardiaque a été plus ralentie avec le carvédilol et la
fraction d’éjection a augmenté de façon similaire dans les deux
groupes. Surtout, la concentration plasmatique de TBARS
(thiobarbituric acid reactive substance),qui représente une
évaluation indirecte du niveau de radicaux libres oxygénés au
niveau plasmatique et qui dose en fait l’acide malondialdéhyde,
a diminué de la même façon dans les deux groupes sans diffé-
rence significative. Les principales critiques que l’on peut faire
à cette étude sont le caractère ouvert de la comparaison et le
niveau relativement faible des doses de métoprolol utilisées par
rapport à celles de carvédilol. Dans tous les cas, les effets anti-
oxydants du carvédilol n’apparaissent pas différents de ceux
du métoprolol. Cependant, les relations entre les niveaux de
TBARS plasmatiques et le degré réel de stress oxydatif car-
diaque sont loin d’être démontrées, tout au moins dans les expé-
riences réalisées chez le rat.
La deuxième étude sur le sujet a été présentée par une équipe
japonaise (Watanabe et coll.). Ils ont comparé les effets du trai-
tement par le carvédilol et le métoprolol sur la tolérance aux
dérivés nitrés, avec l’hypothèse qu’elle pourrait dépendre du
niveau de stress oxydant cardiaque. Trois groupes d’insuffi-
sants cardiaques ont donc été traités soit par métoprolol, soit
par carvédilol, soit par placebo. Après un mois d’administra-
tion de trinitrine (et deux mois après le début du traitement
bêtabloquant), les effets hémodynamiques d’une dose de trini-
trine administrée par voie sublinguale ont été évalués, ainsi que
le niveau de GMP cyclique intraplaquettaire et la concentra-
tion plasmatique des TBARS. Les résultats sont les suivants :
dans les groupes métoprolol et placebo, les TBARS plasma-
tiques se sont élevés et le GMPc plaquettaire est resté stable.
Dans le groupe carvédilol, les TBARS plasmatiques ont dimi-
nué, le taux de GMPc plaquettaire a augmenté et la réponse
hémodynamique à la trinitrine a été plus importante que dans
le groupe métoprolol ou placebo. Ces résultats sont donc en
faveur de l’hypothèse proposée. Cependant, des critiques ont
été formulées sur l’évaluation hémodynamique des effets de la
trinitrine sublinguale.
INSUFFISANCE CARDIAQUE