La Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
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MODÈLES EXPÉRIMENTAUX D’INSUFFISANCE CARDIAQUE
L’utilisation des modèles expérimentaux permet d’explorer le rôle
des mécanismes neurohormonaux dans l’insuffisance cardiaque,
ainsi que les effets des substances bloquant ou stimulant les dif-
férents récepteurs mis en jeu. C’est le cas des systèmes sympa-
thique, rénine-angiotensine-aldostérone, de l’endothéline et des
antagonistes de leurs récepteurs respectifs.
S. Xuefeng et coll. (Birmingham) ont montré sur un modèle d’in-
suffisance cardiaque induite chez le chien par surcharge volu-
métrique (insuffisance mitrale par rupture de cordages) que le
remodelage cardiaque ainsi induit (hypertrophie et dilatation ven-
triculaire) n’était pas modifié par un traitement par l’irbésartan,
un antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine II, alors qu’il
normalisait l’élévation des résistances artérielles périphériques.
Parallèlement, l’action de l’irbésartan sur les concentrations tis-
sulaires d’angiotensine II est apparue variable selon les tissus étu-
diés : une inhibition de l’élévation des concentrations tissulaires
au niveau du cœur et des poumons, mais pas au niveau du rein
ou du plasma, ou une augmentation de l’activité de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine étaient retrouvées chez les animaux
traités par irbésartan. On observe donc une variation des effets
du blocage des récepteurs AT1 de l’angiotensine II (ici avec l’ir-
bésartan) sur la régulation de la synthèse d’angiotensine II en
fonction des tissus, avec au niveau cardiaque une inhibition de la
stimulation de la production d’angiotensine II sans effet sur le
processus hypertrophique. Ces résultats illustrent d’une part la
variabilité des processus de synthèse de l’angiotensine II en fonc-
tion des tissus lors du blocage des récepteurs AT1 de l’angioten-
sine II, et, d’autre part, la variabilité du rôle de cette hormone
dans le développement de l’hypertrophie ventriculaire qui, sur ce
modèle de surcharge volumétrique, ne semble pas dépendre de
la mise en jeu du système rénine-angiotensine.
Sur le modèle du hamster syrien cardiomyopathe, les inhibiteurs
des récepteurs de l’endothéline se sont en revanche montrés
d’une remarquable efficacité. T. Miyauchi (Tsukuba) et coll. ont
ainsi montré qu’un inhibiteur sélectif des récepteurs ET-A de l’en-
dothéline améliorait la survie des animaux : 62,5 % versus 22,6 %
au bout d’un an de traitement. Des résultats similaires avaient été
obtenus par cette équipe avec un inhibiteur mixte des récepteurs
de l’endothéline sur le modèle d’infarctus induit chez le rat par
ligature coronaire (les taux de mortalité qu’ils avaient obtenus
dans le groupe témoin n’ont cependant jamais pu être reproduits
par les différentes équipes travaillant sur ce modèle).
Fait remarquable chez le hamster syrien, une augmentation pro-
gressivement croissante (et importante) de l’expression de l’en-
dothéline au niveau cardiaque (augmentation de production
d’ARN messager codant pour l’endothéline) a été mise en évi-
dence parallèlement à la progression de l’altération hémodyna-
mique. Ces résultats laissent présager une efficacité particulière-
ment intéressante des antagonistes de l’endothéline si un tel
phénomène se retrouvait chez l’homme insuffisant cardiaque. Les
résultats partiels de l’étude REACH 1 avec le bosentan chez l’in-
suffisant cardiaque, prématurément interrompue pour problème
de toxicité hépatique, sont en faveur de cette hypothèse.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Insuffisance cardiaque - Cardiomyopathies
M. Komajda, P. Lechat*
* CHU Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris.
L’étude MERIT-HF, qui visait à étudier l’influence du
métoprolol chez des patients en insuffisance cardiaque, a été
interrompue prématurément en raison d’une réduction du
risque de mortalité totale de 35 %. Cela renforce l’intérêt
des agents bêtabloquants dans l’indication insuffisance car-
diaque.
L’étude RALES, qui a évalué l’influence de la spirono-
lactone 25 à 50 mg/j sur un traitement de base par IEC diu-
rétique et éventuellement digitalique chez des insuffisants
cardiaques de gravité moyenne à sévère, a également été
interrompue prématurément en raison d’une réduction du
risque de mortalité globale de 27 %. Les événements mor-
bides liés à la maladie (hospitalisations pour insuffisance
cardiaque) sont eux aussi réduits significativement, de
même que le risque de mort subite.
Dans les cardiomyopathies hypertrophiques, alors que les
résultats de la stimulation double chambre semblent mitigés
à long terme sur des paramètres objectifs d’efficacité, cer-
tains résultats suggèrent que l’alcoolisation de la première
artère septale peut être bénéfique et favoriser le remodelage
ventriculaire dans cette maladie.
Une floraison de nouvelles drogues est également à l’étude,
soit sur des modèles expérimentaux, soit dans les phases
très précoces chez le sujet insuffisant cardiaque. Résultats à
suivre...
POINTS FORTS
POINTS FORTS
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RÉGULATION CALCIQUE
Animaux transgéniques : expériences de surexpression de
l’ATPase du réticulum sarcoplasmique
Le fonctionnement de l’ATPase du réticulum sarcoplasmique est
réduit au cours de l’insuffisance cardiaque, et cette altération
pourrait jouer un rôle majeur dans la réduction de la contracti-
lité et participer ainsi à l’aggravation progressive de la maladie.
En effet, cette enzyme assure le repompage calcique au cours de
la relaxation. La force contractile développée lors de la contrac-
tion dépend de la quantité de calcium libérée par le réticulum
sarcoplasmique, qui elle-même dépend du contenu calcique du
réticulum.
Il est logique de penser qu’une surexpression de l’ATPase du
réticulum sarcoplasmique pourrait prévenir l’altération de la
contractilité au cours de l’insuffisance cardiaque. Bluhm et coll.
(San Diego) ont ainsi testé l’effet d’une surexpression de cette
enzyme par transgenèse sur le modèle du rat soumis à une sur-
charge barométrique par sténose aortique. Dix jours après l’ap-
plication de la sténose (clip aortique), la synthèse d’ARNm
codant pour l’enzyme est réduite de 50 % , une hypertrophie ven-
triculaire gauche s’est développée et les vitesses de contraction
et de relaxation du muscle papillaire (délai du pic de contrac-
tion) se sont réduites. Chez les rats transgéniques, ces altérations
des vitesses de contraction et de relaxation ont été presque com-
plètement prévenues ; la relation entre la force de contraction et
la fréquence de stimulation est moins négative et se rapproche
de celle des animaux témoins. Ces résultats sont donc en faveur
d’un rôle important de la fonction du réticulum sarcoplasmique
dans le maintien de la contractilité, en tout cas dans ce modèle
expérimental de surcharge barométrique.
ÉTUDE DU RÔLE DE L’ÉCHANGEUR SODIUM-CALCIUM AU
COURS DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Pour assurer l’homéostasie calcique, face à l’altération de la fonc-
tion de repompage du calcium par le réticulum sarcoplasmique,
l’échangeur sodium-calcium est mis en jeu et stimulé pour assu-
rer l’expulsion du calcium vers l’extérieur de la cellule myocar-
dique après la contraction lors de chaque cycle contraction-relaxa-
tion. Maier et coll. (Göttingen) ont présenté un travail
expérimental utilisant une méthodologie tout à fait originale pour
explorer les rôles respectifs du réticulum sarcoplasmique et de
l’échangeur sodium-calcium dans la régulation de la contrac-
tilité.Ils ont en effet utilisé le refroidissement presque instantané
d’une préparation de fibres trabéculaires ventriculaires gauches
humaines provenant de cœurs normaux ou insuffisants. Le refroi-
dissement instantané de la préparation induit une contracture due
à la vidange complète du calcium du réticulum sarcoplasmique
en une dizaine de secondes environ. Cette contracture est inhi-
bée par la ryanodine, qui bloque les canaux calciques du réticu-
lum sarcoplasmique, empêchant ainsi sa vidange. La répétition
immédiate de ce test de refroidissement induit une deuxième
contracture, d’intensité plus faible de par la mise en jeu de
l’échange sodium-calcium. La différence d’amplitude de force
contractile entre ces deux contractures est mise sur le compte de
l’activité de l’échangeur sodium-calcium, qui peut donc être éva-
luée indirectement.
Ces auteurs ont ainsi mis en évidence l’augmentation de l’acti-
vité de l’échange sodium-calcium chez l’insuffisant cardiaque,
cette augmentation étant d’autant plus nette que la fréquence de
stimulation est croissante. Cela est logique dans la mesure où,
sur le cœur normal, l’augmentation de fréquence augmente le
contenu calcique du réticulum sarcoplasmique, ce qui ne peut se
faire sur le muscle insuffisant, où l’activité de l’ATPase du réti-
culum sarcoplasmique est altérée. Les résultats obtenus sont
comparables quelle que soit l’origine de la cardiopathie, isché-
mique ou non.
STIMULATION BÊTA-ADRÉNERGIQUE
Le rôle de la stimulation adrénergique myocardique et de
l’impact de la stimulation des différents récepteurs adréner-
giques au cours de l’insuffisance cardiaque continue de faire
l’objet d’intenses investigations. Ainsi, la surexpression des
récepteurs bêta 2-adrénergiques chez la souris induit une inver-
sion de l’effet inotrope de l’isoprénaline évalué sur l’oreillette
isolée (Heubach et coll., Dresde). C’est un effet inotrope négatif
qui est observé à la place de l’effet inotrope positif habituel. Cet
effet inotrope négatif est complètement inhibé par un antagoniste
sélectif des récepteurs bêta 2-adrénergiques (l’ICI 118151). Il
n’est pas non plus induit par l’agoniste bêta 3, le BRL 37344.
Une incubation des oreillettes par la toxine pertussis qui inactive
les protéines de couplage de type Gi (inhibitrices) inhibe égale-
ment cet effet inotrope négatif de l’isoprénaline. Ces résultats
montrent qu’une partie des récepteurs bêta 2-adrénergiques est
couplée à des protéines G inhibitrices, réduisant la production
d’AMPc et capables d’induire un effet inotrope négatif.
Sur un modèle d’hypertrophie ventriculaire gauche induite chez
le chien par striction (banding) aortique, K. Dipla et coll. (Phila-
delphie) ont montré que la réponse inotrope bêta 2-adrénergique
induite par le zinterol, un agoniste sélectif des récepteurs bêta
2-adrénergiques,était réduite des deux-tiers. Ces auteurs
concluent que la perte de cette réponse inotrope bêta 2 contribue
à la désensibilisation bêta-adrénergique observée dans l’insuffi-
sance cardiaque. Ces résultats s’opposent à la conception, basée
sur des travaux précédents, selon laquelle la stimulation inotrope
dépendante des récepteurs bêta 2-adrénergiques reste conservée
dans l’insuffisance cardiaque. En fait, les résultats semblent
dépendre du modèle étudié ainsi que des conditions expérimen-
tales. Ainsi, Che-Peng (Caroline du Nord), sur un modèle d’in-
suffisance cardiaque induite par pacing ventriculaire droit,
observe une augmentation de la réponse inotrope et chronotrope
du zinterol, agoniste bêta 2-adrénergique !
Les résultats divergents sur la stimulation dépendant des
récepteurs bêta 2-adrénergiques se retrouvent également pour
la stimulation bêta 3. Contrairement aux résultats présentés au
paragraphe précédent, Z. ZhuShan et coll. (Caroline du Nord)
ont montré, sur un modèle d’insuffisance cardiaque induite chez
le rat par administrations massives d’isoprénaline (deux injec-
tions successives par voie sous-cutanée), qu’un agoniste bêta 3-
adrénergique, le BRL 37344, réduit l’intensité du courant cal-
cique dépendant des canaux de type L et induit bien un effet
inotrope négatif, et que cet effet met en jeu des protéines de cou-
plage de type G inhibitrices.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
La Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
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Les travaux de C. Gautier (Nantes) ont bien montré que la
stimulation bêta 3-adrénergique induit un effet inotrope négatif
sur les myocytes humains, mettant en jeu une production d’oxyde
nitrique. Cet effet inotrope négatif est cependant atténué sur les
myocytes provenant de patients insuffisants cardiaques, sans
qu’une différence soit retrouvée en fonction de l’étiologie isché-
mique ou non. Cette réduction d’effet semble dépendre d’une
réduction de l’expression et donc de l’activité de la NO synthase
retrouvée au niveau du myocarde insuffisant.
Un autre aspect de l’impact des neurohormones du système
rénine-angiotensine et des catécholamines est celui de la modu-
lation des effets de l’angiotensine par les bêtabloquants
adrénergiques sur l’activité de type métalloprotéase de la
matrice extracellulaire. Cette activité est augmentée aux stades
très avancés de l’insuffisance cardiaque et est stimulée par l’ac-
tivation des récepteurs AT1 de l’angiotensine II. Elle induit la
dégradation des protéines de la matrice extracellulaire, ce qui
entraîne un œdème interstitiel et une augmentation de la rigidité
pariétale. Les expériences rapportées par S. Hideaki et coll. (Bal-
timore) ont évalué les effets sur la rigidité pariétale des perfu-
sions d’angiotensine II sur le modèle d’insuffisance cardiaque
induite par pacing rapide chez le chien. Le traitement bêtablo-
quant par l’aténolol prévient l’augmentation de rigidité pariétale
induite par l’angiotensine II. Ces résultats suggèrent qu’une par-
tie du bénéfice induit par les bêtabloquants dans l’insuffisance
cardiaque pourrait résulter de l’antagonisme des effets délétères
de l’angiotensine sur l’activité métalloprotéase.
BÊTABLOQUANTS ET INSUFFISANCE CARDIAQUE
Études cliniques : CIBIS II , MERIT
Les résultats de l’étude CIBIS II,qui avaient été présentés pour
la première fois lors du congrès de la Société européenne de car-
diologie, l’ont été à nouveau avec certains compléments d’in-
formation. Le traitement par le bisoprolol des patients insuffi-
sants cardiaques en classe fonctionnelle III ou IV avec fraction
d’éjection inférieure à 35 %, traités par diurétiques et inhibiteurs
de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, réduit la mortalité
globale de 32 % si l’on considère les simples pourcentages, et
de 34 % si l’on considère l’estimation à partir des courbes de
survie. La mortalité subite est réduite de 42 %. Aucune hété-
rogénéité de l’effet du bisoprolol en fonction de l’étiologie
de l’insuffisance cardiaque ou du stade de la NYHA n’est retrou-
vée. De même, aucune interaction avec la prise concomitante de
digitalique ou d’amiodarone n’a été retrouvée. Le pourcentage
de patients sous IEC est identique (98 %) au sein des différents
pays européens ayant participé à l’étude. De même, aucune hété-
rogénéité statistique de l’effet du bisoprolol n’est retrouvée entre
ces différents pays.
La présentation des caractéristiques des patients inclus dans
l’étude MERIT,récemment interrompue pour bénéfice en faveur
du métoprolol, n’a été complétée que par l’annonce d’une
réduction de 35 % de la mortalité, chiffre remarquablement simi-
laire à ceux obtenus dans l’étude CIBIS II. Nous disposons ainsi
d’une somme de données concordantes particulièrement remar-
quables avec l’administration de bêtabloquants sélectifs des
récepteurs bêta 1-adrénergiques, bisoprolol ou métoprolol. Dans
l’étude MERIT, 3 991 patients ont été inclus, dont 73 % en Europe
(âge moyen 64 ans, 59 % en classe III, 62 % d’étiologie isché-
mique). La mortalité annuelle dans le groupe placebo n’est cepen-
dant que de 9,4 % (par rapport à 12 % dans CIBIS II). La dose
moyenne de métoprolol a été de 163 mg.
Les résultats complets de l’étude MERIT devraient être présen-
tés lors du prochain congrès de l’ACC. Ceux de CIBIS II seront
très prochainement publiés dans The Lancet.
Insuffisance cardiaque : études rapportées avec le carvédilol
Deux études intéressantes ont été rapportées concernant le rôle
du stress oxydant. Une première étude présentée par Kukin et
coll. (New York) a comparé en ouvert les effets du métopro-
lol à ceux du carvédilol administrés pendant un an chez
67 patients insuffisants cardiaques classe II à IV, recevant
presque tous un traitement par IEC ou antagoniste de l’angio-
tensine II. La dose visée des deux bêtabloquants était de 25 mg
deux fois par jour. La fréquence des arrêts prématurés de trai-
tement a été identique dans les deux groupes, soit 20 %. La
fréquence cardiaque a été plus ralentie avec le carvédilol et la
fraction d’éjection a augmenté de façon similaire dans les deux
groupes. Surtout, la concentration plasmatique de TBARS
(thiobarbituric acid reactive substance),qui représente une
évaluation indirecte du niveau de radicaux libres oxygénés au
niveau plasmatique et qui dose en fait l’acide malondialdéhyde,
a diminué de la même façon dans les deux groupes sans diffé-
rence significative. Les principales critiques que l’on peut faire
à cette étude sont le caractère ouvert de la comparaison et le
niveau relativement faible des doses de métoprolol utilisées par
rapport à celles de carvédilol. Dans tous les cas, les effets anti-
oxydants du carvédilol n’apparaissent pas différents de ceux
du métoprolol. Cependant, les relations entre les niveaux de
TBARS plasmatiques et le degré réel de stress oxydatif car-
diaque sont loin d’être démontrées, tout au moins dans les expé-
riences réalisées chez le rat.
La deuxième étude sur le sujet a été présentée par une équipe
japonaise (Watanabe et coll.). Ils ont comparé les effets du trai-
tement par le carvédilol et le métoprolol sur la tolérance aux
dérivés nitrés, avec l’hypothèse qu’elle pourrait dépendre du
niveau de stress oxydant cardiaque. Trois groupes d’insuffi-
sants cardiaques ont donc été traités soit par métoprolol, soit
par carvédilol, soit par placebo. Après un mois d’administra-
tion de trinitrine (et deux mois après le début du traitement
bêtabloquant), les effets hémodynamiques d’une dose de trini-
trine administrée par voie sublinguale ont été évalués, ainsi que
le niveau de GMP cyclique intraplaquettaire et la concentra-
tion plasmatique des TBARS. Les résultats sont les suivants :
dans les groupes métoprolol et placebo, les TBARS plasma-
tiques se sont élevés et le GMPc plaquettaire est resté stable.
Dans le groupe carvédilol, les TBARS plasmatiques ont dimi-
nué, le taux de GMPc plaquettaire a augmenté et la réponse
hémodynamique à la trinitrine a été plus importante que dans
le groupe métoprolol ou placebo. Ces résultats sont donc en
faveur de l’hypothèse proposée. Cependant, des critiques ont
été formulées sur l’évaluation hémodynamique des effets de la
trinitrine sublinguale.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
La Lettre du Cardiologue - n° 305 - janvier 1999
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Interaction digitaliques-bêtabloquants
E. Eichhorn (Dallas) a présenté une analyse rétrospective à par-
tir des données des études américaines et australo-néo-zélandaises
sur l’interaction du carvédilol avec la digoxine. L’une des ques-
tions que l’on se pose avec les bêtabloquants est en effet celle de
l’intérêt de l’association avec les digitaliques afin d’obtenir un
contrôle optimal de la fréquence cardiaque sans altérer la contrac-
tilité. Bien qu’aucune interaction significative n’ait été retrouvée
entre les deux traitements, les réductions d’hospitalisations toutes
causes et pour cause cardiovasculaire, ainsi que celle du critère
combiné décès ou hospitalisations toutes causes, ont été plus
importantes chez les patients recevant la digoxine. Rappelons
qu’au cours des deux études CIBIS, aucune interaction signifi-
cative n’a non plus été retrouvée entre bisoprolol et digitaliques.
Des informations complémentaires seront nécessaires pour
répondre vraiment à cette question, en particulier chez les patients
en fibrillation auriculaire.
Une étude particulièrement intéressante a été présentée sur les
caractéristiques des insuffisants cardiaques répondeurs au
traitement bêtabloquant par le bisoprolol. En effet, les patients
insuffisants cardiaques traités par bisoprolol améliorent leur fonc-
tion ventriculaire. Ils augmentent en moyenne leur fraction de
raccourcissement échocardiographique, mais cette augmentation
est, en fait, variable selon les sujets. M. Suwa et coll. (Japon) ont
montré que les patients qui n’augmentent pas leur fraction de rac-
courcissement ont au départ un indice plus élevé de densité de
tissu myocardique (backscatter) analysé par l’étude tissulaire
myocardique échocardiographique. Ces résultats peuvent être
interprétés par une densité plus importante de fibrose myocar-
dique chez les patients qui n’améliorent pas leur fonction ventri-
culaire après traitement bêtabloquant. Comme il est possible que
le bénéfice à long terme du traitement bêtabloquant dépende de
l’amélioration de la fonction ventriculaire, ces résultats fournis-
sent un indice de détection possible des patients répondeurs et
non répondeurs au traitement bêtabloquant dans l’insuffisance
cardiaque. Ph. Lechat
NOUVELLES CLASSES DE MÉDICAMENTS
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
Antagonistes des récepteurs de l’endothéline
Les résultats de l’étude REACH-1 ont été présentés. Cette étude
a inclus 370 patients de classe III-IV avec une fraction d’éjection
inférieure à 35 %, recevant un traitement de base par inhibiteur
de l’enzyme de conversion et diurétique. Ils ont été randomisés
soit au placebo, soit à l’antagoniste non spécifique des récepteurs
de l’endothéline, le bosentan. L’étude a été interrompue en rai-
son d’un nombre important d’élévations des transaminases. Pour
le groupe des malades qui ont été suivis sur la durée totale pré-
vue (6 mois), la prise de bosentan a amélioré l’état clinique des
patients et réduit le nombre total d’hospitalisations d’environ
40 %. L’élévation des transaminases s’est avérée réversible et
sans incidence clinique. Néanmoins, cet effet secondaire soulève
des questions sur la poursuite du développement de cette molé-
cule (Packer, New York).
Une autre étude s’est intéressée à la comparaison d’un antago-
niste sélectif des récepteurs de type B et d’un antagoniste non
sélectif ETA-ETB sur la clairance de l’endothéline dans
un groupe d’insuffisants cardiaques. Les auteurs ont
observé qu’après perfusion intraveineuse de ces deux produits,
on trouve pour l’antagoniste sélectif des ETB une augmentation
de la concentration artérielle d’endothéline et une vasoconstric-
tion, et après perfusion de l’antagoniste non sélectif, une vasodi-
latation sans modification de la concentration plasmatique d’en-
dothéline. La perfusion concomitante des deux produits entraîne
une vasodilatation et une augmentation de la concentration plas-
matique d’endothéline. Ces résultats suggèrent que les ETB
récepteurs jouent un rôle dans la clairance de l’endothéline chez
les patients insuffisants cardiaques et que l’utilisation d’antago-
nistes sélectifs des récepteurs de type A peut avoir un intérêt thé-
rapeutique plus important que celle d’antagonistes non spéci-
fiques. Il faut néanmoins souligner le fait que cette étude a été
une étude à court terme, et que les effets à long terme des anta-
gonistes spécifiques ou non spécifiques de l’endothéline ne sont
pas connus (Cowburn, Glasgow).
Les effets d’un antagoniste sélectif des récepteurs de type B et
de l’addition à un antagoniste des récepteurs de type A ont été
étudiés par Cowburn (Glasgow). L’injection de l’antagoniste des
récepteurs de type B entraîne une vasoconstriction systémique
avec élévation de la pression artérielle et augmentation des résis-
tances vasculaires et une baisse de l’index cardiaque. En revanche,
il y a une augmentation non significative des pressions pulmo-
naires, capillaires pulmonaires et de la résistance vasculaire pul-
monaire. L’adjonction d’un antagoniste des récepteurs de type A
inverse tous ces effets et le débit cardiaque augmente. Pour les
auteurs, ces effets suggèrent que les récepteurs endothéliaux de
type B jouent un rôle important dans la vasorégulation chez
l’insuffisant cardiaque.
Hormone de croissance
Les effets de l’hormone de croissance (Iannini, Charleston) sur
un modèle d’insuffisance cardiaque expérimentale ont été étu-
diés. La prescription de 200 µg/kg/j entraîne une augmentation
franche de l’insulin growth factor 1,de la masse myocardique
d’environ un tiers et une réduction du stress pariétal maximal.
L’administration de l’hormone de croissance rétablit par ailleurs
l’abondance ventriculaire gauche d’une enzyme clé dans les mou-
vements du calcium, la calcium ATPase du réticulum sarcoplas-
mique. Enfin, la réponse contractile à une stimulation bêta-
adrénergique est également rétablie. Ces résultats sont intéres-
sants et donnent des informations sur le mécanisme potentiel d’ac-
tion de cette nouvelle thérapeutique.
Pentoxifylline
Des résultats intéressants de la prescription de pentoxifylline en
vue d’améliorer la fraction d’éjection de patients avec cardio-
myopathie dilatée ont été publiés et associés à une réduction du
TNFα,cytokine délétère. Un travail récent montre que la pen-
toxifylline (Skudicky, Johannesburg), prescrite à 34 cas de car-
diomyopathie dilatée contre placebo, à la dose de 400 mg/j, dimi-
nue la concentration plasmatique d’interleukine 6 et de TNFα.
Cette réduction est associée à une amélioration fonctionnelle et
INSUFFISANCE CARDIAQUE
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de la fonction ventriculaire gauche. Ces résultats, quelque peu
insolites, doivent néanmoins être interprétés avec précaution,
compte tenu des effectifs étudiés.
Une étude portant sur 34 patients porteurs d’une cardiomyopa-
thie dilatée a été entreprise avec une randomisation au placebo
ou à 400 mg x 3/j de pentoxifylline. Le traitement de base
comportait IEC et diurétiques. Six décès ont été observés dans le
groupe placebo et deux dans le groupe pentoxifylline à un an,
tous ces décès étant dus à une insuffisance cardiaque progressive.
La fraction d’éjection sous produit actif est passée de 21 % à 33 %
à un an, sans modification dans le groupe placebo. Les taux cir-
culants de TNFαont diminué significativement sous le produit.
Cette étude pilote suggère donc que la pentoxifylline pourrait être
utile dans le traitement des cardiomyopathies dilatées en insuffi-
sance cardiaque (Skudicky, Johannesburg).
Brain natriuretic peptide (BNP) sous-cutané
Les peptides atrio-natriurétiques sont dotés de propriétés vaso-
dilatatrices et natriurétiques. Un inconvénient à leur utilisation
est la courte demi-vie, qui oblige à les employer par voie paren-
térale. Un essai d’utilisation par voie sous-cutanée a été présenté
dans un modèle d’insuffisance cardiaque expérimentale (Chen,
Rochester). Des doses de 5 et 25 µg/kg ont été comparées. En
administration aiguë, on observe une augmentation de la concen-
tration plasmatique de BNP et de son messager, le GMP cyclique,
une augmentation de la natriurèse, un effet vasodilatateur et une
réduction des pressions de remplissage. Paradoxalement, l’effet
réducteur de la pression de remplissage est plus marqué avec une
faible dose. Il n’y a pas eu d’activation du système rénine-angio-
tensine. L’administration chronique pendant dix jours de BNP
par voie sous-cutanée a entraîné une augmentation de la diurèse
sodique et une baisse de la pression de remplissage avec amélio-
ration du débit cardiaque.
Ces résultats intéressants suggèrent que les peptides atrio-natri-
urétiques pourraient être à l’avenir une voie pharmacologique
délivrée en sous-cutané, à raison de trois injections par jour.
L’équipe de Burnett (Rochester) a également étudié l’influence
de la sévérité de l’insuffisance cardiaque sur le bénéfice apporté
par une nouvelle classe, les inhibiteurs de l’endopeptidase
neutre,qui empêchent la dégradation des peptides natriurétiques.
On sait qu’au cours de l’insuffisance cardiaque modérée, il y a
une activation du système des peptides natriurétiques sans acti-
vation du système rénine-angiotensine, celle-ci n’apparaissant
qu’aux stades sévères de ce syndrome. Les auteurs ont donc testé
l’action d’un inhibiteur de la NEP sur des animaux normaux, en
insuffisance cardiaque modérée ou sévère. Ils ont trouvé que l’in-
hibiteur avait une plus grande action natriurétique sur l’hémody-
namique rénale avec augmentation du flux sanguin rénal et de la
filtration glomérulaire dans l’insuffisance cardiaque modérée. Cet
effet est atténué dans l’insuffisance cardiaque sévère. Ces résul-
tats, intéressants, laissent penser que cette nouvelle classe théra-
peutique pourrait trouver sa place davantage dans l’insuffisance
cardiaque modérée que dans l’insuffisance cardiaque sévère.
Gottlieb (Baltimore) a testé les effets d’un nouvel antagoniste
des récepteurs A1 de l’adénosine sur la fonction rénale de
l’insuffisant cardiaque. Rappelons que l’adénosine entraîne une
baisse de la filtration glomérulaire et qu’il existe des récepteurs
de type 1 sur les artérioles afférentes, dans le tubule proximal et
le tubule distal. Les effets de cet antagoniste ont été testés chez
12 patients prenant un traitement par inhibiteur de l’enzyme de
conversion et de classe II ou III à la suite d’une injection unique
intraveineuse. La filtration glomérulaire n’a pas chuté après admi-
nistration du produit, contrairement à ce qui est observé avec le
furosémide. Il n’y a pas eu d’effet sur le flux plasmatique rénal
et l’agent a entraîné une diurèse sodée relativement importante.
Ces résultats intéressants pourraient, s’ils se confirment, être
appliqués aux nombreux insuffisants cardiaques qui présentent
une altération de la filtration glomérulaire.
Les premiers résultats d’un nouvel inhibiteur mixte de
l’enzyme de conversion et de l’endopeptidase neutre,
l’omapatrilat, ont été présentés par Klapholz (Newark) sur un
groupe de 113 patients de classe II à IV avec fraction d’éjection
altérée. Diverses doses allant de 1 à 50 mg ont été administrées
par voie orale. L’effet hémodynamique se manifeste par une
réduction dose-dépendante de la pression capillaire pulmonaire,
de la pression artérielle moyenne, une augmentation de l’index
systolique, sans effet significatif sur la fréquence cardiaque. Ces
résultats encourageants sont à suivre.
Les effets additionnels d’un inhibiteur de l’enzyme de conver-
sion (énalapril 20 mg) et du losartan (50 mg/j) ont été testés par
Guazzi (Milan) sur les capacités à l’effort. Il existe un effet addi-
tif des deux classes sur le pic de VO2. L’énalapril augmente plus
spécifiquement l’exercice ventilatoire, tandis que le losartan a
une action préférentielle sur la circulation périphérique. La
qualité de vie n’a pas été modifiée. Enfin, les dosages neurohor-
monaux ont confirmé un effet additif des deux drogues.
NOUVEAUX EFFETS DES TRAITEMENTS CLASSIQUES
Ramires (São Paulo) a étudié l’influence de la spironolactone
sur les arythmies ventriculaires. Trente-cinq patients à fraction
d’éjection altérée et de classe III ont été randomisés, soit à la
spironolactone, soit au placebo. Après 20 semaines de suivi, il y
a eu dans le groupe spironolactone une réduction significative des
extrasystoles ventriculaires et des accès de TV non soutenus.
Isnard (Paris) a étudié l’influence de l’aspirine sur le pronostic
à long terme des patients avec une dysfonction ventriculaire
ischémique dans une étude rétrospective. Trois cent dix-sept
patients avec une fraction d’éjection inférieure à 35 % ont été sui-
vis de 1979 à 1994, en moyenne 5,7 ans. L’analyse multivariée a
montré que la prescription d’aspirine à la sortie de l’hôpital
entraînait une réduction de risque de 60 %, hautement signi-
ficative. Cet effet bénéfique était observé aussi bien chez les
patients sous inhibiteur de l’enzyme de conversion que chez ceux
qui n’en recevaient pas. Ces résultats rétrospectifs suggèrent donc
que l’aspirine exerce un effet favorable sur le pronostic à long
terme des insuffisants cardiaques et ne confirment pas l’existence
d’une interaction négative avec les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion.
Une sous-analyse de l’étude DIG portant sur la digoxine a été
faite par Rich (Saint-Louis) afin de déterminer si la sous-popu-
INSUFFISANCE CARDIAQUE
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