Boletin 05-3 FRA-2 8/12/05 19:37 Página 50 vie des partenaires épidémiologie & programmes de lutte contre les maladies animales Grippe aviaire chez des tigres en captivité en Thaïlande Par Orapan Pasavorakul, Introduction Sous-Division d’Epidémiologie Le Département du Développement de l’Elevage (DLD1) a été informé d’une suspicion Vétérinaire, Département d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) chez des tigres dans un célèbre parc du Développement de l’Elevage zoologique privé, dans le district de SriRacha (province de ChonBuri). Le 18 octobre (DLD), Ministère thaïlandais 2004 il a été confirmé qu’il s’agissait bien d’un foyer d’IAHP, dû à un virus de sous-type de l’Agriculture et des Coopératives. H5N1. Le zoo possédait au total 441 tigres du Bengale, de tous âges, maintenus en Rapport reçu le 2 mars 2005 du captivité dans une zone d’environ 100 rai (soit près de 24 hectares). Docteur Yukol Limlamthong, Directeur Général du DLD L’enquête préliminaire auprès des vétérinaires et du personnel du zoo a permis de déterminer que les premiers signes de fatigue et de détresse respiratoire sont apparus chez les tigres dès le 11 octobre 2004, et des cas de mortalité ont été constatés dès le 14 octobre. D’autres tigres sont morts ultérieurement (le dernier cas de mortalité a eu lieu le 28 octobre). Des mesures de lutte très strictes ont été mises en œuvre conformément au protocole standard préconisé par le DLD en cas d’IAHP. Des personnes compétentes dans le domaine de la santé humaine et animale, l’autorité nationale de la CITES , des universitaires, des experts vétérinaires et le Centre de lutte contre les maladies de la province de ChonBuri, ont été mis à contribution pour apporter leur aide dans la gestion et le réglement de cette crise. Résumé: Le parc zoologique comprend essentiellent deux « compartiments », à savoir une Un nombre important de cas section consacrée aux tigres et une autre aux crocodiles, distantes d’un kilomètre. Au d’influenza aviaire hautement moment de l’épizootie il y avait également dans le zoo des éléphants, des chevaux, deux pathogène dus à un virus de sous-type porcs, des chiens et des oiseaux (deux autruches et dix paons) destinés à être présentés H5N1 a été signalé chez des tigres en dans des expositions ou lors de spectacles. Quelques crocodiles et deux canards étaient captivité dans un parc zoologique du hébergés ensemble dans un bassin à l’intérieur de la section des tigres. Les tigres étaient district de SriRacha, dans la province vaccinés contre la rage et la panleucopénie (2). de ChonBuri, en Thaïlande. Les animaux atteints faisaient tous partie d’un même groupe de tigres. D’après Enquête épidémiologique l’enquête menée par le Département Le quartier général du DLD a immédiatement mandaté une équipe vétérinaire d’épidémiologistes et de personnel de laboratoire, pour mener l’enquête. Ultérieurement, 50 2005 • 3 1- DLD : Department of Livestock Development 2- CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction 3 -FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture 4- TCP/RAS/3006 : projet de réseau de coordination du diagnostic de laboratoire et de la surveillance pour la prévention et la lutte contre l’influenza aviaire en Asie du Sud-Est 8/12/05 18:54 Página 51 du Développement de l’Elevage la FAO3 a mis à disposition le Coordonnateur régional du projet de coopération technique (l’autorité thaïlandaise responsable TCP/RAS/30064, pour apporter son aide dans cette enquête et pour servir de consultant en de la santé animale), l’infection des matière de lutte contre la maladie. Les résultats de cette enquête sont présentés ci-après. tigres serait due à la contamination des carcasses entières de poulets avec Sources possibles d’infection lesquels ils étaient nourris. Il semble D’après l’enquête, la source la plus probable d’infection est l’alimentation ordinaire des qu’il y ait eu à la base une source tigres, à savoir des poulets crus (carcasses entières ou squelettes). Etant donné qu’il n’y commune d’infection. Toutes les avait pas eu le moindre foyer d’IAHP dans cette zone depuis quelques temps, des mesures nécessaires pour lutter contre recherches ont été menées auprès de tous les fournisseurs d’aliments. Les lots suspects la maladie (quarantaine, restrictions sont apparus comme étant des carcasses de poulets introduites illégalement à partir d’une des déplacements, élimination des province voisine où un foyer d’IAHP était actif à peu près au même moment. L’hypothèse matières infectées ou contaminées, que des carcasses de poulets (avec ou sans viande) contaminées aient été la source du désinfection, surveillance et suivi foyer est étayée par le fait qu’aucun tigre âgé de moins de six mois n’a été malade. épidémiologique, information du En effet, les jeunes tigres étaient nourris uniquement avec de la viande fraîche de porc public) ont été mises en œuvre, et les ou de poulet. tigres ont été nourris avec des viandes Par ailleurs, il y avait bien des oiseaux sauvages dans la zone, notamment des oiseaux cuites afin de limiter les risques. d’eau, mais ils n’étaient pas en nombre suffisant pour présenter un risque et contribuer Des mesures sanitaires rigoureuses à l’apparition du foyer. d’hygiène et de désinfection ont été Par conséquent, les résultats de cette enquête suggèrent fortement qu’il y a eu une imposées dans toute la zone atteinte. source commune d’infection, à savoir une alimentation contaminée par des carcasses Un traitement anti-viral a été crues de poulets. administré à titre préventif aux tigres vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 En dépit de toutes les mesures d’intervention, de lutte et d’hygiène mises en œuvre et aux personnes ayant été en contact au cours de cet épisode, il n’a cessé d’apparaître de nouveaux cas de maladie et de avec eux. Par la suite, d’autres tigres mortalité dans le groupe atteint. Ce fait évoque une autre source d’infection, à savoir une sont tombés malades et sont morts, transmission horizontale, de tigre à tigre (8). Néanmoins, ce mode de transmission doit ce qui amène à conclure faire l’objet d’études approfondies, du type de l’étude réalisée aux Pays-Bas sur la provisoirement qu’il y a eu une transmission expérimentale de chat à chat (5) ; l’étude en question démontre que la transmission horizontale (c’est-à-dire variété des hôtes est plus importante que ce que l’on croyait, ce qui accroît les inquiétudes de tigre à tigre) vers la fin de à propos d’une éventuelle transmission inter-espèces (3). l’épizootie. Les mesures de surveillance active n’ont pas révélé Modes de transmission de signes cliniques ou sérologiques Dans un groupe dense de bêtes fauves, on ne voit généralement les pathologies qu’à partir d’infection chez d’autres animaux du moment où des animaux manifestent des signes cliniques d’inactivité, d’abattement, du zoo, ni chez les volailles et chez de léthargie ou de décubitus. Dans le cas présent, l’infection est passée inaperçue jusqu’au l’homme dans un rayon de cinq 11 octobre 2004, date à laquelle certains tigres ont commencé à présenter des signes kilomètres du zoo. cliniques de faiblesse et de détressse respiratoire. Les animaux malades ont alors reçu un traitement antibiotique contre la pneumonie, Mots clés : mais leur état ne s’est pas amélioré et, quelques jours plus tard, il y avait encore plus influenza animale, grippe aviaire, d’animaux malades. La mortalité a débuté le 14 octobre 2004 et s’est poursuivie pendant tigre en captivité, félin, IAHP, huit jours. Les tout derniers cas de morbidité et de mortalité ont été enregistrés virus H5N1 le 28 octobre 2004. Au début de l’épizootie, plusieurs tigres étant tombés malades et étant morts à peu près en même temps, une source unique d’infection a d’abord été envisagée (4). Mais 29 autres tigres ont été trouvés malades ultérieurement pendant les cinq jours de traitement anti-viral. Ceci met en évidence la première transmission horizontale de cette maladie de tigre à tigre. 2005 • 3 51 8/12/05 18:54 vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 Página 52 Population atteinte Au total, 147 tigres du Bengale sont tombés malades sur une période de 21 jours, c’est-à-dire entre la date estimée de première apparition des signes cliniques (8 octobre 2004) et l’apparition des tout derniers cas (28 octobre 2004). Quarante cinq tigres sont morts de la maladie ; les 102 autres ont été euthanasiés pour des raisons de santé publique et pour leur épargner des souffrances, avec l’approbation des autorités concernées. Incubation et apparition des premiers signes cliniques D’après la courbe épidémique, la période d’incubation de l’IAHP chez les tigres serait de sept à neuf jours environ. L’apparition des premiers signes cliniques connaît un pic dans les quatre ou cinq premiers jours après la fin de l’incubation. Néanmoins, dans le cas présent l’apparition des premiers signes cliniques est passée inaperçue la plupart du temps. La date théorique de l’infection initiale est estimée au 8 octobre 2004 (4). En ce qui concerne la transmission de tigre à tigre, la période d’incubation semble être d’environ trois jours, puis les tigres ont commencé à mourir trois jours après l’apparition des premiers signes cliniques (8). Résultats de laboratoire Plusieurs laboratoires ont apporté leur contribution au diagnostic de la maladie chez les tigres : l’Institut national de la santé animale (NIAH5) (dépendant du DLD), le laboratoire de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Kasetsart, ainsi que les laboratoires de la faculté des sciences vétérinaires et de la faculté de médecine de l’université de Chulalongkorn. Les résultats de leurs travaux sont décrits ci-après. Etiologie Le 14 octobre 2004, les vétérinaires du zoo ont testé des écouvillons trachéaux au moyen d’une trousse de détection rapide du virus de l’influenza A « humaine » ; le résultat des tests était négatif. Ils ont ensuite envoyé des prélèvements au laboratoire de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Kasetsart pour que soient effectuée une RT-PCR6 en temps réel. Des résultats positifs (infection des tigres par un virus hautement pathogène de l’influenza aviaire) ont été obtenus le 18 octobre 2004. L’agent causal a été mis en évidence dans d’autres types de prélèvements : sérum, frottis de la trachée, organes internes (poumon, foie, encéphale, rate et intestin). Le virus de l’influenza A isolé chez les tigres malades a été dénommé A/Tiger/Thailand/CUT3/04. Le virus isolé chez les animaux malades qui avaient reçu un traitement anti-viral préventif (oseltamivir) a été dénommé A/Tiger/Thailand/CU-T7/04. Le séquençage et l’analyse phylogénétique des gènes H et N a montré que ces isolats étaient similaires entre eux et étaient également similaires au virus isolé dans un précédent cas d’influenza aviaire enregistré chez un tigre début 2004 (8). Observations cliniques Au début de l’épizootie, les premières manifestations cliniques étaient : inappétence, fièvre (température entre 41,1° et 41,6° C), faiblesse, détresse respiratoire, inactivité et décubitus. Des 5- NIAH : National Institute of Animal Health 6- RT-PCR : réaction en chaîne par la polymérase – transcriptase inverse 52 2005 • 3 signes cliniques de pneumonie ont généralement été observés. Les animaux malades étaient âgés de huit mois à deux ans ; ils étaient nourris avec des carcasses de poulet (entières ou 8/12/05 18:54 Página 53 décharnées). Aucun cas n’a été détecté chez les tigres âgés de moins de six mois, qui recevaient une alimentation spécifique (viande de porc et de poulet) provenant d’un même groupe de fournisseurs (2). Des sécrétions nasales séreuses et sanguinolentes et des signes neurologiques ont été observés (8). En outre, les poils dressés sur le front et entre les oreilles des tigres malades étaient clairement visibles au cours de la phase vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 clinique de la maladie (6) (voir photographie). Les animaux mouraient dans les trois jours après l’apparition des premiers signes cliniques (8). Observations anatomopathologiques A l’examen post-mortem, les cadavres des tigres étaient cachectiques, les animaux ne Courtoisie de l’Université de Chulalongkorn s’étant pas alimentés pendant plusieurs jours avant de mourir. Une importante inflammation a généralement pu être observée au niveau des voies respiratoires. Le tableau nécropsique est celui d’une pneumonie interstitielle se manifestant par une hémorragie ecchymotique, un oedème et une congestion pulmonaire, une nécrose hépatique plurifocale, une méningo-encéphalite non purulente et une érythrophagocytose au niveau de la rate (2). En outre, une importante consolidation pulmonaire et une hémorragie plurifocale ont été observées dans plusieurs organes dans les cas d’évolution lente et fatale. D’autres observations ont également été faites, notamment : une perte en cellules épithéliales bronchiolaires et alvéolaires, un épaississement de la paroi alvéolaire, un épanchement œdémateux avec cellules inflammatoires, macrophages et neutrophiles, la présence de liquide dans le lumen alvéolaire. L’expression de l’antigène viral de l’influenza était visible à l’examen immunohistochimique des cellules alvéolaires et bronchiques des poumons atteints (1). En détail, l’autopsie a révélé une importante congestion pulmonaire œdémateuse avec hémorragie diffuse, la présence d’exsudats séreux et sanguinolents dans le lumen alvéolaire et la trachée et un épanchement pleural jaune paille (10–20 ml) dans la cavité thoracique. L’encéphale présentait une congestion modérée, avec des lésions méningoencéphalitiques bénignes, non suppuratives. L’analyse histopathologique des prélèvements d’organes a révélé une hépatite nécrosante plurifocale modérée, une légère hémorragie gastrique plurifocale, une accumulation lymphohistiocytaire focale dans une zone sous-muqueuse du petit intestin, une hémorragie rénale plurifocale modérée et une légère déplétion lymphoïde de la rate (8). Diagnostic de laboratoire et résultat des tests Un certain nombre de techniques de laboratoire ont été utilisées pour diagnostiquer et confirmer rapidement la maladie et pour procéder à l’analyse moléculaire du virus. Le 14 octobre 2004, les vétérinaires du zoo ont utilisé un kit de test commercialisé pour la détection de l’influenza A « humaine », afin de tenter d’établir un diagnostic présomptif de la maladie. Les échantillons utilisés étaient des prélèvement fécaux provenant de tigres morts ; les résultats se sont révélés négatifs. Un autre lot de prélèvements a été adressé ultérieurement au laboratoire de la faculté de médecine vétérinaire de l’université Kasetsart, où une RT-PCR en temps réel a été réalisée le 18 octobre 2004 ; les résultats se sont révélés positifs. L’Institut national de la santé animale a, pour sa part, effectué une RT-PCR classique, une RT-PCR en temps réel et 2005 • 3 53 vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 8/12/05 18:54 Página 54 Epreuves de diagnostic de l’IAHP réalisées à l’Institut national de la santé animale Nature et origine du prélèvement Sérum (tigre vivant nº 1) Test rapide PCR en temps réel (amorce et sonde pour virus H5) H5 (RT-PCR) N1 (RT-PCR) Inoculation in ovo HA/HI* – + Non réalisé Non réalisé + Sérum (tigre vivant nº 2) – + Non réalisé Non réalisé + Sérum (tigre mort nº 3) + + Non réalisé Non réalisé + Sérum (tigre mort nº 4) + + Non réalisé Non réalisé + Poumon (tigre mort nº 3) + + + + + Poumon (tigre mort nº 4) + + + + + Organes internes (tigre mort nº 3) + + + + + Organes internes (tigre mort nº 4) + + + + + Prélèvement trachéal (tigre mort nº 3) + + + + + * HA : épreuve d’hémagglutination HI : épreuve d’inhibition de l’hémagglutination des tests rapides de détection du virus de l’influenza A « humaine ». Il y a eu deux résultats négatifs pour le test rapide effectué sur du sérum prélevé chez des animaux malades. La confirmation de l’infection a ensuite été apportée par l’isolement du virus de l’IAHP dans des œufs de poule embryonnés. Pouvoir pathogène et espèces félines atteintes Le séquençage viral indique que le virus en cause est similaire à celui qui infecte des volailles en Thaïlande. Le virus de l’influenza aviaire de sous-type H5N1 est hautement pathogène pour plusieurs félins. Outre ces tigres (Panthera tigris) en captivité, d’autres félins se sont révélés sensibles à ce virus, notamment des chats domestiques, des tigres blancs, des léopards (Panthera pardus) et des panthères longibandes (Neofelis nebulosa). Gestion sanitaire du foyer Lutte contre la maladie En cas de suspicion sérieuse d’IAHP (avec ou sans signes cliniques) dans un établissement, des mesures d’abattage sanitaire sont aussitôt mises en œuvre, sans attendre la confirmation du laboratoire. C’est le meilleur moyen de lutter efficacement contre l’infection et d’empêcher sa propagation. L’abattage sanitaire s’applique à tous les animaux infectés par l’IAHP et à tous les animaux en contact ou épidémiologiquement liés aux animaux infectés. Dans le cas de l’événement dont il est question ici, il s’avère que le tigre est une espèce protégée par la législation nationale et inscrite sur la liste de la CITES des espèces menacées d’extinction ; toutes les décisions visant à éradiquer la maladie doivent, par conséquent, être prudemment soupesées. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte au niveau national et international. En raison de ces multiples contraintes, la stratégie habituelle d’abattage sanitaire n’a pas été pleinement appliquée au début de l’épizootie. Pour des raisons de santé publique et de bien-être animal, et eu égard à des considérations économiques et techniques, il a finalement été décidé d’euthanasier les tigres moribonds. D’autres mesures de lutte contre la maladie ont été mises en œuvre sur recommandation du DLD : destruction des cadavres, des déchets et des produits provenant des installations infectées et des zones potentiellement à risque ; désinfection et application de mesures rigoureuses d’hygiène ; mise en interdit de la zone infectée, restriction des déplacements ; surveillance active de toutes les espèces sensibles dans les environs immédiats du foyer et jusqu’à 5 kilomètres du foyer. 54 2005 • 3 8/12/05 18:54 – Página 55 Le zoo a été mis en interdit. Les restrictions de déplacements ont été appliquées grâce à la mise en place de postes de contrôle face à l’entrée du zoo et sur les routes dans un rayon de 5 kilomètres. – Une surveillance clinique et sérologique active et un suivi épidémiologique continu ont été réalisés dans un rayon de 5 kilomètres des installations, à la fois chez l’homme et chez l’animal. – L’euthanasie a été appliquée aux tigres pour lesquels le pronostic était le moins favorable. Dans un vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 premier temps, 1 à 2 ml de sédatif a été injecté par voie intramusculaire. Une fois l’animal inconscient, une solution saturée de sulphate de magnésium (100–200 ml / animal) a été administrée par voie intraveineuse. – La destruction des cadavres (par enfouissement sous une couche de ciment) a été effectuée en présence des autorités compétentes, notamment la CITES. – La désinfection des aires d’alimentation et de repos des animaux et la désinfection des véhicules et du matériel ont été renforcées et seront effectuées régulièrement. Le glutaral est l’un des désinfectants qui ont été utilisés autour du foyer. On estime que ces mesures de désinfection ont énormément contribué à réduire la propagation de la maladie dans ce très grand groupe de tigres en captivité. – Dès le début du foyer, des règles d’hygiène strictes ont été appliquées dans les aires de repos et les aires de préparation des repas, et tous les soigneurs ont été impliqués dans cette tâche. – Le régime des tigres est passé temporairement d’un régime de poulets crus à un régime de carcasses de volailles cuites, de porc frais et d’autres produits carnés. Des mesures strictes d’hygiène ont été introduites dans la préparation des repas des tigres. Cette recommandation a été faite au propriétaire du zoo dès que la source de l’infection a été identifiée. – Un traitement préventif a été fourni à tous les animaux et humains concernés. L’anti-viral disponible dans le commerce n’étant pas prévu pour être administré à des animaux, le dosage requis a été établi sur avis d’experts techniques. Prophylaxie et traitement Outre l’abattage sanitaire, utilisé pour lutter efficacement contre la maladie, il existe des vaccins contre l’influenza pouvant être utilisés chez l’animal à titre préventif. Cependant, il n’existe aucun traitement spécifique disponible ni aucune médication recommandée contre l’IAHP dans aucune espèce animale. L’infection par le virus de l’IAHP de sous-type H5 chez les félins, en particulier chez les tigres en captivité, est quelque chose d’assez nouveau, qui n’a été mis en évidence que récemment. Il semble que les félins ne soient pas des hôtes accidentels puisque l’infection a déjà été signalée chez des chats domestiques début 2004. Pour des raisons encore inexpliquées, la maladie prend parfois une tournure zoonotique et peut entraîner des décès chez l’homme. Le taux de mortalité peut être élevé chez l’homme (entre 60 % et 70 % en Thaïlande et au Vietnam en 2004 et encore plus élevé au Vietnam en 2005) (9). Quelques anti-viraux sont disponibles sur le marché. L’oseltamivir, notamment, est disponible en Thaïlande. La dose normale chez l’homme est de 75 mg deux fois par jour (matin et soir) pendant cinq jours consécutifs. Les antibiotiques administrés aux tigres malades pour tenter de traiter leurs pathologies respiratoires n’ont eu aucun effet. Compte tenu du fait que le tigre est un animal précieux, une ressource naturelle qui fait partie du patrimoine national, tout a été fait, dans un contexte de pression massive et de contraintes, pour stopper ou réduire le risque d’infection en testant sur le terrain un anti-viral non vétérinaire, l’oseltamivir, afin de tenter de soulager ces tigres. L’oseltamivir était la seule option possible pour prévenir l’infection dans le groupe de tigres en contact ; comme il s’agissait de la première utilisation de ce médicament chez des tigres, c’était également le premier essai de terrain. Comme les animaux étaient maintenus dans des zones confinées, ils ont pu être suivis pour rechercher d’éventuels effets secondaires. Le dosage le mieux adapté aux tigres a été établi en prenant l’avis 2005 • 3 55 vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 8/12/05 18:54 Página 56 de tous les experts disponibles. Un programme de suivi des résultats a été établi. Le protocole thérapeutique chez les tigres était semblable à celui chez l’homme : administration par voie orale (dans un morceau de viande) de 75 mg pour les tigres pesant moins de 60 kg et de 150 mg pour les autres. Le traitement a commencé le 21 octobre 2004 et s’est prolongé au-delà du protocole de cinq jours. Rien ne permet d’affirmer que le médicament ait retardé l’apparition des premiers signes cliniques ou la mort des animaux infectés. Pendant le traitement, les tigres ont continué de tomber malades et de mourir. L’administration prophylactique ou thérapeutique d’oseltamivir chez l’animal n’est pas une indication prévue par le fabricant, aussi des études scientifiques approfondies seront-elles nécessaire avant de tirer des conclusions définitives concernant l’efficacité de ce produit dans ce contexte. (8). Suivi épidémiologique continu et surveillance dans le zoo et aux alentours Au titre de la surveillance, il a été recommandé que tous les tigres soient soumis à un prélèvement de sang dans les meilleurs délais. Cependant, en raison des difficultés propres à la manipulation de ces animaux, seuls 55 échantillons ont été prélevés sur les 294 tigres restant dans le zoo après les derniers cas et morts du 28 octobre 2004. En outre, des prélèvements cloacaux ont été effectués chez 131 volailles dans toutes les basses-cours dans 11 villages dans un rayon de 5 kilomètres autour du zoo. Tous ces prélèvements ont fourni des résultats négatifs à l’examen par PCR en temps réel. En outre, la surveillance clinique active qui s’est poursuivie chez l’homme et chez les espèces animales sensibles a fourni des résultats entièrement négatifs au regard de l’IAHP. Impact sur la santé publique La surveillance intensive dans la population humaine n’a révélé aucune suspicion d’infection IAHP liée à ce foyer. Toutes les personnes qui ont été d’une manière ou d’une autre en contact avec les tigres en captivité ont été considérées comme un groupe à risque et ont été traités gratuitement à l’oseltamivir, conformément au protocole préventif. Elles ont été maintenues sous surveillance intensive pendant un certain temps après la diminution du foyer chez les tigres. La surveillance intensive incluait l’examen de prélèvements sanguins et la surveillance clinique des symptômes de la grippe. Au cours de l’épizootie chez les tigres, il y a eu cinq cas humains de grippe ordinaire dans le zoo ; aucun de ces patients ne s’est révélé positif à une infection IAHP. Compte tenu de la préoccupation croissante du public pour ces questions, suite aux cas humains enregistrés au Vietnam en 2004, et compte tenu du fait qu’il a été confirmé que le décès de 12 personnes dans ce pays en janvier 2005 était dû au virus IAHP de sous-type H5N1 (7), les nombreuses questions que pose cette maladie chez l’homme doivent être étudiées de manière approfondie. Une enquête rigoureuse devra être menée, qui prendra en compte différents aspects tels que la sensibilité spécifique de l’être humain ou sa vulnérabilité génétique. Tous ces points doivent être prudemment évalués avant de tirer la moindre conclusion sur une transmission inter-espèces. Conclusions a) Il y a eu une source commune d’infection à l’origine de cette épizootie, puis il semble qu’il y ait eu ensuite une transmission horizontale, les tigres n’étant plus nourris avec de la viande crue. 56 2005 • 3 8/12/05 18:54 Página 57 b) La source de l’infection s’est révélée être les carcasses de poulets crues (avec ou sans viande) que l’on donnait à manger aux tigres en captivité et qui étaient contaminées par un virus de l’IAHP de sous-type H5N1. c) La viande de volaille et de porc que l’on donnait à manger aux plus jeunes tigres peut être écartée comme source possible de l’infection puisqu’aucun cas n’est apparu dans le vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 groupe des animaux âgés de moins de six mois. d) La surveillance sérologique n’a révélé aucune transmission inter-espèces au cours de cette épizootie, que ce soit du tigre à l’homme (le traitement anti-viral a pu y contribuer) ou du tigre aux autres espèces animales du zoo. e) Ce foyer chez des tigres soulève la question d’une éventuelle transmission inter-espèce dans le futur. Remerciements L’auteur souhaite exprimer à toutes les personnes concernées sa sincère reconnaissance pour leur généreuse contribution, leurs importants efforts, leur patience, et le difficile travail qu’elles ont accompli pour gérer cette crise au mieux, en dépit de conditions défavorables, de la pression et des contraintes, dans une période de souffrance et de pertes considérables. Références bibliographiques (1) Amornsin A. (2004). – Molecular Studies of (6) Poovorawan Y. (2005). – A presentation at a meeting of the National Committee on Highly Avian Influenza (H5N1) in Thailand. A Presentation Pathogenic Avian Influenza Resolution, 24 January Session, for the Department of Livestock Development 2005. The Government House, Bangkok (Thaïlande). Seminar on Highly Pathogenic Avian Influenza (7) ProMED (2005). – Avian Influenza, Human Prevention and Control, 28-31 août, Bangkok – East Asia (25): Viet Nam ex Cambodia. Archive (Thaïlande). Number 20050201.0345; 1 février 2005. (2) DLD (2004). – All Thai official reports (8) Thanawongnuwech R., Amonsin A., regarding HPAI in zoological tigers submitted to the Tantilertcharoen R., Damrongwatanapokin S., Department of Livestock Development. Theamboonlers A., Payungporn S., Nanthapornphiphat (3) Enserink M. & Kaiser J. (2004). – Avian Flu K., Ratanamungkhlanon S., Tunak E., Songserm T., Finds New Mammal Hosts. Science: vol 305, 3 Vivatthanavanich V., Lekdumrongsak T., septembre, pp. 1385. Kesdangsakonwut S. & Poovorawan Y. (2005). – (4) Kalpravidh W. (2004). – Investigation Report of an H5N1 Outbreak in Tigers at Sriracha Tiger Farm. A report for the Department of Livestock Development, 20 octobre. (5) Kuiken T, Rimmellzwaan G, van Riel D, van Probable tiger-to-tiger transmission of avian influenza H5N1. Emerg Infect Dis, 2005. (9) WHO (2005). – Cumulative number of confirmed human cases of avian influenza A/ (H5N1) since 28 January 2004. Communicable Disease Amerongen G, Baars M, Foucher R & Osterhaus A. 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Science; vol Organization. www.who.int/csr/disease/ 306, 8 October, pp 241. avian_influenza/country/cases_table_2005_02_02/en 2005 • 3 57 vie des partenaires Boletin 05-3 FRA-2 8/12/05 18:54 Página 58 Stratégie nationale de lutte contre la péripneumonie contagieuse bovine en Guinée Information reçue le 16 juin 2005 En Guinée, les actions visant l’amélioration de la situation sanitaire du cheptel ont été du Docteur Daouda Bangoura, menées par les services vétérinaires depuis l’avènement du pays à l’indépendance. chef de division des services Elles ont permis de maîtriser la peste bovine, dont les derniers foyers remontent à vétérinaires, direction nationale 1967, plaçant du coup la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) au premier rang de l'élevage, ministère de des préoccupations en matière de santé animale. l'agriculture et de l'élevage, Conakry L’appui technique et financier apporté par la FAO1 entre 1974 et 1981 a permis d’initier et d’exécuter un programme de lutte contre cette maladie basé sur la vaccination. A la clôture du projet, faute de moyens financiers les actions n’ont pu être poursuivies, compromettant les efforts fournis. Cette situation, couplée au manque de coopération des éleveurs dû à la commercialisation obligatoire des animaux imposée par le gouvernement de la Première République et l’absence de programmes d’enquêtes sérologiques et de surveillance sont à la base de la recrudescence des foyers de la maladie enregistrée durant la Première République. En matière de contrôle et d’éradication de la PPCB, les services vétérinaires guinéens ont fait le choix de mettre en œuvre des stratégies combinées en fonction de la situation créée par la maladie. Dans la plupart des cas, la surveillance épidémiologique a été soutenue par la vaccination de masse, le contrôle des mouvements de bétail et l’abattage sanitaire. Zones épidémiologiques de PPCB : Sur le plan opérationnel, il a été opéré au niveau national, un zonage permettant de délimiter quatre grandes zones en fonction de leur situation épidémiologique. On distingue : – Une zone endémique. Elle s’étend sur tout le territoire de la Haute Guinée et une partie de la région forestière (Kissidougou et Beyla)2. – Une zone tampon. Elle comprend les préfectures de Dinguiraye, Dabola et Faranah à l’intérieur de la zone endémique et limitrophes avec la zone indemne. Des mesures rigoureuses de surveillance et de prophylaxie sont appliquées dans cette zone et aucun cas de la maladie n’a été rapporté depuis au moins quatre ans. – Une zone de surveillance. Contiguë à la zone tampon, elle se situe à l’intérieur de la zone indemne. Elle couvre les préfectures de Tougué, Mamou, Dalaba et Kindia. Contaminée accidentellement, elle a fait l’objet en 1997 de mesures draconiennes basées sur l’abattage systématique de tous les animaux malades ou séropositifs. – Une zone indemne. Elle s’étend sur la région forestière, la Basse Guinée et la partie centrale et nord-ouest de la Moyenne Guinée. Des mesures drastiques sont appliquées dans cette zone3. 1- FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture 2- Le dernier foyer de PPCB dans la zone endémique a été enregistré en août 2004 dans la préfecture de Beyla. 3- En avril 2005 un foyer de PPCB a été enregistré dans la zone indemne, à Maférinya (préfecture de Forécariah). L'abattage sanitaire a été appliqué. 58 2005 • 3 En cas d’éclatement d’un foyer dans l’une de ces grandes zones, une nouvelle délimitation (un zonage local et provisoire) et des mesures de police sanitaire appropriées s'appliquent au niveau local (sous-préfectoral ou préfectoral), indépendamment du zonage national.