vie des partenaires épidémiologie & programmes de lutte contre les maladies animales

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vie des partenaires
épidémiologie &
programmes de lutte contre
les maladies animales
Grippe aviaire chez des tigres en captivité en Thaïlande
Par Orapan Pasavorakul,
Introduction
Sous-Division d’Epidémiologie
Le Département du Développement de l’Elevage (DLD1) a été informé d’une suspicion
Vétérinaire, Département
d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) chez des tigres dans un célèbre parc
du Développement de l’Elevage
zoologique privé, dans le district de SriRacha (province de ChonBuri). Le 18 octobre
(DLD), Ministère thaïlandais
2004 il a été confirmé qu’il s’agissait bien d’un foyer d’IAHP, dû à un virus de sous-type
de l’Agriculture et des Coopératives.
H5N1. Le zoo possédait au total 441 tigres du Bengale, de tous âges, maintenus en
Rapport reçu le 2 mars 2005 du
captivité dans une zone d’environ 100 rai (soit près de 24 hectares).
Docteur Yukol Limlamthong,
Directeur Général du DLD
L’enquête préliminaire auprès des vétérinaires et du personnel du zoo a permis de
déterminer que les premiers signes de fatigue et de détresse respiratoire sont apparus
chez les tigres dès le 11 octobre 2004, et des cas de mortalité ont été constatés dès le
14 octobre. D’autres tigres sont morts ultérieurement (le dernier cas de mortalité a eu
lieu
le 28 octobre). Des mesures de lutte très strictes ont été mises en œuvre conformément
au protocole standard préconisé par le DLD en cas d’IAHP. Des personnes compétentes
dans le domaine de la santé humaine et animale, l’autorité nationale de la CITES , des
universitaires, des experts vétérinaires et le Centre de lutte contre les maladies de la
province de ChonBuri, ont été mis à contribution pour apporter leur aide dans la gestion
et le réglement de cette crise.
Résumé:
Le parc zoologique comprend essentiellent deux « compartiments », à savoir une
Un nombre important de cas
section consacrée aux tigres et une autre aux crocodiles, distantes d’un kilomètre. Au
d’influenza aviaire hautement
moment de l’épizootie il y avait également dans le zoo des éléphants, des chevaux, deux
pathogène dus à un virus de sous-type
porcs, des chiens et des oiseaux (deux autruches et dix paons) destinés à être présentés
H5N1 a été signalé chez des tigres en
dans des expositions ou lors de spectacles. Quelques crocodiles et deux canards étaient
captivité dans un parc zoologique du
hébergés ensemble dans un bassin à l’intérieur de la section des tigres. Les tigres étaient
district de SriRacha, dans la province
vaccinés contre la rage et la panleucopénie (2).
de ChonBuri, en Thaïlande. Les
animaux atteints faisaient tous partie
d’un même groupe de tigres. D’après
Enquête épidémiologique
l’enquête menée par le Département
Le quartier général du DLD a immédiatement mandaté une équipe vétérinaire
d’épidémiologistes et de personnel de laboratoire, pour mener l’enquête. Ultérieurement,
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1- DLD : Department of Livestock Development
2- CITES : Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction
3 -FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture
4- TCP/RAS/3006 : projet de réseau de coordination du diagnostic de laboratoire et de la surveillance pour la prévention et la lutte contre
l’influenza aviaire en Asie du Sud-Est
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du Développement de l’Elevage
la FAO3 a mis à disposition le Coordonnateur régional du projet de coopération technique
(l’autorité thaïlandaise responsable
TCP/RAS/30064, pour apporter son aide dans cette enquête et pour servir de consultant en
de la santé animale), l’infection des
matière de lutte contre la maladie. Les résultats de cette enquête sont présentés ci-après.
tigres serait due à la contamination
des carcasses entières de poulets avec
Sources possibles d’infection
lesquels ils étaient nourris. Il semble
D’après l’enquête, la source la plus probable d’infection est l’alimentation ordinaire des
qu’il y ait eu à la base une source
tigres, à savoir des poulets crus (carcasses entières ou squelettes). Etant donné qu’il n’y
commune d’infection. Toutes les
avait pas eu le moindre foyer d’IAHP dans cette zone depuis quelques temps, des
mesures nécessaires pour lutter contre
recherches ont été menées auprès de tous les fournisseurs d’aliments. Les lots suspects
la maladie (quarantaine, restrictions
sont apparus comme étant des carcasses de poulets introduites illégalement à partir d’une
des déplacements, élimination des
province voisine où un foyer d’IAHP était actif à peu près au même moment. L’hypothèse
matières infectées ou contaminées,
que des carcasses de poulets (avec ou sans viande) contaminées aient été la source du
désinfection, surveillance et suivi
foyer est étayée par le fait qu’aucun tigre âgé de moins de six mois n’a été malade.
épidémiologique, information du
En effet, les jeunes tigres étaient nourris uniquement avec de la viande fraîche de porc
public) ont été mises en œuvre, et les
ou de poulet.
tigres ont été nourris avec des viandes
Par ailleurs, il y avait bien des oiseaux sauvages dans la zone, notamment des oiseaux
cuites afin de limiter les risques.
d’eau, mais ils n’étaient pas en nombre suffisant pour présenter un risque et contribuer
Des mesures sanitaires rigoureuses
à l’apparition du foyer.
d’hygiène et de désinfection ont été
Par conséquent, les résultats de cette enquête suggèrent fortement qu’il y a eu une
imposées dans toute la zone atteinte.
source commune d’infection, à savoir une alimentation contaminée par des carcasses
Un traitement anti-viral a été
crues de poulets.
administré à titre préventif aux tigres
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En dépit de toutes les mesures d’intervention, de lutte et d’hygiène mises en œuvre
et aux personnes ayant été en contact
au cours de cet épisode, il n’a cessé d’apparaître de nouveaux cas de maladie et de
avec eux. Par la suite, d’autres tigres
mortalité dans le groupe atteint. Ce fait évoque une autre source d’infection, à savoir une
sont tombés malades et sont morts,
transmission horizontale, de tigre à tigre (8). Néanmoins, ce mode de transmission doit
ce qui amène à conclure
faire l’objet d’études approfondies, du type de l’étude réalisée aux Pays-Bas sur la
provisoirement qu’il y a eu une
transmission expérimentale de chat à chat (5) ; l’étude en question démontre que la
transmission horizontale (c’est-à-dire
variété des hôtes est plus importante que ce que l’on croyait, ce qui accroît les inquiétudes
de tigre à tigre) vers la fin de
à propos d’une éventuelle transmission inter-espèces (3).
l’épizootie. Les mesures de
surveillance active n’ont pas révélé
Modes de transmission
de signes cliniques ou sérologiques
Dans un groupe dense de bêtes fauves, on ne voit généralement les pathologies qu’à partir
d’infection chez d’autres animaux
du moment où des animaux manifestent des signes cliniques d’inactivité, d’abattement,
du zoo, ni chez les volailles et chez
de léthargie ou de décubitus. Dans le cas présent, l’infection est passée inaperçue jusqu’au
l’homme dans un rayon de cinq
11 octobre 2004, date à laquelle certains tigres ont commencé à présenter des signes
kilomètres du zoo.
cliniques de faiblesse et de détressse respiratoire.
Les animaux malades ont alors reçu un traitement antibiotique contre la pneumonie,
Mots clés :
mais leur état ne s’est pas amélioré et, quelques jours plus tard, il y avait encore plus
influenza animale, grippe aviaire,
d’animaux malades. La mortalité a débuté le 14 octobre 2004 et s’est poursuivie pendant
tigre en captivité, félin, IAHP,
huit jours. Les tout derniers cas de morbidité et de mortalité ont été enregistrés
virus H5N1
le 28 octobre 2004.
Au début de l’épizootie, plusieurs tigres étant tombés malades et étant morts à peu
près en même temps, une source unique d’infection a d’abord été envisagée (4). Mais
29 autres tigres ont été trouvés malades ultérieurement pendant les cinq jours de
traitement anti-viral. Ceci met en évidence la première transmission horizontale de cette
maladie de tigre à tigre.
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Population atteinte
Au total, 147 tigres du Bengale sont tombés malades sur une période de 21 jours, c’est-à-dire
entre la date estimée de première apparition des signes cliniques (8 octobre 2004) et
l’apparition des tout derniers cas (28 octobre 2004). Quarante cinq tigres sont morts de la
maladie ; les 102 autres ont été euthanasiés pour des raisons de santé publique et pour leur
épargner des souffrances, avec l’approbation des autorités concernées.
Incubation et apparition des premiers signes cliniques
D’après la courbe épidémique, la période d’incubation de l’IAHP chez les tigres serait de sept à
neuf jours environ. L’apparition des premiers signes cliniques connaît un pic dans les quatre ou
cinq premiers jours après la fin de l’incubation. Néanmoins, dans le cas présent l’apparition des
premiers signes cliniques est passée inaperçue la plupart du temps. La date théorique de
l’infection initiale est estimée au 8 octobre 2004 (4).
En ce qui concerne la transmission de tigre à tigre, la période d’incubation semble être
d’environ trois jours, puis les tigres ont commencé à mourir trois jours après l’apparition des
premiers signes cliniques (8).
Résultats de laboratoire
Plusieurs laboratoires ont apporté leur contribution au diagnostic de la maladie chez les
tigres : l’Institut national de la santé animale (NIAH5) (dépendant du DLD), le laboratoire de
la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Kasetsart, ainsi que les laboratoires de la
faculté des sciences vétérinaires et de la faculté de médecine de l’université de
Chulalongkorn. Les résultats de leurs travaux sont décrits ci-après.
Etiologie
Le 14 octobre 2004, les vétérinaires du zoo ont testé des écouvillons trachéaux au moyen d’une
trousse de détection rapide du virus de l’influenza A « humaine » ; le résultat des tests était
négatif. Ils ont ensuite envoyé des prélèvements au laboratoire de la faculté de médecine
vétérinaire de l’université de Kasetsart pour que soient effectuée une RT-PCR6 en temps réel.
Des résultats positifs (infection des tigres par un virus hautement pathogène de l’influenza
aviaire) ont été obtenus le 18 octobre 2004.
L’agent causal a été mis en évidence dans d’autres types de prélèvements : sérum, frottis de
la trachée, organes internes (poumon, foie, encéphale, rate et intestin).
Le virus de l’influenza A isolé chez les tigres malades a été dénommé A/Tiger/Thailand/CUT3/04. Le virus isolé chez les animaux malades qui avaient reçu un traitement anti-viral
préventif (oseltamivir) a été dénommé A/Tiger/Thailand/CU-T7/04. Le séquençage et l’analyse
phylogénétique des gènes H et N a montré que ces isolats étaient similaires entre eux et étaient
également similaires au virus isolé dans un précédent cas d’influenza aviaire enregistré chez un
tigre début 2004 (8).
Observations cliniques
Au début de l’épizootie, les premières manifestations cliniques étaient : inappétence, fièvre
(température entre 41,1° et 41,6° C), faiblesse, détresse respiratoire, inactivité et décubitus. Des
5- NIAH : National Institute of Animal Health
6- RT-PCR : réaction en chaîne par la polymérase –
transcriptase inverse
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signes cliniques de pneumonie ont généralement été observés. Les animaux malades étaient
âgés de huit mois à deux ans ; ils étaient nourris avec des carcasses de poulet (entières ou
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décharnées). Aucun cas n’a été détecté chez les tigres âgés de moins de six mois, qui
recevaient une alimentation spécifique (viande de porc et de poulet) provenant d’un
même groupe de fournisseurs (2). Des sécrétions nasales séreuses et sanguinolentes et
des signes neurologiques ont été observés (8). En outre, les poils dressés sur le front et
entre les oreilles des tigres malades étaient clairement visibles au cours de la phase
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clinique de la maladie (6) (voir photographie). Les animaux mouraient dans les trois jours
après l’apparition des premiers signes cliniques (8).
Observations anatomopathologiques
A l’examen post-mortem, les cadavres des tigres étaient cachectiques, les animaux ne
Courtoisie de l’Université de Chulalongkorn
s’étant pas alimentés pendant plusieurs jours avant de mourir. Une importante
inflammation a généralement pu être observée au niveau des voies respiratoires. Le
tableau nécropsique est celui d’une pneumonie interstitielle se manifestant par une
hémorragie ecchymotique, un oedème et une congestion pulmonaire, une nécrose
hépatique plurifocale, une méningo-encéphalite non purulente et une
érythrophagocytose au niveau de la rate (2). En outre, une importante consolidation
pulmonaire et une hémorragie plurifocale ont été observées dans plusieurs organes dans
les cas d’évolution lente et fatale. D’autres observations ont également été faites,
notamment : une perte en cellules épithéliales bronchiolaires et alvéolaires, un
épaississement de la paroi alvéolaire, un épanchement œdémateux avec cellules
inflammatoires, macrophages et neutrophiles, la présence de liquide dans le lumen
alvéolaire.
L’expression de l’antigène viral de l’influenza était visible à l’examen
immunohistochimique des cellules alvéolaires et bronchiques des poumons atteints (1).
En détail, l’autopsie a révélé une importante congestion pulmonaire œdémateuse
avec hémorragie diffuse, la présence d’exsudats séreux et sanguinolents dans le lumen
alvéolaire et la trachée et un épanchement pleural jaune paille (10–20 ml) dans la cavité
thoracique. L’encéphale présentait une congestion modérée, avec des lésions méningoencéphalitiques bénignes, non suppuratives.
L’analyse histopathologique des prélèvements d’organes a révélé une hépatite
nécrosante plurifocale modérée, une légère hémorragie gastrique plurifocale, une
accumulation lymphohistiocytaire focale dans une zone sous-muqueuse du petit intestin,
une hémorragie rénale plurifocale modérée et une légère déplétion lymphoïde de
la rate (8).
Diagnostic de laboratoire et résultat des tests
Un certain nombre de techniques de laboratoire ont été utilisées pour diagnostiquer et
confirmer rapidement la maladie et pour procéder à l’analyse moléculaire du virus.
Le 14 octobre 2004, les vétérinaires du zoo ont utilisé un kit de test commercialisé
pour la détection de l’influenza A « humaine », afin de tenter d’établir un diagnostic
présomptif de la maladie. Les échantillons utilisés étaient des prélèvement fécaux
provenant de tigres morts ; les résultats se sont révélés négatifs. Un autre lot de
prélèvements a été adressé ultérieurement au laboratoire de la faculté de médecine
vétérinaire de l’université Kasetsart, où une RT-PCR en temps réel a été réalisée le
18 octobre 2004 ; les résultats se sont révélés positifs. L’Institut national de la santé
animale a, pour sa part, effectué une RT-PCR classique, une RT-PCR en temps réel et
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Epreuves de diagnostic de l’IAHP réalisées à l’Institut national de la santé animale
Nature et origine du prélèvement
Sérum (tigre vivant nº 1)
Test rapide
PCR en temps réel
(amorce et sonde
pour virus H5)
H5 (RT-PCR)
N1 (RT-PCR)
Inoculation in ovo
HA/HI*
–
+
Non réalisé
Non réalisé
+
Sérum (tigre vivant nº 2)
–
+
Non réalisé
Non réalisé
+
Sérum (tigre mort nº 3)
+
+
Non réalisé
Non réalisé
+
Sérum (tigre mort nº 4)
+
+
Non réalisé
Non réalisé
+
Poumon (tigre mort nº 3)
+
+
+
+
+
Poumon (tigre mort nº 4)
+
+
+
+
+
Organes internes (tigre mort nº 3)
+
+
+
+
+
Organes internes (tigre mort nº 4)
+
+
+
+
+
Prélèvement trachéal (tigre mort nº 3)
+
+
+
+
+
* HA : épreuve d’hémagglutination
HI : épreuve d’inhibition de l’hémagglutination
des tests rapides de détection du virus de l’influenza A « humaine ». Il y a eu deux résultats négatifs pour le
test rapide effectué sur du sérum prélevé chez des animaux malades.
La confirmation de l’infection a ensuite été apportée par l’isolement du virus de l’IAHP dans des œufs
de poule embryonnés.
Pouvoir pathogène et espèces félines atteintes
Le séquençage viral indique que le virus en cause est similaire à celui qui infecte des volailles en
Thaïlande.
Le virus de l’influenza aviaire de sous-type H5N1 est hautement pathogène pour plusieurs félins. Outre
ces tigres (Panthera tigris) en captivité, d’autres félins se sont révélés sensibles à ce virus, notamment des
chats domestiques, des tigres blancs, des léopards (Panthera pardus) et des panthères longibandes
(Neofelis nebulosa).
Gestion sanitaire du foyer
Lutte contre la maladie
En cas de suspicion sérieuse d’IAHP (avec ou sans signes cliniques) dans un établissement, des mesures
d’abattage sanitaire sont aussitôt mises en œuvre, sans attendre la confirmation du laboratoire. C’est le
meilleur moyen de lutter efficacement contre l’infection et d’empêcher sa propagation. L’abattage sanitaire
s’applique à tous les animaux infectés par l’IAHP et à tous les animaux en contact ou épidémiologiquement
liés aux animaux infectés.
Dans le cas de l’événement dont il est question ici, il s’avère que le tigre est une espèce protégée par la
législation nationale et inscrite sur la liste de la CITES des espèces menacées d’extinction ; toutes les
décisions visant à éradiquer la maladie doivent, par conséquent, être prudemment soupesées. Plusieurs
facteurs sont à prendre en compte au niveau national et international. En raison de ces multiples
contraintes, la stratégie habituelle d’abattage sanitaire n’a pas été pleinement appliquée au début de
l’épizootie. Pour des raisons de santé publique et de bien-être animal, et eu égard à des considérations
économiques et techniques, il a finalement été décidé d’euthanasier les tigres moribonds.
D’autres mesures de lutte contre la maladie ont été mises en œuvre sur recommandation du DLD :
destruction des cadavres, des déchets et des produits provenant des installations infectées et des zones
potentiellement à risque ; désinfection et application de mesures rigoureuses d’hygiène ; mise en interdit de
la zone infectée, restriction des déplacements ; surveillance active de toutes les espèces sensibles dans les
environs immédiats du foyer et jusqu’à 5 kilomètres du foyer.
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Le zoo a été mis en interdit. Les restrictions de déplacements ont été appliquées grâce à la mise en
place de postes de contrôle face à l’entrée du zoo et sur les routes dans un rayon de 5 kilomètres.
–
Une surveillance clinique et sérologique active et un suivi épidémiologique continu ont été réalisés
dans un rayon de 5 kilomètres des installations, à la fois chez l’homme et chez l’animal.
–
L’euthanasie a été appliquée aux tigres pour lesquels le pronostic était le moins favorable. Dans un
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premier temps, 1 à 2 ml de sédatif a été injecté par voie intramusculaire. Une fois l’animal inconscient,
une solution saturée de sulphate de magnésium (100–200 ml / animal) a été administrée par voie
intraveineuse.
–
La destruction des cadavres (par enfouissement sous une couche de ciment) a été effectuée en
présence des autorités compétentes, notamment la CITES.
–
La désinfection des aires d’alimentation et de repos des animaux et la désinfection des véhicules et
du matériel ont été renforcées et seront effectuées régulièrement. Le glutaral est l’un des désinfectants
qui ont été utilisés autour du foyer. On estime que ces mesures de désinfection ont énormément
contribué à réduire la propagation de la maladie dans ce très grand groupe de tigres en captivité.
–
Dès le début du foyer, des règles d’hygiène strictes ont été appliquées dans les aires de repos et les
aires de préparation des repas, et tous les soigneurs ont été impliqués dans cette tâche.
–
Le régime des tigres est passé temporairement d’un régime de poulets crus à un régime de
carcasses de volailles cuites, de porc frais et d’autres produits carnés. Des mesures strictes d’hygiène
ont été introduites dans la préparation des repas des tigres. Cette recommandation a été faite au
propriétaire du zoo dès que la source de l’infection a été identifiée.
–
Un traitement préventif a été fourni à tous les animaux et humains concernés. L’anti-viral disponible
dans le commerce n’étant pas prévu pour être administré à des animaux, le dosage requis a été établi
sur avis d’experts techniques.
Prophylaxie et traitement
Outre l’abattage sanitaire, utilisé pour lutter efficacement contre la maladie, il existe des vaccins contre
l’influenza pouvant être utilisés chez l’animal à titre préventif. Cependant, il n’existe aucun traitement
spécifique disponible ni aucune médication recommandée contre l’IAHP dans aucune espèce animale.
L’infection par le virus de l’IAHP de sous-type H5 chez les félins, en particulier chez les tigres en
captivité, est quelque chose d’assez nouveau, qui n’a été mis en évidence que récemment. Il semble que
les félins ne soient pas des hôtes accidentels puisque l’infection a déjà été signalée chez des chats
domestiques début 2004. Pour des raisons encore inexpliquées, la maladie prend parfois une tournure
zoonotique et peut entraîner des décès chez l’homme. Le taux de mortalité peut être élevé chez l’homme
(entre 60 % et 70 % en Thaïlande et au Vietnam en 2004 et encore plus élevé au Vietnam en 2005) (9).
Quelques anti-viraux sont disponibles sur le marché. L’oseltamivir, notamment, est disponible en Thaïlande.
La dose normale chez l’homme est de 75 mg deux fois par jour (matin et soir) pendant cinq jours
consécutifs.
Les antibiotiques administrés aux tigres malades pour tenter de traiter leurs pathologies respiratoires
n’ont eu aucun effet. Compte tenu du fait que le tigre est un animal précieux, une ressource naturelle qui
fait partie du patrimoine national, tout a été fait, dans un contexte de pression massive et de contraintes,
pour stopper ou réduire le risque d’infection en testant sur le terrain un anti-viral non vétérinaire,
l’oseltamivir, afin de tenter de soulager ces tigres.
L’oseltamivir était la seule option possible pour prévenir l’infection dans le groupe de tigres en contact ;
comme il s’agissait de la première utilisation de ce médicament chez des tigres, c’était également le premier
essai de terrain. Comme les animaux étaient maintenus dans des zones confinées, ils ont pu être suivis pour
rechercher d’éventuels effets secondaires. Le dosage le mieux adapté aux tigres a été établi en prenant l’avis
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de tous les experts disponibles. Un programme de suivi des résultats a été établi. Le protocole
thérapeutique chez les tigres était semblable à celui chez l’homme : administration par voie orale
(dans un morceau de viande) de 75 mg pour les tigres pesant moins de 60 kg et de 150 mg
pour les autres. Le traitement a commencé le 21 octobre 2004 et s’est prolongé au-delà du
protocole de cinq jours. Rien ne permet d’affirmer que le médicament ait retardé l’apparition des
premiers signes cliniques ou la mort des animaux infectés. Pendant le traitement, les tigres ont
continué de tomber malades et de mourir.
L’administration prophylactique ou thérapeutique d’oseltamivir chez l’animal n’est pas une
indication prévue par le fabricant, aussi des études scientifiques approfondies seront-elles
nécessaire avant de tirer des conclusions définitives concernant l’efficacité de ce produit dans ce
contexte. (8).
Suivi épidémiologique continu et surveillance dans le zoo et aux alentours
Au titre de la surveillance, il a été recommandé que tous les tigres soient soumis à un
prélèvement de sang dans les meilleurs délais. Cependant, en raison des difficultés propres à
la manipulation de ces animaux, seuls 55 échantillons ont été prélevés sur les 294 tigres
restant dans le zoo après les derniers cas et morts du 28 octobre 2004.
En outre, des prélèvements cloacaux ont été effectués chez 131 volailles dans toutes les
basses-cours dans 11 villages dans un rayon de 5 kilomètres autour du zoo.
Tous ces prélèvements ont fourni des résultats négatifs à l’examen par PCR en temps réel. En
outre, la surveillance clinique active qui s’est poursuivie chez l’homme et chez les espèces
animales sensibles a fourni des résultats entièrement négatifs au regard de l’IAHP.
Impact sur la santé publique
La surveillance intensive dans la population humaine n’a révélé aucune suspicion d’infection
IAHP liée à ce foyer. Toutes les personnes qui ont été d’une manière ou d’une autre en contact
avec les tigres en captivité ont été considérées comme un groupe à risque et ont été traités
gratuitement à l’oseltamivir, conformément au protocole préventif. Elles ont été maintenues sous
surveillance intensive pendant un certain temps après la diminution du foyer chez les tigres. La
surveillance intensive incluait l’examen de prélèvements sanguins et la surveillance clinique des
symptômes de la grippe. Au cours de l’épizootie chez les tigres, il y a eu cinq cas humains de
grippe ordinaire dans le zoo ; aucun de ces patients ne s’est révélé positif à une infection IAHP.
Compte tenu de la préoccupation croissante du public pour ces questions, suite aux cas
humains enregistrés au Vietnam en 2004, et compte tenu du fait qu’il a été confirmé que le
décès de 12 personnes dans ce pays en janvier 2005 était dû au virus IAHP de sous-type H5N1
(7), les nombreuses questions que pose cette maladie chez l’homme doivent être étudiées de
manière approfondie. Une enquête rigoureuse devra être menée, qui prendra en compte
différents aspects tels que la sensibilité spécifique de l’être humain ou sa vulnérabilité génétique.
Tous ces points doivent être prudemment évalués avant de tirer la moindre conclusion sur une
transmission inter-espèces.
Conclusions
a) Il y a eu une source commune d’infection à l’origine de cette épizootie, puis il semble
qu’il y ait eu ensuite une transmission horizontale, les tigres n’étant plus nourris avec de la
viande crue.
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b) La source de l’infection s’est révélée être les carcasses de poulets crues (avec ou sans
viande) que l’on donnait à manger aux tigres en captivité et qui étaient contaminées par un
virus de l’IAHP de sous-type H5N1.
c) La viande de volaille et de porc que l’on donnait à manger aux plus jeunes tigres peut
être écartée comme source possible de l’infection puisqu’aucun cas n’est apparu dans le
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groupe des animaux âgés de moins de six mois.
d) La surveillance sérologique n’a révélé aucune transmission inter-espèces au cours de
cette épizootie, que ce soit du tigre à l’homme (le traitement anti-viral a pu y contribuer) ou
du tigre aux autres espèces animales du zoo.
e) Ce foyer chez des tigres soulève la question d’une éventuelle transmission inter-espèce
dans le futur.
Remerciements
L’auteur souhaite exprimer à toutes les personnes concernées sa sincère reconnaissance
pour leur généreuse contribution, leurs importants efforts, leur patience, et le difficile travail
qu’elles ont accompli pour gérer cette crise au mieux, en dépit de conditions défavorables,
de la pression et des contraintes, dans une période de souffrance et de pertes considérables.
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(4) Kalpravidh W. (2004). – Investigation Report of
an H5N1 Outbreak in Tigers at Sriracha Tiger Farm. A
report for the Department of Livestock Development, 20
octobre.
(5) Kuiken T, Rimmellzwaan G, van Riel D, van
Probable tiger-to-tiger transmission of avian influenza
H5N1. Emerg Infect Dis, 2005.
(9) WHO (2005). – Cumulative number of
confirmed human cases of avian influenza A/ (H5N1)
since 28 January 2004. Communicable Disease
Amerongen G, Baars M, Foucher R & Osterhaus A.
Surveillance & Response (CSR), World Health
(2004). – Avian H5N1 Influenza in Cats. Science; vol
Organization. www.who.int/csr/disease/
306, 8 October, pp 241.
avian_influenza/country/cases_table_2005_02_02/en
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vie des partenaires
Boletin 05-3 FRA-2
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Stratégie nationale de lutte contre
la péripneumonie contagieuse bovine en Guinée
Information reçue le 16 juin 2005
En Guinée, les actions visant l’amélioration de la situation sanitaire du cheptel ont été
du Docteur Daouda Bangoura,
menées par les services vétérinaires depuis l’avènement du pays à l’indépendance.
chef de division des services
Elles ont permis de maîtriser la peste bovine, dont les derniers foyers remontent à
vétérinaires, direction nationale
1967, plaçant du coup la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) au premier rang
de l'élevage, ministère de
des préoccupations en matière de santé animale.
l'agriculture et de l'élevage, Conakry
L’appui technique et financier apporté par la FAO1 entre 1974 et 1981 a permis
d’initier et d’exécuter un programme de lutte contre cette maladie basé sur la
vaccination. A la clôture du projet, faute de moyens financiers les actions n’ont pu
être poursuivies, compromettant les efforts fournis. Cette situation, couplée au
manque de coopération des éleveurs dû à la commercialisation obligatoire des
animaux imposée par le gouvernement de la Première République et l’absence de
programmes d’enquêtes sérologiques et de surveillance sont à la base de la
recrudescence des foyers de la maladie enregistrée durant la Première République.
En matière de contrôle et d’éradication de la PPCB, les services vétérinaires
guinéens ont fait le choix de mettre en œuvre des stratégies combinées en fonction de
la situation créée par la maladie. Dans la plupart des cas, la surveillance
épidémiologique a été soutenue par la vaccination de masse, le contrôle des
mouvements de bétail et l’abattage sanitaire.
Zones épidémiologiques de PPCB :
Sur le plan opérationnel, il a été opéré au niveau national, un zonage permettant de
délimiter quatre grandes zones en fonction de leur situation épidémiologique. On
distingue :
–
Une zone endémique. Elle s’étend sur tout le territoire de la Haute Guinée et une
partie de la région forestière (Kissidougou et Beyla)2.
–
Une zone tampon. Elle comprend les préfectures de Dinguiraye, Dabola et Faranah
à l’intérieur de la zone endémique et limitrophes avec la zone indemne. Des mesures
rigoureuses de surveillance et de prophylaxie sont appliquées dans cette zone et
aucun cas de la maladie n’a été rapporté depuis au moins quatre ans.
–
Une zone de surveillance. Contiguë à la zone tampon, elle se situe à l’intérieur de
la zone indemne. Elle couvre les préfectures de Tougué, Mamou, Dalaba et Kindia.
Contaminée accidentellement, elle a fait l’objet en 1997 de mesures draconiennes
basées sur l’abattage systématique de tous les animaux malades ou séropositifs.
–
Une zone indemne. Elle s’étend sur la région forestière, la Basse Guinée et la
partie centrale et nord-ouest de la Moyenne Guinée. Des mesures drastiques sont
appliquées dans cette zone3.
1- FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et
l'Agriculture
2- Le dernier foyer de PPCB dans la zone endémique a été
enregistré en août 2004 dans la préfecture de Beyla.
3- En avril 2005 un foyer de PPCB a été enregistré dans la
zone indemne, à Maférinya (préfecture de Forécariah).
L'abattage sanitaire a été appliqué.
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En cas d’éclatement d’un foyer dans l’une de ces grandes zones, une nouvelle
délimitation (un zonage local et provisoire) et des mesures de police sanitaire
appropriées s'appliquent au niveau local (sous-préfectoral ou préfectoral),
indépendamment du zonage national.
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