Nous faisons de vos spécialités Nous faisons de vos spécialités notre respécspéc not ialitéialité É ditorial Cancers digestifs : l’essor inéluctable des thérapies ciblées Directeur de la publication : Claudie Damour-Terrasson Rédacteur en chef : Pr M.A. Bigard (Nancy) Rédacteurs en chef adjoints : Dr L. Choné (Nancy) - Dr L. Peyrin-Biroulet (Nancy) Comité de rédaction Dr V. Abitbol (Paris) - Pr P. Desreumaux (Lille) Pr X. Hébuterne (Nice) - Dr B. Landi (Paris) Dr V. Laurent (Nancy) - Pr Ph. Mathurin (Lille) Dr D. O’Toole (Angers) - Pr Y. Panis (Clichy) Dr A. Pauwels (Gonesse) - Pr L. Siproudhis (Rennes) Pr Ph. Sogni (Paris) - Dr T. Vallot (Paris) Dr C. Vanlemmens (Besançon) Conseillers scientifiques Pr M. Amouretti (Bordeaux) Pr G. Bommelaer (Clermont-Ferrand) Pr J. Boyer (Angers) - Pr J.F. Bretagne (Rennes) Pr A. Cortot (Lille) - Pr J.C. Delchier (Paris) Pr M. Doffoel (Strasbourg) - Pr D. Jaeck (Strasbourg) Pr R. Jian (Paris) - Pr F. Michot (Rouen) Pr T. Poynard (Paris) - Pr P. Rampal (Monaco) Pr J.C. Souquet (Lyon) Comité de lecture Dr J.P. Arpurt (Avignon) - Pr R. Baumann (Strasbourg) Pr L. Beaugerie (Paris) - Pr L. Bedenne (Dijon) Pr J.P. Bernard (Marseille) - Dr O. Bouché (Reims) Pr S. Bresson-Hadni (Besançon) Pr J.M. Bruel (Montpellier) - Dr P. Cassan (Vichy) Dr M. Chousterman (Créteil) - Pr P. Couzigou (Bordeaux) Pr T. Dao (Caen) - Dr B. Denis (Colmar) Pr E.D. Dorval (Tours) - Dr M. Ducreux (Villejuif) Pr J.L. Dupas (Amiens) - Dr T. Du Puy-Montbrun (Paris) Pr B. Flourié (Lyon) - Dr J. Fritsch (Le Kremlin-Bicêtre) Pr J.C. Grimaud (Marseille) - Dr F. Guillemot (Lille) Dr J. Lafon (Aix-en-Provence) - Dr J.L. Legoux (Bordeaux) Dr H. Licht (Saint-Denis) - Dr O. Nouel (Saint-Brieuc) Pr J.L. Raoul (Rennes) - Pr D. Régent (Nancy) Pr D. Sautereau (Limoges) - Pr C. Silvain (Poitiers) Pr J.P. Vinel (Toulouse) - Pr J.P. Zarski (Grenoble) Société éditrice : EDIMARK SAS Président-directeur général Claudie Damour-Terrasson Rédaction Secrétaire générale de la rédaction : Magali Pelleau Secrétaire de rédaction : Victoria Chakarian Rédactrices-réviseuses : Cécile Clerc, Sylvie Duverger, Muriel Lejeune, Catherine Mathis, Odile Prébin Infographie Premier rédacteur graphiste : Didier Arnoult Responsable technique : Virginie Malicot Rédactrices graphistes : Mathilde Aimée, Christine Brianchon, Cécile Chassériau Dessinateurs d’exécution : Stéphanie Dairain, Antoine Palacio Commercial Directeur du développement commercial : Sophia Huleux-Netchevitch Directeur des ventes : Chantal Géribi Régie publicitaire et annonces professionnelles Valérie Glatin Tél. : 01 46 67 62 77 – Fax : 01 46 67 63 10 Abonnements : Lorraine Figuière (01 46 67 62 74) Éditorial La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue GI cancers: the ineluctable rise of targeted therapies 쐌쎲 Bruno Landi, Gabriel Rahmi* L es vingt dernières années ont été marquées par des avancées majeures dans les connaissances en biologie moléculaire, concernant aussi bien le fonctionnement des cellules normales que celui des cellules cancéreuses. Les thérapies ciblées sont des traitements dirigés contre des cibles moléculaires (des gènes ou des protéines) impliquées soit dans la transformation néoplasique de la cellule, soit dans la croissance tumorale (1). Plusieurs médicaments de ce type sont désormais disponibles dans le traitement des cancers digestifs. Les deux premiers ont été l’imatinib (Glivec®), dans les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) avancées, puis le bévacizumab (Avastin®), dans les cancers du côlon et du rectum métastatiques. Récemment, l’erlotinib (Tarceva®) a obtenu un agrément dans le cancer du pancréas, et d’autres sont à l’étude. Les grandes lignes de ces avancées méritent d’être rappelées. Le cancer résulte des effets cumulés de mutations sur des gènes qui ont un rôle dans la croissance cellulaire. Ces données étaient bien connues dès les années 1990 dans le cancer colorectal. Une succession de mutations est nécessaire pour une évolution de l’épithélium normal vers le cancer, en passant par les différentes étapes d’adénome et de dysplasie. Les mutations sur certains gènes peuvent conduire à des conséquences telles que l’augmentation de l’activité d’oncogènes, la diminution de l’activité de gènes suppresseurs de tumeur, la dysrégulation de facteurs de croissance ou de leurs récepteurs, qui sont d’importants régulateurs de la croissance et de la division cellulaire (par exemple, la famille HER), ou la dysrégulation de protéines impliquées dans la régulation du cycle cellulaire. La transduction du signal est le processus par lequel un signal extracellulaire déclenche des voies de signalisations intracellulaires, qui peuvent fournir à la cellule différents messages (prolifération, différenciation, etc.). L’accumulation de ces anomalies aboutit à l’acquisition par la cellule cancéreuse de propriétés anormales comme une stimulation continue de la multiplication, l’insensibilité aux signaux apoptotiques, la stimulation de l’angiogenèse et l’acquisition du potentiel métastatique. De multiples molécules sont à l’étude, car il est possible de “s’attaquer” aux différentes anomalies qui caractérisent la cellule tumorale. Les mécanismes du développement, de la croissance et de la progression de la tumeur sont bien évidemment extrêmement complexes à l’échelle moléculaire. De manière schématique, les deux stratégies actuellement les plus développées afin de cibler des anomalies de la transmission du signal cellulaire sont des anticorps dirigés contre des récepteurs impliqués dans la transduction du signal, et des petites molécules qui bloquent l’activation de récepteurs tyrosine-kinase. Dans les cancers du côlon, le bévacizumab (Avastin®) et le cétuximab (Erbitux®) font partie de l’arsenal thérapeutique. Le bévacizumab est un 2, rue Sainte-Marie - 92418 Courbevoie Cedex Tél. : 01 46 67 63 00 – Fax : 01 46 67 63 10 E-mail : [email protected] Site Internet : http://www.edimark.fr * Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. Adhérent au SNPM Revue indexée dans la base PASCAL La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 5-6 - mai-juin 2007 © : photos, droits réservés 79 Éditorial É ditorial anticorps anti-VEGF (93 % humain, 7 % murin). Le VEGF est un facteur de croissance vasculaire qui a un rôle pivot dans l’angiogenèse. Il peut être sécrété par les cellules tumorales et se fixe au niveau d’un récepteur spécifique sur les cellules endothéliales. La sécrétion de VEGF entraîne la prolifération d’une néovascularisation autour de la tumeur, permettant sa croissance et sa dissémination. Le bévacizumab inhibe la fixation du VEGF à ses récepteurs. Ce traitement a donc pour cible l’environnement tumoral, l’angiogenèse dans ce cas, et non pas la cellule cancéreuse elle-même. Le bévacizumab a démontré son impact sur la survie dans les cancers colorectaux métastatiques. Il est actuellement à l’étude dans d’autres localisations tumorales. La dysrégulation de facteurs de croissance et de leurs récepteurs est fréquente au cours du cancer, comme par exemple celle du récepteur à l’EGF (facteur de croissance épidermique qui appartient à la famille des récepteurs HER) observée dans de nombreuses tumeurs, en particulier les cancers du côlon. L’activation d’EGFR (le récepteur à l’EGF) induit la prolifération des cellules tumorales en affectant le cycle cellulaire, amplifie le processus d’angiogenèse, et a aussi un effet antiapoptotique. Cette voie de l’EGF peut être inhibée par des anticorps monoclonaux anti-EGFR ou des inhibiteurs de l’activité tyrosine-kinase du récepteur. Le cétuximab (Erbitux®) est un anticorps monoclonal anti-EGFR chimérique (humain à 66 %, murin à 34 %) qui a démontré son intérêt dans les cancers colorectaux métastatiques en association avec l’irinotécan après échec d’une chimiothérapie avec ce produit. Si l’AMM précise que la tumeur doit exprimer l’EGFR en immunohistochimie, on sait désormais qu’il n’y a pas de corrélation avec l’efficacité, et qu’en pratique il n’est pas nécessaire de rechercher cette éventuelle expression. Le panitumumab (Vectibix®) est un anticorps monoclonal complètement humanisé antiEGFR (100 % humain) qui devrait avoir un agrément très prochainement dans le cancer colorectal, permettant d’éviter d’éventuelles réactions allergiques. L’erlotinib (Tarceva®) est un inhibiteur de l’activité tyrosine-kinase du récepteur EGF, qui était déjà utilisé dans le cancer du poumon, et qui vient d’obtenir un agrément dans le cancer du pancréas métastatique en association à la gemcitabine. L’avantage de ce type de molécule est une administration orale, et l’inconvénient une toxicité dose-dépendante (en particulier gastro-intestinale, hématologique et cutanée). La première thérapie ciblée disponible dans les cancers digestifs était l’imatinib (Glivec®), un inhibiteur de protéine tyrosine-kinase, en particulier contre le récepteur c-kit. Il existe dans les GIST une mutation activatrice du gène c-kit entraînant l’activation constitutionnelle de la protéine c-kit. S’agissant d’une anomalie moléculaire causale, l’imatinib a de ce fait une efficacité importante dans les GIST et a bouleversé le pronostic des formes métastatiques ou localement avancées. D’autres molécules sont en cours de 80 développement dans cette indication, et le sunitinib (Sutent®) est disponible, outre dans le cancer du rein, pour les patients ayant une GIST résistante à l’imatinib ou une intolérance à ce médicament. Il s’agit d’un inhibiteur de protéine tyrosine-kinase multicible ayant, en particulier, une action antiangiogénique. Les résultats d’une étude de phase III menée dans l’hépatocarcinome avec un autre inhibiteur de tyrosinekinase multicible, le sorafénib (Nexavar®), sont attendus avec impatience à l’ASCO en juin 2007 (lire p. 83 : “Le” scoop en oncologie digestive à l’ASCO 2007 : un traitement systémique efficace dans l’hépatocarcinome). On dispose désormais de preuves d’efficacité des approches ciblées en oncologie digestive. Ces traitements supposent un apprentissage dans leur maniement, conduisent à une nouvelle réflexion sur les stratégies thérapeutiques ainsi qu’à une nouvelle dynamique de recherche. L’action préférentielle sur les cellules tumorales ou sur leur environnement est en théorie associée à un profil de toxicité moindre que celui des chimiothérapies. Cependant, le clinicien a dû apprendre à gérer par exemple les risques de toxicité vasculaire associés au bévacizumab ou la toxicité cutanée liée au cétuximab. Il persiste de nombreuses questions sur les thérapies ciblées. L’évaluation de leur efficacité peut être problématique, et les critères morphologiques de type OMS ou RECIST ne sont pas toujours adaptés. Potentiellement, ces traitements sont efficaces dans différents types de tumeurs dès lors que les anomalies moléculaires ciblées sont présentes. En fait, les résultats sont inconstants d’un type tumoral à l’autre et d’un patient à l’autre. Cela est probablement lié au fait que, au sein de la cellule cancéreuse, de multiples voies métaboliques sont défectueuses simultanément. Les associations thérapeutiques ont donc certainement un intérêt, avec la chimiothérapie, mais possiblement aussi plusieurs thérapies ciblées. Un des principaux défis à venir des thérapies ciblées est l’identification des paramètres corrélés à leur efficacité. Cela est indispensable du point de vue clinique, afin de mieux sélectionner les patients susceptibles d’en bénéficier, mais aussi d’un point de vue économique, du fait des coûts engendrés. Des facteurs prédictifs de réponse ou de résistance à l’imatinib dans les GIST et au cétuximab dans les cancers colorectaux ont déjà été rapportés (2, 3). Plusieurs dizaines de médicaments agissant sur différentes cibles sont à l’étude, et, on ne peut plus en douter, les thérapies dites ciblées ont désormais une place de plus en plus prépondérante dans le ■ traitement des tumeurs digestives. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Blay JY. Thérapies ciblées du cancer: not lost in translation. Bull Cancer 2006;93:799-804. 2. Heinrich MC, Corless CL, Blanke CD et al. Molecular correlates of imatinib resistance in gastrointestinal stromal tumors. J Clin Oncol 2006;24:4764-74. 3. Lièvre A, Bachet JB, Le Corre D et al. KRAS mutation status is predictive of response to cetuximab therapy in colorectal cancer. Cancer Res 2006;66:3992-5. La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 5-6 - mai-juin 2007