N Nous ne guérissons pas tous les cancers…

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Éditorial
Nous ne guérissons pas
tous les cancers…
We do not cure all cancers
N
ous ne guérissons pas tous les cancers.
Ce sont des cancers que nous devons
traiter, et ce sont des cancers que nous
devons guérir. Et nous y parvenons, de plus en
plus, de mieux en mieux.
Pour y parvenir nous avons besoin de médicaments, puissants, variés, associés, dangereux,
évalués dans des essais prospectifs et surveillés.
C’est parce qu’ils sont efficaces, permettant à des
patients de plus en plus nombreux de vivre longtemps, qu’il est nécessaire de se pencher, avec nos
collègues de toutes les spécialités de la médecine
et de la chirurgie, sur les conséquences de leur
utilisation.
C’est justement pour ces raisons que nous avons
consacré deux numéros de notre revue aux risques
organiques des traitements des cancers hématologiques, de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte.
On peut toujours rêver de médicaments actifs
sans effets indésirables. Oui, on peut rêver, mais
malheureusement, pour l’instant, il n’y en a pas.
Il faut “peser”
Le spécialiste (honni soit-il aujourd’hui, vendu qu’il
est à l’industrie) doit peser le bénéfice et le risque
de chacune de ses interventions, de chacun de ses
choix, dans le contexte précis du patient qu’il a en
face de lui et en concertation avec ses collègues
dans le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaires. Et il doit décider de ce qui est le
mieux pour son patient.
Et lui expliquer
Oui, il faut du temps, de la patience, de la pédagogie. De plus en plus. Et c’est vrai, la diffusion sans
commentaire, à tout vent, d’une liste de plus de
70 médicaments soumis à surveillance par l’Afssaps ne fait qu’accroître les interrogations et les
demandes de réassurance de la part des patients
qui prennent ces médicaments.
Ah ! L’Afssaps, mère de tous nos maux ! Que n’at-elle fait son travail et empêché que le démon,
honoré cependant de la rosette remise par le plus
haut d’entre nous, ne diffuse son poison. Eh bien
voilà, monsieur le ministre, voilà la liste de tous
les poisons que nous avons accepté de vendre et
qu’il faut surveiller ! Quelle que soit la raison de
cette surveillance. Quelles que soient la hauteur du
bénéfice et la modicité du risque, quand il existe
et n’est pas simplement soupçonné.
Voilà pourquoi il faut affronter la suspicion, calmer
la crainte des patients qui prennent de l’imatinib
pour une leucémie myéloïde chronique… Quelle
avancée formidable pourtant que la mise à disposition de ce médicament ! Eh bien non : parce qu’il
était politiquement réclamé, économiquement
justifié de continuer à vendre et à rembourser le
poison du démon, aujourd’hui, il faut inquiéter,
jeter la suspicion sur tout et sur tous.
Armons-nous de patience, expliquons et continuons à travailler, à évaluer les nouveaux médicaments que nous apportent la biotechnologie,
issue souvent de la recherche académique, et les
industriels. Continuons aussi l’évaluation des
anciens, à l’instar du groupe SPIRIT qui nous
montre bellement l’intérêt d’associer l’imatinib à
l’interféron (plus de 20 ans d’âge !)
Nous ne guérissons pas tous les cancers hématologiques, mais dans tous les cas nous essayons
et nous progressons. Grâce à des médicaments,
parfois dangereux ! Qu’on le veuille ou non.
Correspondances en Onco-hématologie - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
Noël Milpied
Rédacteur en chef, CHU de Bordeaux
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