Correspondances en Onco-hématologie - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
Éditorial
Nous ne guérissons pas
tous les cancers…
We do not cure all cancers
N
ous ne guérissons pas tous les cancers.
Ce sont des cancers que nous devons
traiter, et ce sont des cancers que nous
devons guérir. Et nous y parvenons, de plus en
plus, de mieux en mieux.
Pour y parvenir nous avons besoin de médica-
ments, puissants, variés, associés, dangereux,
évalués dans des essais prospectifs et surveillés.
C’est parce qu’ils sont effi caces, permettant à des
patients de plus en plus nombreux de vivre long-
temps, qu’il est nécessaire de se pencher, avec nos
collègues de toutes les spécialités de la médecine
et de la chirurgie, sur les conséquences de leur
utilisation.
C’est justement pour ces raisons que nous avons
consacré deux numéros de notre revue aux risques
organiques des traitements des cancers hémato-
logiques, de l’enfant, de l’adolescent et de l’adulte.
On peut toujours rêver de médicaments actifs
sans eff ets indésirables. Oui, on peut rêver, mais
malheureusement, pour l’instant, il n’y en a pas.
Il faut “peser”
Le spécialiste (honni soit-il aujourd’hui, vendu qu’il
est à l’industrie) doit peser le bénéfi ce et le risque
de chacune de ses interventions, de chacun de ses
choix, dans le contexte précis du patient qu’il a en
face de lui et en concertation avec ses collègues
dans le cadre des réunions de concertation plu-
ridisciplinaires. Et il doit décider de ce qui est le
mieux pour son patient.
Et lui expliquer
Oui, il faut du temps, de la patience, de la pédago-
gie. De plus en plus. Et c’est vrai, la diff usion sans
commentaire, à tout vent, d’une liste de plus de
70 médicaments soumis à surveillance par l’Afs-
saps ne fait qu’accroître les interrogations et les
demandes de réassurance de la part des patients
qui prennent ces médicaments.
Ah ! L’Afssaps, mère de tous nos maux ! Que n’a-
t-elle fait son travail et empêché que le démon,
honoré cependant de la rosette remise par le plus
haut d’entre nous, ne diff use son poison. Eh bien
voilà, monsieur le ministre, voilà la liste de tous
les poisons que nous avons accepté de vendre et
qu’il faut surveiller ! Quelle que soit la raison de
cette surveillance. Quelles que soient la hauteur du
bénéfi ce et la modicité du risque, quand il existe
et n’est pas simplement soupçonné.
Voilà pourquoi il faut aff ronter la suspicion, calmer
la crainte des patients qui prennent de l’imatinib
pour une leucémie myéloïde chronique… Quelle
avancée formidable pourtant que la mise à dispo-
sition de ce médicament ! Eh bien non : parce qu’il
était politiquement réclamé, économiquement
justifi é de continuer à vendre et à rembourser le
poison du démon, aujourd’hui, il faut inquiéter,
jeter la suspicion sur tout et sur tous.
Armons-nous de patience, expliquons et conti-
nuons à travailler, à évaluer les nouveaux médi-
caments que nous apportent la biotechnologie,
issue souvent de la recherche académique, et les
industriels. Continuons aussi l’évaluation des
anciens, à l’instar du groupe SPIRIT qui nous
montre bellement l’intérêt d’associer l’imatinib à
l’interféron (plus de 20 ans d’âge !)
Nous ne guérissons pas tous les cancers hémato-
logiques, mais dans tous les cas nous essayons
et nous progressons. Grâce à des médicaments,
parfois dangereux ! Qu’on le veuille ou non.
Noël Milpied
Rédacteur en chef, CHU de Bordeaux