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seul de ces critères en TDM a été définie comme suffisante pour
déclarer l’inopérabilité de la patiente. Les critères d’inopérabi-
lité ainsi définis ont été comparés a posteriori au résultat de la
chirurgie pratiquée dans tous les cas : chirurgie optimale ou non.
Un seul chirurgien a pratiqué l’ensemble des actes opératoires,
sans connaissance des résultats du scanner quant à la prévision
d’opérabilité donnée par celui-ci. Le chimiothérapeute, présent
au bloc opératoire lors de la décision d’inopérabilité, connais-
sait, lui, les résultats du scanner.
Trois lectures des examens TDM ont été réalisées par deux
radiologues : une lecture en temps réel (L1a), une deuxième lec-
ture rétrospective (L1b) avec un délai de 3 mois à 6 ans par le
lecteur n°1, une troisième rétrospective par le lecteur n° 2 (L2).
Les trois interprétations ont été comparées aux comptes-rendus
opératoires. Pour chacune des trois lectures, les 42 comparai-
sons ont été classées en quatre groupes : patientes dont la chirur-
gie optimale n’a pas pu être réalisée (patientes inopérables
d’emblée ou résidu tumoral laissé en place de plus de 1 cm) et
classées comme telles (vrais positifs) ou non (faux positifs) en
TDM, patientes dont la chirurgie optimale a pu être réalisée et
classées comme telles (vrai négatifs) ou non (faux négatifs) en
TDM.
Le taux d’agrément de l’imagerie a été mesuré pour les trois lec-
tures (VP + VN/42). La valeur de l’imagerie médicale a été
mesurée en termes de sensibilité, spécificité, valeur prédictive
positive et valeur prédictive négative.
La reproductibilité intra- et inter-observateur a été évaluée par la
mesure du Kappa test pour chacun des critères et pour la valeur
prédictive globale de l’imagerie (13).
RÉSULTATS
Vingt-trois patientes n’ont pas eu de chirurgie optimale : soit
après chimiothérapie pour l’une d’elles, soit de novo. La stadifi-
cation avait été réalisée 13 fois par cœlioscopie (complétée
2fois par une laparotomie) et 10 fois par laparotomie d’emblée.
Vingt et une patientes n’ont eu aucune tentative d’exérèse car
elles étaient d’emblée inopérables. Deux ont eu une résection
laissant en place un résidu tumoral de plus de 1 cm. Dix-neuf
patientes de ce groupe sont décédées dans un délai de six mois à
quatre ans après le diagnostic, dont les deux résections incom-
plètes. Une patiente est actuellement évolutive, et 3 ont été réin-
tégrées dans le groupe des patientes qui ont eu une chirurgie
optimale après six cycles de chimiothérapie.
Dix-neuf patientes, dont les 3 de stades I et II, ont eu une chirur-
gie optimale (pas de résidu tumoral macroscopiquement visible
13 fois, résidu inférieur à 1 cm 6 fois). Pour cinq patientes, cette
chirurgie a été rendue possible par trois à six cures de chimio-
thérapie (deux d’entre elles sont en rémission clinique avec un
recul de deux et trois ans ; deux sont actuellement évolutives et
une est décédée). La stadification a été faite 7 fois par cœliosco-
pie, 12 fois par laparotomie d’emblée. Actuellement, dans le
groupe des patientes opérées de manière optimale, 9 sont en
rémission, 6 sont évolutives, 4 sont décédées.
Les résultats TDM, qui varient peu en intra-observateur, sont
plus disparates en inter-observateur. Néanmoins, les indicateurs
de concordances, mesurés par le Kappa test, sont jugés comme
bons à très bons, notamment en inter-observateur, où les
patientes mal classées le sont pour les deux observateurs 8 fois
sur 13.
Deux patientes ont été déclarées opérables à tort par les trois
lectures : elles avaient une miliaire péritonéale qui a fait récuser
l’exérèse. Pour la troisième patiente, déclarée opérable à tort,
l’extension pelvienne de la lésion ovarienne a été sous-estimée
par la première lecture du lecteur 1 ; les deux autres lectures
n’ont pas fait cette sous-estimation.
Dans le groupe des patientes déclarées non opérables à tort, 5
l’ont été par les 3 lectures, 1 par 2 lectures, enfin 4 par une lec-
ture. Actuellement, 2 sont décédées, 6 sont évolutives et 2 sont
en rémission complète avec un recul de 3 ans (1 cas), de 7 ans
(1 cas).
En ce qui concerne l’extension sus-diaphragmatique, une
patiente non opérable avait des nodules pleuraux associés à
l’épanchement et 9 patientes avaient un épanchement pleural
isolé (5 dans le groupe non opérable, 4 dans le groupe opérable).
Le critère “épanchement pleural” sans nodules pleuraux mesu-
rables a donc été considéré comme un mauvais critère et éli-
miné. De même pour les critères “présence de tumeurs de plus
de 4 cm sur l’épiploon infracolique et sur le grêle” : la valeur du
Kappa test inter-observateur était proche de zéro. Ces critères
ont donc été considérés comme non reproductibles et éliminés.
Leur élimination réduit le nombre de patientes jugées inopé-
rables à tort de 10 à 2. La première était considérée inopérable
pour les trois lectures, avec l’unique critère d’extension aux
parois pelviennes. Il s’agissait d’une forme histologique particu-
lière : cystadénofibrome séreux invasif ; cette patiente (stade
IIIc) est actuellement en rémission, avec un recul de deux ans.
La deuxième patiente était jugée inopérable par le lecteur 2 avec
surestimation des lésions diaphragmatiques. Elle est actuelle-
ment en poursuite évolutive. Au total, les performances du scan-
ner sont les suivantes : sensibilité 91 % (21/23), spécificité
95 % (18/19), VPP 95 % (21/22), VPN 90 % (18/20).
CONCLUSION
Le scanner abdomino-pelvien est largement utilisé lors de la
phase diagnostique des cancers ovariens évolués. Il permet la
mesure des volumes tumoraux lors du bilan initial de la maladie,
la recherche de métastases hépatiques, et peut aider au diagnos-
tic de l’origine d’une carcinose péritonéale.
L’objet de ce travail était d’évaluer le rôle prédictif de l’examen
tomodensitométrique chez les patientes atteintes d’un cancer de
l’ovaire évolué pour définir la prise en charge initiale : chirurgie
première ou chimiothérapie néoadjuvante.
La limite de l’utilisation de tels critères est le risque d’une perte
de chance pour les patientes déclarées inopérables à tort si l’on
ne prend en compte que les critères d’imagerie. Ce risque est
néanmoins théorique : la survie des patientes de stades III et IV
en fonction du choix thérapeutique initial n’est pas modifiée
(9, 10), et la plupart des patientes mises en rémission récidivent.
Il n’existe pas à l’heure actuelle de facteurs prédictifs de l’agres-
sivité intrinsèque des tumeurs ovariennes qui permettraient de
doser l’agressivité thérapeutique.
S’il ne nous paraît pas possible de substituer de manière systé-
matique l’examen tomodensitométrique à la chirurgie initiale
des cancers de l’ovaire, il permet d’évaluer l’opérabilité lors de
La Lettre du Gynécologue - n° 254 - septembre 2000