Lire l'article complet

publicité
P
H Y S I O P A T H O L O G I E ,
I M A G E R I E ,
T R A I T E M E N T
Nouveautés dans la physiopathologie, l’imagerie
et le traitement de l’ostéolyse du myélome
! X. Mariette*
.../...
P o i n t s
f o r t s
" Les nouveautés dans la physiopathologie de
l’ostéolyse du myélome font apparaître l’importance de deux systèmes : l’hyperexpression de
RANK-ligand sur les cellules stromales induite par
les plasmocytes tumoraux, et la sécrétion de MIP1α par les plasmocytes tumoraux eux-mêmes.
" Dans des modèles de souris, une inhibition de
chacun de ces deux systèmes entraîne une prévention quasi totale de l’ostéolyse. Les premiers
essais thérapeutiques inhibant le système
RANK-RANK-ligand ont débuté chez l’homme.
" Avec les inhibiteurs du système RANKL-RANK,
on voit poindre l’espoir d’inhiber complètement les complications osseuses de la maladie,
qui en représentent la principale morbidité. De
plus, compte tenu du rôle majeur des interactions entre plasmocytes tumoraux et microenvironnement médullaire dans la résorption osseuse,
mais aussi dans la survie et la prolifération des
plasmocytes, ces nouveaux médicaments inhibiteurs de la résorption osseuse pourraient également affecter la croissance tumorale.
Mots-clés : Myélome - Physiopathologie Imagerie - Ostéolyse.
" L’imagerie par résonance magnétique est plus
sensible que la radiographie pour détecter des
lésions myélomateuses. Elle doit être proposée
en cas de suspicion de compression médullaire
ou de la queue de cheval, avant radiothérapie
rachidienne, dans le bilan d’extension d’un
plasmocytome, et dans les myélomes de stade 1
sans lésion osseuse radiographique.
D
ans cet article, nous présenterons les nouveautés dans
la physiopathologie, l’imagerie et le traitement de l’ostéolyse du myélome. Après un exposé sur la physiopathologie qui reprendra certaines des notions déjà présentées
dans ce numéro, nous essaierons d’aborder sur un plan très
pratique les nouveautés concernant l’imagerie et le traitement
à visée spécifique osseuse.
" Les données récentes confirment que l’aug-
mentation de la densité minérale osseuse lombaire, mesurée par ostéodensitométrie, se
poursuit chez les malades qui restent en rémission complète après chimiothérapie.
" Les traitements par bisphosphonates repré-
sentent l’un des principaux progrès thérapeutiques du myélome dans les dix dernières
années. Ils pourraient permettre une augmentation de la survie chez les malades en rechute.
.../...
* Service de rhumatologie, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, université Paris-XI.
28
NOUVEAUTÉS DANS LA PHYSIOPATHOLOGIE
DE L’OSTÉOLYSE DU MYÉLOME
L’infiltration tumorale plasmocytaire s’accompagne dans tous
les cas d’une augmentation de la résorption osseuse. Dans certains cas, cette hyperrésorption peut être compensée par une
accélération de la formation osseuse. Mais, dans la plupart des
cas, les processus de résorption et de formation sont découplés, l’hyperrésorption osseuse prédomine et une ostéolyse
localisée ou diffuse apparaît. Cette ostéolyse est responsable
des signes cliniques de la maladie : douleurs osseuses, fractures périphériques ou tassements vertébraux, avec la possibilité de compression médullaire ou de la queue de cheval, et
épisodes d’hypercalcémie.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
P H Y S I O PAT H O L O G I E ,
Il est démontré depuis plus de quinze ans que cette ostéolyse
maligne est le résultat d’une augmentation de l’activité des
ostéoclastes au contact des cellules myélomateuses. Les mécanismes impliqués restent cependant inconnus. Plusieurs facteurs solubles sécrétés par les plasmocytes tumoraux ou par
l’environnement médullaire ont été impliqués dans cette hyperostéoclastose : l’IL-6, l’IL-1, la lymphotoxine ou TNFß (1).
Cependant, aucune de ces cytokines ne peut expliquer à elle
seule l’hyperrésorption osseuse responsable des signes cliniques observés chez les malades.
Au cours des deux dernières années, un nouveau système
jouant un rôle majeur dans la résorption osseuse a été mis en
évidence. Ce système est constitué d’un récepteur appelé
RANK, exprimé par l’ostéoclaste et ses précurseurs, et de
son ligand, situé sur l’ostéoblaste ou la cellule stromale
médullaire et appelé RANK-ligand (RANKL) (2, 3) (voir
l’article de S. Roux dans ce même numéro, p. 6). La liaison
de RANKL à RANK induit la différenciation et l’activation
des ostéoclastes, et stimule donc la résorption osseuse. Le
système RANK-RANKL est indispensable à la différenciation ostéoclastique, et toutes les cytokines ou hormones
connues pour augmenter la résorption osseuse [PTH,
1,25(OH)2D3, IL-1, TNFα, IL-6, IL-11] stimulent l’expression de RANKL par la cellule stromale et utilisent donc cette
voie finale commune. Dans le myélome, plusieurs groupes,
dont le nôtre, ont démontré récemment une augmentation de
l’expression de RANK-ligand sur les cellules stromales
médullaires, suggérant un rôle majeur de ce facteur dans l’ostéolyse de cette maladie (4-6). De façon intéressante,
RANKL n’est pas exprimé par les plasmocytes tumoraux,
mais par les cellules stromales médullaires au contact de ces
plasmocytes. Le groupe de R. Bataille a démontré que le
contact cellulaire entre plasmocytes tumoraux et cellules stromales induisait l’expression de RANKL sur ces dernières (6).
Le contact entre un plasmocyte normal et une cellule stromale n’entraîne aucune modification. L’intégrine VLA-4 est
indispensable à l’induction de RANKL sur les cellules stromales par les plasmocytes tumoraux. Il reste maintenant à
explorer le rôle potentiel des cytokines, et en particulier de
l’IL-6 produite par ces plasmocytes.
Un facteur sécrété par les plasmocytes tumoraux pouvant
jouer un rôle dans la résorption osseuse a été récemment
découvert : la Macrophage Inflammatory Protein 1-alpha
(MIP-1α). Il s’agit d’une chimiokine normalement sécrétée
par les macrophages. Des librairies différentielles d’ARN
messager entre moelle myélomateuse et moelle normale ont
permis de montrer qu’elle était sécrétée de façon très importante par les moelles myélomateuses, et plus particulièrement
par les plasmocytes tumoraux. Le rôle de MIP-1α est sûrement important dans le myélome. Des niveaux élevés de MIP1α sont retrouvés dans le surnageant de 62 % des patients
avec un myélome actif, alors que la chimiokine n’est présente
que chez 17 % des patients ayant une maladie stable, et jamais
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
IMAGERIE, TRAITEMENT
dans le surnageant de plasmocytes normaux (7). En outre,
dans deux modèles de souris myélomateuses, l’inhibition de
MIP-1α soit par des anticorps, soit par la transfection d’un
ARN antisens aboutit à une inhibition totale de l’ostéolyse
(8). Surtout, il s’y associe une diminution du volume tumoral appréciée histologiquement, une diminution du composant monoclonal et, dans l’un de ces modèles, une augmentation de la survie des souris. Il semble que MIP-1α puisse
activer directement l’ostéoclaste en association avec l’IL-6 et
indépendamment de la voie RANK-RANKL (9). Toutefois,
les récepteurs de MIP-1α, CCR1 et CCR5, sont présents sur
la cellule stromale médullaire. De plus, MIP-1α augmente
l’expression de VLA-5, une intégrine proche de VLA-4, et on
a vu l’importance du contact VLA4-ICAM pour stimuler l’expression de RANKL sur la cellule stromale. Il n’est donc pas
impossible que MIP-1α ait aussi une action permettant d’augmenter RANKL sur cette cellule stromale. Les données
concernant l’action des trois principaux facteurs ostéoclastiques du myélome : RANKL, IL-6 et MIP-1α, sont résumées
dans la figure 1.
Figure 1. Physiopathologie de l’ostéolyse dans le myélome : rôle central de l’IL-6,
de RANKL et de MIP-1α.
NOUVEAUTÉS DANS L’IMAGERIE
DE L’OSTÉOLYSE DU MYÉLOME
Les radiographies standard du squelette
Les radiographies standard du squelette restent l’examen le
plus important pour mettre en évidence les lésions osseuses
du myélome (figure 2, p. 30). Les lésions des extrémités sont
rares, et l’on peut se contenter dans la plupart des cas de radiographies de l’ensemble du rachis, du crâne, du gril costal, du
bassin, des humérus et des fémurs.
29
P H Y S I O PAT H O L O G I E ,
IMAGERIE, TRAITEMENT
b
a
osseuses rachidiennes de myélome. Les anomalies sont celles
de toute lésion tissulaire : hypersignal en T2, hyposignal en
T1 se rehaussant après injection intraveineuse de gadolinium
(figures 3 et 4). Cependant, l’indication de l’IRM ne doit pas
être systématique, car, le plus souvent, elle ne modifie pas la
prise en charge thérapeutique d’un malade ayant des localisations osseuses connues en radiologie standard.
Figure 2. Radiographie de crâne de face (a) et de profil (b) montrant des géodes à
l’emporte-pièce.
La scintigraphie osseuse
Elle n’a aucune utilité dans le myélome, n’entraînant une fixation que dans la moitié des cas environ, contrairement à ce qui
est observé dans les métastases osseuses. En effet, la scintigraphie n’entraîne une hyperfixation qu’en cas d’augmentation de l’activité ostéoblastique, ce qui n’est pas souvent le cas
dans le myélome.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
L’IRM du rachis est un examen assurément plus sensible que
la radiographie standard pour mettre en évidence des lésions
Figure 3. IRM du bassin
en séquence T1 montrant
de nombreuses images en
hyposignal T1 sur les
deux fémurs.
Les indications de l’IRM dans le myélome sont actuellement
au nombre de quatre :
1. Le plasmocytome solitaire. Le plasmocytome solitaire, s’il
est vraiment solitaire, est accessible à la guérison par un traitement radical chirurgical ou radiothérapique. L’IRM, dans un
bon nombre de cas, peut révéler que le plasmocytome que l’on
croyait solitaire est en fait multiple ; dans ce cas, la stratégie
thérapeutique doit bien sûr changer, car il n’y a plus d’espoir
de guérison avec un traitement local.
2. La suspicion de compression médullaire ou de la queue
de cheval. C’est bien sûr l’indication la plus classique de
l’IRM dans le myélome.
3. Le bilan systématique avant radiothérapie rachidienne.
Une radiothérapie rachidienne est quelquefois proposée à
titre antalgique chez un patient ayant un tassement vertébral
restant douloureux malgré la chimiothérapie. Quand cette
indication est posée, il est utile d’effectuer une IRM afin de
rechercher une éventuelle épidurite asymptomatique associée, qui pourrait conduire à modifier l’étendue de la radiothérapie prévue.
4. Le myélome de stade I sans lésion osseuse radiographique. Les myélomes de stade I sans lésion osseuse ne doivent pas être traités par chimiothérapie. Ils peuvent rester indolents pendant de très nombreuses années. Toutefois, ils peuvent
aussi évoluer vers des myélomes symptomatiques. Dans une
étude récente concernant 55 patients, nous avons démontré
que la présence de lésions osseuses sur l’IRM (figures 5 et 6)
était le meilleur facteur pronostique de progression : le délai
médian avant progression était d’environ deux ans chez les
malades ayant une IRM anormale, alors qu’avec un suivi de
25 mois, seuls deux des 38 malades avec IRM normale avaient
évolué (10). Il faut rappeler par ailleurs que l’IRM est toujours
normale chez les patients ayant une immunoglobuline monoclonale bénigne, et que cet examen peut s’avérer très utile
quand ces patients présentent en plus une ostéoporose, dont
l’étiologie peut être tout à fait bénigne et non reliée à l’apparition d’un myélome.
L’ostéodensitométrie
a
b
Figure 4. IRM du rachis montrant une lésion vertébrale en hyposignal T1 (a) se
rehaussant après injection de gadolinium (b).
30
L’ostéodensitométrie permet une mesure de la masse osseuse
qui peut être effectuée soit en lombaire, soit en fémoral, soit
en corps entier (figure 7). Dans le myélome, le site de
mesure de la masse osseuse le plus intéressant est le rachis
lombaire, région fréquemment touchée par la prolifération
plasmocytaire.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
P H Y S I O PAT H O L O G I E ,
Figure 5. Atteinte focale unique au cours d’un myélome de stade I sans lésion osseuse
sur les radiographies standard.
IMAGERIE, TRAITEMENT
La densité minérale osseuse lombaire est nettement diminuée
chez les malades ayant un myélome de stade III, alors qu’elle
est proche de la normale chez les malades ayant un myélome
de stade I sans complication osseuse. Nous avons démontré
que la masse osseuse lombaire augmentait d’environ 5 % par
an chez des patients répondeurs à un traitement chimiothérapique, qu’il soit intensif ou classique, et cela en l’absence de
tout médicament à visée spécifique osseuse (11). Cette augmentation de la masse osseuse se poursuit dans le temps chez
les malades restant en rémission. Cet examen peut donc être
une aide au suivi évolutif des malades ayant un myélome non
sécrétant ou pauci-sécrétant.
L’augmentation de la masse osseuse sous chimiothérapie seule
confirme les relations étroites observées dans cette maladie
entre les plasmocytes tumoraux et l’augmentation de la résorption osseuse.
Le PET scan
Cette nouvelle méthode d’imagerie pourrait être particulièrement intéressante dans le myélome. Un article récent l’a évaluée chez 28 patients souffrant de myélome et 15 patients
atteints de plasmocytome solitaire (12). Chez les patients
atteints de myélome, le PET scan mettait en évidence deux
fois plus de lésions osseuses que les radiographies standard.
Chez 3 des 15 patients atteints de plasmocytome, le PET scan
révélait de nouvelles lésions ignorées par les radiographies.
Enfin, chez de rares malades en rémission clinico-biologique,
le PET scan ne retrouvait plus aucune fixation, ce qui pourrait en faire un examen utile dans le bilan de rémission.
NOUVEAUTÉS DANS LE TRAITEMENT
DE L’OSTÉOLYSE DU MYÉLOME
Figure 6. Atteintes focales multiples au cours d’un myélome de stade I sans lésion
osseuse sur les radiographies standard.
Nous nous limiterons aux traitements à visée osseuse et
n’aborderons pas le traitement chimiothérapeutique, qu’il soit
intensif ou conventionnel.
a
b
Figure 7. Mesure de la densitométrie osseuse lombaire (a) et corps entier (b) au cours du myélome.
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
31
P H Y S I O PAT H O L O G I E ,
IMAGERIE, TRAITEMENT
Quelle est la place de la chirurgie ?
La chirurgie est indiquée dans les situations suivantes :
# Réduction et fixation d’une fracture périphérique.
pie) (13). Il n’y a aucune différence de survie, sauf, paradoxalement, dans le sous-groupe de malades n’ayant pas de lésions
osseuses initialement, et analysé de façon rétrospective (14).
# Ostéosynthèse préventive d’une volumineuse lésion lytique
périphérique ou rachidienne avec risque très important de fracture ou d’instabilité. Cette indication est souvent difficile. Au
rachis, s’il y a un risque d’instabilité, et donc de compression
neurologique, l’indication chirurgicale existe. Pour le squelette
périphérique, il faut se poser la question suivante : la chirurgie
préventive permettra-t-elle d’éviter un geste plus lourd si elle
est effectuée après la survenue de la fracture ? En effet, l’alternative dans ce type de situation est la radiothérapie (cf. infra).
Les bisphosphonates par voie intraveineuse. Le seul à avoir
l’AMM dans le myélome sans hypercalcémie est le pamidronate (Arédia® à la dose de 90 mg par voie intraveineuse en perfusion de deux heures, en l’absence d’hypercalcémie) une fois
par mois. Sous pamidronate, la réduction du nombre d’événements osseux est de l’ordre de 50 % (15). Cet effet se maintient après deux ans de traitement. Mais surtout, chez les
malades en rechute, on observe sous pamidronate un allongement significatif de la survie : 21 mois versus 14 mois (16).
# Chirurgie-exérèse d’un plasmocytome solitaire. Dans ce
cas, la chirurgie doit être, si possible, “carcinologiquement”
satisfaisante, et complétée de radiothérapie.
Les nouveaux bisphosphonates. Les nouveaux bisphosphonates, comme le zolédronate, très récemment introduit, ont
une activité antiostéoclastique cent à mille fois supérieure à
celle du pamidronate. Des données très récentes indiquent que
4 mg de zolédronate en perfusion de 15 minutes ont un effet
au moins équivalent à celui de 90 mg de pamidronate en perfusion de deux heures pour prévenir l’apparition de nouveaux
événements osseux dans le myélome (17). Enfin, certains nouveaux bisphosphonates pourraient avoir une activité antiplasmocytaire intrinsèque ou une action potentialisatrice de l’action de la chimiothérapie (18) (voir l’article de M. Rousière
et P. Orcel dans ce même numéro, p. 21).
# Chirurgie décompressive d’une compression médullaire ou
de la queue de cheval. Cette indication était encore très classique il y a une dizaine d’années. Actuellement, si la compression neurologique est liée à une épidurite et non à une
compression osseuse, et s’il n’y a pas de risque d’instabilité,
le traitement de première intention consiste en la réalisation
de trois bolus de corticoïdes suivis d’une irradiation en
urgence. La chirurgie est réservée aux cas de compression
osseuse ou aux cas de compression neurologique survenant
sur des rachis déjà irradiés.
Quelle est la place de la radiothérapie ?
La radiothérapie est indiquée dans les situations suivantes :
# Complément de traitement chirurgical curatif ou préventif
afin de faciliter la consolidation.
# Traitement d’un plasmocytome solitaire : la dose doit alors
être élevée pour être éradicatrice (50 grays).
# Traitement en urgence d’une compression médullaire ou de
la queue de cheval (cf. supra).
# Traitement de lésions osseuses lytiques non fracturées ou
de tassements vertébraux restant douloureux, malgré la chimiothérapie associée aux bisphosphonates.
Quelle est la place des bisphosphonates ?
L’utilisation des bisphosphonates dans le myélome représente
un des progrès importants des dix dernières années.
Les différents bisphosphonates disponibles.
Les bisphosphonates par voie orale. Le seul à avoir l’AMM
dans les ostéolyses malignes sans hypercalcémie est le clodronate (Clastoban® ou Lytos®). Le Clastoban® est utilisé à la dose
de 1 600 mg/jour (2 gélules x 2), le Lytos® à la dose de
1 040 mg/jour (1 cp x 2). Le coût du traitement journalier est à
peu près équivalent : 7 à 9 euros. Sous clodronate, il existe, dans
une étude, une diminution d’environ 30 % des nouveaux événements osseux (tassements vertébraux, fractures non vertébrales, épisodes d’hypercalcémie et indications de radiothéra32
Quelles sont les indications des bisphosphonates dans le
myélome ?
Les bisphosphonates doivent être prescrits dans les situations
suivantes :
# Les épisodes d’hypercalcémie aiguë.
# Chez tous les malades en rechute. En effet, la fréquence
des événements osseux augmente chez ces malades. De plus,
dans ce sous-groupe de malades, une amélioration de la survie avec le pamidronate a été démontrée.
# Faut-il prescrire des bisphosphonates chez tous les
malades au diagnostic ? La réponse à cette question n’est pas
univoque. S’il est démontré que les bisphosphonates diminuent
le nombre d’événements osseux, il est aussi démontré que les
malades répondeurs à la chimiothérapie voient leur masse
osseuse augmenter d’environ 5 % par an en l’absence de tout
traitement par bisphosphonate. Il faut donc faire preuve de bon
sens clinique, et proposer un traitement par bisphosphonates
au diagnostic chez les malades ayant des douleurs osseuses
importantes ou de nombreuses lésions lytiques. Il faudra également prescrire systématiquement ce médicament chez les
malades non répondeurs après six cures de chimiothérapie.
# Faut-il traiter les malades en rémission au plateau après
chimiothérapie classique ou après chimiothérapie intensive ? Il n’existe aucun élément de la littérature prouvant le
bénéfice d’un traitement dans cette situation. Il est également
à noter que la diminution de fréquence des événements osseux
sous pamidronate atteint 50 % à 9 mois, mais n’augmente pas
La Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
P H Y S I O PAT H O L O G I E ,
IMAGERIE, TRAITEMENT
ensuite, même si le traitement est continué pendant 21 mois
(10). L’utilisation de nouveaux bisphosphonates plus puissants, qui pourraient permettre une administration rapide et à
intervalle prolongé (tous les trois à six mois), serait intéressante à évaluer dans cette phase de plateau.
ration des plasmocytes, les inhibiteurs du système RANKLRANK pourraient non seulement bloquer la résorption
osseuse, mais aussi affecter la croissance tumorale.
"
Quel bisphosphonate choisir ?
# En cas d’hypercalcémie : l’administration du bisphosphonate se fait par voie intraveineuse. Pamidronate, clodronate, ibandronate et zolédronate ont démontré leur efficacité.
Le zolédronate a démontré une action plus précoce et plus prolongée que le pamidronate dans cette indication (19).
1. Bataille R, Chappard D, Klein B. The critical role of interleukin-6, interleukin1B and macrophage colony-stimulating factor in the pathogenesis of bone lesions
in multiple myeloma. Int J Clin Lab Res 1992 ; 21 : 283-7.
2. Yasuda H, Shima N, Nakagawa N et al. Osteoclast differentiation factor is a
ligand for osteoprotegerin/osteoclastogenesis-inhibitory factor and is identical to
TRANCE/RANKL. Proc Natl Acad Sci USA 1998 ; 95 : 3597-602.
3. Hsu H, Lacey DL, Dunstan CR et al. Tumor necrosis factor receptor family
member RANK mediates osteoclast differentiation and activation induced by
osteoprotegerin ligand. Proc Natl Acad Sci USA 1999 ; 96 : 3540-5.
4. Pearse RN, Sordillo EM, Yaccoby S et al. Multiple myeloma disrupts the TRANCE/
osteoprotegerin cytokine axis to trigger bone destruction and promote tumor
progression. Proc Natl Acad Sci USA 2001 ; 98 : 11581-6.
5. Roux S, Meignin V, Quillard J et al. RANK (receptor activator of NF-κB) and
RANK ligand expression in multiple myeloma. Br J Haematol 2002 ; 117 : 86-92.
6. Giuliani N, Bataille R, Mancini C, Lazzaretti M, Barille S. Myeloma cells induce imbalance in the osteoprotegerin/osteoprotegerin ligand system in the human
bone marrow environment. Blood 2001 ; 98 : 3527-33.
7. Choi SJ, Cruz JC, Craig F et al. Macrophage inflammatory protein-1α (MIP-1α)
is a potential osteoclast stimulatory factor in myeloma. Blood 2000 ; 96 : 671-5.
8. Choi SJ, Oba Y, Gazitt Y et al. Antisense inhibition of macrophage inflammatory protein-1α blocks bone destruction in a model of myeloma bone disease.
J Clin Invest 2001 ; 108 : 1833-41.
9. Han JH, Choi SJ, Kurihara N, Kolde M, Oba Y, Roodman D. Macrophage
inflammatory protein-1α is an osteoclastogenic factor in myeloma that is independent of receptor activator of nuclear factor κB ligand. Blood 2001 ; 97 : 3349-53.
10. Mariette X, Zagdanski AM, Guermazi A et al. Prognostic value of vertebral
lesions detected by magnetic resonance imaging in patients with stage I multiple
myeloma. Br J Haematol 1999 ; 104 : 723-9.
11. Mariette X, Bergot C, Ravaud P et al. Evolution of bone densitometry in
patients with myeloma treated with conventional or intensive therapy. Cancer
1995 ; 76 : 1559-63.
12. Schirrmeister H, Bommer H, Buck AK et al. Initial results in the assessment
of multiple myeloma using 18F-FDG PET. Eur J Nucl Med 2002 ; 29 : 361-6.
13. McCloskey EV, MacLennan IC, Drayson MT, Chapman C, Dunn J, Kanis JA.
A randomized trial of the effect of clodronate on skeletal morbidity in multiple
myeloma. MRC Working Party on Leukaemia in Adults. Br J Haematol 1998 ;
100 : 317-25.
14. McCloskey EV, Dunn J, Kanis JA, MacLennan IC, Drayson MT. Long-term
follow-up of a prospective, double-blind, placebo-controlled randomized trial of
clodronate in multiple myeloma. Br J Haematol 2001 ; 113 (4) : 1035-4.
15. Berenson JR, Lichtenstein A, Porter L et al. Efficacy of pamidronate in reducing skeletal events in patients with advanced multiple myeloma. N Engl J Med
1996 ; 334 : 488-93.
16. Berenson JR, Lichtenstein A, Porter L et al. Long-term pamidronate treatment of advanced multiple myeloma patients reduces skeletal events. Myeloma
Aredia Study Group. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 593-602.
17. Rosen LS, Gordon D, Antonio BS et al. Zoledronic acid versus pamidronate
in the treatment of skeletal metastases in patients with breast cancer or osteolytic
lesions of multiple myeloma : a phase III, double-blind, comparative trial. Cancer
J 2001 ; 7 : 377-87.
18. Jagdev SP, Coleman RE, Shipman CM, Rostami HA, Croucher PI. The bisphosphonate, zoledronic acid, induces apoptosis of breast cancer cells : evidence
for synergy with paclitaxel. Br J Cancer 2001 ; 84 : 1126-34.
19. Major P, Lortholary A, Hon J et al. Zoledronic acid is superior to pamidronate in the treatment of hypercalcemia of malignancy : a pooled analysis of two
randomized, controlled clinical trials. J Clin Oncol 2001 ; 19 : 558-67.
20. Greipp P, Facon T, Williams CD et al. A single subcutaneous dose of an
osteoprotegerin (OPG) construct (AMGN-0007) causes a profound and sustained
decrease of bone resorption comparable to standard intravenous bisphosphonate
in patients with multiple myeloma. Blood 2001 ; 98 (11) : abstract 3227.
# En prévention des événements osseux. Les études les
plus démonstratives ont été faites avec des bisphosphonates
intraveineux : pamidronate et zolédronate. Cependant, une
étude a montré un effet positif avec le clodronate per os. On
privilégiera donc l’utilisation d’un bisphosphonate i.v., mais,
dans certaines situations (notamment des malades traités par
chimiothérapie orale et n’étant jamais hospitalisés), il est possible d’utiliser le clodronate par voie orale.
Quels sont les espoirs des nouveaux traitements à
visée osseuse dans le myélome ? Les inhibiteurs du
système RANK-RANKL
Le système RANK-RANKL est régulé négativement par une
protéine soluble appelée ostéoprotégérine, qui peut se fixer
sur RANKL et empêcher ainsi la liaison RANKL-RANK, et
donc l’hyperostéoclastose. On conçoit facilement l’importance
potentielle que peut avoir l’ostéoprotégérine en thérapeutique
dans les états pathologiques d’hyperrésorption osseuse. Les
résultats d’une étude de phase I dans le myélome indiquent
que l’ostéoprotégérine entraîne une diminution importante et
prolongée des marqueurs de résorption osseuse (20). Cependant, comme il a été rappelé par S. Roux dans ce numéro,
l’OPG bloque aussi la voie apoptotique TRAIL-TRAIL-R, et
pourrait de ce fait avoir un effet néfaste sur la prolifération
tumorale. Ainsi, d’autres molécules inhibitrices du système
RANK-RANKL, en particulier des anticorps monoclonaux
anti-RANKL, sont en cours d’évaluation.
CONCLUSION
Les méthodes d’imagerie, et surtout les traitements à visée
osseuse, ont fait des progrès importants ces dernières années.
La découverte du système RANK-RANKL laisse espérer des
avancées thérapeutiques encore plus importantes pour les prochaines années. On voit poindre l’espoir d’inhiber complètement les complications osseuses de la maladie, qui en représentent la principale morbidité.
De plus, compte tenu du rôle majeur des interactions entre
plasmocytes tumoraux et microenvironnement médullaire dans
la résorption osseuse, mais aussi dans la survie et la proliféLa Lettre du Rhumatologue - n° 284 - septembre 2002
Bibliographie
33
Téléchargement