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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 4 - avril 1999
RÉUNIONS
En 1999 comme en 1997, la grande majorité des cliniciens envi-
sage la prescription d'une prophylaxie en cas de séropositivité
connue de la source de contamination potentielle et d'exposi-
tion à risque élevé de transmission et, notamment, en cas d'ex-
position indépendante de la volonté avec conduite préventive
(rupture de préservatif) (cas A et E). À l'inverse, la majorité des
cliniciens n'envisage pas la prescription d'une prophylaxie en
cas d'exposition à risque faible de transmission, de statut séro-
logique inconnu de la source de contamination potentielle et/ou
d'absence de conduite préventive du patient demandeur (cas C
et D). Le nombre de médecins initiant un traitement préventif
dans le cas d’une exposition à risque élevé, d’un statut sérolo-
gique inconnu du partenaire et d’une absence de conduite pré-
ventive est plus élevé en 1999 (> 2/3) qu’en 1997 (1/3) (cas B).
L'étude des profils de réponse à l'ensemble des situations a mon-
tré une relation entre expérience de la prophylaxie et attitude
des cliniciens.
M.H. Prévot (Paris) a rapporté l’expérience de l’hôpital
Bichat-Claude Bernard pour la prise en charge des expositions
sexuelles au cours de deux périodes : deuxième semestre 1997
et année 1998. Soixante et onze pour cent des recours ont eu
lieu dans les premières 24 heures suivant l’exposition, la séro-
logie VIH du partenaire a été rapportée positive par environ
40 % des consultants. Le nombre de recours n’a pas augmenté
entre les deux périodes. Chez les hommes, le motif de consul-
tation est une exposition de type rapport homosexuel dans 67 %
des cas et hétérosexuel dans 33 % des cas. Les ruptures de pré-
servatif représentaient 70 % des expositions masculines et 50 %
des expositions féminines tandis que les rapports non protégés
représentaient 26 % des expositions masculines et 27 % des
expositions féminines. Un traitement antirétroviral post-expo-
sition a été prescrit chez environ 60 % des consultants quelle
que soit la période étudiée. On assiste à une évolution des pres-
criptions avec augmentation des trithérapies (30 % en 1997,
50 % en 1998) et à une diversification des associations. Il faut
insister sur le fait qu’un consultant sur deux n’est jamais revu
après l’arrêt du traitement et ne bénéficie donc d’aucun suivi.
Cela pose le problème du statut sérologique des consultants à
distance de la chimioprophylaxie, et donc de l’évaluation de ce
type de prise en charge.
D. Jayle (Paris) a rappelé que la communication sur la pro-
phylaxie post-exposition (PPE) reste paradoxale ; d’une part,
nécessité de faire connaître la PPE au plus grand nombre, donc
de la promouvoir ; d’autre part, nécessité de ne pas remettre en
question les messages de prévention, en particulier la pratique
du sexe à moindre risque (safer sex) et l'utilisation des préser-
vatifs. Les médecins se doivent d'informer précisément leurs
patients de ce nouveau dispositif. C'est d'ailleurs l'occasion de
reparler de prévention, d'ouvrir ou de rouvrir un dialogue sur
les risques et la sexualité. La PPE ne doit pas être une alterna-
tive à la prévention primaire, ni la pilule du lendemain. Elle doit
s'intégrer dans une démarche préventive globale : il s'agit de
faire comprendre au public qu'il existe une réponse médicale à
chaque étape du calendrier après un risque de contamination. Il
serait dramatique que la PPE devienne une prescription auto-
matique, substitut du conseil, minimisant la responsabilité de la
personne confrontée à un risque et celle du praticien.
QUELQUES DONNÉES EXPÉRIMENTALES
ET VIROLOGIQUES
R. Legrand (CEA, service de neurovirologie) a présenté des
résultats extrêmement intéressants concernant les modèles ani-
maux utilisés pour l’étude des accidents d’exposition au VIH.
!Le traitement quotidien par de fortes doses d’ AZT admi-
nistrées 4 jours avant l'inoculation expérimentale du SIV par
voie veineuse au macaque permet de réduire le niveau de répli-
cation virale pendant toute la durée de la primo-infection, sans
pour autant empêcher l’infection.
!L'administration de ddI à fortes doses, dans les mêmes condi-
tions, permet de protéger deux animaux sur les deux testés (le
SIV n’a jamais pu être identifié dans l’année qui a suivi l’in-
jection), et aucun des quatre animaux traités à faibles doses.
Lorsque les animaux sont contaminés malgré le traitement, le
pic de charge virale est moins important au cours de la primo-
infection et la décroissance des lymphocytes CD4+ à long terme
apparaît significativement retardée par le traitement.
!À l'aide du modèle d’infection par voie intraveineuse du
macaque par le virus SIV chimère (SHIV), l’équipe a évalué
l'efficacité d'une polychimiothérapie associant AZT-3TC-indi-
navir per os initiée 4 heures ou 72 heures après l'inoculation du
virus et poursuivie pendant quatre semaines. Même lorsque le
traitement est initié très précocement, aucune protection n'a pu
être observée. En revanche, dans les deux groupes d'animaux
traités, le nombre de CD4+ circulants a été maintenu à un niveau
normal, la charge virale au cours de la primo-infection a été
considérablement réduite (> 2 log), les réponses immunitaires
humorales et cellulaires ont été préservées, voire améliorées
par rapport au groupe des animaux témoins traités par le pla-
cebo.
La preuve de l’efficacité d’une trithérapie prophylactique n’a
donc pu être apportée dans ce modèle. Des études de contami-
nation par voie muqueuse sont en cours.
C. Rouzioux (Paris) a rappelé que le diagnostic d’infection
par le VIH-1 repose toujours sur une sérologie VIH positive
confirmée par un Western-Blot positif. L’Ag p24 et l’ARN VIH
plasmatique constituent des aides, non suffisantes pour affir-
mer le diagnostic, en raison du manque de sensibilité de l’Ag
p24 (5 à 40 pg/ml soit 5 000 à 40 000 copies d’ARN VIH/ml)
ou des insuffisances de spécificité des tests de quantification
de l’ARN plasmatique (2 à 4 % de faux positifs). Le traitement
antirétroviral prophylactique après AES modifie la cinétique
d’évolution des marqueurs virologiques : en cas de primo-infec-
tion par le VIH, ces cinétiques sont “décalées” dans le temps
d’une période égale à la durée du traitement. Ainsi, pendant les
quatre semaines du traitement préventif, il est inutile d’effec-
tuer une sérologie VIH, une recherche d’Ag p24 ou une quan-
tification d’ARN VIH-1. Le diagnostic de non-infection sous
traitement préventif repose sur deux résultats négatifs de séro-
logies VIH-1 effectuées dans les 6 mois qui suivent l’arrêt du
traitement : on ne peut clore le dossier avant... Le diagnostic
d’une infection VIH sous traitement préventif est impossible
pendant la période de traitement. Il n’est possible qu’après l’ar-
rêt du traitement : la sérologie et l’ARN VIH plasmatique (deux
tests positifs) sont alors les meilleurs marqueurs de suivi.