Actualité Profession 9 Délégation de soins Une responsabilité avérée En sa qualité d’IDE, une infirmière est responsable des actes de soins qu’elle délègue. Elle peut être reconnue coupable d’homicide involontaire conjointement à la personnes qui a administré le soin “en commettant une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer”. L e 4 mai 1999, madame A..., infirmière contractuelle à l’hôpital de Z..., faisait partie de l’équipe de garde de médecine et devait encadrer Melle B..., étudiante de 3e année. À 14 h 30, Mme A... relevait les fiches en “T” de la planification murale sur lesquelles étaient recopiées les prescriptions médicales afin d’effectuer les soins de 16 heures. En effectuant le “tour” de 16 heures, Mme A… constatait que Mlle B... effectuait les soins qu’elle lui déléguait avec rigueur et asepsie, notamment lorsqu’elle posait à M. C..., malade âgé de 88 ans, une perfusion de sérum glucosé à 5 %. À 19 heures, lors de la préparation des soins de 20 heures, Mme A... s’apercevait que, sur la fiche en “T” de M. C..., était mentionné que devaient être injectés dans le flacon de la perfusion, 2 g de NaCl et 4 g de KCl. Après avoir vérifié sur les feuilles de soins des deux jours précédents que la perfusion administrée à M. C... contenait bien 2 g de NaCl et 4 g de KCl par litre de G5 %, Mme A... décidait d’ajouter dans la perfusion, à 20 heures, les 2 g de NaCl et les 4 g de KCl qui auraient dû y être mis à 16 heures. Laissant à l’étudiante le soin de préparer les médicaments prévus pour M. C..., Mme A... prenait en charge les prescriptions des autres patients. Ayant fini avant que Mlle B... n’ait achevé de préparer les solutés et les médicaments qui devaient être injectés à M. C..., Mme A... décidait de « s’occuper des électrolytes (NaCl et KCl) de M. C... ». Pour ce faire, elle prenait deux seringues, une de 60 ml pour les 40 ml de la solution de KCl et une seringue de 20 ml pour les 10 ml de la solution de NaCl et les déposait dans un plateau. Sur l’em- ballage de chacune d’entre elles, étaient notés le nom du patient, le nom du produit, la quantité, la date et l’heure. Dans le même plateau, l’étudiante déposait les solutions injectables qu’elle avait préparées, c’est-àdire, une seringue de 10 ml contenant une ampoule de Glucalcium‚ (à passer en IVD), une “perfusette” de 50 ml de G5 % contenant 20 mg de Solumédrol, une “perfusette” de 100 ml de G5 % contenant 750 mg d’Amiklin‚ et une seringue de 30 ml contenant 3 ampoules à 100 mg de Dolosal‚ destinée à être installée sur un perfuseur à débit constant réglé à 1 ml/h. Bien que devant quitter le service à 20 h 30, suivant l’horaire de son stage, Melle B... faisait part à Mme A... de son désir de rester avec elle car elle souhaitait, étant à quelques mois du diplôme d’État, s’exercer pour l’épreuve pratique de cet examen. En pénétrant dans la chambre de M. C..., Mme A... demandait à Mlle B... si elle désirait administrer les soins à ce malade, ce que l’étudiante acceptait. Ayant recommandé à Mlle B... de commencer par injecter en IVD la seringue contenant le Glucalcium, Mme A... décidait de prendre de l’avance, en notant sur la feuille de température (dos au malade) les médicaments administrés. Au bout d’une minute, Mme A... se retournait et, constatant que le malade esquissait un mouvement du bras, elle l’interrogeait pour savoir si tout allait. Il lui répondait : « qu’il ne se sentait pas bien ». L’IDE demandait alors à l’étudiante ce qu’elle avait injecté, persuadée que c’était l’ampoule de Glucalcium. L’étudiante répondit que « c’était celle contenant les 4 g de KCl ». Devant la stupéfaction horrifiée de l’IDE, l’étudiante réalisa la gravité de son erreur et fondit en pleurs. Le malade décédait 2 minutes plus tard. Plainte de la famille La famille de M. C... ayant déposé une plaine pénale pour homicide involontaire, le juge d’instruction désigna un expert pour analyser les fautes commises. Le 19 décembre 2001, le tribunal correctionnel, se fondant sur le rapport d’expertise, reconnut l’étudiante coupable d’homicide involontaire pour avoir causé la mort de M. C... en injectant par négligence 4 g de chlorure de potassium en IVD. Il la condamna à 8 mois d’emprisonnement avec sursis. L’infirmière fut également reconnue coupable d’homicide involontaire pour avoir causé involontairement et indirectement la mort de la victime « en commettant une faute caractérisée, exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer, en l’espèce par défaut de surveillance en sa qualité d’IDE, des actes d’administration médicamenteuse effectués par Mlle B... ». Elle fut condamnée à 12 mois d’emprisonnement avec sursis. Le tribunal déclara également l’infirmière et l’étudiante solidairement responsables du préjudice subi par la fille de M. C... et donna acte à cette dernière qu’elle se réservait le droit de saisir une juridiction administrative. Il condamna, en outre, l’étudiante et l’infirmière à verser à la fille de M. C... la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles (frais de justice engagés par les plaignants) ainsi qu’à s’acquitter des dépens (taxes du procès). Par ailleurs, peu de temps après l’accident, le conseil de discipline renvoya Melle B… de l’institut de formation en soins infirmiers. Quant à Mme A..., elle fut l’objet d’un blâme en conseil de discipline et son contrat ne fut pas reconduit. Dr Christian Sicot Directeur médical, Sou Médical, groupe MACSF Infos ... Projet de loi De nombreuses personnes handicapées dépendantes, et bien d’autres qui sont autonomes, connaissent des difficultés pour obtenir des infirmiers libéraux qu’ils assurent des soins réguliers à domicile comme une toilette, un changement de sonde ou de canule. Ces actes font partie de ceux que les Sénateurs ont accepté d’en confier le soin à la tiercepersonne d’une personne handicapée, dûment formée pour cela par le bénéficiaire, sur un accord librement consenti. La tiercepersonne sera en mesure d’effectuer des actes d’urgence, telle une ventilation respiratoire, tout en étant juridiquement protégée. Contre cela, les organisations professionnelles infirmières, et plus particulièrement la Fédération Nationale des Infirmiers et Convergence Infirmière, protestent vigoureusement, arguant d’une légalisation de l’exercice illégal de la profession. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004