Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 6, novembre-décembre 2002
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satisfaite. La cartographie puis la séquence
du génome de souris ont été établies. Ces
données permettent au biologiste, dans le
meilleur des cas, d’établir une corrélation
entre l’effet phénotypique d’une mutation et
la structure mutée d’un gène. Ainsi peuvent
être identifiés des gènes impliqués dans le
déclenchement de maladies retrouvées chez
l’homme.
La transgenèse suit dans une certaine mesure
un parcours un peu semblable. Les souris
transgéniques sont de plus en plus soumises
à de multiples examens destinés à déterminer
les effets physiologiques des mutations appor-
tées par le transfert de gène. Des projets en
cours visent à inactiver un maximum de
gènes de souris (et d’autres animaux expéri-
mentaux comme la drosophile et un ver, le
Caenorhabditis elegans) pour dresser un
inventaire le plus complet possible du rôle
des gènes. Ces approches sont bien évidem-
ment guidées par l’espoir de définir de nou-
velles substances d’intérêt thérapeutique.
Les biologistes sont donc en train de vivre
une nouvelle révolution, après celle qu’a
constituée l’utilisation artisanale du génie
génétique dans les laboratoires. Cette révo-
lution a pour fondement la rencontre de la
cartographie et du séquençage des génomes
d’une part; la détermination du patron d’ex-
pression des gènes grâce à l’utilisation des
puces à ADN d’autre part et, enfin, l’obten-
tion de mutants par action d’agents chimiques,
par introduction aléatoire de séquences étran-
gères (transposons, rétrovirus), par piégeage
de gène et par transgénèse.
C’est le caractère systématique et coordonné
de ces approches qui constitue la révolution
en question. Le biologiste se voit désormais
offrir une possibilité sans précédent d’étudier
au niveau moléculaire un maximum de méca-
nismes qui contrôlent les fonctions biolo-
giques. L’étude des génomes au sens large
constitue donc, non pas le triomphe du réduc-
tionnisme comme certains le prétendent, mais
bien au contraire le début d’une tentative
d’étude des organismes vivants dans leur
entière complexité, en intégrant un maximum
d’informations.
Dans cette aventure, la transgenèse fait le lien
entre l’élément réduit qu’est le gène isolé et
ses effets biologiques dans le contexte com-
plexe qu’est l’animal. Cela explique l’éclosion
d’ateliers publics et privés, dont la fonction
est d’obtenir en série des animaux transgé-
niques, et d’animaleries pour les abriter.
La transgenèse offre d’autres possibilités plus
directement appliquées, dont certaines sont
déjà devenues réalité. Dans le domaine médical,
les animaux transgéniques sont des modèles
sans précédent pour l’étude de certaines
maladies humaines et la mise au point de
médicaments. Il n’est pas impossible que des
cellules et certains organes de porc (cœur,
rein, foie, etc.) deviennent immunologique-
ment tolérés par des patients lorsque certains
gènes auront été transférés aux animaux. Il
est admis que le lait et le blanc d’œuf d’ani-
maux transgéniques vont devenir une des
sources essentielles de protéines recombi-
nantes pour des usages thérapeutiques. L’autre
grand domaine d’application de la biologie,
l’agroalimentaire, va également bénéficier
progressivement de la transgenèse, comme
cela est déjà le cas pour les plantes. Les éle-
veurs pourront ainsi résoudre des problèmes
en face desquels la sélection génétique est
impuissante.
Les techniques de transgenèse
Le nombre de laboratoires dans lesquels la
transgenèse animale est pratiquée de manière
courante reste limité à une bonne cinquan-
taine en France. Ce potentiel répond tout juste
aux besoins des chercheurs. La raison en est
clairement que la transgenèse comporte des
contraintes qui sont relativement dissuasives.
La méthode presque exclusivement utilisée
pour obtenir des souris transgéniques repose
sur la microinjection d’ADN dans le noyau
des embryons d’un jour. Le remplacement de
gène implique la manipulation de cellules ES
et de blastocystes, méhode bien plus lourde
encore. À cela, il faut ajouter le poids de la
mise à disposition d’animaleries conséquentes
et du personnel nécessaire pour prendre soin
des animaux.
L’utilisation des animaux transgéniques ne
pose par contre pas de difficultés particu-
lières, même si des règles de biosécurité – qui
seront décrites plus loin – doivent être res-
pectées. L’ensemble des techniques de trans-
gènes sont décrites dans plusieurs livres
récents (1-3).
La construction des vecteurs
d’expression des transgènes
Dans la plupart des cas, l’expérimentateur ne
souhaite pas uniquement transférer un gène
natif mais bien une combinaison de promo-
teur de gène rapporteur, etc. Ces assemblages
ne posent pas de difficulté particulière puis-
qu’ils font appel aux techniques classiques du
génie génétique.
Une mention particulière doit toutefois être
faite pour les vecteurs comportant de longs
fragments d’ADN. Ces situations se rencon-
trent de plus en plus fréquemment. Il est en
effet parfois souhaitable d’introduire dans un
animal d’assez longs fragments d’ADN
génomique qui seuls contiennent l’ensemble
des éléments régulateurs d’un gène. Pour les
mêmes raisons, il est avantageux d’utiliser de
longs fragments d’ADN génomique, conte-
nant l’ensemble des éléments régulateurs
d’un gène ou d’un locus, pour faire exprimer
un gène étranger. Cela suppose que le gène
en question ait été introduit précisément dans
un site du locus. Ces opérations ne peuvent
pas se faire dans un tube Eppendorf, comme
la construction classique de plasmides.
L’introduction d’un fragment d’ADN étran-
ger dans un vecteur BAC (bacterial artifical
chromosome) de 50-300 kb ou un vecteur
YAK (yeast artifical chromosome) ne peut se
faire que par recombinaison homologue réa-
lisée à l’intérieur d’une bactérie ou d’une
levure. Les meilleures techniques actuellement
utilisées dans ce but ont été résumées et com-
mentées dans une publication récente (1).
La plus grande difficulté rencontrée pour
construire un vecteur d’expression pour un
transgène tient surtout dans le choix des élé-
ments à assembler.
Les toutes premières expériences de transgé-
nèse, puis de nombreuses autres qui ont suivi,
Dossier : Génomique, recherche et thérapie en endocrinologie