brèves…
Hormone de croissance, taille finale et
insuffisance rénale chronique
Les enfants atteints d’insuffisance rénale
chronique sont à haut risque de retard de
croissance et de petite taille à l’âge adulte.
Une autorisation d’utilisation d’hormone
de croissance dans cette situation d’insuf-
fisance rénale chronique a été reconnue en
France. Elle concerne des enfants dont la
fonction glomérulaire, déterminée par la
mesure de la clairance de la créatinine esti-
mée par la formule de Schwartz, est dimi-
nuée d’au moins 50 %. La taille doit être
inférieure ou égale à – 2 DS selon les
normes françaises de Sempé, la vitesse de
croissance inférieure à la normale au cours
de l’année écoulée (– 1 DS) pour l’âge. De
plus, l’enfant doit être âgé de plus de deux
ans, et son âge osseux inférieur à 11 ans
chez la fille et à 13 ans chez le garçon,
avec des signes pubertaires absents ou
minimes. La posologie autorisée est de
1UI/kg/semaine et peut être augmentée si
nécessaire. Cette autorisation a été fondée
sur des données de cinétique de croissance
et de taille prédite dans des protocoles de
traitement.
Des données de taille finale d’enfants alle-
mands traités avec cette dose d’hormone de
croissance, dans le cadre d’un protocole
multicentrique, confirment le bien-fondé de
cette attitude thérapeutique. Ces enfants
étaient inclus quand leur taille était infé-
rieure à – 2 DS, leur vitesse de croissance
inférieure au 25epercentile dans l’année
qui précédait l’instauration du traitement, si
leur filtration glomérulaire était inférieure à
60 ml/mn/1,73 m2pour ceux qui ont eu un
traitement conventionnel (sans dialyse) ou
supérieure à 20 ml/mn/1,73 m2pour ceux
qui ont bénéficié d’une allogreffe rénale. Ils
devaient être prépubères dans l’année qui a
suivi la mise en route du traitement par hor-
mone de croissance. Le mode thérapeu-
tique de l’insuffisance rénale – convention-
nel, dialyse ou greffe – a pu varier au cours
du temps pour certains enfants. Ils ont été
traités par 1 UI/kg/semaine en une injection
tous les jours et ont reçu de l’hormone de
croissance pendant une durée moyenne de
5,3 années. L’âge moyen (± DS) au début
du traitement était de 10,4 ans (± 2,2) avec
un âge osseux de 7,1 ans (± 2,3) et une
taille de – 3,1 DS (±1,2). Les données de
taille finale ont été présentées pour 32 gar-
çons et 6 filles, même si 14 n’ont pas reçu
d’hormone de croissance jusqu’à leur taille
finale.
Un groupe de 50 témoins a été constitué, ce
qui peut paraître inadapté en première lec-
ture mais est justifié lorsque l’on analyse
l’évolution staturale et la taille finale de ces
enfants. En effet, ces enfants témoins, qui
ne reçoivent pas d’hormone de croissance,
sont comparables pour l’étiologie de leur
insuffisance rénale ou encore le traitement
de l’insuffisance rénale chronique avec le
groupe traité par hormone de croissance
mais sont plus grands (taille supérieure à
–2 DS) lors de l’inclusion. Il n’a pas paru
possible aux auteurs de n’inclure dans le
groupe traité par hormone de croissance
qu’une partie des enfants dont la croissance
était sévèrement altérée.
Les enfants traités par hormone de crois-
sance ont une croissance de rattrapage pro-
longée, tandis que les enfants du groupe
témoin ont un ralentissement progressif de
leur croissance. La taille finale des 32 gar-
çons est en moyenne de 165 cm et des
6 filles de 156 cm, soit 10,1 cm et 12,1 cm,
respectivement, au-dessous de leur taille
génétique prédite. Soixante-cinq pour cent
des enfants traités par hormone de crois-
sance ont une taille normale (> 2 DS). En
moyenne, les enfants traités ont une taille
finale à – 1,6 DS (± 1,2) soit un gain de
1,5 DS. Les enfants du groupe témoin per-
dent 0,6 DS de taille et ont une taille finale
en moyenne à – 2,1 DS (± 1,2), soit
15,8 cm et 16,1 cm sous leur taille géné-
tique prédite, pour les garçons et les filles
respectivement. Si l’on considère que
l’évolution staturale des cas, en dehors du
traitement par hormone de croissance,
aurait suivi celle des témoins (ce qui est
peut-être faux), alors le bénéfice du
traitement par hormone de croissance est
de 2,1 DS en moyenne.
D’autres informations intéressantes sont
données dans cet article. Le rattrapage sta-
tural s’effectue pendant la période de prépu-
berté sans altérer la croissance pubertaire.
En effet, le gain statural dans la période de
prépuberté est environ deux fois plus grand
dans les cas traités que chez les témoins,
tandis que le pic total de croissance puber-
taire est égal dans les deux groupes et les
enfants dépourvus de toute pathologie. La
durée de la puberté est plus courte chez les
enfants atteints d’insuffisance rénale (1,6
année en moins par rapport aux enfants
dépourvus de toute pathologie) et le pic de
croissance pubertaire retardé de 2,5 ans, que
les enfants insuffisants rénaux soient ou non
traités par hormone de croissance. La taille
finale prédite à l’inclusion est à peine plus
faible (– 1,8 cm) dans le groupe traité par
hormone de croissance mais surestimée de
10,3 cm pour les enfants non traités par hor-
mone de croissance. Enfin, comme dans
d’autres séries, les enfants en cours de dia-
lyse ont la réponse la moins satisfaisante au
traitement par hormone de croissance.
On aurait aimé voir discuter les effets
secondaires de ce traitement. Les effets
métaboliques et osseux du traitement méri-
teront aussi d’être rapportés. Même si l’ef-
fet bénéfique de l’hormone de croissance
semble maintenant bien établi dans l’insuf-
fisance rénale chronique, il reste une
grande place pour l’optimisation de la
prise en charge de la croissance de ces
enfants. ●
M. Polak,
service d’endocrinologie et
de diabétologie pédiatriques,
hôpital Robert-Debré,
Paris.
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 6, décembre 2000
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Haffner D et al. Effect of growth hormone
treatment on the adult height of children with
chronic renal failure. N Engl J Med 2000 ;
343 : 923-30.