Selon le National Institute on Alcohol Abuse
and Alcoholism, “un
binge drinking
est un
type de consommation d’alcool qui amène le
taux sanguin d’alcool à 0,08% d’alcool dans
le sang ou plus. Pour un adulte standard, cela
correspond à la consommation de 5verres ou
plus (hommes) ou 4verres ou plus (femmes)
pendant une période de 2 heures”
(12).
Ces alcoolisations massives et ponctuelles
prédominent parmi les populations plus
jeunes
(13)
, avec près de 50 % des adoles-
centes déclarant au moins 1 épisode dans le
mois
(14)
. Entre 2005 et 2010, le pourcentage
d’alcoolisations ponctuelles hebdomadaires
chez les femmes de 18 à 25ans a quasiment
été multiplié par 4 (1,8 % en 2005 versus
6,1% en 2010)
[3]
. Concernant les femmes en
âge de procréer (18 à 44ans), en 2001, 1,8%
rapportaient des épisodes de
binge drinking
réguliers, avec une moyenne de 36,6épisodes
par an
(13)
.
Les risques fœtaux liés à cet usage sont
majorés au premier trimestre. Les enfants de
4à 7ans ayant été soumis à de fortes consom-
mations in utero de façon répétée présentent
des troubles du tempérament, du sommeil et
du comportement ainsi qu’une baisse signifi-
cative du QI global
(11)
.
Encadré. Le binge drinking : méconnu et sous-évalué.
»En France, près de 1/3 des femmes déclarent avoir consommé de l’alcool au cours de leur grossesse.
»L’exposition in utero à l’alcool est la première cause de handicap mental d’origine non génétique chez
l’enfant.
»
Le potentiel tératogène de l’alcool est dose-dépendant, mais actuellement le seuil de dangerosité n’est
pas établi.
»La prévention doit être préconceptionnelle et per partum : “Zéro alcool pendant la grossesse”.
»
Le
binge drinking
, phénomène prédominant chez les jeunes, est à l’origine de troubles du développement
chez les enfants exposés au cours du premier trimestre de grossesse.
Mots-clés
Alcool
Grossesse
Syndrome
d’alcoolisation fœtale
Binge drinking
Prévention
Highlights
»
In France, almost one-third
of women declare drinking
alcohol during pregnancy.
»
Alcohol intake during preg-
nancy is the first cause of
non-genetic mental handicap
among children.
»
Alcohol has dose-related
teratogenic effect, however the
hazard threshold is not defined.
»
Prevention should be started
before and during pregnancy:
“Zero alcohol during preg-
nancy”.
»
Binge drinking is a consump-
tion mode dominant among
young people. Children with
prenatal exposure to binge
drinking during first trimester
of pregnancy are more likely to
have development disorders.
Keywords
Alcohol
Pregnancy
Fœtal alcohol syndrome
Binge drinking
Prevention
(3, 4). Seules 37 à 53 % d’entre elles affirment avoir
été abstinentes durant toute leur grossesse (5).
En ce qui concerne les autres, 23 à 33,5 %
déclarent avoir consommé de l’alcool pendant
leur grossesse, dont 17 % 1 fois par mois ou moins
et 2 % plus de 1 fois par mois. Les quantités
consommées au cours d’une journée ordinaire sont
de 1 verre d’alcool pour 20 % des femmes et de 2
verres ou plus pour 7 % (3, 4).
Les polyconsommations – principalement alcool
et tabac – concernent 3 à 4,5 % des femmes
enceintes, multipliant ainsi les risques pour la gros-
sesse et l’enfant à naître.
Risques obstétricaux
Les effets néfastes de l’alcool sur la grossesse sont
aujourd’hui bien documentés, qu’ils concernent le
déroulement de la grossesse ou le développement
de l’enfant.
En anténatal
La consommation d’alcool est source de problèmes
obstétricaux tels que la diminution du taux de fécon-
dité et l’augmentation du risque de fausses couches
précoces ou tardives, d’accouchements prématurés
et d’hypotrophie. Ces complications sont principa-
lement retrouvées pour une consommation marquée
au premier trimestre, mais elles existent également
pour une consommation inférieure au mésusage
(6). Plus spécifiquement, un usage d’alcool au cours
du premier trimestre peut altérer l’organogenèse,
tandis qu’aux deuxième et troisième trimestres la
croissance in utero et le développement des fonc-
tions cérébrales peuvent être atteints.
La consommation d’alcool a également un impact
important sur le développement du fœtus : son
potentiel tératogène est dose-dépendant. Il existe
un large panel de troubles fœtaux liés à l’alcool,
regroupés sous le terme de troubles causés par
l’alcoolisation fœtale (TCAF). Le syndrome d’al-
coolisation fœtale (SAF) en est le tableau le plus
grave et le plus complet (7). Le SAF, décrit par Paul
Lemoine en 1968, se définit par l’association d’une
dysmorphie craniofaciale, d’une déficience intel-
lectuelle et d’un retard de croissance intra-utérin
(8). Il apparaît généralement à la suite de fortes
consommations de boissons alcoolisées. Dans les
pays occidentaux, la prévalence du SAF est estimée
entre 0,5 et 3/1 000 naissances vivantes (3, 4) ; elle
est moins importante que celle des TCAF, estimée
à 9/1 000 naissances vivantes (9), qui surviennent
pour de moindres quantités consommées (10).
En postnatal
La consommation d’alcool pendant la grossesse
est la première cause de handicap mental d’ori-
gine non génétique chez l’enfant (10). Mis à part
ces tableaux bruyants, il a été mis en évidence une
association entre l’exposition à l’alcool in utero et
les anomalies du développement de l’enfant à plus
long terme. Ainsi, la littérature rapporte des troubles
du sommeil, du comportement et des troubles de
l’attention liés à une consommation chez la mère
pouvant être modérée et répétée ou ponctuelle et
massive (encadré) [11-14].
Malgré des conséquences parfois très sévères, il
n’existe à ce jour pas de seuil de dangerosité établi.
C’est la raison pour laquelle l’abstinence totale de
toute consommation d’alcool pendant la grossesse
reste la recommandation la plus intelligible pour
tous, soignants comme femmes enceintes.
18 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 1 - janvier-février 2014
Points forts