Correspondances en Onco-hématologie - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2011
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Toxicités tardives et séquelles stomatologiques des traitements anticancéreux
Complications dentaires
On les rencontre à distance du traitement initial du fait
de l’évolution de caries engendrées ou favorisées lors
des vomissements (chimiothérapies émétisantes), puis
aggravées par les changements alimentaires : supplé-
mentations sucrées pour contrer la dénutrition, boissons
et aliments acides pour favoriser la sécrétion salivaire
ou masquer les perversions du goût. Ce risque de caries
dentaires impose des règles d’hygiène quotidiennes
scrupuleuses avec brossage matin et soir, usage d’un
dentifrice uoré et rinçage avec un hydropulseur.
Bien que tous les soins dentaires conventionnels
puissent être délivrés sans précaution particulière,
des extractions dentaires peuvent être nécessaires.
Elles feront l’objet d’un bilan hématologique préalable
pour évaluer les risques hémorragiques et infectieux
potentiels. En cas d’anomalie cardiaque ou rénale, le
bilan préopératoire et les précautions usuelles sont les
mêmes que pour les comorbidités indépendantes de la
chimiothérapie. La surveillance buccale doit être assurée
régulièrement pendant plusieurs années ; elle portera
sur toute la denture, les gencives et les prothèses, avec
réalisation d’une radiographie panoramique dentaire
annuelle.
Chez l’enfant, la chimiothérapie induit des troubles du
développement maxillaire et dentaire (lire plus loin le
paragraphe concernant les séquelles chez l’enfant).
Problèmes liés à la radiothérapie non cervico-
faciale
En principe, il n’y a pas de complication buccale des
radiothérapies pratiquées à distance de la région
cervico-faciale. Toutefois, il faut considérer le cas particu-
lier de la radiothérapie dans la maladie de Hodgkin, dont
l’irradiation médiastinale comporte une extension dite
“en mantelet” englobant la région cervicale inférieure.
Bien que les doses délivrées soient très inférieures aux
doses utilisées pour les tumeurs cervico-faciales (45Gy
contre 70Gy), on observe des séquelles salivaires (hypo-
sialie ou modi cations de la composition salivaire) pou-
vant passer inaperçues mais responsables de polycaries
dentaires di uses (lire plus loin le paragraphe concernant
les complications de la radiothérapie cervico-faciale).
Problèmes liés à la chirurgie non cervico-faciale
En principe, la chirurgie des tumeurs et des aires
ganglionnaires non cervico-faciales n’entraîne pas
de séquelles directes sur la cavité buccale. On notera
toutefois que la nécessité pour les malades opérés de
tumeurs digestives (gastrectomie, par exemple) de
multiplier les petits repas sucrés ou hypercaloriques
peut favoriser le développement des caries dentaires.
Problèmes liés aux thérapies dites “ciblées”
Ces nouvelles options thérapeutiques médicales engen-
drent des toxicités variables selon la molécule utilisée,
qui sont quelquefois considérées comme facteurs pré-
dictifs de la réponse au traitement. Ce sont des lésions
cutanées (éruption acnéiforme du visage), des ulcéra-
tions buccales ou des chéilites, mais, considérant le peu
de recul, aucune séquelle buccale tardive n’a encore
été rapportée (3).
Problèmes liés aux traitements associés
Bisphosphonates
Prescrits contre l’ostéoporose postménopausique
ou cortisonique (acide alendronique : Fosamax
®
) ou
administrés à forte dose et de manière répétée dans le
traitement des tumeurs ostéolytiques, des myélomes
multiples ou des métastases osseuses (acide pami-
dronique : Aredia
®
, acide zolédronique : Zometa
®
), les
bisphosphomates sont à l’origine de complications
buccales récemment décrites et variant selon les moda-
lités de prescription (4). Ce sont d’abord des ulcéra-
tions muqueuses sans particularité, mais surtout des
foyers d’ostéite chronique maxillaire séquestrante qu’il
convient de savoir distinguer de la localisation métas-
tatique. Une surinfection est couramment associée. Les
lésions peuvent survenir après une avulsion dentaire,
mais elles sont parfois spontanées. Le délai d’appari-
tion est de quelques mois à quelques années après le
début du traitement. Les douleurs sont spontanées et
intenses. Il n’existe, à ce jour, aucun traitement dé nitif
de ces ostéonécroses ; l’attitude thérapeutique doit
être préventive. L’Afssaps recommande de pratiquer
des soins dentaires avant la mise en route du traite-
ment par bisphosphonates, et de surveiller l’hygiène
bucco-dentaire ; les soins non indispensables doivent
être évités, de même que toute intervention invasive
(5). Il faudra limiter les avulsions aux dents porteuses
de foyers infectieux actifs, et placer le patient sous anti-
biothérapie jusqu’à cicatrisation complète, évaluée cli-
niquement et radiologiquement. En cas d’ostéonécrose
avérée, le traitement consiste en une antibiothérapie
À la phase initiale des leucémies, mais aussi en cas de rechute, on retrouve des odon-
talgies, qu’il faut distinguer des douleurs dentaires liées à la carie. On observe encore
plus souvent des hypertrophies gingivales par infi ltrat leucémique, qu’il faut distinguer
des hypertrophies gingivales infl ammatoires ou médicamenteuses. Pour le reste, les
lésions buccales sont dues à la chimiothérapie et aux traitements utilisés.
Encadré. Lésions stomatologiques et leucémies.