Revue Médicale Suisse
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5janvier 2008 00
2008 et les cellules souches :
l’heure du cortex
points aux neurones corticaux natifs, ajou-
tele communiqué. Avec l’aide du Dr Af-
saneh Gaillard, les chercheurs ont ensuite
greffé ces neurones dans des cerveaux
desouris. De façon cruciale, les neuro-
nes ainsi greffés sont capables de se
connecter avec le cerveau hôte pour for-
mer des circuits neuronaux spécifiques
du cortex.»
Comment, en cet été 2008, ne pas par-
tager l’enthousiasme des chercheurs et
des institutions qui les emploient ?Selon
eux cette «cortico-
genèse» in vitro cons-
titue un outil nova-
teur pour la recher-
che pharmaceutique
et médicale puisque
ce travail donne pour
la première fois ac-
cès à une source illimitée et hautement
fiable de neurones spécifiques du cortex.
On imagine que ces derniers pourront
êtreutilisés pour modéliser les maladies
neurologiques et tester de nouveaux mé-
dicaments.
On peut aussi imaginer que cette mé-
thode constituera en outreune alternati-
ve à certaines expérimentations anima-
les ou humaines. «A plus long terme, les
neurones ainsi générés artificiellement
pourraient aussi être utilisés dans la per-
spective de thérapies de remplacement
cellulaire par greffes intracérébrales» ajou-
te-t-on à Bruxelles. Pourquoi pas?
«Cette publication est très intéressante
àbien des égards, a expliqué au Monde
le Dr Hervé Chneiweiss, directeur du la-
boratoireplasticité gliale du CentrePaul-
Broca (Paris). Il importe toutefois de pré-
ciser que le milieu de culturequi a été
utilisé est un milieu désormais considéré
comme classique et dénommé "N2" qui
aété mis au point par Gordon Sato. Il a
été décrit en 1979 dans les PNAS et vi-
sait déjà à fairepousser des neurones
fœtaux de souris. Ce milieu permet la
survie des cellules embryonnaires et les
oriente vers la voie neuronale. Au risque
de choquer les dignes héritiers de Cajal
que nous sommes nombreux à êtresans
le savoir,il n’est pas nouveau d’observer
que la différenciation neuronale se fait
"par défaut" tandis que la différenciation
gliale est plus tardive et requiert plus d’in-
ducteurs. D’où les difficultés par exem-
ple pour obtenir des oligodendrocytes de
remplacement pour la sclérose en pla-
ques.»
Pour le Dr Chneiweiss, une des «jolies
choses du papier» tient au fait que les
auteurs ont laissé le temps aux événe-
ments de se dérouler. «Ce qui me sur-
prend en fait le plus ce sont les expé-
riences de greffe, ajoute-t-il. J’ai pour ma
part confiance dans les "greffeurs". Mais
voir des axones pousser sur de telles dis-
tances sur un mois… ! Comment ne pas
être étonné quand on sait que dans les
conditions normales la croissance axo-
nale ne dépend pas seulement des fac-
teurs intrinsèques à l’axone mais aussi
designaux émis par l’environnement (sé-
maphorines et leurs récepteurs en parti-
culier) qui sont habituellement éteints dans
les cerveaux des animaux greffés. Il sera
très intéressant de vérifier que ces "jeu-
nes" cellules sont effectivement capa-
bles de réactiver de tels signaux. Mais
attention, nous sommes chez la souris. Et
ce sont des greffes entre souris syngé-
niques, donc pas transposables à l’homme
àpartir de cellules souches embryonnai-
res non immunocompatibles…»
Il n’en reste pas moins vrai que la
question peut désormais êtreraisonna-
blement soulevée de l’usage qui pourra
être ou non fait de cette production in
vitrode cortex dans l’espèce humaine.
Comme souvent le cheval de Troie pren-
dra le visage de la thérapeutique. Mais
ensuite ?
Jean-Yves Nau
C’est fait : des biologistes sont
parvenus à fabriquer in vitro
du cortex cérébral de souris
àpartir de cellules souches. Quelques
jours seulement après l’annonce de la
création in vitro de neurones moteurs
issus de cellules de peau de personnes
souffrant de sclérose latérale amyotro-
phique et la constitution de lignées de cel-
lules souches porteuses des stigmates
moléculaires d’une dizaine d’affections de
diverses origines (Revue médicale suisse
du 20 août), voici
une nouvelle publi-
cation qui confirme
que l’été 2008 res-
tera comme une pé-
riode marquée par
une série de fran-
chissements d’éta-
pes dont personne n’imaginait hier en-
core qu’elles puissent aussi rapidement,
aussi aisément être franchies.
Et c’est une nouvelle fois un commu-
niqué de presse aux accents triomphants.
Il est signé du Département des relations
extérieures de l’Université librede Bruxel-
les (ULB). «Le cortex cérébral est la struc-
ture la plus complexe de notre cerveau ;
les cellules nerveuses ou neurones qui le
constituent sont la cible de la plupart des
maladies neurologiques et psychiatriques
comme les épilepsies, les accidents vas-
culaires cérébraux, la maladie d’Alzheimer
ou la schizophrénie nous explique-t-on.
Menée par Pierre Vanderhaeghen,1
chercheur à l’Institut de recherche inter-
disciplinaire en biologie humaine et mo-
léculairede l’ULB, une équipe de cher-
cheurs européens ouvrede nouvelles et
prometteuses perspectives sur le fonc-
tionnement et les maladies du cortex cé-
rébral :les chercheurs de l’ULB ont dé-
couvert comment transformer in vitro des
cellules souches en neurones spécifiques
du cortex cérébral. La découverte de cette
"corticogenèse in vitro" a été publiée sur
le site de la revue Naturele 17 août 2008.»
Et ce communiqué, empruntant aux
accents des chansons de geste de nous
raconter comment Nicolas Gaspard a tout
d’aborddécouvert que les cellules sou-
ches embryonnaires multipotentes «issues
de l’embryon précoce» peuvent êtretrans-
formées en neurones du cortex «selon
un mécanisme spontané étonnamment
simple et efficace, récapitulant l’essen-
tiel de la complexité du cortex cérébral
mais ce au sein de boîtes de culture cel-
lulaire.» «Ces neurones, bien que géné-
rés entièrement en dehors du cerveau,
sont fonctionnels et ressemblent en tous
«… cette "corticogenèse"
in vitro constitue un outil
novateur pour la recherche
pharmaceutique et médi-
cale …»
avancée thérapeutique
Bibliographie
1Gaspard N, Bouschet T, Hourez R, et al. An
intrinsic mechanism of corticogenesis from em-
bryonic stem cells. Nature, 17 août 2008. doi:
10.1038/nature0728.
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27 août 2008