33461_1842.qxp 22.8.2008 8:20 Page 1 avancée thérapeutique 2008 et les cellules souches : l’heure du cortex C’ est fait : des biologistes sont points aux neurones corticaux natifs, ajouparvenus à fabriquer in vitro te le communiqué. Avec l’aide du Dr Afdu cortex cérébral de souris saneh Gaillard, les chercheurs ont ensuite à partir de cellules souches. Quelques greffé ces neurones dans des cerveaux jours seulement après l’annonce de la de souris. De façon cruciale, les neurocréation in vitro de neurones moteurs nes ainsi greffés sont capables de se issus de cellules de peau de personnes connecter avec le cerveau hôte pour forsouffrant de sclérose latérale amyotromer des circuits neuronaux spécifiques phique et la constitution de lignées de celdu cortex.» lules souches porteuses des stigmates Comment, en cet été 2008, ne pas parmoléculaires d’une dizaine d’affections de tager l’enthousiasme des chercheurs et diverses origines (Revue médicale suisse des institutions qui les emploient ? Selon eux cette «corticodu 20 août), voici genèse» in vitro consune nouvelle publi«… cette "corticogenèse" titue un outil novacation qui confirme in vitro constitue un outil teur pour la recherque l’été 2008 resnovateur pour la recherche che pharmaceutique tera comme une pépharmaceutique et médiet médicale puisque riode marquée par cale …» une série de france travail donne pour chissements d’étala première fois acpes dont personne n’imaginait hier encès à une source illimitée et hautement core qu’elles puissent aussi rapidement, fiable de neurones spécifiques du cortex. aussi aisément être franchies. On imagine que ces derniers pourront Et c’est une nouvelle fois un commuêtre utilisés pour modéliser les maladies niqué de presse aux accents triomphants. neurologiques et tester de nouveaux méIl est signé du Département des relations dicaments. extérieures de l’Université libre de BruxelOn peut aussi imaginer que cette méles (ULB). «Le cortex cérébral est la structhode constituera en outre une alternatiture la plus complexe de notre cerveau ; ve à certaines expérimentations animales cellules nerveuses ou neurones qui le les ou humaines. «A plus long terme, les constituent sont la cible de la plupart des neurones ainsi générés artificiellement maladies neurologiques et psychiatriques pourraient aussi être utilisés dans la percomme les épilepsies, les accidents vasspective de thérapies de remplacement culaires cérébraux, la maladie d’Alzheimer cellulaire par greffes intracérébrales» ajouou la schizophrénie nous explique-t-on. te-t-on à Bruxelles. Pourquoi pas ? Menée par Pierre Vanderhaeghen,1 «Cette publication est très intéressante chercheur à l’Institut de recherche interà bien des égards, a expliqué au Monde le Dr Hervé Chneiweiss, directeur du ladisciplinaire en biologie humaine et moboratoire plasticité gliale du Centre Paulléculaire de l’ULB, une équipe de cherBroca (Paris). Il importe toutefois de précheurs européens ouvre de nouvelles et ciser que le milieu de culture qui a été prometteuses perspectives sur le foncutilisé est un milieu désormais considéré tionnement et les maladies du cortex cérébral : les chercheurs de l’ULB ont décomme classique et dénommé "N2" qui couvert comment transformer in vitro des a été mis au point par Gordon Sato. Il a cellules souches en neurones spécifiques été décrit en 1979 dans les PNAS et visait déjà à faire pousser des neurones du cortex cérébral. La découverte de cette fœtaux de souris. Ce milieu permet la "corticogenèse in vitro" a été publiée sur survie des cellules embryonnaires et les le site de la revue Nature le 17 août 2008.» Et ce communiqué, empruntant aux oriente vers la voie neuronale. Au risque de choquer les dignes héritiers de Cajal accents des chansons de geste de nous que nous sommes nombreux à être sans raconter comment Nicolas Gaspard a tout le savoir, il n’est pas nouveau d’observer d’abord découvert que les cellules souque la différenciation neuronale se fait ches embryonnaires multipotentes «issues "par défaut" tandis que la différenciation de l’embryon précoce» peuvent être transgliale est plus tardive et requiert plus d’informées en neurones du cortex «selon ducteurs. D’où les difficultés par exemun mécanisme spontané étonnamment ple pour obtenir des oligodendrocytes de simple et efficace, récapitulant l’essenremplacement pour la sclérose en platiel de la complexité du cortex cérébral ques.» mais ce au sein de boîtes de culture celPour le Dr Chneiweiss, une des «jolies lulaire.» «Ces neurones, bien que généchoses du papier» tient au fait que les rés entièrement en dehors du cerveau, auteurs ont laissé le temps aux événesont fonctionnels et ressemblent en tous 1842 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 août 2008 ments de se dérouler. «Ce qui me surprend en fait le plus ce sont les expériences de greffe, ajoute-t-il. J’ai pour ma part confiance dans les "greffeurs". Mais voir des axones pousser sur de telles distances sur un mois… ! Comment ne pas être étonné quand on sait que dans les conditions normales la croissance axonale ne dépend pas seulement des facteurs intrinsèques à l’axone mais aussi de signaux émis par l’environnement (sémaphorines et leurs récepteurs en particulier) qui sont habituellement éteints dans les cerveaux des animaux greffés. Il sera très intéressant de vérifier que ces "jeunes" cellules sont effectivement capables de réactiver de tels signaux. Mais attention, nous sommes chez la souris. Et ce sont des greffes entre souris syngéniques, donc pas transposables à l’homme à partir de cellules souches embryonnaires non immunocompatibles…» Il n’en reste pas moins vrai que la question peut désormais être raisonnablement soulevée de l’usage qui pourra être ou non fait de cette production in vitro de cortex dans l’espèce humaine. Comme souvent le cheval de Troie prendra le visage de la thérapeutique. Mais ensuite ? Jean-Yves Nau Bibliographie 1 Gaspard N, Bouschet T, Hourez R, et al. An intrinsic mechanism of corticogenesis from embryonic stem cells. Nature, 17 août 2008. doi: 10.1038/nature0728. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008 00