CAS CLINIQUE
24 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 314 - juillet-septembre 2008
Chez 82,85 % des sujets, les lésions extra-ORL étaient dominées
par l’atteinte des membres inférieurs : œdème, macules ou nodules
angiomateux. Les autres sièges concernaient les membres supé-
rieurs, l’œil et le thorax.
Quatre-vingt-quatorze pour cent des patients (n = 33) étaient
séropositifs ; un patient s’est opposé à la réalisation du test séro-
logique VIH. Outre l’infection à VIH, on relevait 31 cas d’anémie,
11 cas de candidose, 5 cas de tuberculose et 1 cas de toxoplasmose.
Soixante-trois pour cent patients (n = 22) avaient reçu un traitement
spécifique. La molécule qui a été la plus couramment utilisée était
la doxorubicine à la dose de 50 mg tous les 21 jours. Huit patients
ont été parallèlement traités par antirétroviraux (ARV). Du fait de
leur mauvais état général, les autres patients ont reçu un traitement
symptomatique. Malgré l’état d’immunodépression, l’évolution sous
traitement spécifique a été favorable dans 77 % des cas, avec fonte
des œdèmes et rémission des lésions. Parmi les 13 patients qui n’ont
pas reçu le traitement spécifique, 5 sont décédés des suites d’une
anémie sévère, d’une hémorragie ou d’affections opportunistes.
Les autres patients (n = 8) ont été perdus de vue.
Discussion
Depuis l’apparition du VIH, les lésions extra-cutanées de la MK
sont plus courantes (4-6). En dehors de deux patients de l’étude
répondant d’ailleurs à la définition de la MK classique, tous
les autres patients étaient séropositifs. Un patient a refusé de
réaliser la sérologie VIH (7). Le taux élevé de MK épidémique est
en rapport avec la recrudescence du sida qui, en Côte-d’Ivoire,
touche environ 14 % de la population. La faible prévalence de la
MK dans les travaux antérieurs (1-3) pourrait être imputable au
mode de recrutement.
Les lésions ORL de la MK siègent classiquement au niveau des
muqueuses buccale, pharyngée et laryngée (1-10). Elles sont
rarement isolées (5, 7) et peuvent cependant précéder la lésion
cutanée caractéristique. Les lésions cutanées évocatrices les plus
fréquentes sont représentées par des plaques. Elles sont associées
à des nodules dans 40 % des cas. L’atteinte laryngée est rare mais
ancienne, décrite dès 1872 par M.K. Kaposi (5, 10). De véritables
lésions tumorales telles que celles observées dans notre série ne
sont pas rares. D’autres sites inhabituels ont été rapportés comme
le conduit auditif externe (11) ou le cavum, dont nous avons relevé
un cas. Les lésions œsophagiennes sont généralement découvertes
au cours d’une fibroscopie motivée par l’existence d’une dysphagie
basse. A. Lafeuillade (5) a décrit 3 cas révélés lors d’un examen
pour dysphagie, épigastralgie, et mélæna. L’atteinte faciale à type
d’œdème ou de lésions angiomateuses et nodulaires (31,42 %
de notre série, soit 11 patients sur 35) a été la plus fréquente.
L’envahissement ganglionnaire cervical (22,85 % de notre série,
soit 8 patients sur 35) a été plutôt rare chez l’adulte (4, 2, 7). Les
ganglions superficiels semblaient les plus atteints, même si toutes
les aires ganglionnaires étaient concernées. Le statut rétroviral
n’a pas pu être prouvé chez un patient de 37 ans ayant présenté
une localisation ganglionnaire isolée (7). Les autres pathologies
associées traduisent les possibilités d’hémorragie (anémie) et/
ou l’état immunodépressif engendré par la MK (tuberculose,
toxoplasmose).
L’évolution à court terme a été favorable pour la plupart des
patients traités. Les protocoles thérapeutiques varient selon les
équipes (8) et reposent classiquement sur la chimiothérapie antimi-
totique et rétrovirale et/ou la radiothérapie. En dehors de la biopsie
ou des formes obstructives, la chirurgie est peu indiquée.
Conclusion
Les manifestations ORL de la maladie de Kaposi sont diverses
et non spécifiques. Elles ont concerné principalement des sujets
séropositifs. La symptomatologie varie en fonction du siège et
du volume de la lésion. Les localisations cutanéo-muqueuses
ont été les plus fréquentes, conformément aux données de la
littérature. ■
1. Adjoua RP, Kouassi B, Boguifo J et al. Séropositivité aux tests du sida et affec-
tions ORL à évolution chronique (à propos de 30 cas colligés dans les services
ORL d’Abidjan, Côte-d’Ivoire). Pub Med Afr 1989;22(100):109-15.
2. Adjoua RP, Koffi-Aka V, Ehouo F et al. Manifestations oto-rhino-laryngolo-
giques observées au cours de l’infection à HIV à Abidjan. Annales Med 1991-
1992;XXIV:125-30.
3. Zouzou KG. Les manifestations ORL au cours du VIH/sida. Thèse de méde-
cine, Abidjan, 2003; 3509, 89 p.
4. Barry B, Matherson S, Gehanno P. Manifestations ORL observées au cours
de l’infection par le VIH. Encycl Med Chir ORL, 20-A-10. Paris : Elsevier,
1996;6 p.
5. Lafeuillade A, Poizot-Martin I, Boulat O, Allegre T, De Jaureguiberry JP. Le
sarcome de Kaposi de présentation extra-cutanée au cours du sida : à propos
de 24 observations. Med Mal Inf 1994;24:92-5.
6. Ndjolo A, Njock R, Ngowe NM et al. Manifestations oto-rhino-laryngolo-
giques inaugurales de l’infection à VIH/sida. Analyse de 76 cas observés en
milieu africain. Rev Laryngol Otol Rhinol 2004;125(1):39-43.
7. Koffi-Aka V, Gbery IP, Koffi EK, Hondé M, Ehouo F. Maladie de Kaposi : à
propos d’une localisation ganglionnaire isolée chez un adulte à VIH inconnue.
Science et Technique 2001;24(2):59-61.
8. Campanini A, Marani M, Mastroianni A, Cancellieri C, Vicini C. Human im-
muno-deficiency virus infection: personal experience in changes in head and
neck manifestations due to recent antiretroviral therapies. Acta Otorhinola-
ryngol Ital 2005;25(1):30-5.
9. Marsot-Dupuch K, Mehomas MC, Schmitt E, Prudhom de Saint Maur P,
Woimant H. Pathologie de la sphère ORL au cours du syndrome d’immunodé-
ficience acquise. Apport de l’imagerie. Encycl Med Chir ORL, 20-956-B-10-
2000. Paris : Elsevier.
10. Olmo A, Vilaseca I, Moraga M et al. The laryngeal involvement in Kaposi’s
sarcoma in the acquired immunodeficiency syndrome. An Otorrinolaringol
Ibero Am 1993;20:(6):589-97.
11. Delbrouck C, Kampouridis S, Chantrain G. An unusual localisation of Kaposi’s
sarcoma: the external auditory canal. Acta Otorhinolaryngol Belg 1998;
52(1):29-35.
Références bibliographiques