RÉTROSPECTIVE 2011 Dépistage gériatrique pour tous les patients âgés atteints de cancer et autres actualités Geriatric screening for older patients with cancer diseases and other news E. Carola* E. Carola * Unité pilote de coordination en oncogériatrie, centre hospitalier de Senlis. L’ année 2011 a été francophone pour l’onco­ gériatrie avec les résultats de l’étude ONCODAGE validant le G8 comme test de dépistage gériatrique pour les patients âgés atteints de cancer, mais aussi avec la création de la Société Tableau. Échelle G8. Items Réponses possibles et score Le patient présente-t-il une perte d’appétit ? A-t-il mangé moins ces 3 derniers mois en raison d’un manque d’appétit, de problèmes digestifs, de difficultés de mastication ou de déglutition ? 0 : anorexie sévère 1 : anorexie modérée 2 : pas d’anorexie Perte récente de poids (< 3 mois) 0 : perte de poids > 3 kg 1 : ne sait pas 2 : perte de poids entre 1 et 3 kg 3 : pas de perte de poids Motricité 0 : du lit au fauteuil 1 : autonome à l’intérieur 2 : sort du domicile Problèmes neuropsychologiques 0 : démence ou dépression sévère 1 : démence ou dépression modérée 2 : pas de problèmes psychologiques Indice de masse corporelle (IMC, kg/m2) 0 : < 18,5 1 : 18,5-21 2 : 21-23 3 : > 23 Prend plus de 3 médicaments 0 : oui 1 : non Le patient se sent-il en meilleure ou en moins bonne santé que la plupart des personnes de son âge ? 0 : moins bonne 0,5 : ne sait pas 1 : aussi bonne 2 : meilleure Âge (ans) 0 : > 85 1 : 80-85 2 : < 80 Total 0-17 78 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 francophone d’oncogériatrie, dont les journées annuelles d’Échange de pratiques en oncogériatrie (EPOG) ont concerné cette année la prise en charge des cancers urologiques du sujet âgé, et enfin avec le congrès de la Société internationale d’oncologie gériatrique (SIOG) à Paris en cette fin d’année. À la question “À quel âge sommes-nous ‘âgés’ ?”, force est de constater que la réponse a passé la barre des 70 ans et que nous allons vers le consensus des 75 ans et au-delà, comme nous le recommandaient les gériatres. L’étude PRODIGE 20 (figure 1) sur la faisabilité du bévacizumab en première ligne métastatique chez le patient âgé atteint de cancer colorectal ainsi que l’étude GERICO 10 (figure 2) dans le cancer réfractaire de la prostate incluent les patients à partir de 75 ans. Étude ONCODAGE : le G8 outil de référence pour le dépistage en oncogériatrie (tableau) Comme cela a été déjà développé dans les “Compte-rendu et analyse du 47e Congrès américain en cancérologie” de La Lettre du Cancérologue en juillet dernier, l’étude ONCODAGE − de grande envergure − a inclus plus de 1 500 patients atteints de tumeurs solides et de lymphomes, âgés de 70 ans et plus. Deux outils rapides d’évaluation, le VES-13 et le G8, ont été comparés à l’évaluation gériatrique standardisée (EGS). Le G8 avait une très bonne sensibilité par rapport à l’EGS, supérieure à celle du VES-13 (1). INCLUSION RÉTROSPECTIVE 2011 4 semaines Bévacizumab Chimiothérapie (LV5FU2s, FOLFOX4, FOLFIRIs) • 1 cure tous les 14 jours • 6 mois de traitement minimum (ou jusqu’à progression) • Pause thérapeutique au gré de l’investigateur et du patient après 6 mois de CT AVANT INCLUSION C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10… Examen clinique ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ ✓ Bilan biologique * * * ✓ * * * ✓ * * Bandelette urinaire, bilirubine ** ** ** ** ** ** ** ** ** ** Tomodensitométrie thoraco-abdopelvienne ✓ ✓ Questionnaires patient + équipe ✓ ✓ * NF-plaquettes seulement. ** Bandelette urinaire si bévacizumab, bilirubinémie si irinotécan. Figure 1. Schéma de l’étude PRODIGE 20. Bras A 60 mg/m2 Docétaxel 75 mg/m2 10 mg/j Vulnérable Bras B 35 mg/m2 35 mg/m2 Toutes les 3 semaines Prednisone Docétaxel 35 mg/m2 35 mg/m2 Hebdomadaire Prednisone 10 mg/j J – 28 Critères SIOG D’après Droz JP, Chalada A. Management of metastatic prostate cancer: the crucial role of geriatric assessment. BJU Int 2008;101(Suppl.2):23-9. Fragile Bras A 60 mg/m2 Docétaxel 75 mg/m2 10 mg/j Bras B 35 mg/m2 35 mg/m2 Toutes les 3 semaines Prednisone Docétaxel 35 mg/m2 35 mg/m2 Hebdomadaire Prednisone 10 mg/j Groupe 1 (en bonne santé) • Comorbidité (CIRSG) grade 0, 1 ou 2 • Indépendant pour les IADL • Pas de dénutrition Groupe 2 (vulnérable : problème réversible) • Au moins 1 comorbidité (CIRSG) de grade 3 • Dépendant pour au moins 1 IADL (IADL < 4 et IADL ≥ 4) • Dénutrition (∆P = 5 à 10 %) et 17 ≤ MNA < 24 Groupe 3 (fragile : problème non réversible) • Plusieurs comorbidités (CIRSG) de grade 3 ou au moins 1 de grade 4 • Dépendance pour au moins 1 ADL (ADL < 4) • Altération cognitive (15 < MMS ≤ 24) • Désorientation, confusion répétées • Dénutrition sévère (∆P > 10 %) et MNA < 17 Groupe 4 (maladie terminale) • Phase terminale • Alitement • Comorbidités majeures (plusieurs CIRSG = 4) • Altération cognitive (démence) ADL : Activities of Daily Living ; CIRSG : Cumulative Illness Rating Scacle for Geriatrics ; IADL : Instrumental Activities of Daily Living ; MMS : Mini Mental State ; MNA : Mini Nutritional Assessment. Figure 2. Étude GERICO 10 : méthodologie. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 79 RÉTROSPECTIVE 2011 Dépistage gériatrique pour tous les patients âgés atteints de cancer et autres actualités Deux outils de dépistage peuvent être proposés dès aujourd’hui aux pratriciens oncologues, aux spécialistes d’organes ou aux chirurgiens, dans le cadre du bilan initial d’un patient âgé atteint de cancer : le G8 et le VES-13. EPOG 2011 : actualités urologiques Avec plus de 60 000 nouveaux cas par an en France, le cancer de la prostate a eu la part belle aux journées EPOG durant lesquelles ont échangé oncologues, gériatres, urologues et équipes paramédicales. Cancer de la prostate du sujet âgé : actualités chirurgicales, radiothérapiques, médicales La chirurgie est le seul traitement curatif prouvé du cancer de la prostate, comme l’a rappelé P. Mongiat-Artus ; elle améliore la survie globale et spécifique (+ 7 % à 10 ans). La mortalité spécifique reste, avec l’âge, une menace, qui pèse d’autant plus si le grade est élevé. Les pratiques de prise en charge évoluent chez les patients de plus de 70 ans, en particulier dans la tranche d’âge 70-74 ans. L’hormonothérapie reste fréquemment proposée. La fréquence de prostatectomie a triplé au cours des 10 dernières années (selon l’Observatoire des pratiques en urologie). La comparaison des 3 techniques chirurgicales (voies rétropubienne, laparoscopique ou chirurgie robotisée) ne retrouve pas de différence significative en termes d’efficacité ; davantage de saignements sont signalés avec la voie rétropubienne. La récupération de la continence dans tous les cas est un peu plus longue chez le patient de plus de 70 ans (2-4). L’âge est un facteur de risque de mortalité péri­ opératoire de faible importance (5, 6). Les études sur la mortalité postchirurgicale restent difficiles d’interprétation du fait des biais de sélection (population âgée opérée avec survie spontanée favorable). La radiothérapie reste bien souvent la meilleure indication chez les patients âgés, selon D. Azria. Les méthodes nouvelles, et plus particulièrement la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI), permettent de traiter de façon quasi anatomique les volumes tumoraux que constituent la prostate et les vésicules séminales. Ainsi peut-on délivrer des doses plus élevées, donc thérapeutiques, et protéger les organes sensibles. 80 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 L’équipe de Montpellier a traité 850 patients T3N0M0 par RCMI entre mars 2001 et juillet 2011. L’analyse des 373 premiers patients (dont 62 avaient plus de 75 ans), avec un suivi médian de 47 mois, retrouve une survie sans récidive biochimique à 5 ans de 82 % chez les patients jeunes versus 93 % après 75 ans. La survie globale est comparable, de l’ordre de 95 %, et les toxicités rectales tardives de grade 2 ainsi que les toxicités urinaires sont de l’ordre de 10 % quel que soit l’âge. La mise en place initiale pour un traitement de cette qualité nécessite 30 minutes pour s’assurer de la reproductibilité ultérieure. Cela justifie une compliance physique du patient. Les progrès dans le traitement du cancer avancé de la prostate ont été rapportés par S. Culine. Dix pour cent des malades diagnostiqués le sont au stade avancé. Le traitement de premier choix reste l’hormonothérapie. Le docétaxel toutes les 3 semaines est la chimiothérapie de première ligne chez les patients hormonoréfractaires. L’étude pivotale n’a pas retrouvé de différence d’efficacité du traitement en fonction de l’âge, mais elle portait sur une population d’au moins 75 ans, ultrasélectionnée (7). La SIOG a émis des recommandations pour cette situation intégrant les paramètres gériatriques définissant la vulnérabilité et la fragilité (8). L’étude GERICO 10, en cours, compare le docétaxel hebdomadaire au docétaxel toutes les 3 semaines chez les patients vulnérables et fragiles de 75 ans et plus. Une deuxième ligne de chimiothérapie est possible avec le cabazitaxel, mais les adaptations thérapeutiques au patient âgé ne sont pas connues (9). L’acétate d’abiratérone, nouvel antiandrogène, allonge la survie en deuxième ligne après le docétaxel (10). La tolérance de ces 2 dernières thérapeutiques n’a pas pas encore été évaluée chez les personnes âgées. Il faut garder en tête que, dans ces situations avancées, l’objectif principal reste la qualité de vie. Dans ce contexte, le dénosumab vient rejoindre l’acide zolédronique dans les thérapies ciblées osseuses (11). Le choix thérapeutique dépendra aussi du profil de tolérance de ces molécules. Cancer du rein du sujet âgé : une révolution thérapeutique L’incidence du cancer du rein augmente : 8 000 nouveaux cas ont été recensés en 2000 et plus de 10 000 en 2009. Sur le plan chirurgical, 3 attitudes peuvent être envisagées dans le cas des petites RÉTROSPECTIVE 2011 tumeurs rénales de moins de 4 cm qui voient leur incidence augmenter : l’exérèse chirurgicale, le traitement ablatif, la surveillance active. Chez le patient âgé, les alternatives à une chirurgie conventionnelle représentent souvent des options à privilégier. Y. Neuzillet a rappelé les indications des 2 techniques de traitement ablatif, par radiofréquence et par cryoablation. ➤➤ Petites tumeurs de moins de 3 cm de découverte fortuite : •patients âgés ; •prédisposition génétique (risque de tumeurs multiples) ; •tumeurs bilatérales ; •rein unique. Le rationnel de ce traitement chez le patient âgé découle d’une fragilité plus fréquente dans cette population, d’une réduction fonctionnelle néphronique liée à l’âge. Cette technique garde des réserves chez le patient plus jeune du fait de données encore parcellaires sur le long terme. Quant à la surveillance active, elle est réservée aux patients qui ont plus de 75 ans, qui présentent des comorbidités importantes ou qui refusent un acte chirurgical et chez lesquels sont découvertes fortuitement des petites tumeurs de moins de 4 cm (confirmées par l’histologie) du fait d’un temps de doublement lent (12, 13). Ainsi, le traitement de référence reste l’exérèse chirurgicale conservatrice de principe pour ces petites tumeurs si l’espérance de vie du patient est d’au moins 7 ans en l’absence de comorbidités. Le traitement chirurgical des tumeurs de grande taille chez le patient de plus de 75 ans se justifie pour prévenir les complications liées à l’évolution de la maladie et éviter ainsi des hospitalisations répétées et une dégradation de la qualité de vie. Outre la néphrectomie conventionnelle, la néphrectomie par cœlioscopie, moins invasive, est à privilégier chez ces patients, car elle réduit la durée d’hospitalisation. S. Négrier n’a pu que constater l’insuffisance des données concernant les patients âgés de plus de 70 ans atteints de cancer du rein avancé dans les essais de phase III concernant les nouvelles thérapies ciblées, qui révolutionnent la prise en charge de cette maladie jusqu’alors chimiorésistante. Cependant, les analyses des sous-groupes âgés et les résultats des programmes compassionnels semblent indiquer le même degré d’efficacité chez les patients jeunes et âgés (14-16). Malgré une efficacité encourageante, S. Négrier a rappelé la nécessaire prudence dans la décision thérapeutique chez un patient âgé et la nécessité de considérer les situations à risque : plus de 2 comorbidités, plus de 3 médicaments concomitants, un contexte familial d’isolement ; l’association de ces 3 facteurs constituent un très haut risque de ­complications. Cancer de la vessie : améliorer les diagnostics précoces Avec 7 800 nouveaux cas par an, le cancer de la vessie est en 5e position des localisations de cancers en France. P. Camparo a présenté l’étude réalisée par l’équipe de Foch entre 2005 et 2010, qui a porté sur 2 329 patients traités chirurgicalement pour une tumeur de la vessie ; 260 (11,2 %) avaient plus de 80 ans. Le sex-ratio était de 3 hommes pour 1 femme. Parmi ces 260 patients âgés, 30 % avaient des antécédents d’intoxication tabagique, 20 % une pathologie métabolique (diabète, obésité) et 31 % une atteinte cardiovasculaire. En fait, 61 % présentaient des morbidités multiples. Il s’agissait essentiellement de carcinomes urothéliaux. Près de 1 cas sur 2 était de stade supérieur à PT2. Quarantetrois pour cent des malades traités ont présenté une ­récidive. L’impact sur la survie n’est pas encore connu. Pour les tumeurs vésicales superficielles, les indications des instillations ne sont pas adaptées en fonction de l’âge du sujet et des comorbidités. En l’absence de données scientifiques, on peut proposer des instillations en fonction du risque évolutif en les modulant selon l’âge physiologique et les risques potentiels de cette prise en charge. Pour les tumeurs à haut risque, la mitomycine C reste le traitement préféré ; le BCG, en cas d’échec, est possible mais justifie chez le patient âgé, pour en améliorer la tolérance, une diminution de l’exposition de la muqueuse au traitement, une réduction des doses utilisées et une prophylaxie antibiotique par quinolone. La cystectomie totale reste le traitement de référence du cancer de la vessie infiltrant non méta­ statique (17). Une analyse à partir de la base de données SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results database) de 13 796 patients, dont 24 % avaient plus de 80 ans, a montré le bénéfice sur la survie globale d’un traitement chirurgical agressif. Ce bénéfice est contrebalancé par davantage de complications précoces dans les 90 jours après La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 81 RÉTROSPECTIVE 2011 Dépistage gériatrique pour tous les patients âgés atteints de cancer et autres actualités l’opération (cardiovasculaires, iléus, infections, complications sur le Bricker). L’évaluation du patient avant la chirurgie est donc importante pour réduire les risques opératoires. Des alternatives à la cystectomie peuvent être envisagées en cas de petite tumeur PT2, complètement réséquée lors de la résection transurétrale (RTU). SIOG 2011 L’oncogériatrie a produit cette année plus de 3 000 articles répertoriés dans PubMed.gov ; 150 publications environ concernent l’EGS, comme l’a rappelé O. Saint-Jean qui a ouvert ce congrès. La place de l’EGS dans le parcours oncogériatrique améliore-t-elle le pronostic et raccourcit-elle, par les interventions qu’elle engendre, la durée des hospitalisations ? Actualités chirurgicales Les actualités chirurgicales prennent en compte les mêmes préoccupations. R. Audisioa a abordé 3 questions : ➤➤ La chirurgie profite-t-elle aussi bien au sujet âgé qu’au sujet jeune ? ➤➤ L’âge est-il discriminatoire ? ➤➤ Quels sont les facteurs prédictifs de complications postopératoires ? L’étude récente publiée par l’équipe new-yorkaise sur la chirurgie lourde du cancer du pancréas (seul traitement curatif) retrouve une médiane en survie globale identique dans les groupes octogénaires et plus jeunes, alors que le groupe âgé a un performance status (PS) supérieur ou égal à 1 et un score ASA de 3-4 plus fréquemment que les plus jeunes (p < 0,01). L’hospitalisation est aussi plus longue pour les octogénaires (20 versus 13,7 jours). Le temps opératoire, le taux de résection portal, les complications peropératoires ainsi que le stade de résection chirurgical sont comparables (18). Si la chirurgie lourde est possible, comme le montre cette étude, il semblerait que la chirurgie thoracique chez le sujet âgé reste sélective bien qu’elle améliore la survie (19). Comment identifier les patients pouvant en bénéficier ? L’équipe urologique de Nashville (États-Unis) a retrouvé une fois de plus le taux d’albumine comme facteur prédictif de la mortalité post­ opératoire (20). 82 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 Ainsi les résultats de l’étude PREOP en cours sont attendus pour offrir un outil de dépistage préopératoire (étude comparant EGS à GFI, VES-13, TUG). La gériatrie au service de l’oncologie L’équipe marseillaise conduite par F. Rétornaz souligne l’impact décisionnel de l’évaluation gériatrique sur le programme thérapeutique oncologique : 149 patients ayant une moyenne d’âge de 82 ans ont eu une EGS à la demande de l’oncologue ou du chirurgien. À l’issue de cette évaluation, 11 % des patients ont reçu le traitement standard préconisé, 60,5 % une adaptation thérapeutique et 28 % une alternative au traitement programmé. L’autre versant largement développé au cours de ce congrès concerne le dépistage des patients devant bénéficier d’une évaluation gériatrique complète chronophage, et la réponse a été validée par l’étude ONCODAGE, entre autres. Réflexions sur la prise en charge des tumeurs complexes : pancréas, métastases hépatiques, système nerveux central ◆◆ Pancréas La gemcitabine en monothérapie reste le meilleur traitement chez les patients âgés atteints d’un cancer du pancréas en situation avancée. Dans l’étude de Marechal, les patients de plus de 70 ans avec un PS de 0 à 1 ont eu une tolérance similaire à celle des patients plus jeunes, avec la même efficacité, mais ont reçu plus souvent une dose réduite. Une fois de plus, les données restent extrêmement parcellaires, les populations concernées méritant bien souvent, compte tenu du pronostic très sévère, le respect de leur qualité de vie. ◆◆ Chirurgie hépatique La chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux a fait d’énormes progrès au cours des dernières années, profitant aux patients âgés, dont le recours est passé de 5 % en 1990 à près de 30 % en 2010. L’étude multicentrique prospective menée par R. Adam et al., qui concernait plus de 7 000 patients dont 1 600 âgés d’au moins 70 ans, rapporte après chirurgie des métastases des taux de survie de l’ordre de 50 % à 3 ans et de 35 % à 5 ans, similaires quel que soit l’âge (21). Ces résultats confortent ceux de Y. Fong et al., qui ne retrouve RÉTROSPECTIVE 2011 aucune différence de morbidité périopératoire ni de mortalité postopératoire précoce (22). Enfin, L.C. Cummings et al. confirment le bien-fondé des résections hépatiques lorsqu’elles sont possibles chez le sujet âgé : la survie à 5 ans passe de 10 % chez les patients non réséqués à 33 % chez ceux qui le sont (23). ◆◆ Tumeurs du système nerveux central Le Pr Delattre a rappelé l’importance de l’incidence des glioblastomes chez les patients âgés dont le pronostic paraît plus sévère (médiane de survie : 8 versus 17 mois chez les moins de 70 ans). La résection chirurgicale est pratiquée 2 fois moins souvent dans cette population (24). La radio­ thérapie est supérieure aux soins palliatifs exclusifs chez les plus de 70 ans, avec un score Karnofsky Performance Status (KPS) supérieur ou égal à 70 (29 versus 17 semaines) [25]. Les résultats du traitement par témozolomide seul semblent inférieurs à ceux obtenus avec la radiothérapie exclusive mais le témozolomide constitue une alternative chez les patients fatigués (26-28). Un essai est actuellement en cours comparant témozolomide avec ou sans radiothérapie. L’étude ATAG évalue, dans une population âgée sélectionnée, la faisabilité de l’association témozolomide + bévacizumab. ◆◆ Les dernières nouvelles dans le cancer du sein, les cancers hématologique et digestif Pour le cancer du sein, 2 études − l’une en situation métastatique et l’autre en situation adjuvante − apporteront des solutions thérapeutiques supplémentaires pour les patientes âgées. L’étude BOLERO-2, présentée à l’European Society for Medical Oncology (ESMO) cette année, confirme le bénéfice en survie sans progression de l’asso­ciation exémestane + évérolimus (4,1 versus 10,6 mois avec l’association). L’âge moyen était de 62 ans. La tolérance et l’efficacité seront à confirmer dans une population plus âgée (29). En situation adjuvante, l’étude ASTER 70s, pilotée par E. Brain du groupe GERICO, se propose, dans une population spécifiquement âgée RH+, d’étudier l’impact de l’association chimiothérapie + hormonothérapie habituellement préconisée. Cette étude devrait débuter cette année. Le lymphome B diffus à grandes cellules est une maladie lymphoïde fréquente chez les personnes âgées ; 40 % des personnes atteintes ont plus de 70 ans. Les données prospectives chez les octogénaires sont rares ; l’étude menée par le Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte (GELA) prend toute sa signification dans ce contexte. Cent cinquante patients (moyenne d’âge : 83 ans) ont été inclus entre 2006 et 2009 dans 38 centres et ont reçu comme traitement du rituximab associé à un mini CHOP (adriamycine, cyclophosphamide, vincristine, prednisone). Après un suivi moyen de 20 mois, la médiane de survie globale est de 29 mois ; le taux d’albuminémie est l’unique paramètre influençant la survie. La médiane de survie sans progression était de 21 mois. Douze décès sont imputables au traitement (hématotoxicité). Les auteurs concluent que ce traitement constitue en tout état de cause un bon compromis en termes d’efficacité et de tolérance dans la population âgée de plus de 80 ans (30). À partir d’une étude de phase III concernant les cancers du côlon métastatiques chez des personne âgées de plus de 75 ans (moyenne d’âge : 80 ans) comparant 5-FU modulé avec et sans irinotécan, des facteurs prédictifs de toxicité de grade 3-4 ont été mis en évidence : ne pas avoir reçu de traitement adjuvant (OR = 8,33), recevoir de l’irinotécan (OR = 3,67), une diminution du score Mini Mental State Examination (MMSE) inférieure ou égale à 27/30 (OR = 5,00), une perte d’autonomie dans l’échelle Instrumental Activities of Daily Living (IADL) [OR = 4,35]. Cette étude randomisée permet de dégager des facteurs gériatriques prédictifs de toxicité qui peuvent nous aider dans la décision thérapeutique (31). L’étude observationnelle ARIES précise que le bévacizumab utilisé en première ou en deuxième ligne dans le cancer colorectal avancé ne montre pas de différence en survie sans progression quels que soient les groupes d’âge et les lignes thérapeutiques (première ou seconde). Les effets indésirables hémorragiques et thromboemboliques restent rares mais sont un peu plus fréquents dans les groupes âgés (32). Conclusion L’année 2012 sera l’année du consensus gériatrique avec l’outil de dépistage G8, et celle des inclusions dans des essais spécifiquement consacrés aux patients âgés. Une ère nouvelle s’est ouverte avec les thérapies ciblées, des problèmes éthiques risquent de se poser en ces temps de rigueur. Les essais thérapeutiques permettront de faire la part des choses. ■ La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 1 - janvier 2012 | 83 RÉTROSPECTIVE 2011 Dépistage gériatrique pour tous les patients âgés atteints de cancer et autres actualités Références bibliographiques 1. 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