La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 3 - mars 2010 | 171
Résumé
La sexualité est l’une des composantes de la santé et de la qualité de vie. La survenue brutale de la maladie
et les séquelles des thérapies vont pénaliser l’homme et ses partenaires pendant et après le cancer. Tantôt
d’ordre relationnel et psychologique, tantôt purement fonctionnelle, la plainte du patient doit être prise
en charge dans un objectif de réadaptation et de réinsertion sexuelle par des professionnels informés et
formés. La connaissance des pronostics et des dysfonctions sexuelles attendus dans le traitement d’un
cancer en fonction du terrain et de la localisation permet d’éclairer l’homme et son aidant, et de conforter
un projet de vie naissant. Ce dispositif sexologique d’aide à l’individu et aux couples en soins de support
en oncologie permet alors aux patients, proches, associations et professionnels d’autoriser et d’organiser
la prise en charge de la santé sexuelle à partir de connaissances partagées entre spécialistes du cancer et
l’ensemble des acteurs de santé coordonnés par le médecin de famille. Le retour à la sexualité, lorsqu’il
n’est pas spontanément le fruit d’une adaptation vécue sans détresse, doit pouvoir bénéficier d’un soin
de support identifié tout au long du parcours de soins.
Mots-clés
Santé sexuelle
Cancer
Dysfonctions sexuelles
Soins de support
Onco-sexologie
Adaptation
Réinsertion
Formation
Highlights
Sexuality is one of the constitu-
ents of health and quality of
life. The sudden occurrence
of the disease and the after-
effects of the therapies are
going to penalize the patient
and his partners during
and after the cancer. Either
subordinate to relational
and psychological disorders,
or functional, informed and
trained professionals have to
listen the complaint of the
patient in order to take care
in an objective of rehabilita-
tion and sexual reintegration
by. The knowledge of the fore-
casts and sexual dysfunctions
which are known in the treat-
ment of cancer according to
the ground and to the location
agree informing the man and
his close friend, and is able to
consolidate a rising life project.
This individual and couples help
is used to be organised like an
oncology support care which
allows patients, close relations,
associations and professionals
to organize the sexual health
coverage. Knowledge shared
between specialists and all
the actors of health will help
the man who can’t find a no
suffering adjustment.
Keywords
Sexual health
Cancer
Sexual dysfunction
Support care
Onco-sexology
Adjustment
Reintegration
Education
Les résultats de la première grande enquête repré-
sentative (4) de l’ensemble des malades du cancer
réalisée en 2004 sur les conditions de vie deux ans
après le diagnostic de cancer nous éclairent en faisant
le constat suivant :
➤
2 ans après le diagnostic de cancer, 43 % des
personnes se déclarent guéries (ce qui est cohé-
rent avec les taux de survie relative constatés : chez
l’homme 68 % à 1 an et 44 % à 5 ans) ;
➤la survenue d’un cancer chez l’un des conjoints
préserve et renforce le couple (et encore plus quand
c’est l’homme qui est malade et quand une activité
sexuelle régulière préexistait) ;
➤
si la qualité de vie physique est plus ou moins
altérée selon la localisation des cancers, la qualité
de vie mentale n’est influencée par aucune variable
clinique ;
➤65 % des patients déclarent que le cancer (non
pelvien dans l’étude) a eu des conséquences péna-
lisant leur vie sexuelle actuelle ;
➤
les cancers de la cavité pelvienne arrivent en
tête en termes de conséquences négatives sur la
vie sexuelle des personnes (89 % des hommes), 44 %
des hommes potentiellement actifs se déclarent
encore très gênés 2 ans après hors ces localisations.
Aux facteurs communs aux hommes et aux femmes
associés à une vie sexuelle dégradée, liés à la gravité
de la maladie et aux traitements (pronostic défavo-
rable, chimiothérapie, séquelles gênantes, consom-
mation de psychotropes [5], désinsertion sociale et
professionnelle, inactivité sexuelle), s’ajoutent des
facteurs spécifiques aux hommes : niveau d’études
bas et insatisfaction vis-à-vis des informations
apportées par l’équipe médicale, importance de la
sexualité comme composante essentielle du rôle
masculin.
Quels que soient l’âge et la biographie sexuelle de
l’homme, il est extrêmement fréquent que l’intérêt
sexuel s’effondre à l’annonce du cancer. Quand bien
même l’angoisse engendrée trouverait compensa-
tion dans une hypersexualité de réassurance, il n’est
pas certain que la ou le partenaire se trouve dans
des dispositions favorables à Eros (6). La peur du
pronostic et les bouleversements engendrés par la
maladie dans la vie professionnelle, sociale, écono-
mique et familiale sont de nature à perturber les
pouvoirs du couple et dans le couple, reléguant
souvent la sexualité à un hypothétique futur et
grevant d’autant les chances d’une reprise facile
de l’activité sexuelle.
Au-delà de l’annonce et de la réelle compréhension
des enjeux thérapeutiques (7), le parcours de soins du
patient va très certainement être jalonné d’incerti-
tudes, de questionnements non exprimés, mais aussi
de douleurs, de fatigue, d’épisodes anxio-dépressifs.
Ces états peu propices au lâcher-prise et au maintien
d’une activité sexuelle vont être aggravés par des
atteintes fonctionnelles (spécifiques et d’ampleur
imprévisible pour une personne donnée) engen-
drant des plaintes qui, bien qu’attendues, ne sont
pas toujours entendues. Anticiper et aborder très
tôt, et tout au long de la prise en charge en soins
de support, avec les patients et leurs proches, les
conséquences pénalisant la sexualité est aussi
indispensable que d’informer sur les possibilités de
réadaptation et de réinsertion sexuelle.
Adaptation et réadaptation
Chez un individu dont l’avenir de la santé sexuelle
dépendra des vulnérabilités préexistantes et des
représentations qu’il a de la sexualité, une approche
diachronique des symptômes rapportés est indispen-
sable pour repérer les besoins adaptatifs (8). Ces ajus-
tements vont également souvent devoir s’inscrire dans
le système du couple, qui va subir des changements
dans la relation affective à l’occasion du cancer (9).
Certains patients vont profiter de cet accident de vie
pour trouver un arrangement acceptable dans l’arrêt
d’une sexualité partagée dans le renforcement du
lien affectif. Cette résignation singulière est parfois la
conséquence logique d’une histoire de vie, d’une ciné-
tique de couple et de famille avec moins de sexualité
et plus de tendresse, plus de tolérance. A contrario,
le renoncement peut être consécutif à un manque
d’information, d’espoir ou à la non-verbalisation de
la permission de poursuite d’activité sexuelle. L’ex-
tinction progressive de la relation sexuelle s’impose
alors à l’autre, laissant la place à d’autres formes
d’expression entraînant décalages et violences.
D’autres vont franchir cette épreuve sans se poser de
questions, acceptant le verdict des conséquences au
regard d’une guérison tant espérée. Le système de