mais de surcroît il est évident que notre connaissance de l’influence du génotype est très
réduite : le rôle de chacun des gènes dans l’expression d’un caractère polygénique est très
difficile à déterminer, et de nombreux caractères sont dus à des modifications d’ordre
épigénétiques, c'est-à-dire imprévisibles à la seule lecture du caryotype.
Par ailleurs, le concept de liberté est tout à fait compatible avec ce déterminisme
génétique : la liberté n’est pas la détermination de la volonté par elle-même puisque
l’homme n’est pas un être figé dans ses déterminations, mais plutôt un être en constant
devenir. Ajoutons que les sciences génétiques à proprement parler sont très jeunes, (elles
datent d’un demi-siècle tout au plus), et que les recherches n’en sont qu’à leurs premiers
balbutiements. Enfin, chose à laquelle on réfléchit peu souvent : quel sens aurait la notion
de liberté s’il n’était pas d’abord question d’avoir à se libérer de quelque chose ?
L’Essai sur les données immédiates de la conscience de Bergson montre que tout
déterminisme strict développe une vision mécaniste et statique du Moi. En effet, si l’on
admet que nous sommes entièrement déterminés par notre patrimoine génétique, on
présuppose alors que le Moi est immuable, toujours soumis à l’influence de ses gènes de la
même façon tel un programme informatique. En réalité, la conscience de l’homme, parce
qu’elle est conscience d’un être vivant, est d’abord quelque chose de dynamique, en
constant devenir et constante évolution, en passant sans arrêt d’un sentiment à un autre.
Cette fluctuation constante aboutit à l’acte libre de façon naturelle. C’est pourquoi selon
Bergson il faut considérer la liberté comme une donnée immédiate de la conscience ; elle
s’éprouve, mais ne se prouve pas. Il en va ainsi du vivant en général : lorsqu’un jeune
mammifère « joue » avec ses frères nous savons qu’il s’entraîne à la chasse et que ce
comportement est parfaitement déterminé, mais cela ne veut pas dire que toute la durée du
jeu est déterminée jusque dans chacun de ses mouvements. Cette contingence, cette
imprévisibilité du vivant émerge de sa complexité, tout comme l’effet de particules en
physique interdit toute modélisation linéaire – ou laplacienne – au point que l’incertitude
devient un de ses principes fondateurs. Aussi la conscience par sa seule complexité rend
raison d’une incertitude si grande que l’on peut s’étonner que des préjugés datés, en vérité,
du XVIIème siècle européen, aient encore autant de force dans l’opinion.
Ainsi l’on peut ajouter que le principe de causalité (c’est-à-dire qu’une cause donnée
engendre un effet donné) n’est pas applicable de façon linéaire à la vie psychologique : les
mêmes causes ne peuvent produire les mêmes effets puisque rien ne se répète, et tout
devient dans le temps : la seule variabilité des représentations, des lois, des coutumes et