2 Histoire DE Sous la direction de

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Histoire
DE
Sous la direction de
Guillaume BOUREL
Marielle CHEVALLIER
Professeur en classes préparatoires au
lycée Auguste Blanqui à Saint-Ouen (93)
Centre national de documentation
pédagogique
Marianne BOUCHERET
Professeur au lycée Guillaume Apollinaire à Thiais (94)
Anne DESCAMPS
Professeur en CPGE au lycée Jean Jaurès à Reims (51)
David EL KENZ
Maître de conférences en Histoire moderne à l’université de Bourgogne (Dijon)
Marie-Reine HAILLANT
Professeur au lycée Auguste Blanqui à Saint-Ouen (93)
Baptiste LÉON
Professeur au lycée Jean Macé à Vitry-sur-Seine (94)
Laurent-Henri VIGNAUD
Maître de conférences en Histoire moderne à l’université de Bourgogne (Dijon)
Sommaire
PARTIE I Les Européens dans le peuplement de la Terre
CHAPITRE 1
La place des populations de l’Europe dans le peuplement
de la Terre (de l’Antiquité au XIXe siècle) ..................................... 3
PARTIE II L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
CHAPITRE 2
L’invention de la citoyenneté dans le monde antique ...................... 15
PARTIE III Sociétés et cultures de l’Europe médiévale (XIe-XIIIe siècles)
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
Un monde chrétien (XIe-XIIIe siècles) ......................................... 23
Des sociétés organisées autour de la terre (XIe-XIIIe siècles) ............... 29
L’essor des villes en Occident (XIe-XIIIe siècles).............................. 35
PARTIE IV Nouveaux horizons géographiques
et culturels des Européens à l’époque moderne
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
Les Européens face à la diversité du monde aux XVe et XVIe siècles ......... 39
Les hommes de la Renaissance (XVe-XVIe siècles) ............................ 51
Un nouvel esprit scientifique et technique (XVIe-XVIIIe siècles).............. 61
PARTIE V Révolutions, libertés et nations à l’aube
de l’époque moderne
La montée des idées de liberté avant la Révolution ........................ 69
CHAPITRE 10 La Révolution française : un nouvel univers politique ...................... 75
CHAPITRE 11 Les luttes pour les libertés et les nations en Europe
(première moitié du XIXe siècle) .............................................. 87
CHAPITRE 9
© HATIER, 2010
ISBN : 978-2-218-94416-1
Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tous procédés, en tous pays, faite sans autorisation
préalable est illicite et exposerait le contrevenant à des poursuites judiciaires. Réf. : loi du 11 mars 1957, alinéas 2 et 3 de l’article 41.
Une représentation ou reproduction sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du droit de copie (20 rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris) constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
2
C HCAHPAI PT IRTER E
1
La place des populations
de l’Europe dans le peuplement
de la Terre (de l’Antiquité au XIXe siècle)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
• Les populations de l’Europe dans les grandes phases de la croissance de la population
mondiale et du peuplement de la Terre, de l’Antiquité au XIXe siècle.
• L’émigration d’Européens vers d’autres continents au XIXe siècle : une étude au choix
d’une émigration de ce type.
Bibliographie
• Les Grandes migrations. De Moïse à la mondialisation, Les Collections de l’Histoire
n° 46, janvier 2010.
• Jeanine Brun, America ! America ! Trois siècles d’immigration aux États-Unis,
Gallimard, Collection Archives, 1980.
• Sean Duffy, Atlas historique de l’Irlande, Autrement, 2002.
• Jean Dupaquier, Histoire de la population française, 4 vol., PUF, 1999.
• Christian Grataloup, Géohistoire de la mondialisation, Armand Colin, 2010.
• Annie Mariage-Strauss, L’Immigration aux États-Unis, Ellipses, 2002.
Sites internet
• Cité nationale de l’histoire de l’immigration : www.histoire-immigration.fr
• Site d’Ellis Island (en anglais) : www.ellisisland.org
• Institut Pasteur (sur l’histoire et l’œuvre de Louis Pasteur) :
http://www.pasteur.fr/ip/easysite/go/03b-000005-001/institut-pasteur/histoire
Filmographie
• Sur les immigrants irlandais à New-York :
Martin Scorsese, Gangs of New York, 2002.
• Sur des immigrants arméniens aux États-Unis :
Elia Kazan, America, America, 1963.
• Sur l’émigration italienne :
Emanuele Crialese, Golden Door, 2007.
3
Pages
Pages184-185
24-25
documents
Une mort omniprésente
Cette double page contextualise la transition démographique des xviiie-xixe siècle, en rappelant ce qu’est
l’ancien régime démographique marqué par un équilibre précaire entre natalité et mortalité, équilibre
régulièrement ébranlé par de graves crises démographiques en Europe.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
La peste qui touche Byzance a laissé un tel souvenir par
son ampleur que Procope de Césarée donne des chiffres
qui, sans être forcément faux, sont incroyables : 5 000 à
10 000 morts par jour. Mais surtout la catastrophe épidémique devient un bouleversement de l’ordre social : des
domestiques sans maîtres et vice-versa. Enfin, c’est le
salut des morts qui est même menacé puisque certains
ne sont pas enterrés chrétiennement. L’auteur fait de la
peste un événement apocalyptique.
Doc. 2
1. L’épidémie de peste noire qui touche l’Europe vient
d’Asie centrale. Le point de départ réel serait le lac Issyk
Koul.
2. La peste est semble-t-il passée par le nord de la mer
Noire, suivant ensuite la grande voie des marchands
gênois. L’Italie et Marseille sont touchées dès 1347, et la
peste remonte ensuite vers le nord en suivant les routes de commerce. Le port anglais de Waymouth est touché en juin 1348. Après une période de ralentissement
durant l’hiver, la progression de l’épidémie reprend à
l’été 1349 et cette seconde expansion pénètre l’intérieur
des terres plus largement et progresse vers l’Europe du
Nord. Si l’on ajoute le renversement de la conjoncture
économique (saturation de la production agricole par
rapport au peuplement) et les guerres, l’Europe perd
aux XIVe et XVe siècles entre la moitié et les deux tiers de
sa population.
Doc. 3
1. L’union entre Jacques Vivien et Madeleine Brayon a
duré 27 ans, ce qui est court. S’il n’y a pas de limitation
volontaire des naissances dans le mariage (la liaison
entre mariage-vie sexuelle-procréation est de règle), la
croissance de la population est régulée par le biais du
contrôle de la nuptialité et du mariage tardif, ici de l’homme (il a 29 ans lors du mariage, quand son épouse en a
4
18). On se marie quand on peut s’établir : la moyenne
s’établit plutôt vers 25 ans pour les filles au début du
XVIIIe siècle et cela réduit la descendance possible à sept
enfants en théorie.
2. Les époux Vivien ont eu au total onze enfants. Si la
natalité est élevée au XVIIIe siècle, c’est ici un cas extrême.
La fécondité naturelle théorique est de dix-douze enfants
par femme entre la puberté et la ménopause. La moyenne en France au milieu du XVIIIe siècle est plutôt de 4,6
enfants par femme, ce qui est très élevé malgré tout.
3. D’ailleurs, l’intervalle entre les naissances est à peu
près de deux ans, un peu plus long après 1736, l’épouse
atteignant déjà l’âge de 35 ans. Ces délais correspondent
aux intervalles intergénésiques de 30 mois en moyenne,
c’est-à-dire, le temps de la grossesse, les aménorrhées
après naissance et allaitement qui est relativement
long.
4. Sur onze naissances, seulement cinq enfants ont survécu, les autres ne dépassant pas l’âge de 10 ans.
5. La mortalité infantile est énorme (350 ‰ à la fin du
XVIIe siècle) ainsi que la mortalité juvénile en raison des
maladies infantiles (diphtérie, rougeole, etc.). Au total,
la moitié des enfants nés n’atteignent pas l’âge adulte
au XVIIe siècle et encore au milieu du XVIIIe siècle, comme
le disait Goubert dans son étude sur le Beauvaisis, « il
faut deux enfants pour faire un adulte ».
Doc. 4
Ce document montre une crise agricole et démographique typique d’Ancien Régime. L’envolée des prix du blé
est le signe de mauvaises récoltes. Pendant un an ou
deux, le nombre des décès double (voire est multiplié
par 3 ou 5 comme ici), le nombre des mariages et des
naissances s’effondre. Le facteur économique avec une
agriculture où la production est de l’ordre de 4 à 5 fois
la semence, 6 dans les bonnes années (soit 9 quintaux
à l’ha) est essentiel (mais toutes les chertés ne provoquent pas une crise). Toute récolte insuffisante provoque
la hausse des prix des céréales et du pain, parfois l’insuffisance physique des denrées, aggravée par les spéculations des gros producteurs qui attendent la hausse
pour vendre. Il y a alors disette, voire famine. Dans les
cas les plus dramatiques, les plus pauvres meurent de
faim ou sont affaiblis physiquement et constituent des
proies toutes désignées pour les épidémies. La crise est
grave car elle intervient dans un régime démographique
d’Ancien Régime où le taux de natalité ne dépasse que
faiblement le taux de mortalité (avec une part importante
de mortalité infantile).
Doc. 5
1. La caricature, si elle grossit le trait, montre cependant
le rôle que jouent les eaux impropres dans la transmission et l’ampleur des épidémies urbaines puisque c’est la
Tamise qui est responsable de celles-ci, « ses enfants ».
Mais il y a une seconde lecture possible.
2. En effet, si les villes sont mortifères jusqu’au XIXe
siècle, c’est à la fois par la densité de population et la
promiscuité qui amplifie les épidémies et aussi par leur
caractéristique sociale : une frange paupérisée de la
population qui vit dans des conditions d’habitat et d’hygiène précaire (dans l’East End de Londres notamment,
quartier des docks et des usines dont on voit les fumées
à l’arrière-plan) est particulièrement fragile et exposée à
ces maladies dont l’intensité suit très clairement au XIXe
siècle la géographie sociale des villes.
Doc. 6 et 7
Ces deux documents révèlent que, jusqu’au XIXe siècle, la
population n’a guère d’autre réponse face à la mortalité
et aux épidémies que de s’en remettre aux croyances
(recettes de « grands-mères », religion).
Pages
Pages184-185
26-27
documents
Une révolution
démographique
La révolution démographique s’étend en Europe du
milieu du xviiie siècle à la fin du xixe siècle, le ralentissement de la croissance s’opère à partir des années
1880 et le retour à une croissance faible caractérise la
période postérieure à 1930. L’ensemble de documents
permet de lister les causes de cette révolution qui fait
passer la population européenne de 167 millions
en 1750 à 430 millions en 1900.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. La production de céréales augmente de 30 % sur un
siècle.
2. Le facteur décisif de l’augmentation de la population
réside dans le progrès économique et l’amélioration des
conditions de vie, en particulier les progrès de l’agriculture. L’augmentation de la production agricole avec augmentation des rendements et de la productivité permet
de nourrir mieux et davantage d’hommes tout en réduisant le nombre de ceux qui travaillent la terre. Le progrès
agricole réduit les crises alimentaires, améliore l’alimentation ordinaire et facilite la résistance aux épidémies. La
mort recule et les crises de subsistances commandent
moins les variations de la population.
Doc. 2
1. Tenon entend organiser l’hôpital selon un souci
avant tout hygiéniste : assurer la propreté des salles,
du malade, et tenir à distance les visiteurs, cloisonner
les espaces en séparant le sale du propre. Il s’inquiète
aussi de ce qu’il appelle la « sensibilité » du malade : la
guérison suppose le repos et la tranquillité du malade,
considération nouvelle en médecine.
2. L’objectif de l’hôpital, tel que le conçoit Tenon, est avant
tout d’éviter la mortalité due aux infections.
Doc. 3
Pasteur préconise en 1878 une désinfection des mains
du chirurgien et de ses instruments ainsi que des pansements. C’est cela l’asepsie, ici par la chaleur. Finalement,
il reprend, un siècle après, les recommandations de
Tenon mais en y apportant une solution technique. Ce
qui révèle que les principaux progrès de la médecine,
et leur mise en pratique, sont assez tardifs. La confrontation des deux textes va dans le sens de l’affirmation
d’Yves Blayo (cf. « La mortalité en France de 1740
à 1829 », dans la revue Population, 1975) qui estime
que « le recul de la mortalité est indépendant de tout
progrès médical, du moins à ses débuts ». En effet, la
croissance démographique se constate dès la fin du XVIIIe
siècle alors que les progrès notables en médecine datent
de la seconde moitié du XIXe siècle. À partir de la fin du
siècle, la diminution de la mortalité repose davantage sur
les progrès scientifiques et médicaux. En 1865, Claude
Bernard publie son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale. Entre 1857 et 1885, Pasteur impose
l’asepsie et l’antisepsie et il établit scientifiquement l’origine microbienne des maladies infectieuses. Il invente la
vaccination et les bacilles responsables des principales
infections sont découverts entre 1883 et 1895.
À la fin du XIXe siècle, la combinaison asepsie/antisepsie/
anesthésie par le chloroforme réduit très sensiblement
la mortalité post-opératoire et les décès des femmes par
fièvres puerpérales.
Doc. 4
La vaccination consiste à inoculer un virus en très faible quantité ou d’un type moins virulent, « diminué »
dit Pasteur, il habitue alors le corps à la maladie et la
prévient.
5
Doc. 5 et 6
La première vaccination, telle que l’a décrite Pasteur, a
été faite par Edward Jenner qui, en 1796, inocule la variole de la vache (la vaccine) à un enfant pour l’immuniser
contre la variante humaine de la maladie. D’où l’origine
du mot vaccination, du latin vacca, la vache. Jenner a
pourtant eu du mal à imposer sa découverte. La vaccination se répand dans toute l’Europe mais surtout dans
la seconde moitié du XIXe siècle. C’est une révolution dans
la mesure où la médecine ne se contente plus de soigner,
mais elle prévient, de façon simple et à grande échelle.
Doc. 7
Cette publicité révèle la prise de conscience de l’importance de l’hygiène dans la prophylaxie. Elle s’inscrit
dans le courant hygiéniste du XIXe siècle et l’évolution
des sensibilités étudiée par Alain Corbin : la saleté et
les mauvaises odeurs sont associées aux miasmes qui
transporteraient les maladies.
Doc. 8
Les progrès de l’hygiène publique jouent sans doute un
rôle plus important que ceux de la médecine dans la baisse de la mortalité. C’est finalement le développement de
l’État qui permet de mieux limiter les épidémies : les quarantaines sont réellement appliquées, les travaux d’urbanisme aèrent la ville et l’assainissent avec le pavage
des rues et le creusement d’égouts tout au long du XIXe
siècle. En évitant la stagnation des eaux putrides et des
déjections, la diffusion des microbes est freinée.
Pages
Pages184-185
28-29
étude
Deux pays face à la
transition démographique
Si la révolution démographique fait passer toute
l’Europe d’une faible croissance démographique à
une croissance plus élevée (la véritable croissance se
faisant surtout après 1840-1850), on peut distinguer
deux modèles : la France, la Belgique, les Pays-Bas,
l’Italie et la péninsule ibérique ont une croissance
plus modérée et la France sort très tôt de la transition
démographique (on peut parler d’une exception française) ; les Îles britanniques, l’Europe scandinave et
germanique connaissent une croissance plus élevée.
Deux modèles différents de la transition
démographique
1. Les courbes de natalité et de mortalité diminuent
6
toutes les deux, mais de façon décalée. Si on excepte
la période exceptionnelle de la Révolution, la mortalité
baisse de 1770 à 1800 tandis que la natalité reste élevée. De 1800 à 1900, les deux taux baissent à la même
allure mais avec un écart entre les deux qui assure une
croissance démographique. Les deux taux se rejoignent
en stagnent à peu près à partir de 1900. Dans l’entredeux-guerres, la mortalité dépasse cette fois régulièrement la natalité : la population française décroît.
2. Le taux d’accroissement naturel en France est de l’ordre de 0,6 % en 1750, quasi nul dès 1850 et en 1900. La
croissance de la population due à la transition démographique s’arrête très tôt en France.
3. Le taux d’accroissement naturel en Angleterre est de
0,8 % en 1750, 1,1 à 1,2 % en 1850 et 1,3 % en 1900. La
population anglaise connaît donc une croissance plus
importante et plus durable car la natalité a beaucoup
plus augmenté, et de façon précoce, et s’est maintenue
à des taux élevés très longtemps.
4. Les deux populations rajeunissent, de façon plus nette
en Angleterre qu’en France : en France, les moins de 15
ans étaient environ 8 millions en 1750 et plus de 9 millions en 1901 ; en Angleterre, ils étaient respectivement
2 millions en 1751 mais plus de 11 millions en 1901.
L’impact de la transition démographique
5. Les élites anglaises redoutent au XIXe siècle une
surpopulation surtout urbaine car, dans le même temps,
l’exode rural est important (bien plus qu’en France).
6. La thèse de Malthus repose sur l’idée que l’enrichissement de la population et son développement économique supposent un équilibre minimum entre capacité de
production et démographie. Si la population augmente
plus vite que la croissance économique, la prospérité
est mise en péril. Il préconise de ce fait un contrôle des
naissances, ce qu’on appelle le malthusianisme.
7. Les élites françaises, hommes politiques, publicistes,
médecins... s’inquiètent à l’inverse de la dénatalité de
la France depuis le milieu du XIXe siècle. L’affiche met en
valeur la famille nombreuse et lie cet impératif de relance
de la natalité à un argument patriotique en représentant
le père de famille en soldat, mais aussi au développement économique (cf. le jeune paysan en arrière-plan).
Rédiger
Si la France et l’Angleterre connaissent toutes deux une
transition démographique, l’accroissement de la population est proportionnellement moins important en France.
On peut relever au moins deux différences majeures :
– la première différence, c’est la diminution en France
de la natalité dans la seconde moitié du XVIIIe siècle alors
qu’elle augmente en Angleterre. Cette différence s’explique par le retard de l’âge du mariage en France (après
1775 surtout) alors qu’il diminue en Angleterre. Cette différence de comportement renvoie à des situations économiques très différentes. En Angleterre, la réponse économique à la croissance démographique est suffisante
pour entretenir la croissance démographique. En France,
la croissance de la population n’étant pas accompagnée
d’une augmentation aussi forte de la production agricole,
elle suscite des tensions croissantes et l’émergence des
premières pratiques contraceptives ;
– la diminution exceptionnelle et constante de la natalité
en France tout au long du XIXe siècle avec pour conséquence le ralentissement précoce de la croissance de
la population.
Pages 32-33
étude
L’immigration irlandaise
à la suite de la Grande
Famine
Doc. tif
ac
inter
L’étude de l’immigration irlandaise aux États-Unis
s’inscrit dans le phénomène plus large de peuplement
européen des « pays neufs ». Elle en dégage les grandes
caractéristiques : facteurs économiques, réseaux dans
lesquels s’inscrit toute forme de migration importante
et la question de l’intégration dans le pays d’accueil.
Ré p ons e s a ux que s tions
La Grande Famine
1. La famine qui touche l’Irlande entre 1845 et 1849 est
due à une maladie de la pomme de terre qui décime les
récoltes. Cette culture a été introduite par les Anglais
et permet aux paysans des terres les plus pauvres de
survivre.
2. Aussi, les mauvaises récoltes successives ôtent aux
Irlandais la seule nourriture dont ils disposent, tandis
que l’Angleterre ne livre que peu de blé à l’Irlande.
3. On constate d’ailleurs que ce sont les régions de collines et de montagnes de l’Ouest, aux terres les moins
cultivables, qui sont les plus touchées par la famine : province du Connaught, ouest du Munster, nord de l’Ulter.
Le Leinster (la région de Dublin à l’est) et le centre du
Munster où les terres les plus fertiles se situent, mais
qui appartiennent souvent à des grands propriétaires
anglais, sont moins touchés.
Une émigration de masse
4. L’Irlande perd un tiers de sa population, à la fois du fait
de la Grande Famine et du fait d’une émigration importante (10 à plus 14 % selon les comtés).
5. Les régions les plus touchées par la famine sont également celles d’une forte émigration vers l’Angleterre
puis les États-Unis, seul espoir de survie des paysans
irlandais qui ont survécu.
6. L’émigration irlandaise se destine rapidement de façon
privilégiée vers l’Amérique du Nord et surtout les grandes villes de la côte Est (New York, Boston, Philadelphie).
Le phénomène est d’autant plus marqué que ces mouvements migratoires reposent sur des réseaux, familiaux,
villageois, régionaux ou de métiers.
7. L’immigration irlandaise se concentre dans quelques
villes américaines et notamment New York. La localisation dépend des itinéraires : les Irlandais embarquent
à Liverpool pour New York ou Boston. De manière plus
générale, les historiens décrivent un triangle « magique » de l’installation des immigrants du XIXe siècle :
Nouvelle-Angleterre/Saint-Louis/Washington en concentre les deux tiers. Les Irlandais s’entassent donc dans
les quartiers pauvres des grandes villes. C’est une population éminemment urbaine. Encore en 1920 alors que
50 % de la population américaine est urbaine, on atteint
un taux de 86 % pour les seuls Irlandais. Quand ils arrivent, ils n’ont plus d’argent : le peu qu’ils avaient a servi
à payer la traversée sans compter les escroqueries diverses des intermédiaires. Cela explique aussi pourquoi
nombre d’Irlandais reste sur place à New York, faute d’argent pour acheter une terre et continuer leur chemin vers
l’Ouest. Les Irlandais jouent aussi dans cet enracinement
nouveau qui fait de New York une ville irlandaise. Depuis
1820, le maire qui a des pouvoirs de plus en plus étendus
est élu au suffrage universel. Se met alors en place ce
qu’on appelle la « machine » qui consiste à quadriller les
quartiers les plus peuplés pour faire voter pour le candidat désigné : les Irlandais sont passés maîtres dans ce
système où chaque quartier est contrôlé par un boss. Le
boss a à la fois un rôle éducatif (politiquement), d’où le
fait que ce soit souvent un tenancier de saloon (comme
le grand-père Kennedy), et d’assistante sociale : il procure logement, emploi aux primo-arrivants. À New-York,
c’est le cas de Tammany Hall qui est une association de
secours tenue par les Irlandais démocrates depuis 1837
jusqu’au début du XXe siècle, avant d’être remplacé dans
l’entre-deux-guerres par la machine italienne.
Rédiger
L’Europe est un continent d’émigration au XIXe siècle pour
7
plusieurs raisons à développer : une forte croissance
démographique due à la transition démographique, un
surpeuplement surtout dans les régions à l’équilibre
économique précaire et qui demeurent agricoles, des
accidents (crise agricole) accélérant les départs.
Pages 34-35
documents
L’émigration européenne
au XIXe siècle
La double page permet d’élargir l’étude précédente sur
le cas irlandais tout en montrant les politiques diverses des pays d’accueil : politique volontariste canadienne ou politique d’ouverture puis de fermeture,
aux accents xénophobes, des États-Unis.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Les immigrants italiens viennent des couches rurales
pauvres de l’Italie (souvent du Sud), mais pas pauvres
au point de ne pas posséder une maison, c’est-à-dire de
pouvoir se payer le voyage. Les plus pauvres sont finalement restés en Italie du Sud ou en Sicile.
2. Ils viennent aux États-Unis trouver le travail qui ne leur
permet pas de vivre en Italie, mais Jacob Riis évoque
aussi le « rêve américain », disant que les Italiens espèrent un « salaire princier ». Les historiens ont relativisé
ce facteur.
3. Leurs maigres ressources leur ont permis d’acheter
un billet à un « padrone » installé en Amérique. On voit
fonctionner ici les réseaux sur lesquels reposent les
mouvements migratoires – réseaux d’exploitation systématique de pauvres hères abusés, « ignorants » et
illettrés, à qui le « compatriote » qu’est le padrone, fournit gîte et emploi, puisque ces nouveaux venus ne savent
pas un mot d’anglais. C’est pourquoi ils « restent » à
New York, insiste Jacob Riis. Les Italiens demeurent en
effet remarquablement fidèles aux quartiers (au niveau
duquel joue aussi la solidarité du village d’origine) dans
lesquels ils se sont établis à leur arrivée : East Harlem,
Fiorello la Guardia, le Nord du Bronx, Staten Island et une
partie de Greenwich Village dans Manhattan et qui correspond à ce que l’on appelle ensuite Little Italy.
Doc. 2
L’Australie connaît une forte immigration à la fin du XIXe
siècle. L’attrait est ici plus particulier, car les conditions
8
de vie sont difficiles, et correspond à une démarche plus
risquée d’individus, souvent des célibataires, en proie au
mirage de la quête de l’or.
Doc. 3
1. Les États-Unis, terre de liberté religieuse (cf. le
Mayflower) est vue par les Juifs d’Europe centrale, et
particulièrement de Russie (cf. Nicolas II désigné par
Roosevelt sur l’image), victimes des pogroms de la fin
du XIXe siècle, comme un refuge. Cette image a un double
sens : certes, c’est une dénonciation de la discrimination
et des persécutions antisémites, mais elle s’inscrit également dans une période où le gouvernement s’inquiète
de ce que les Américains appellent une « nouvelle immigration » (doc. 6).
2. Il s’agit donc ici d’une immigration de demandeurs
d’asile.
Doc. 4
Le gouvernement canadien a depuis le XIXe siècle une
politique d’immigration favorisée et choisie en même
temps. Il lui importe de pouvoir mettre en valeur ses
terres et également exploiter ses ressources en bois et
en minerais, tandis que le Canada est sous-peuplé.
Doc. 5
1. L’économiste Leroy-Beaulieu raisonne en termes de
gain pour l’économie et souligne que les pays d’accueil
gagnent dans l’immigration une force de travail.
2. De ce fait, son analyse des conséquences de ces
migrations pour l’Europe est double : l’émigration soulage l’économie du « poids » de l’aide aux plus pauvres,
et évite l’explosion sociale, mais la prive d’un renouvellement de la main-d’œuvre et des plus jeunes. Le risque
est donc que l’économie européenne soit décrochée. Il
faut souligner que c’est ici un Français qui s’exprime dans
les années 1870, alors que les élites s’inquiètent de la
dénatalité propre à la France (cf. étude sur la transition
démographique, p. 28-29), surtout au lendemain de la
défaite de 1870 qui fait douter la France.
3. Il désigne déjà l’Europe du terme de « Vieux Continent »
pour exprimer ce risque d’une Europe qui n’aurait plus
le rôle leader dans le progrès technique et industriel
qu’elle avait jusque-là, au détriment des États-Unis
notamment.
Doc. 6
Jusqu’aux années 1880, les États-Unis ont accueilli les
immigrants dont ils avaient besoin et qui ont participé
à l’industrialisation impressionnante des États-Unis. Au
début du XXe siècle, une méfiance s’installe et gagne les
élites. Elle aboutit, au moment où en politique extérieure
les États-Unis optent pour l’isolationnisme, à la loi des
quotas de 1921.
Dès les années 1890 en fait les autorités s’inquiètent.
La crainte est que les nouvelles vagues d’immigrations
risquent de perturber l’équilibre social et géographique de l’Amérique : un risque de prolétarisation car ce
seraient des immigrés moins qualifiés et un déséquilibre
accru en faveur des villes dans lesquelles les immigrants
s’entassent qui renforce la fin d’une Amérique agraire
perdant son âme et ses valeurs. Dans son Histoire du
peuple américain publiée en 1902, le futur président
Woodrow Wilson avait déjà vu déferler « des multitudes
d’hommes des classes les plus basses du Sud de l’Italie,
et des hommes de l’espèce la plus médiocre de Hongrie
et de Pologne..., des éléments les plus sordides... ».
En 1907, Théodore Roosevelt fit nommer par le Congrès
une commission sur l’immigration, présidée par le sénateur du Vermont William P. Dilligham. Son rapport reprend
tous les lieux communs égrenés par l’opinion, en insistant sur les caractères spécifiques de cette « nouvelle
immigration » – tous négatifs. L’opinion dominante au
début du siècle est donc que cette nouvelle immigration
est allogène et inassimilable ! À cela s’ajoute la crainte
du socialisme ! Après le Reading Test instauré en 1917
(tout étranger de plus de seize ans devait prouver qu’il
pouvait lire entre 30 et 80 mots d’anglais), la politique
devient draconienne.
La loi de 1921 instituait le premier système de quotas.
La loi de 1921 est la première « loi de quota » qui, se
basant sur le recensement de 1910, limitait l’immigration
annuelle à un maximum de 3 % pour chaque nationalité,
à concurrence de 357 000. Elle parut insuffisante à
ceux qui voulaient les ressortissants d’Europe orientale
et méridionale. La loi de 1924 abaisse le quota de 3 % à
2 %, et transfère l’année de référence de 1910 à 1890.
Les résultats se lisent dans les chiffres de l’immigration :
le contingent annuel d’Italiens avait été réduit de 42 000
à 3 800, de Russes de 34 000 à 2 200 et d’Anglais de
68 000 à 62 000 entre 1910 et 1928 !
Pages 36-37
histoire des arts
Lewis W. Hine photographie
les immigrants italiens
La photographie de Lewis H. Hine est ici traitée non
pas simplement comme un exemple de photoreportage illustrant l’immigration italienne aux États-Unis,
mais aussi en prenant la photographie pour l’œuvre
d’art qu’elle a été chez cet Américain. L’étude vise à
montrer comment une photographie peut être composée de façon aussi élaborée qu’une peinture. Lewis H.
Hine se situe par ailleurs dans le mouvement progressiste américain des années 1890-1900 qui se penche
sur les oubliés du rêve américain.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. La photographie a été prise à Ellis Island, au large de
New York, lieu de transit obligé des immigrants, sans
doute plus précisément dans le grand hall où ceux-ci
attendent avant l’examen médical, et le passage de la
douane.
2. Lewis H. Hine a choisi de centrer sa photographie
sur une mère italienne (cf. les vêtements) et sa fille. Le
cadrage est serré.
3. La photographie se compose de deux plans : au premier
une femme et sa fille, au second un groupe d’hommes et
un policier en uniforme. La grille renforce la composition
et la séparation entre ces deux mondes.
4. Tandis que la femme et sa fille sont photographiées
dans un moment de tendresse maternelle, les hommes derrière se tiennent debout, sans activité précise,
comme hagards.
5. La photographie obéit également à un jeu de regards :
la mère regarde son enfant et inversement. Les personnages de second plan, plus flous, regardent en fait non
la femme et sa fille, mais le photographe et donc le spectateur de la photographie.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
6. Une Madone est un type de peinture religieuse représentant la Vierge à l’Enfant. Non seulement Lewis H. Hine
a intitulé ainsi sa photographie car la position des personnages obéit à cette représentation, mais aussi parce
que la lecture de l’œuvre montre à quel point cette photographie est construite et conçue comme une œuvre d’art
plus que comme une photographie de reportage.
7. La confrontation de la photographie presque intimiste et de la légende qui rappelle que, ce jour-là, 12 000
immigrants sont arrivés à Ellis Island, montre que Hine
met dans son œuvre un message politique : il invite les
Américains à considérer les immigrants comme des individus avec la même humanité que celle dont ils peuvent
faire preuve en étant touchés par le portrait de cette
mère et de sa fille.
9
8. Le reportage de Hine montre une immigration italienne
de gens modestes, pour la plupart des paysans du Sud
de l’Italie.
9. Ceux-ci doivent franchir une série d’obstacles et de
barrières avant de pouvoir entrer aux États-Unis et s’y
installer : un examen médical car les autorités craignent
les épidémies, un contrôle d’identité mais aussi l’obligation de pouvoir subvenir à ses besoins en arrivant en
justifiant auprès du bureau de change d’un minimum
d’économies (20 dollars à partir de 1909).
10. Les immigrants vivent ensuite dans des conditions
misérables, plusieurs familles partageant un appartement dans les immeubles anciens et abandonnés de
New York ou les tenements. La famille du document 2
occupe ainsi une seule pièce qui sert de chambre, cuisine, pièce à vivre et même souvent de lieu de travail
pour les femmes qui travaillent à la pièce pour des fabricants en textile.
11. Lewis H. Hine attire l’attention des Américains sur les
conditions sociales et de dénuement des immigrants. Il
se situe dans le mouvement progressiste, né à la fin du
début du siècle aux États-Unis, qui s’inquiète de la paupérisation de toute une frange de la population américaine qui invite à repenser l’intégration mettant en valeur
l’enrichissement mutuel apporté par la diversité (comme
le philosophe John Dewey) craignant l’évolution vers une
société fragmentée en groupes ethniques et religieux
juxtaposés. Mais il dénonce aussi implicitement le traitement que les autorités réservent aux immigrants dans
cette période de xénophobie montante et quasi officielle
aux États-Unis face aux nouveaux immigrants d’Italie et
d’Europe centrale. C’est à cette époque que naît l’expression melting pot, non pour désigner une réalité qui n’a
guère jamais existé aux États-Unis mais comme un but
à atteindre.
Page 40
Exercices
et méthodes
L’évolution
de la population mondiale
de 400 avant J.-C. à 1900
Ré p ons e s a ux que s tions
1. La population mondiale totale a évolué entre 400
avant notre ère et 1900 de :
(1613 – 152)
× 100 = 961,18 %
152
10
2. En 400 avant notre ère, la population européenne
représentait 21 % de la population mondiale, chiffre qui
n’évolue guère jusqu’en 1800. En 1900, l’Europe regroupe 26 % de la population mondiale. Cette part augmente
car l’Europe connaît au cours du XIXe siècle la transition
démographique.
3. En 1500, le continent américain représentait 8 % de la
population, mais seulement 1,7 % en 1600 du fait de la
conquête espagnole. Cependant, en 1900, le continent
représente à nouveau 10 % de la population mondiale car
il a vu affluer au XIXe siècle les migrants d’Europe.
Méthode
Lire le tableau et en comprendre les données
1. Les données sont les chiffres de populations par
région du monde. Ils sont donnés en millions d’habitants.
Les bornes chronologiques sont 400 avant notre ère et
1900, date de la dernière série de données (dernière
colonne). Chaque ligne du tableau correspond à l’évolution de la population d’une région du monde, tandis que
les entrées par colonne donnent les chiffres de population à une date donnée entre 400 avant notre ère et
1900.
2. Les chiffres de populations sont donnés en valeur
absolue.
Exploiter le tableau
3. La population mondiale entre 400 avant J.-C. et 1900
a augmenté de :
(1613 – 152)
× 100 = 961,18 %
152
La population européenne entre 400 avant J.-C. et 1900
a augmenté de :
(422 – 32)
× 100 = 1218,75 %
32
4. La part de la population européenne en 400 avant
J.-C. est de :
(32)
× 100 = 21, 05 %
152
Exercice d’application
1. La première question amène à montrer en calculant
quelques taux d’accroissement que l’émigration européenne commence avec les Grandes Découvertes et
progresse alors régulièrement. C’est au XIXe siècle qu’elle
connaît une accélération importante qu’on ne peut expliquer que par la transition démographique et l’essor des
moyens de transports modernes.
2. C’est très nettement l’Amérique du Nord qui profite des
ces migrations, accueillant 73 % des migrants européens
entre 1860 et 1920.
Page 41
Exercices
et méthodes
L’arrivée des immigrants
européens aux États-Unis
Ré p ons e s a ux que s tions
1. Le document est une caricature parue dans un journal américain Judge. Ce document reflète donc, en le
poussant à l’extrême, le sentiment de l’opinion publique
américaine. En effet, l’immigration devient encore plus
massive à partir des années 1880, avec une année
record en 1907. La population étrangère représente
ainsi, en 1900, 13,4 % de la population totale. C’est un
choc énorme qui entraîne dans les élites (journalistes,
universitaires, hommes politiques) un discours xénophobe. La caricature ne cherche pas ici à dénoncer mais,
au contraire, flatte le courant xénophobe montant dans
les années 1890 envers ce que l’on appelle aux ÉtatsUnis une « nouvelle immigration », jugée dangereuse
pour le pays.
2. La caricature pointe la menace d’épidémie qu’apportent avec eux les immigrants. Mais il s’agit plutôt
d’agiter un épouvantail qui cache surtout une crainte
sociale, voire raciale. Les immigrants ici ne sont pas
anglo-saxons et, surtout, sont d’une extrême pauvreté.
En effet, ce sont les Italiens, les Russes et les citoyens
de l’Empire austro-hongrois qui représentent la majeure
partie de cette vague. La caricature reprend la crainte
d’un désordre social et d’une perte des valeurs américaines formulée par exemple par J-H Noble dans un article
publié dans la revue La Nation, à la fin de l’année 1891 :
« Lorsqu’on étudie les chiffres année par année, l’importance du changement devient frappante. À mesure
que l’influence des races teutonnes diminue, celle des
races latines et slaves augmente. Il n’est pas possible
de discuter des mérites respectifs des différentes
races, mais il est instructif de comparer leurs professions et leurs conditions sociales. [...] En raison de ses
caractères particuliers, la nouvelle immigration enfle
démesurément les classes qui sont au bas de l’échelle
économique. Elle fait peser une menace de désordre en
modifiant la proportion entre les sexes. Elle comporte un
grand nombre de personnes trop âgées pour s’adapter à
la communauté dont elles vont faire partie. Enfin, elle ne
nous est pas liée par la race ou la langue : elle a un mode
de pensée et un comportement qui sont radicalement
étrangers à ceux qui ont jusqu’à présent formé la majorité de la population aux États-Unis. » Une « idéologie de
l’exclusion » (J. Brun), fondée sur des critères raciaux
et ethniques, se développe à la fin du XIXe siècle aux
États-Unis. Elle est le fruit d’un futur sénateur conservateur du Massachussetts comme Henry Cabot Lodge,
d’un historien réputé comme Henry Adams, d’un avocat
comme Prescott Hall – le fondateur en 1894 à Boston
de l’Immigration Restriction Leagu –, d’un grand patron
comme Henry Ford et, plus encore, de savants, anthropologues comme John Fiske, Josiah Strong, William Ripley
et Madison Grant, des biologistes réprouvant le mélange
des races et légitimant une « nécessaire » hégémonie
raciale anglo-saxonne. La liste des peuples jugés inassimilables s’allonge progressivement : aux Indiens et aux
Noirs, s’ajoutent désormais les Chinois, mais aussi les
Blancs « slavo-latins », et « Juifs d’Orient »... inassimilables, c’est-à-dire « in-américanisables » !
3. La caricature fait, au-delà de ses accès de xénophobie,
apparaître les caractéristiques des migrants européens :
à la fin du XIXe siècle, ce sont surtout des Italiens, pour
des raisons économiques, et des Juifs d’Europe centrale, qui fuient les pogroms de Russie, qui émigrent.
Alors que les vagues précédentes, depuis les années
1840, étaient surtout constituées d’Irlandais, d’Anglais
et d’Allemands... À la fin du XIXe siècle, ce sont davantage
les Européens de l’Europe du Sud et de l’Est qui partent
et ils sont moins qualifiés que la moyenne des migrants
du XIXe siècle (les non qualifiés représentent 48 % des
migrants russes, 58 % des Italiens, alors que la moyenne
des migrants européens au XIXe siècle est plutôt de 38 %
de non qualifiés). Le visage des migrations change.
11
Méthode
1.
Éléments de l’image
1. L’Oncle Sam (Uncle Sam).
Signification
Connaissances tirées du cours
1. Symbole des États-Unis.
1. Les États-Unis sont la première terre
d’accueil d’immigrants au XIXe siècle.
2. Entrée du port avec l’inscrip- 2. Les premières restrictions
2. Dès les années 1890, les autorités
tion : « Fermé aux émigrants
américaines face à l’immigration s’inquiètent. Les contrôles à Ellis Island sont
atteints du choléra ».
européenne.
renforcés et les conditions d’accès incluent
notamment de pouvoir disposer d’au moins
20 dollars à l’arrivée sur le sol américain.
En avril 1891, un vote du Congrès fait naître
le bureau de l’immigration : rapidement l’institution est aux mains des milieux hostiles à
l’immigration.
3. Un immigré ventripotent et
3. La crainte face à l’arrivée
3. La crainte est que les nouvelles vagues
rougeaud et un Juif en haillons. d’immigrants pauvres, qu’on
d’immigrations risquent de perturber l’équijuge « inassimilables ».
libre social : un risque de prolétarisation car
ce seraient des immigrés moins qualifiés. La
présence du Juif est significative également
d’une nouvelle immigration d’Italiens et
de nombreux Juifs d’Europe centrale et de
Russie qui fuient les pogroms.
4. Un squelette recouvert d’un 4. La crainte de l’immigration
4. Les contrôles sanitaires et la quarantaine
drap avec l’inscription « choléra associée aux épidémies.
à Ellis Island.
asiatique ».
5. Les cheminées et le mât d’un 5. Les flux d’immigrants qui
5. C’est aussi l’ampleur de l’immigration
navire.
arrivent en nombre.
qui inquiète : les années 1890 et 1900
voient les taux maximums d’arrivée. Les
Américains craignent un déséquilibre.
6. Au loin, le continent européen. 6. L’Europe représente le « Vieux 6. Les années 1890 sont marquées aussi
Continent » dont les États-Unis par une politique isolationniste américaine.
veulent se couper.
Exercice d’application
Analyse doc. 5 p. 25
La compréhension de cette caricature nécessite une
grande attention à tous les détails. À première vue,
elle met en avant la peur que suscite les eaux impropres dans la transmission et l’ampleur des épidémies
urbaines puisque c’est la Tamise qui est responsable
de celles-ci, « ses enfants ». Mais le paysage oppose le
quartier des docks et des usines dont on voit les fumées
à l’arrière-plan et le cœur historique de la ville (on devine
Saint-Paul à gauche). L’image révèle également la peur
sociale et le fait que les épidémies touchent particuliè12
rement la frange ouvrière et populaire de la population
londonienne, fragile et exposée à ces maladies dont l’intensité suit très clairement au XIXe siècle la géographie
sociale des villes.
Analyse doc. 6 p. 35
Ces deux caricatures s’étudient en parallèle tant elles utilisent les mêmes éléments graphiques et symboliques :
le passage entre deux rives (États-Unis et Europe), mais
de deux façons différentes (l’arche de Noé de l’image de
1881 contre l’entonnoir en 1921) et la figure de l’oncle
Sam. Elles illustrent le tournant radical opéré par la politique d’immigration américaine dès les années 1880 et
qui aboutit aux quotas de 1921 et 1924.
Page 42
réviser
Exercice 1
1. b ; 2. a, b et c ; 3. b.
Exercice 2
1. Transition sanitaire ou transition épidémiologique.
2. Prophylaxie.
3. Surpopulation.
4. Migration.
Exercice 3
1. Sous l’Ancien Régime, les accidents démographiques
sont nombreux car l’équilibre démographique est précaire (les naissances dépassant tout juste les décès) ;
dans ces conditions, comme la population dépend exclusivement de la production agricole et que l’agriculture
ne connaît pas de progrès importants, toute mauvaise
récolte entraîne rapidement une disette, voire une
famine.
2. La transition démographique entraîne une forte croissance démographique à la fois parce que la mortalité
baisse de façon sensible et parce que les naissances
restent nombreuses, voire augmentent dans un premier
temps, comme dans le cas anglais.
3. L’émigration européenne a été importante car ce
continent connaît alors la transition démographique.
Or ces migrations se font en majorité à destination de
la côte Est des États-Unis, où l’immigration est favorisée jusqu’aux années 1880 par le gouvernement et par
les réseaux d’immigrants. Ces facteurs entraînent une
forte concentration de population dans ce qui devient
au XXe siècle la Mégalopolis.
4. Les États Européens encouragent les départs (vers
les États neufs ou les colonies) y voyant une soupape
de sureté contre la paupérisation et une crise sociale.
De leur côté, les pays neufs comme le Canada (dominion depuis 1867), par des campagnes de publicité et
l’octroi de terres à bas prix, favorisent l’installation des
Européens pour développer leur économie.
Exercice 4
• Louis Pasteur est connu pour ce que l’on a appelé au
XXe siècle la « révolution pasteurienne », à savoir l’introduction de l’asepsie (en médecine comme dans la production laitière avec la pasteurisation) et l’inventeur de
la microbiologie. Grâce à une meilleure connaissance des
microbes et des virus, il a fait faire un progrès important
à la vaccination.
• Thomas R. Malthus est un économiste anglais qui
dans son Essai sur le principe de la population tente
d’apporter une théorie scientifique et mathématique de
la croissance démographique et de ses limites que sont
les capacités de production d’un État ou d’une région. Il
en déduit la nécessité de maintenir un équilibre entre
les deux qui seul, d’après lui, permet de garantir le progrès et l’enrichissement de tous : théorie qu’on appelle
le malthusianisme.
Exercice 5
Voir carte page 22.
13
C HCAHPAI PT IRTER E
2
L’invention de la citoyenneté
dans le monde antique
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
1. Citoyenneté et démocratie à Athènes (Ve-IVe siècle av. J.-C.).
La mise en œuvre indiquée par le programme pour cette question est la suivante :
– la participation du citoyen aux institutions et à la vie de la cité :
fondement de la démocratie athénienne.
– la démocratie vue et discutée par les Athéniens.
2. Citoyenneté et empire à Rome (Ier-IIIe siècle).
La mise en œuvre indiquée par le programme pour cette question est la suivante :
– l’extension de la citoyenneté à la Gaule romaine : les tables claudiennes ;
– l’extension de la citoyenneté à l’ensemble de l’empire : l’édit de Caracalla.
Bibliographie
Sur Athènes et Rome
• Claude Nicolet, Jean-Marie Bertrand, Daniel Nony, Citoyen dans l’Antiquité,
Documentation photographique, La Documentation française, 1998.
Sur Athènes
• Nicole Loraux, La Tragédie d’Athènes. La politique entre l’ombre et l’utopie,
Le Seuil, 2005.
• Claude Mossé, Histoire d’une démocratie : Athènes, Le Seuil, 1971.
• Anne Queyrel, Athènes, la cité archaïque et classique, Éditions Picard, 2003.
Sur Rome
• Peter Garnsey, Richard Saller, L’Empire romain. Économie, société, culture,
La Découverte, 2001.
• H. Inglebert, P. Gros, G. Sauvon, Histoire de la civilisation romaine, PUF, 2005.
Sites internet
• Le site Hérodote :
www.herodote.net
• Le site des musées gallo-romains, présentation de la table claudienne :
www.musees-gallo-romains.com/fourviere/accueil/index.html
• Le site de l’université de Caen, maquette de Rome et reconstitution en 3D :
www.unicaen.fr/services/cireve/rome/index.php
15
Pages 48-49
documents
La cité d’Athènes
L’étude d’Athènes nécessite de replacer clairement la
cité grecque dans son contexte antique, loin parfois
des représentations dont elle a fait l’objet jusqu’à nos
jours. Il faut avoir à l’esprit que, comme les autres cités
de l’époque classique, elle repose sur l’exclusion d’une
composante majoritaire de sa population, au profit
d’une minorité de citoyens.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1, 2 et 3
1. Les esclaves ne sont pas libres, leur corps est la propriété du maître, ils ne disposent pas du droit de propriété ni de celui de se marier sans l’aval de leur propriétaire.
Les métèques, non athéniens enregistrés dans la cité,
bénéficient par contre du statut d’hommes libres.
2. Esclaves et métèques jouent un rôle économique
majeur. Les premiers travaillent le plus souvent sur les
exploitations agricoles et comme domestiques, et un certain nombre dans les mines, dans des conditions épouvantables. Les seconds sont établis dans la ville, comme
artisans et commerçants. Toutefois, citoyens, métèques
et esclaves peuvent se retrouver dans le même secteur,
mais avec des statuts et des salaires différents.
Doc. 4
1. Les femmes sont confinées à la sphère domestique.
Leur vie est réglée par le mariage, qui intervient lorsque
la jeune fille a entre quinze et dix-huit ans. Après avoir
été soumises à l’autorité du père, elles subissent celle
de leur mari. Leurs seuls liens avec l’extérieur sont leur
contribution à la vie économique de la maisonnée par
la fabrication et parfois la vente de produits agricoles et
artisanaux, et leur participation à la vie religieuse de la
cité.
2. Doc. 1, 3 et 4. Théoriquement, les esclaves ne disposent d’aucun droit. En pratique cependant, ils profitent
de mesures de limitation de la violence, destinées en
partie à préserver ce « capital » humain. Les métèques
jouissent comme les autres hommes libres du droit à
être protégés, qu’il s’agisse de leurs personnes ou de
leurs biens. La situation des femmes, éternelles mineures, varie selon la condition de leur mari.
Doc. 5
1. Pour être citoyen, différentes conditions, d’âge et surtout de naissance, sont requises. Le futur citoyen doit
16
avoir atteint dix-huit ans et descendre de père de condition libre, uni par les liens du mariage à la mère.
2. La vérification de la citoyenneté est faite par les
autres citoyens, réunis dans le cadre du dème, où chacun connaît l’autre.
3. L’accès à la citoyenneté est rendu plus difficile par
l’exigence d’avoir ses deux parents athéniens. La réforme proposée par Périclès visait à réduire le nombre de
citoyens et donc à stabiliser le corps politique.
Doc. 6 et 7
Le service militaire est considéré comme primordial à
Athènes car il s’agit de préparer les futurs soldats, les
éphèbes, à défendre la cité mais aussi à assurer l’extension de sa puissance.
Doc. 8
1. Rares sont les cas d’hommes – libres – non nés de
parents athéniens ayant accédé à la citoyenneté. Il s’agit
d’hommes remerciés pour avoir rendu à la cité des services exceptionnels, par exemple d’ordre militaire.
2. La proposition de citoyenneté doit avoir été acceptée
par au moins six mille citoyens.
Pages 50-51
histoire des arts
La frise des Panathénées :
la cité en représentation
La frise des Panathénées constitue une référence
partagée par les élèves grâce au programme de 6e.
Reprendre son analyse au niveau du lycée est l’occasion d’un approfondissement de leur réflexion sur le
rapport entre le religieux et le politique dans le cadre
de la cité. C’est aussi un moyen de leur faire approcher
la sculpture classique.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. La frise représente la fête des Panathénées, plus précisément le moment de la procession.
2. La technique utilisée est celle du bas-relief : les personnages sont sculptés dans le marbre dont est faite la
frise, située au-dessus des colonnes du Parthénon.
3. Le sculpteur a représenté les différents participants à
la procession en action, la tête de profil. Le soin apporté
à la représentation de la musculature des personnages
et des animaux, ainsi qu’au drapé des vêtements, participe à suggérer le mouvement et donc à rendre vivante
la scène.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
4. L’objectif de la procession est la remise du peplos,
vêtement tissé par les ergastines à Athéna, divinité
poliade, dont une statue est présente dans le temple.
5. La procession comprend les différentes catégories
d’habitants d’Athènes : les jeunes filles portant le peplos,
les prêtres, les magistrats et les cavaliers.
6. La procession part du nord-ouest, traverse le quartier
du Céramique peuplé par des artisans, et l’Agora, place
centrale de la cité, avant de rejoindre l’Acropole sur
laquelle est édifié le temple du Parthénon.
7. Les citoyens sont placés en tête du cortège, d’abord
ceux sur lesquels repose la défense de la cité, puis les
magistrats civils et religieux. Ensuite seulement viennent les habitants non-citoyens telles les jeunes filles.
8. La fête des Panathénées, représentée par la frise, met
en scène l’unité de la cité en faisant participer les citoyens
mais aussi des non-citoyens comme les femmes.
Pages 54-55
documents
Le pouvoir à Athènes
La cité athénienne expérimente un régime caractérisé essentiellement par la liberté donnée aux citoyens
d’intervenir sur les décisions politiques.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Le citoyen athénien participe directement à la gestion des affaires de la cité en étant membre de l’Assemblée et en pouvant être amené à exercer différentes
magistratures.
2. Les différentes magistratures se distinguent en fonction de leur caractère limité ou non dans le temps. La
participation à l’Assemblée est permanente, alors que
l’exercice des différentes magistratures est le plus souvent limité dans le temps, généralement une année.
Doc. 4
Les citoyens prennent directement part à l’élaboration
des lois. N’importe lequel d’entre eux peut proposer une
nouvelle loi. Chaque citoyen a la possibilité d’en prendre
connaissance grâce à son affichage sur le monument
portant les statues des héros éponymes. Une procédure
permettant un débat contradictoire est ensuite prévue,
avant le vote par des jurés tirés au sort parmi les membres de l’Ecclésia.
Doc. 6
D’après Thucydide, Périclès réussit à se maintenir à la
tête de la cité – il fut élu stratège durant quinze ans
– en imposant une autorité fondée sur des qualités
intellectuelles et morales, parmi lesquelles l’historien
met au premier plan l’intégrité. Disposant de ressources financières confortables grâce à sa naissance, l’intérêt privé ne constituait pas le mobile de son action.
Thucydide manifeste à l’occasion du portrait de Périclès
sa méfiance envers la capacité du peuple à diriger la cité
en vue du bien public.
Doc. 7
1. Périclès définit la démocratie comme un régime politique fondé sur les décisions de la majorité des citoyens.
L’égalité des citoyens dans l’accès aux charges, la liberté,
le respect des lois et des magistrats sont des piliers de
ce régime.
2. Doc. 5 et 6. Afin de favoriser l’égal accès des citoyens
à la vie politique de la cité, Périclès a proposé la mistophorie, c’est-à-dire l’indemnisation des citoyens pour leur
participation aux institutions.
Doc. 8
1. Le trésor résultant du versement d’un tribut par les
cités membres de la ligue de Délos est transporté sur
ordre de Périclès sur l’Acropole afin de consacrer l’argent
à l’embellissement architectural d’Athènes et d’accroître
ainsi son rayonnement.
2. Cette décision est justifiée par la position hégémonique d’Athènes et l’importance des efforts consentis par
la cité pour assurer la défense du monde grec contre les
« barbares ».
Doc. 2
La justice, comme les autres magistratures, n’est pas
une affaire de professionnels. Tout citoyen peut en
effet se retrouver membre de l’Héliée après un tirage
au sort.
17
Pages 56-57
étude
La démocratie athénienne
en débat
Discuté et contesté par les autres cités grecques, le
modèle athénien l’est également à l’intérieur d’Athènes. De ses balbutiements à son renversement, la
démocratie athénienne est le résultat de tensions et
de dynamiques, plus ou moins vives mais toujours
présentes au cours des ve et ive siècles.
Ré p ons e s a ux que s tions
Athènes, une cité en guerre
1. La puissance militaire d’Athènes, symbolisée ici par
une Athéna casquée munie de la lance et du bouclier, lui
permet d’imposer sa suprématie aux autres cités membres de la ligue de Délos.
2. À l’opposé de la liberté des citoyens qui fonde la démocratie, le comportement d’Athènes est qualifié de tyrannique. Thucydide s’appuie sur le fait que la cité attique
impose sa loi par la force contre l’avis des peuples des
autres cités grecques. Il évoque la répression contre
Mytilène, qui décida de sortir de l’alliance dirigée par
Athènes.
3. Aux yeux de Démosthène, la cité est menacée par un
affaiblissement qui pourrait se révéler fatal à sa survie.
La place prise par les démagogues dans la cité, mais
aussi le risque d’une paralysie provoquée par les dissensions internes, rendraient son système politique
incapable de faire face à la menace extérieure.
Le théâtre, reflet des débats politiques
4. Les documents 4 et 5 sont des extraits de pièces de
théâtre contemporaines de la démocratie athénienne. Le
document 4 est extrait d’une tragédie écrite par Euripide,
Les Suppliantes, le document 5 est issu de la comédie
d’Aristophane Les Cavaliers.
5. Outre la dénonciation de la démagogie, le personnage
du héraut critique les fondements même de la démocratie athénienne. L’envoyé de Thèbes ne pense pas en
effet que le démos puisse diriger la cité et ne croit pas
en la capacité de n’importe quel citoyen de participer aux
affaires publiques.
6. Aristophane se moque des orateurs athéniens qui
n’auraient pas reçu une éducation suffisante.
7. Un démagogue est d’abord celui qui sait séduire son
auditoire. D’après la description d’Aristophane, son origine populaire lui permettrait de savoir flatter la foule, en
18
choisissant les mots et les manières susceptibles de la
convaincre facilement.
8. Le théâtre grec n’est pas un simple divertissement,
ni même un genre limité à sa dimension artistique.
Manifestation culturelle en l’honneur de Dionysos à l’origine, il prit à Athènes une coloration politique marquée.
Les représentations théâtrales rassemblent les habitants
de la cité autour de sujets bien connus. Elles constituent
un moyen de donner à entendre différents points de vue
sur le système et la vie politique d’Athènes.
Rédiger
Le dossier invite l’élève à appréhender le régime politique en vigueur à Athènes non comme un système figé
mais comme une construction toujours susceptible
d’être remise en cause.
On insistera sur le fait que l’ensemble des documents
présente le point de vue des Athéniens eux-mêmes,
qu’il s’agisse des orateurs Démosthène et Cléon, dont
le discours est ici reconstitué par l’historien Thucydide,
ou des auteurs Euripide et Aristophane. Il existe donc
un large espace de débat à l’intérieur de la cité, que la
parole soit prise au sein de l’assemblée ou au théâtre,
lieux majeurs d’expression.
La liberté avec laquelle les sujets les plus graves sont
abordés est remarquable. Qu’il s’agisse des choix extérieurs d’Athènes ou des principes fondateurs de la
démocratie et de son fonctionnement, tous les thèmes
semblent pouvoir être traités, parfois par le biais de personnages fictifs. Loin des apologies de la démocratie
dont des exemples sont donnés ailleurs dans le manuel
(p. 55 et p. 72), le choix a été fait ici de faire entendre un
point de vue critique.
Les documents sélectionnés témoignent des interrogations des Athéniens sur leur système et ses dérives, en
particulier la confiscation de la parole par les démagogues. Ces réflexions se nourrissent de craintes sur l’avenir de la cité, prenant leur source dans l’analyse du comportement tyrannique d’Athènes au faîte de sa puissance
et surtout dans le sentiment d’une menace permanente
à partir du déclenchement de la guerre du Péloponnèse
à la fin du Ve siècle, puis de l’expansion macédonienne
au IVe siècle. Les doutes qui s’emparent de la cité témoignent d’un affaiblissement de la puissance athénienne
mais aussi de la capacité de la cité à débattre, du moins
jusqu’à la chute de la démocratie.
Pages 60-61
Doc. 5
documents
L’Empire romain
Doc. tif
ac
inter
Les élèves abordent l’étude de l’Empire romain dans
une perspective comparatiste avec le système athénien.
La double page leur permet de prendre conscience
de ce qui distingue fondamentalement les deux régimes, la distribution du pouvoir et le contenu de la
citoyenneté. À travers les différents documents, ils
prennent conscience de l’étendue du territoire dominé par Rome et des conséquences politiques de cette
caractéristique.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Auguste détient de multiples fonctions. Sont ici mentionnées les fonctions financières, militaires et plus
largement politiques, Auguste exerçant la souveraineté
« en tout ». Dion Cassius voit dans le pouvoir d’Auguste
quelque chose de divin car « il avait quelque chose de
plus que les hommes ».
2. Officiellement, l’empereur est choisi conjointement par
le Sénat et le peuple.
Doc. 2
Malgré le maintien de la formule « Senatus Populusque
Romanus » – SPQR –, le choix de l’empereur se fait à
partir d’Auguste en fonction du principe dynastique,
selon la filiation naturelle ou adoptive. Le camée, pierre
sculptée, fait remonter la dynastie à César et insiste sur
le caractère divin des différentes figures de la famille
impériale, placées sur le même plan que les personnages mythologiques. La fonction essentielle de cet objet
de propagande est de glorifier la dynastie et le régime.
Doc. 3
1. Doc. 2 et 3. Le culte impérial multiplie les supports,
objets de plus ou moins grande taille et monuments édifiés partout dans l’empire, par exemple l’autel construit
sur le forum de Narbonne. Des offrandes sanglantes et
non sanglantes, ainsi que des prières sont adressées
à l’empereur.
2. L’association de la famille impériale au culte divin
permet de légitimer le pouvoir de l’empereur, adopté par
César, et celui du futur empereur qui en descendra.
Doc. 4
Le citoyen se distingue par le port de la toge.
En sus de l’étendue de sa domination, la supériorité de
Rome passe selon A. Aelius Aristide, lui-même originaire
d’Asie mineure et élevé à la dignité de citoyen romain, par la
concession généreuse du droit de citoyenneté. Outre ceux
qui bénéficient de celle-ci de naissance, rejoignent désormais la communauté romaine ceux qui s’en sont montrés
dignes, allusion à la promotion des élites locales.
Doc. 7
La professionnalisation de l’armée engagée sous la
République est confirmée par Auguste. À côté des soldats
citoyens des différentes provinces, des troupes auxiliaires constituées de pérégrins sont levées. Les hommes
qui s’y engagent pour une durée de 25 ans accèdent, à
l’issue de leur service, à la citoyenneté.
Pages 62-63
histoire des arts
La diffusion du modèle
urbain de Rome : Timgad
L’analyse d’une ville est au cœur de ce dossier. L’élève
appréhende la cité de Timgad à travers l’étude de son
plan, de ses principaux édifices et des fonctions de ces
derniers. Il est conduit à s’interroger sur la diffusion
du modèle urbain de Rome en procédant à une analyse comparative.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Le plan quadrillé de Timgad est typique d’une ville
créée de toutes pièces. Les rues rectilignes se coupent
à angle droit, créant des îlots de forme carrée, l’ensemble
prenant place dans un rectangle.
2. De nombreux éléments architecturaux ont été dégagés par les fouilles : l’arc de Trajan placé à l’entrée de
la ville sur le décumanus, le Forum au croisement du
décumanus et du cardo, entouré du tribunal, de la curie,
d’un temple et de boutiques, un théâtre à proximité. Plus
loin, on trouve les thermes et à nouveau des boutiques
et un temple.
3. Les bâtiments correspondent à des fonctions politiques et militaires, judiciaires, culturelles et commerciales. Les thermes abritant les bains publics sont en même
temps un lieu de sociabilité. Le théâtre constitue le cœur
de la vie culturelle.
19
ANALYSE DE L’ŒUVRE
4. Timgad a été fondée pour servir de camp aux anciens
soldats de la IIIe Légion, qui y recevaient un lot de terre.
5. L’influence du modèle romain est prégnante. On
retrouve d’une part les deux axes viaires majeurs que
sont le cardo et le décumanus et, d’autre part, les bâtiments classiques comme la curie, les temples, les thermes et le théâtre.
6. Des bâtiments essentiels de la vie urbaine, comme
la curie abritant le Sénat local ou le temple dédié au
culte impérial, sont placés au cœur de la ville. Toutefois,
d’autres monuments se trouvent aux limites de la ville,
comme le temple consacré à Jupiter Capitolin.
7. Timgad permet l’installation de citoyens romains dans
une province africaine. Mais la ville rayonne sur le territoire environnant et les populations sont influencées par
le mode de vie romain. Les capacités du théâtre et des
thermes, bien supérieures aux seuls habitants de Timgad,
révèlent leur fréquentation par d’autres populations.
Timgad est donc bien un instrument de romanisation.
Pages 66-67
étude
La Gaule romaine
et les tables claudiennes
Conformément au programme, l’étude des tables
claudiennes s’impose pour comprendre l’évolution de
l’attribution de la citoyenneté sous l’empire. Afin de
replacer dans son contexte la décision de l’empereur
Claude gravée sur les tables retrouvées à Lyon, il est
nécessaire de passer par l’étude de la romanisation
de la Gaule. L’analyse du texte de Tacite permet de
montrer les résistances suscitées par les initiatives
impériales en matière de citoyenneté.
Ré p ons e s a ux que s tions
L’intégration culturelle de la Gaule
1. La « Gaule chevelue » couvre la majeure partie de
la Gaule, celle qui n’est pas soumise à Rome avant la
conquête de César. Elle est aussi appelée les « Trois
Gaules » car elle comporte l’Aquitaine près des Pyrénées,
la Belgique au nord de la Seine et, entre les deux, la
Lyonnaise, du nom de Lugdunum fondée en – 43, occupée en son centre par les Eduens.
2. Dès les débuts de l’Empire romain, les habitants de la
Gaule chevelue ont obtenu le statut de citoyens.
20
3. La Gaule connaît précocement le processus de
romanisation. L’intégration culturelle de ses habitants
dans l’empire est perceptible jusque dans la vie quotidienne par le port de la toge romaine par les notables. La
construction de temples révèle l’influence urbanistique
romaine ainsi que le partage de pratiques culturelles
comme la vénération de la famille impériale dont la maison carrée de Nîmes est l’un des exemples les plus célèbres. L’architecture du temple est inspirée par le temple
d’Apollon à Rome. De taille moyenne, il est édifié sur un
podium, entouré de colonnes aux chapiteaux corinthiens
et décoré d’une frise.
L’accès des provinciaux à la citoyenneté
romaine
4. Les notables de la Gaule chevelue demandent le droit
de cité complet. Ils visent l’accès aux honneurs, en particulier le droit d’exercer des magistratures et d’entrer
au Sénat.
5. Le Sénat romain réagit vivement à l’éventualité d’une
large ouverture aux provinciaux de l’ordre sénatorial. Ses
membres mettent en avant l’histoire des habitants de
la Gaule refusant de se soumettre à César les armes à
la main.
6. Passant outre l’opposition sénatoriale, l’empereur
Claude décide en 48 ap. J.-C. d’accorder aux Gaulois le
droit de siéger au Sénat.
7. Le successeur de Caligula était né en Gaule, à
Lugdunum en 10 av. J.-C. On peut supposer que sa naissance influença la décision du premier empereur né hors
de la péninsule Italienne.
8. D’après le discours rapporté par Tacite, Claude prit
appui sur l’histoire de l’extension romaine et de la diffusion simultanée de la citoyenneté romaine dans la
péninsule Italienne puis au-delà. Aux yeux de l’empereur, le choix de l’intégration des anciens vaincus dans
la communauté romaine est la clef du succès de l’empire. Il oppose cette réussite à l’échec des cités grecques
imputé au refus d’ouvrir la citoyenneté. Il précise que la
politique suivie par Rome a permis la pacification des
territoires conquis et l’intégration culturelle des peuples
dominés. Il rappelle enfin le profit économique que Rome
tira de ses choix.
Rédiger
À partir de l’exemple de la Gaule, l’étude permet de mettre en parallèle deux phénomènes : la romanisation et
l’élargissement de la citoyenneté.
La domination durable de Rome passa par la diffusion
dans l’ensemble des territoires de l’empire du modèle
de la cité. Au-delà du rôle administratif dévolu à celle-ci
dans le cadre impérial, elle fut un vecteur majeur de la
diffusion du mode de vie romain dans des territoires très
divers. Le changement d’habitudes vestimentaires avec
le port de la toge par une partie des populations, l’édification de monuments copiés sur ceux construits à Rome, la
diffusion de pratiques comme le culte de l’empereur permirent aux habitants de l’empire de partager une culture
façonnée par Rome et les héritages locaux.
Cette intégration culturelle se doubla d’une dimension
politico-juridique avec la large attribution du statut de
citoyen aux habitants des provinces de l’empire. Signe
de l’intégration des nouveaux citoyens à la communauté
romaine, les notables gaulois demandèrent, près d’un
siècle après la bataille d’Alésia, à y participer plus pleinement en exigeant la citoyenneté complète. Cette demande rencontra les aspirations du pouvoir à consolider la
domination impériale en ouvrant les rangs sénatoriaux
à de nouveaux venus. La décision prise par l’empereur
Claude d’accéder aux vœux émis par les notables de la
Gaule marqua une étape essentielle dans l’histoire de la
consolidation de l’ordre impérial, via l’extension de l’attribution d’une citoyenneté conçue à l’échelle universelle.
Par un phénomène de retour, la diffusion de la citoyenneté dans les provinces les plus romanisées accentuait
encore le processus de romanisation.
Pages 68-69
documents
De la romanisation
culturelle à la
romanisation juridique
La thématique de la romanisation articulée à la diffusion de la citoyenneté vue à travers le cas de la Gaule
au ier siècle après J.-C. dans l’étude de la double page
précédente est reprise ici à l’échelle d’une cité africaine,
Volubilis, et avec un choix de documents permettant
de comprendre l’édit adopté au début du iiie siècle par
l’empereur « africain » Caracalla, fils d’un berbère et
d’une syrienne.
2. Il est devenu chevalier après avoir effectué une carrière dans l’armée, comme tribun militaire puis préfet
de cohorte.
Doc. 1, 2, 3, et 4
Le modèle romain se diffuse en Afrique du Nord comme
ailleurs par l’intermédiaire des cités. À Volubilis, les
fouilles archéologiques ont permis de mettre à jour des
monuments dont le style et la fonction sont copiés sur
ceux de Rome, comme la basilique. Elles ont aussi révélé
la profondeur de la romanisation avec la découverte de
décors en mosaïque d’une grande délicatesse – mais
dont la stylisation est une caractéristique locale – et de
maisons destinées à des notables reprenant le modèle
romain de la domus. De très vastes dimensions, la maison au buste de bronze a une forme carrée et dispose
de plusieurs entrées. Elle contient deux cours dont un
péristyle de forme carrée lui aussi avec, en son centre,
un bassin sur lequel donne le triclinium, salle d’apparat
plus vaste que les autres. À la différence de la maison
italienne, celle-ci ne possède toutefois pas d’atrium, ce
qui est l’un des signes d’une moins grande opposition
entre espace public et espace privé.
Doc. 6
1. L’édit de Caracalla accorde la citoyenneté à l’échelle
de l’Empire romain.
2. La seule condition imposée pour prétendre accéder à
la citoyenneté est de ne pas faire partie du groupe des
déditices.
3. Caracalla justifie sa décision pour des raisons d’ordre
religieux – l’augmentation du nombre de fidèles – et d’ordre politique – l’accroissement de la puissance romaine
par l’universalité de la citoyenneté.
Doc. 7
Dion Cassius porte un regard critique sur Caracalla, accusé de s’attaquer à l’ordre sénatorial. Il présente l’édit de
212 comme un moyen pour l’empereur d’accroître les
ressources fiscales.
Pages 72-73
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Lucius Pompeius a occupé la fonction de décurion
de son municipe, statut accordé à la cité après son aide
dans la répression contre l’insurrection contre Rome en
40-44 ap. J.-C.
Exercices
et méthodes
La démocratie athénienne
Méthode
Le document proposé est un extrait d’un essai intitulé
Politique rédigé par le philosophe grec Aristote (384-322
21
av. J.-C.). L’auteur est un bon connaisseur d’Athènes où
il a vécu et fondé son école, le Lycée. Il décrit dans cet
extrait la démocratie, l’une des trois formes de gouvernement qu’il analyse dans les huit livres constituant sa
Politique. Il écrit au moment où le régime politique athénien est fragilisé par les guerres.
Exercice d’application
1. Le document est tiré d’un ouvrage historique intitulé Vie d’Agricola. Cet ouvrage est consacré au général Agricola (40-93) et à la vie des Bretons, c’est-à-dire
des Anglais, sous son gouvernement. Il s’agit en fait
d’un véritable éloge d’Agricola, écrit par Tacite, historien
et homme politique renommé, mais aussi gendre du
général. Tacite écrit ce texte après la mort d’Agricola, au
moment où Trajan accède à la tête de l’Empire romain.
Dans l’extrait proposé, Tacite évoque la romanisation des
Bretons, intégrés depuis peu à l’empire.
2. D’après Tacite, le général Agricola tâche de pacifier
l’ensemble des Bretons et incite ces derniers à consacrer
leur énergie à l’aménagement des cités (construction de
temples et création de forums, édification de maisons).
L’intégration de la Bretagne à l’empire passe également
par l’apprentissage du latin par ses habitants et par
l’adoption du mode de vie romain. Cette romanisation
semble s’être faite au détriment de leur propre culture.
2. Si la citoyenneté est complète à Athènes, elle est
réservée à une minorité : les hommes libres, ayant effectué l’éphébie, nés d’un père et d’une mère athéniens.
Rome accorde quant à elle progressivement la citoyenneté à tous les hommes libres de l’Empire.
3. La société romaine est fondée sur le statut personnel
de chaque individu, libre ou esclave, ainsi que sur l’appartenance à un ordre. Les principaux ordres hérités de
la République sont les patriciens et les plébéiens. Sous
l’empire, l’ordre équestre prend une place de plus en
importante au détriment de l’ordre sénatorial. Naissance,
fortune et relations définissent la place de chacun.
4. L’empereur romain est le chef de l’armée et domine
l’ensemble des institutions civiles. Son autorité est renforcée sur l’ensemble des habitants de l’empire par la
création du culte impérial.
Exercice 3
1. Cité-État.
2. Pérégrin.
3. Romanisation.
4. Ostracisme.
5. Métèque.
6. Démocratie directe.
Exercice 4
Page 74
réviser
Exercice 1
1. L’isonomie est l’égalité devant la loi entre les citoyens
athéniens.
2. L’Ecclésia athénienne est l’assemblée du peuple.
3. La plèbe est le petit peuple de Rome.
4. Un affranchi est un esclave libéré par son maître.
Exercice 2
1. À Athènes et à Rome, le statut de citoyen assure des
privilèges, mais d’une nature différente. En effet, si la
citoyenneté romaine permet, comme à Athènes, de jouir
de privilèges juridiques et fiscaux, elle n’accorde aucun
droit politique. Le citoyen athénien participe au contraire
pleinement aux affaires de la cité.
22
• Périclès a contribué au renforcement de la démocratie athénienne en proposant des réformes facilitant la
participation de tous les citoyens aux affaires de la cité,
comme l’établissement du misthos. Il a toutefois limité
le nombre de citoyens en rendant plus difficile l’accès à
la citoyenneté.
• Auguste mit fin à la République romaine et inaugura
la période impériale. Il consolida les frontières de l’immense territoire dominé par Rome et procéda à la réorganisation intérieure de l’empire.
CHAPITRE
3
Un monde chrétien
(XIe-XIIIe siècles)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
La question traite de la place fondamentale de la chrétienté dans l’Europe médiévale en
prenant appui sur deux études :
• un élément du patrimoine religieux au choix (église, cathédrale, abbaye, œuvre d’art...),
replacé dans son contexte historique ;
• un exemple au choix pour éclairer les dimensions de la christianisation en Europe
(évangélisation, intégration, exclusion, répression...).
Bibliographie
• Jean Chélini, Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Hachette, coll. Pluriel, 2002.
• Bernard Merdrignac, La Vie religieuse en France au Moyen Âge, Ophrys, coll.
Synthèse et Histoire, 2005.
Sites internet
• Site recommandé par la revue l’Histoire :
http : //architecture.relig.free.fr
Pages 80-81
documents
L’Église, premier ordre
de la société médiévale
Doc. tif
ac
inter
Il s’agit de comprendre que l’Église est une institution
hiérarchisée dont les membres se doivent de respecter
des règles de vie particulières qui les différencient et
du reste de la société médiévale, les laïcs.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1 et 3
1. Les membres de l’Église sont les moines et les prêtres, c’est-à-dire les membres du clergé régulier et du
clergé séculier.
2. Les laïcs sont regroupés à la droite du document 1
et sont donc séparés des membres de l’institution
ecclésiastique.
3. Le pape est à la tête de l’Église en tant qu’évêque de
Rome, descendant de saint Pierre.
4. Les décisions sont prises dans le cadre des conciles,
réunions des évêques convoqués par le pape.
5. Les membres de l’Église doivent respecter le célibat
et la chasteté.
6. L’Église doit faire face au non-respect de la chasteté
et à la simonie.
7. L’Église peut utiliser l’excommunication pour punir les
laïcs irrespectueux.
Doc. 4
1. Par cette charte, le chevalier fait une donation sous
forme de rente en nature à l’abbaye de Cluny.
2. Il s’agit d’instituer une messe anniversaire pour son
défunt père ainsi que pour d’autres membres de sa
famille et de sa parentèle.
3. Les moines de Cluny sont vus comme des spécialistes
de la prière visant à sauver les âmes des défunts.
23
Doc. 4 et 5
Pages 86-87
Les moines ont pour fonction première de prier pour le
salut des âmes mais aussi de préserver et de transmettre la culture écrite.
Pages 84-85
documents
Les luttes d’une Église
conquérante
Il s’agit de comprendre que malgré ses difficultés
internes, l’institution ecclésiastique a des visées universelles. Elle est donc « conquérante » : il lui faut non
seulement sauver les âmes des chrétiens, mais aussi
convertir les « païens » et lutter contre ceux qu’elle
considère comme ses ennemis, les infidèles.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1 et 2
Les valeurs défendues par l’Église face à la violence sont
la paix, le respect des biens d’autrui, la justice. Les églises et monastères sont des lieux d’asile c’est-à-dire des
lieux où la violence est proscrite.
Doc. 3, 4 et 5
1. L’Église romaine s’oppose à l’Église orthodoxe, aux
musulmans, aux païens, mais aussi aux hérétiques.
2. Non, l’Église n’est pas opposée à la guerre si celle-ci
est faite au nom de Dieu.
3. D’un côté, les chrétiens combattent les musulmans
dans le cadre des croisades et, de l’autre, il existe une
politique de tolérance permettant aux musulmans vivant
en terre chrétienne de conserver leurs biens et leurs
lois.
4. D’un côté, les autorités ecclésiastiques protègent les
populations juives mais, d’un autre côté, les juifs sont
soupçonnés de mauvaises intentions à l’égard de la
population chrétienne, d’où les violences à leur encontre,
l’obligation de porter une marque distinctive (la rouelle)
et l’interdiction d’exercer des charges publiques.
Doc. 4
1. Otton prie et fait appel au Saint-Esprit pour convertir
les Poméraniens.
2. La conversion est présentée comme pacifique.
24
étude
L’abbaye cistercienne
de Fontenay
Doc. tif
ac
inter
Il s’agit de comprendre comment s’organise la vie quotidienne des moines, quelles sont leurs conditions de
vie, mais aussi comment cet environnement participe de leur fonction sociale et leur permet de mettre en exergue les qualités monastiques d’humilité et
d’obéissance.
Répo nses aux qu esti o n s
L’organisation de la vie quotidienne
dans l’abbaye
1. Une abbaye est un espace de recueillement clos, mais
il n’est pas pour autant imperméable au monde extérieur
puisqu’il y a une hôtellerie qui permet de recevoir les
étrangers au monastère.
2. Les bâtiments dédiés à la prière sont l’église, le cloître, la salle du chapitre. Le bâtiment dédié au travail est
la forge.
3. Les bâtiments dédiés au repos et au repas sont au
centre de l’abbaye.
4. Le cloître relie l’église au réfectoire et au dortoir. Il est
donc un lieu de passage systématique. Mais avec son
jardin, il est un lieu de recueillement et de silence.
5. Les moines fabriquent eux-mêmes leurs outils.
6. Le travail des moines de Fontenay est un travail
manuel, fatiguant, qui les maintient dans l’humilité.
7. Un moine cistercien n’est jamais seul : il vit en communauté toute la journée et la nuit. C’est au sein du groupe,
qui le soutient, que le moine s’éloigne du monde.
L’architecture cistercienne
8. Bernard de Clairvaux reproche aux abbayes clunisiennes d’être trop richement décorées, ce qui va à l’encontre
de l’humilité monastique.
9. Tout en étant imposante, l’abbaye de Fontenay est
sobre car il n’y a ni décorations, ni peintures, ni sculptures. Elle correspond donc aux principes esthétiques de
Bernard de Clairvaux, par sa « pauvreté » apparente et
son humilité.
Rédiger
À travers l’exemple de l’abbaye de Fontenay, on peut relever les éléments qui constituent l’idéal monastique cistercien. Ce dernier repose sur plusieurs principes : la vie en
communauté des moines, l’isolement de cette commu-
nauté par rapport au reste du monde, la prière, mais aussi
le travail, y compris le travail manuel, et la pauvreté qui
doit transparaître à travers l’architecture. Cette dernière,
sobre, sans décoration, rappelle aux moines l’humilité et
doit faciliter le recueillement et la prière.
Pages 90-91
documents
L’expression de la foi
par les fidèles
Doc. tif
ac
inter
Après avoir étudié la hiérarchie ecclésiastique, il s’agit
de rappeler que les fidèles font partie de la communauté chrétienne et expriment leur foi, encadrés par
les ecclésiastiques.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
Les fidèles craignent par-dessus tout l’Enfer et souhaitent sauver leurs âmes de la damnation éternelle, c’està-dire atteindre le Paradis.
Doc. 2
1. Pour gagner son salut, le fidèle doit respecter l’autorité
de l’Église qui est l’intermédiaire entre les hommes et
Dieu. Il doit donc confesser ses fautes à son propre curé
et accepter de faire pénitence.
2. Le curé informe les fidèles dans l’église, avant ou
après l’office.
3. Les fidèles ne peuvent donc pas utiliser l’ignorance
des règles comme excuse à leurs erreurs, puisqu’ils sont
censés être présents aux offices.
Doc. 3
1. Les pèlerins sont pauvrement vêtus d’un manteau à
capuche, appelé pèlerine et sont munis d’un bâton, appelé bourdon. En effet, ils se déplacent à pied et doivent
faire face aux difficultés du chemin (d’où l’emploi d’un
bâton de marche) et aux intempéries, d’où la nécessité
d’un manteau couvrant les épaules et comprenant un
capuchon.
2. Les saints sont les intermédiaires entre les hommes
et Dieu (les « intercesseurs »). Ils transmettent les vœux
des pèlerins à Dieu qui peut alors réaliser des miracles
comme les guérisons.
Doc. 4
En construisant des églises dans lesquelles ils se
rendent régulièrement, les fidèles montrent matériellement la profondeur de leur foi et la réussite de
l’évangélisation.
Doc. 5
1. L’église a la forme d’une croix (rappel de la croix du
Christ). Elle symbolise donc la foi dans le Christ mort
sur la croix.
2. En se faisant enterrer près de l’église, les fidèles espèrent bénéficier des prières des vivants pour atteindre
le Paradis.
Pages 94-95
histoire des arts
L’Église romane d’Autun :
la Bible en images
Il s’agit, à travers l’exemple du tympan de l’église
d’Autun, de comprendre comment l’Église a pu faire
passer son discours à travers la pierre, la sculpture. Il
faut donc permettre aux élèves de lire et de comprendre le message véhiculé par les ensembles sculpturaux
d’une église romane. Il s’agit aussi de montrer que
la forme même de ces sculptures est le témoignage
d’une sensibilité religieuse particulière à la période
d’édification de l’église.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. La cathédrale est en forme de croix.
2. Le tympan se situe au niveau du porche, donc à l’entrée de l’église.
3. C’est à cet endroit qu’il est le plus visible puisque
les fidèles passent sous le porche pour pénétrer dans
l’église.
4. Le Christ est au centre du tympan. Il est assis, les bras
ouverts, les paumes des mains tournées vers les fidèles
en signe d’accueil.
5. Les élus sont à la droite du Christ, les damnés à sa
gauche.
6. Les élus ont le visage tourné vers le Christ, les damnés ont la tête baissée vers le sol en signe de honte.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
7. Les personnages du linteau sont plus petits que
ceux du registre supérieur. Les élus, les sauvés, sont
« grandis ».
25
8. Les élus semblent sereins, soulagés, voire en extase.
9. La place de l’Enfer est peu importante, ce qui laisse
entendre aux fidèles qu’ils peuvent obtenir le salut, que
l’Enfer n’a rien de systématique. C’est donc un message
optimiste.
Pages 98-99
Exercices
et méthodes
La place centrale
de l’Église au Moyen Âge
Méthode
Pages 96-97
histoire des arts
La cathédrale gothique
de Chartres : un élan
vers Dieu
Il s’agit ici de montrer quelques aspects techniques et
artistiques qui définissent le style gothique. Au-delà
de ces aspects « pratiques », il s’agit de comprendre
comment s’organise le bâtiment ecclésiastique et
quels symboles sont utilisés pour véhiculer le discours
religieux.
Ré p ons e s a ux que s tions
Étape 1
1. Le moine est amené à rencontrer l’ermite par la volonté de Dieu (un vent très violent) ; l’ermite, pourtant isolé,
connaît Cluny.
Étape 2
2. La réforme du XIe siècle est avant tout une réforme
monastique : à l’exemple de l’abbaye de Cluny, la discipline monastique est restaurée et la règle bénédictine
est respectée (prières, travaux manuels), tandis que
se développe une culture monastique brillante ; dans
un deuxième temps, la réforme atteint l’Église séculière, obligeant les clercs à une plus grande discipline.
L’abbaye de Cluny est un précurseur et un modèle.
LECTURE DE L’ŒUVRE
Étape 3
1. La cathédrale a la forme d’une croix et symbolise
donc le sacrifice du Christ pour racheter les péchés des
hommes.
2. Le chœur est dirigé vers l’est, c’est-à-dire vers
Jérusalem, lieu de la mort et de la résurrection du
Christ.
3. L’utilisation des arcs boutants et des contreforts permet de soutenir la structure tandis que la croisée d’ogive
permet d’élever la voute et d’alléger les murs. Il s’agit
d’une structure gothique.
4. L’élément architectural le plus élevé est la flèche qui
permet de voir la cathédrale de fort loin.
3. Un moine vit dans une communauté monastique et
a pour fonction de prier pour le reste de la société ; la
communauté monastique est dirigée par un abbé. En
revanche, l’ermite vit seul, isolé, afin de se recueillir et
de prier dans la pauvreté.
4. Ce lieu est l’Enfer.
5. Le christianisme apporte des réponses sur la mort et
sur ce qu’il advient de l’âme après le décès du fidèle.
6. Les chrétiens craignent que leur âme ne puisse accéder au Paradis et finisse en Enfer.
7. La principale activité des moines est de prier pour les
chrétiens.
8. Les moines de Cluny se comparent à des soldats qui
luttent contre le Diable. Ils sont les bataillons qui défendent les âmes des chrétiens.
9. Les puissants laïcs, désireux de profiter des prières
de Cluny, sont enclins à faire des donations importantes
à l’abbaye.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
5. La cathédrale accueille les fidèles du diocèse pour
célébrer la messe.
6. Les vitraux permettent à la lumière de pénétrer l’église
dans un chatoiement de couleurs. Cette lumière symbolise le Paradis.
7. Non seulement les vitraux font entrer la lumière mais
ils développent aussi une série d’images en vue d’éduquer les fidèles en immense majorité illettrés.
8. Par l’édification de ces cathédrales, les fidèles expriment leur fidélité à Dieu. La cathédrale rappelle le rôle
d’intermédiaire de l’Église entre les fidèles et Dieu.
26
Exercice d’application
1. L’art roman naît au XIe siècle. L’expression doit se
comprendre à l’origine dans le sens d’un art « à la façon
des Romains ». C’est donc une architecture qui se veut
monumentale et noble car elle utilise la pierre taillée. L’art
roman est presque exclusivement religieux, comme dans
le cas de l’église de Sainte-Foy de Conques. Les voûtes
de pierres y remplacent les charpentes de bois. Pour les
supporter, on double les murs de contreforts massifs
et l’on s’abstient d’y percer des fenêtres nombreuses.
Dans les églises romanes, le tympan est l’œuvre sculptée principale.
2. Le tympan surmonte le porche de l’église, c’est donc le
passage obligé entre le monde des vivants et l’intérieur
de l’église, l’espace du sacré. Le porche fait ainsi l’objet
de beaucoup de soins de la part des sculpteurs qui y
représentent des scènes tirées des Saintes Écritures
et principalement la scène du Jugement dernier. Il est
lui-même un passage, celui entre le monde terrestre et
l’au-delà, celui du Paradis ou de l’Enfer, une fois la fin des
temps arrivée et le Christ revenu pour juger les âmes si
l’on suit le livre de L’Apocalypse. Le tympan a donc une
fonction pédagogique : il illustre l’élément essentiel du
dogme chrétien, à savoir la croyance dans le Christ et
dans la résurrection ; il enseigne aussi les vertus morales que le chrétien doit suivre s’il veut sauver son âme.
3. Outre la foi dans la résurrection et l’obsession des
chrétiens pour leur salut, le tympan de Conques révèle
un christianisme assez austère, qui repose sur la peur :
un Christ sévère et une représentation détaillée des tourments de l’Enfer qui occupe la moitié droite du tympan.
Il diffère en cela du tympan d’Autun, où la rédemption
occupe une place plus importante, porteur d’une vision
plus optimiste.
Page 100
réviser
Exercice 1
1. Un prêtre est un membre de l’Église séculière qui peut
officier aux sacrements.
2. Un laïc est un fidèle qui n’a pas été ordonné et qui ne
fait donc pas partie du clergé.
3. La paroisse a pour centre une église : elle regroupe
une communauté de fidèles autour de leur prêtre. Il est
interdit de fréquenter une autre paroisse que celle à
laquelle on est rattaché.
4. Un ordre monastique est le regroupement de plusieurs
monastères sous l’égide d’une abbaye : par exemple l’ordre monastique clunisien dépend de l’abbaye de Cluny.
Exercice 2
1. La chrétienté est le nom donné à l’Occident chrétien
latin.
2. La guerre sainte est une guerre faite pour Dieu et au
nom de Dieu : la croisade.
3. L’Église est la communauté des chrétiens : elle regroupe donc les membres du clergé et les laïcs. Mais elle est
aussi une institution de clercs qui encadrent la population des fidèles.
4. La foi chrétienne est la foi dans le Christ. Cette foi est
encadrée par l’Église qui définit le dogme.
Exercice 3
1. La religion chrétienne est une religieux du salut car
l’Église enseigne que l’âme est immortelle, distincte du
corps périssable. Or, après la mort et le Jugement Dernier
qui la suit, seuls les élus entrent au Paradis alors que les
damnés sont condamnés à l’Enfer.
2. Comme la population est en grande majorité totalement illettrée, les églises romanes sont couvertes de
sculptures et de bas-reliefs qui « racontent » la Bible.
3. Les populations juives sont protégées par l’Église qui
condamne les massacres mais, dans le même temps,
les juifs sont exclus de certaines fonctions publiques et
doivent porter des habits spécifiques car les chrétiens
les soupçonnent d’être, entre autres choses, les alliés
des musulmans.
4. L’Église a à sa tête l’évêque de Rome, le pape. Elle est
divisée entre le clergé séculier, les clercs qui vivent dans
le siècle, et le clergé régulier, les moines et moniales.
Le clergé séculier est organisé en différents diocèses
dirigés par des évêques, tandis que les communautés monastiques sont dirigées par des abbés et des
abbesses.
Exercice 4
Clerc
Fonction religieuse
Pape
Chef de l’Église latine
Moine
Vit en communauté et prie pour
le salut de l’ensemble des chrétiens
Prêtre
Dirige une paroisse
27
C HCAHPAI PT IRTER E
4
Des sociétés organisées
autour de la terre (XIe-XIIIe siècles)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
Première question au choix : Sociétés et cultures rurales.
Il faut étudier la vie des communautés paysannes (travail de la terre, sociabilités...)
et la féodalité (réalités, imaginaire et symbolique).
Bibliographie
• Robert Fossier, Le Moyen Âge. L’éveil de l’Europe 950-1250, Armand Colin, 1990.
• Guy Fourquin, Le Paysan d’Occident au Moyen Âge, Nathan université, 1989.
• Jean-Philippe Genet, Le Monde au Moyen Âge, Hachette supérieur,
collection Carré Histoire, 2004.
• Léopold Genicot, Le xiiie siècle européen, PUF, collection Nouvelle Clio, 1995.
• Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Seuil, 2004.
• Jean-Pierre Poly, Éric Bournazel, La Mutation féodale xe-xiie siècle, PUF,
coll. Nouvelle Clio, 2004.
Sites internet
• Site de la BNF : www.bnf.fr
• Site du musée du Moyen Âge : www.musee-moyenage.fr
Pages 104-105
documents
Seigneurs et paysans
Il s’agit de comprendre comment les seigneurs encadrent la population rurale tant au niveau économique
qu’aux niveaux politique et judiciaire.
taire mais elle éleve aussi symboliquement la demeure
seigneuriale.
3. Les maisons sont agglomérées et protégées par une
palissade et le cours d’eau.
Doc. 2
1.
Ce que doivent
Composition les paysans
au seigneur
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. La résidence du seigneur est protégée par une palissade. Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, cette palissade est
renforcée par le cours d’eau et la maison du seigneur
côtoie les bâtiments agricoles. Au XIIIe siècle, une motte
est édifiée, la maison du seigneur est séparée du village,
lui-même ceint d’une palissade.
2. La motte castrale a pour fonction la défense mili-
Terres
du seigneur
(la réserve)
• Marais
• Bois
• Rivière
• Prés
• Moulin
• Amende pour
la coupe de bois
• Amende pour bétail
• Taille
• Cens en argent
et en nature
29
Ce que doivent
Composition les paysans
au seigneur
• Champs
Terres
exploitées par
les paysans
• Terres du seigneur
• Rivière du seigneur
Autres taxes :
• L’ost
2. Le seigneur exerce le pouvoir judiciaire.
Doc. 4
1. Le pilori est un chevalet composé de deux parties
amovibles qui permettent de bloquer la tête et les poignets du condamné et donc de l’immobiliser tandis qu’on
lui jette des fruits ou des œufs au visage.
2. Il s’agit de donner à la peine publique valeur d’exemple.
Doc. 5
1. Non, ils sont limités par la charte de franchise.
2. Non, car la charte renforce et officialise les pouvoirs du
seigneur qui deviennent permanents car mis par écrit.
Pages 106-107
étude
Le rôle de l’abbaye
de Saint-Denis dans l’essor
agricole de l’Occident
Il s’agit de comprendre à travers l’exemple de l’abbaye
de Saint-Denis que les monastères reçoivent des donations importantes en terre et sont donc des seigneuries
à part entière. Les abbayes cherchent à améliorer la
rentabilité de leurs domaines et participent donc à
l’essor rural.
Ré p ons e s a ux que s tions
Les modalités des défrichements
1. La richesse de Saint-Denis est foncière et se compose
de plusieurs milliers d’hectares de terres. Cette richesse
permet à Saint-Denis de financer les défrichements opérés par les paysans qui vivent sur ses terres.
2. Il s’agit de gagner des terres pour l’agriculture sur la forêt
et de fonder des seigneuries en attirant des paysans.
3. Non, cela permet aussi de pacifier certains territoires en gagnant sur la forêt, lieu de brigandage et de
violence.
30
4. Les paysans sont exemptés du cens.
Les moyens techniques
5. La charrue permet de retourner la terre profondément
et non plus seulement de dessiner un simple sillon.
6. Les bœufs sont attelés grâce au collier d’épaules qui
leur permet de moins se fatiguer et de mieux répartir la
force de traction.
Rédiger
Les causes de l’expansion sont, entre autres, le développement démographique et donc l’augmentation de
la demande en nourriture, mais aussi la volonté des
seigneurs d’étendre leur puissance seigneuriale. Les
moyens de l’expansion sont avant tout des moyens
techniques qui permettent les défrichements financés
par des abbayes riches de vastes domaines.
Pages 110-111
étude
Le village au Moyen Âge :
les cas anglais et italiens
Il s’agit de comprendre ce qu’est un village et quelles ont été les modalités de l’édification villageoise en
Occident.
Répo nses aux qu esti o n s
L’encellulement de l’habitat
1. Les bâtiments centraux du village sont le château et
l’église.
2. Les habitations se regroupent afin de bénéficier de la
protection du manoir et d’être à proximité de l’église où
les fidèles se rendent régulièrement. Cela permet, qui
plus est, au seigneur de surveiller les paysans.
3. Le château, bâtiment le plus élevé du village, est
entouré des maisons villageoises qui lui sont accolées.
4. Dans un castellum, on peut parler d’agglomération
contre le château, alors que dans un village-rue, les maisons sont plus espacées et rangées de part et d’autre
de la rue, fermée par le château.
5. Non seulement les paysans construisent le castellum,
mais ils exploitent aussi les terres et versent un cens
au seigneur, ainsi qu’une part de leur récolte de raisin,
sachant que la culture de la vigne est obligatoire.
Le village, cellule d’exploitation agricole
6. La seigneurie est un ensemble de liens entre le sei-
gneur et les maisons alentours : chacun a des droits et
des devoirs. Elle comporte aussi une église.
7. À Wharram Percy, chaque maison est alignée avec une
parcelle de terre alors que dans le castellum, les paysans
reçoivent une terre à l’intérieur des remparts et une terre
à l’extérieur.
8. Au Nord, les maisons sont en bois et toit de chaume
tandis qu’au Sud les maisons sont en pierres et toit de
tuiles.
Rédiger
Un village est en premier lieu le regroupement de l’habitat paysan autour du château seigneurial, les paysans
recherchant la protection du château. Ce regroupement
peut prendre plusieurs formes. Mais ce qui fait le village,
c’est avant tout la conscience d’être une communauté
qui organise sa vie en rapport avec le seigneur.
Pages 112-113
Doc. 5
1. Jehan li Gobert : 820 sous ; Gautier : 750 sous ;
Hermence : 360 sous ; Jehan Ravinel : 430 sous ; Gilles
d’Alleux : 460 sous ; Simon de Lallaing : 1 520 sous.
2. L’écart de fortune va du simple au triple.
3. Une seule femme est propriétaire sur les six villageois
cités. Les femmes peuvent donc posséder des biens
mais elles sont largement minoritaires.
Doc. 6
1. Le serf est un homme non libre.
2. Les redevances attachées à son statut sont le formariage, le chevage et la mainmorte.
3. Le statut de serf est transmis par les femmes.
4. L’abbé décide d’affranchir ses serfs par piété mais
cette liberté est rachetée (1 700 livres).
5. Serfs et hommes libres relèvent tous de la justice de
l’abbé et sont tous des paysans.
documents
Le village,
une communauté
Il s’agit de comprendre comment s’organise la communauté des villageois tant au niveau économique,
qu’aux niveaux social et politique. Cette communauté
est solidaire mais pas égalitaire.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Le village a pris une forme circulaire dont le centre
est l’église.
2. Les villageois constituent une communauté de fidèles
qui doivent se rendre à l’église régulièrement.
Doc. 3
Les travaux sont collectifs et non pas individuels. Les
villageois ont besoin les uns des autres.
Doc. 4
1. Il s’agit visiblement de paysans aisés (présence
de ruches, d’un troupeau de moutons, d’un grenier à
grains).
2. La mère, le père (dans les bois), un fils et une fille
et deux individus qui sont peut-être les grands-pères. Il
s’agit d’une famille étroite, dite nucléaire.
3. Les animaux sont séparés de l’habitation dans une
étable.
Pages 116-117
documents
La féodalité :
rites et symboles
Doc. tif
ac
inter
Il s’agit de comprendre ce qu’est la féodalité et en quoi
les liens d’homme à homme qui la constituent structurent la haute société médiévale.
Répo nses aux qu esti o n s
Doc. 1 et 2
1. Le vassal reconnaît ainsi la supériorité de son
seigneur.
2. Il place ses mains dans celles du seigneur, déclare
vouloir être l’homme du seigneur et prononce un serment de fidélité.
3. Le baiser est un baiser de paix, d’échange des âmes.
4. Le serment est prononcé sur les reliques des saints.
Doc. 3
Devoirs du vassal :
– protéger son seigneur ;
– garantir la sûreté du seigneur ;
– respecter la justice du seigneur ;
– respecter les possessions du seigneur ;
– conseiller et aider son seigneur.
31
Devoirs du seigneur :
– réciprocité des devoirs du vassal ;
– remise d’un fief.
Doc. 4
1. Non, le vassal peut avoir plusieurs seigneurs, ce qui
peut poser des problèmes de fidélité.
2. L’hommage-lige ou hommage supérieur doit résoudre
ce problème.
3. Le non-respect de la fidélité est une source de conflits
entre seigneurs et vassaux. Dans ce cas, le seigneur peut
récupérer le fief (commise de fief).
Doc. 5
1. Les blasons symbolisent les familles seigneuriales
(les lignages).
2. Les mêmes symboles se retrouvent dans des blasons
différents : le lion, l’aigle, les losanges, les fleurs de lys,
l’échelle, la barre, la croix.
3. Les liens familiaux constituent des liens politiques et
militaires et renforcent les fidélités féodales.
Pages 120-121
histoire des arts
La symbolique
chevaleresque
dans l’enluminure
Il s’agit de mettre les élèves face à un document iconographique spécifique au Moyen Âge : l’enluminure,
dont la lecture exige la compréhension de certains
codes. L’exemple utilisé permet dans un second temps
de relever et d’analyser la symbolique chevaleresque.
Ré p ons e s a ux que s tions
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Les armes offensives sont l’épée, la lance mais aussi
le cheval (destrier) ; les armes défensives sont le heaume et la cotte de maille.
2. Les éperons permettent de diriger le cheval.
3. Les sabots du cheval sont ferrés et donc renforcés.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
4. Le bâtiment derrière le chevalier est une forteresse
(tour crénelée).
5. La lance sert aussi de porte-étendard.
32
6. Il s’agit d’affirmer la justesse de la guerre.
7. Le chevalier est en position de prière (à l’époque, la
prière est une prière oratoire) mais aussi d’hommage
vassalique. Le chevalier se met au service d’une noble
et juste cause.
8. Rouge : force et courage ; bleu : loyauté ; vert : beauté ;
blanc du destrier : pureté.
9. Le chevalier doit être au service d’une juste cause,
voire d’une cause divine. Il doit être loyal, courageux et
désintéressé.
Pages 122-123
Exercices
et méthodes
Les valeurs chevaleresques
Méthode
Étape 1
1. Le premier document est un document iconographique, une enluminure. Le deuxième document est un
texte.
2. L’enluminure est une représentation idéalisée, même
si elle révèle des détails vestimentaires et décoratifs le
plus fidèles possibles à la réalité. Le texte se veut une
description fidèle et positive du rite de l’adoubement.
3. Ces documents s’adressent aux chevaliers et jouent
un rôle dans l’éducation chevaleresque.
4. Le rite décrit dans le texte est le rite de l’adoubement
par lequel un jeune homme devient chevalier à part
entière. L’enluminure montre le départ au combat du
chevalier modèle qui dédie son combat à la dame de
ses pensées.
5. Les documents sont de natures différentes mais
datent de la même époque. Ils visent tous deux à donner une image exemplaire du monde chevaleresque. Le
document 1 joue principalement sur la symbolique tandis que le texte est une description qui se veut fidèle de
ce que doit être un rite de l’adoubement.
Étape 2
6. La première étape est la lecture des Évangiles ce qui
place tout le rite sous l’autorité de Dieu ; puis l’évêque
bénit les armes qui dorénavant ne doivent servir qu’une
juste cause ; en troisième lieu, l’évêque remet les armes
au futur chevalier et ce dernier brandit par trois fois son
épée (rappel de la Trinité) ; dans un quatrième temps,
l’évêque lui donne un baiser de paix, la paix devant être
le but du chevalier et, enfin, il lui donne un soufflet pour
extirper le mal de son corps.
7. La dame semble bénir le chevalier ; l’étendard est le
signe d’appartenance du chevalier à un lignage ; par la
croix sur ses vêtements, le chevalier revendique le fait
qu’il combat pour une juste cause ; les couleurs dominantes sont le rouge (symbole de force, courage, largesse,
charité), le bleu (symbole de loyauté et de justice) et
le vert (symbole de beauté et de richesse) ; l’or est la
couleur du pouvoir, de la noblesse.
8. Le chevalier modèle est donc un homme courageux,
combatif, mais surtout un homme pieux, fidèle et paradoxalement non violent. Il doit se mettre au service d’une
cause juste.
Exercice d’application
1. Le texte est extrait de la Complainte des vilains de
Verson. Il a été en fait rédigé par les moines du MontSaint-Michel dans le contexte d’un litige avec leur voisin
le vicomte Osbert. Il ne faut donc pas le prendre comme
un texte revendicatif de paysans du Moyen Âge, mais
comme un instrument de la lutte de l’Église contre les
laïcs qui empiètent ici sur ses terres et droits. Les faits
sont sans doute exagérés mais le texte permet de relever les types d’abus seigneuriaux que l’on rencontre
au XIIIe siècle. De la même façon, la lettrine enluminée
(doc. 2) est sans doute l’œuvre de moines et traduit les
valeurs que l’Église tente d’imposer, depuis le XIe siècle,
à la société féodale.
2. Les paysans doivent des corvées sur la réserve du
seigneur (faucher les près, curer le canal...), une part
de leur récolte au titre du loyer de la terre (le champart),
mais aussi le cens qui est la même redevance mais en
numéraire (en théorie), d’où l’« étonnement » des paysans. S’ajoutent des droits banaux : utilisation du moulin
et du four.
3. L’Église légitime et institutionnalise finalement l’ordre
féodal depuis la tripartition d’Adalbéron de Laon : elle se
divise suivant un ordre hiérarchisé qui place à sa tête les
clercs, puis les chevaliers, et enfin les paysans (oratores,
bellatores, laboratores). Cette tripartition, dans laquelle
Dumézil voyait également une trace des structures de
pensée indo-européenne, est une transformation de la
hiérarchie théorisée par saint Augustin : ordo virginum
(moines), ordo clercorum (prêtres), ordo laicorum (les
laïcs), l’Église du Xe siècle ayant fait une place intermédiaire aux chevaliers, incluant ainsi la féodalité dans une
vision de la société chrétienne.
Page 124
réviser
Exercice 1
1. Charte de franchise.
2. Cérémonie de l’hommage.
3. Le fief.
Exercice 2
1. Le servage : statut juridique. Les serfs ne disposent
pas librement d’eux-mêmes et doivent payer des taxes
qui les distinguent des hommes libres.
2. Le village est issu de l’encellulement, c’est-à-dire le
regroupement de l’habitat paysan autour du château et
dans le cadre d’une paroisse. Le village est une communauté définie par des liens sociaux.
3. La fidélité est un engagement sacré envers
quelqu’un.
4. La seigneurie, cadre de domination d’un maître sur ses
paysans, est à la fois foncière et banal : foncière car le
maître est propriétaire de la terre, banale car le maître
accapare le pouvoir de commander et de juger.
Exercice 3
1. Le village est une communauté de paysans solidaires
car les travaux agricoles sont le plus souvent collectifs.
De plus, les paysans ne peuvent obtenir de réponses à
leurs revendications auprès du seigneur qu’en étant soudés. Enfin, ces villageois se retrouvent régulièrement à
l’église de la paroisse.
2. La seigneurie est bien le cadre du pouvoir d’un homme
sur un groupe de paysans, puisque cet homme possède
les terres exploitées par ces derniers et qu’il accapare les
pouvoirs de commander et de juger les paysans.
3. Grâce à la rédaction de chartes de franchise, les paysans obtiennent la limitation des pouvoirs du seigneur.
4. Si le vassal doit fidélité et protection à son seigneur,
il en est de même pour le seigneur qui doit protéger son
vassal et être fidèle au lien qui l’unit à ce dernier.
Exercice 4
La première affirmation est fausse.
Puis les trois phrases suivantes doivent être classées
dans l’ordre suivant : 2, 4 et 3.
33
C HCAHPAI PT IRTER E
5
L’essor des villes en Occident
(XIe-XIIIe siècles)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
Deuxième question au choix : Sociétés et cultures urbaines.
Cette question porte sur l’essor urbain et doit comporter l’étude de deux villes en Europe,
choisies dans deux aires culturelles différentes.
Bibliographie
• Georges Jehel et Philippe Racinet, La Ville médiévale, Armand Colin,
Coll. U, 2000.
Sites internet
• Le site du ministère de la culture : www.culture.gouv.fr
Pages 128-129
documents
Villes et pouvoir seigneurial
Il s’agit de comprendre le lien organique qui unit la
ville au pouvoir seigneurial, même si cette dernière
tente de réguler la puissance du seigneur.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
La ville est fortifiée, entourée d’un fossé et surplombée
par un ensemble castral, ce qui rappelle les villages.
Doc. 2
1. Il s’agit du comte du Forez.
2. La ville connaît une expansion continue au point
d’occuper tout l’espace clos par l’enceinte (exemple du
bourg neuf).
3. On peut évoquer un développement économique qui
attire les populations environnantes.
Doc. 3
La ville étant une seigneurie, le seigneur lève des taxes
(cens) et exerce le droit de justice. Qui plus est, pour
commercer dans la ville, il faut s’acquitter de péages.
Doc. 4
1. Les bourgeois échappent ainsi à certaines redevances seigneuriales (les banalités) et peuvent exercer en
partie la justice.
2. Non, les bourgeois doivent fidélité au comte, ils doivent défendre la ville et participent à l’effort de guerre
du comte. De plus, la justice du comte est souveraine.
Doc. 5
1. Il s’agit de symboliser la puissance des familles.
2. La ville est une seigneurie collective car plusieurs familles seigneuriales y sont présentes et se
concurrencent.
Pages 132-133
documents
La société urbaine
Comme pour les villages, il s’agit de montrer que la
ville n’est pas qu’une agglomération d’habitations,
mais qu’elle forme une communauté structurée et
solidaire de citadins.
35
cathédrale, le palais communal et, dans une moindre
mesure, les églises.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Les capitouls portent tous les mêmes habits car
cela renforce le fait qu’ils sont égaux et constituent un
collège.
2. Visiblement, le groupe des capitouls débat, discute,
argumente avant de prendre une décision : capitouls
se faisant face deux par deux, positions des mains qui
participent au débat.
2. Le palais communal est ceint d’une tour élevée pour
concurrencer l’élévation de la cathédrale et exprimer ainsi la puissance laïque face à la puissance
ecclésiastique.
3. Les places se situent au centre de l’espace urbain.
4. Elles sont des lieux de rencontre, d’information et
d’échange, et d’expression du pouvoir communal.
Sienne et le grand commerce
Doc. 2
1. Le conseil des échevins dirige la ville et la représente
auprès du comte.
2. Les échevins sont choisis par quatre proud’hommes,
eux-mêmes choisis par le comte. On ne peut donc pas
parler d’élection directe par la population citadine.
3. Les proud’hommes sont des hommes réputés pour
leur sagesse et sans doute leur fidélité au comte.
4. Il s’agit de maîtriser les élections et de conforter le
comte dans son pouvoir seigneurial.
Doc. 3
Il s’agit de la population pauvre, qui ne peut se payer les
services d’un médecin.
5. Sienne est à la jonction des routes maritimes vers
l’Orient et des routes terrestres d’Occident.
6. Les marchands s’organisent en compagnies commerciales avec des représentants dans les foires et dans les
villes commerçantes.
7. Il faut être présent aux foires de Champagne qui sont
un centre commercial névralgique du grand commerce
au XIIIe siècle : tous les produits s’y échangent.
8. Les produits échangés sont d’origine occidentale :
des produits agricoles (blé, vin, laine), de la pêche et de
l’exploitation maritime (sel), de l’exploitation forestière.
L’Orient fournit les épices, la soie et les plantes tinctoriales, ainsi que de l’or et des esclaves.
Doc. 5 et 6
Rédiger
1. Une corporation est une organisation qui regroupe les
artisans d’un même métier.
2. Une charité est une association religieuse au sein d’un
même métier : il s’agit de prier pour le salut des âmes
des défunts.
La puissance de Sienne est avant tout une puissance
commerciale. Sienne est une ville placée au croisement
du commerce occidental et du commerce oriental : elle
a donc servi d’intermédiaire entre ces deux mondes. Ce
rôle commercial permet à la ville d’être prospère et donc
de financer l’édification de monuments grandioses qui
sont autant de signes de la puissance de Sienne.
Pages 136-137
étude
Doc. f
cti
intera
Sienne, une grande ville
marchande du XIIIe siècle
À travers l’exemple de Sienne, il s’agit de comprendre
ce qu’est une ville marchande au xiiie siècle et en quoi
le commerce a pu enrichir certaines villes qui ont su
servir d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident.
Ré p ons e s a ux que s tions
Une architecture au service
des activités urbaines
1. La ville exprime sa puissance et sa richesse par la
36
Pages 138-139
étude
Paris, capitale
politique, intellectuelle
et marchande
À travers l’exemple de Paris, qui ne devient la capitale
du royaume de France qu’au xiiie siècle, il s’agit de
comprendre quelles sont les qualités nécessaires à une
ville pour pouvoir devenir la capitale d’un royaume.
La présence du roi ne suffit pas. La croissance démographique, économique doit inciter le roi à une politique d’aménagement.
Ré p ons e s a ux que s tions
Une ville riche
1. La Seine est une voie commerciale où circulent les
marchands qui alimentent la ville en produits.
2. La rive droite est un port de commerce tandis
que la rive gauche est le quartier des écoles et des
« intellectuels ».
La politique royale
3. La charte donne le monopole du commerce sur la Seine
aux marchands de l’eau de Paris. En protégeant ses marchands, le roi espère un développement du commerce et
donc un développement économique de Paris.
4. La Seine diffuse des odeurs nauséabondes et fait des
rues de Paris des cloaques de boue.
5. En faisant paver les rues, Philippe Auguste montre l’étendue de son pouvoir et redore l’image de la ville royale.
6. Il renforce aussi la sécurité de Paris (édification de la
forteresse du Louvre) et fait aménager les berges près
de la place de Grève pour faire de Paris un port de première importance.
Rédiger
ANALYSE DE L’ŒUVRE
5. Le rez-de-chaussée sert à l’accostage des bateaux
tandis que le premier étage a vocation d’habitation.
6. La maison urbaine est un lieu d’habitation, de travail, mais aussi un moyen d’exprimer sa richesse et sa
puissance.
7. À l’origine, les façades étaient peintes, voire dorées.
Elles sont décorées de colonnades et de statuaires.
Pages 144-145
Paris est déjà une résidence royale. Mais elle a aussi
des atouts économiques car elle profite de l’axe de la
Seine pour développer une activité commerciale importante. Enfin, elle est un centre intellectuel de première
importance. Ces raisons expliquent le choix de Philippe
Auguste d’embellir sa ville et de la faire prospérer pour
en faire la capitale officielle du royaume.
Pages 142-143
2. Le palais Loredan se situe sur le Grand Canal, au centre de la ville.
3. Les arcs utilisés pour la façade sont des arcs plein
cintre.
4. On retrouve les loggias, ce qui montre l’influence que
Byzance a eue sur l’architecture vénitienne.
Le style vénéto-byzantin est donc un mélange d’influences artistiques : les Vénitiens empruntent quelques
spécificités byzantines et les insèrent dans leur propre
architecture.
histoire des arts
Les maisons
de marchands à Venise
Exercices
et méthodes
Une ville au Moyen Âge :
Saint-Denis
Méthode
Étape 2
1 et 2. Il s’agit pour l’élève de relever que l’institution
qui a réalisé le site, le ministère de la Culture, est une
institution officielle.
LECTURE DE L’ŒUVRE
Étape 3
3. Le signet chronologie.
4. Les rois commencèrent à se faire enterrer à SaintDenis sous la dynastie des Mérovingiens. Une abbatiale est l’église principale d’une abbaye (signet :
vocabulaire).
5. Louis VI le Gros.
6. Saint Louis.
7. Saint-Denis est très proche de Paris, la capitale du
royaume.
1. Venise est traversée par le Grand Canal, voie de circulation commerciale. C’est une ville ouverte sur la mer et
le commerce méditerranéen.
Étape 4
8. Saint-Denis est proche de Paris.
Il s’agit d’étudier comment, par l’édification de leurs
maisons, les marchands expriment leurs fonctions
d’intermédiaires entre l’Orient et l’Occident mais
aussi leur richesse et leur pouvoir.
Ré p ons e s a ux que s tions
37
9. Saint-Denis devient très rapidement la nécropole
royale.
10. L’occupation du site commence vers 400 avant notre
ère. Mais le site devient un bourg monastique entre le
Xe siècle et le XIIIe siècle.
Étape 5
11.
I. L’essor de la ville de Saint-Denis
a. Qu’est-ce qu’un castellum ?
Un castellum est une zone délimitée par des remparts.
b. À quel siècle la ville de Saint-Denis connaît-elle une
forte croissance ?
La ville connaît une forte croissance au XIIe siècle.
c. Comment évolue le plan de la ville ?
La ville se développe autour de l’abbatiale.
II. Le pouvoir dans la ville de Saint-Denis
d. Qu’est-ce qu’un abbé ? Quels sont ses pouvoirs dans
la ville ? De qui les obtient-il ?
Un abbé est le chef de la communauté monastique de
l’abbaye de Saint-Denis. Il exerce un pouvoir seigneurial
sur la ville par l’autorisation du roi.
e. Qu’est-ce qu’un chanoine ?
Un chanoine est un religieux vivant en communauté,
selon la « règle de saint Augustin » et formant un chapitre rattaché à une église collégiale.
III. Les activités urbaines
f. Quels facteurs expliquent la prospérité de la ville ?
Le développement de la ville s’est accompagné du développement de l’artisanat urbain et du commerce, grâce
à la foire du Lendit, autorisée par le roi.
Exercice d’application
1. Il faut faire ressortir de cette page importante du
site : la protection de l’abbaye et des capétiens qui fait
de Saint-Denis une ville commerçante importante, hors
des limites de Paris ; le développement de l’ensemble
abbatial ; enfin, l’essor de la ville marqué par de nouvelles
paroisses et cimetières.
2. Plusieurs termes spécifiques sont à définir. Les droits
coutumiers sont les droits imposés par un seigneur, en
l’occurrence l’abbaye de Saint-Denis, au nom du ban ;
ces droits abusifs finissent par entrer dans la coutume.
La mainmorte est le droit prélevé par un seigneur sur la
succession d’un serf ; c’est l’un des signes de la servitude, avec le chevage et le formariage. Une basilique est
une église qui reprend le plan des basiliques romaines,
mais le terme désigne plus particulièrement un édifice
de culte chrétien qui n’a pas été consacré par un évêque,
38
à la différence d’une église paroissiale ou d’une cathédrale à proprement parler, mais est devenu lieu de culte
dans les faits.
3. Le site propose une série de plans qui montrent
l’évolution de Saint-Denis et fait clairement apparaître
l’abbaye comme centre à partir duquel la ville s’est
développée.
4. On suivra ici le plan donné dans le manuel.
5. La première partie peut facilement s’appuyer sur les
plans de la ville de l’Antiquité tardive à la fin du Moyen
Âge ; la reconstitution en 3D de l’abbaye au XIIe siècle peut
être insérée dans la seconde ; le site propose enfin des
miniatures de la foire du Lendit – certes d’un manuscrit
des Chroniques de France qui date du XVe siècle – pour
la troisième partie.
Page 146
réviser
Exercice 1
1. La ville, au Moyen Âge, est une communauté qui
appartient le plus souvent à une seigneurie. Cette communauté très hiérarchisée est aussi une communauté
solidaire. Ces activités sont des activités artisanales et
commerciales.
2. Le patriciat urbain est l’élite de la ville médiévale : elle
possède les moyens de production artisanale, maîtrise
le commerce et dirige la ville.
3. Le peuple menu est le peuple urbain qui paye le moins
de taxes en opposition avec le peuple gras.
Exercice 2
1. Les libertés urbaines sont référencées dans les
chartes de franchise qui émancipent en partie la société urbaine de la seigneurie. Ces libertés sont surtout
commerciales.
2. Dans un sens restreint, les bourgeois sont les habitants du bourg ou de la ville. Mais à partir du XIe siècle,
les bourgeois sont les habitants d’une ville bénéficiant
de privilèges. Enfin, dans un sens restreint, on appelle
bourgeoisie l’élite urbaine.
3. Les « bonnes villes » sont les villes qui se sont associées au roi en lui fournissant des contingents militaires,
voire en lui prêtant de l’argent.
EXERCICE 3
Les réponses se trouvent sur la carte en p. 141 du
manuel.
C HCAHPAI PT IRTER E
6
Les Européens face à la diversité
du monde aux XVe et XVIe siècles
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
La question traite des contacts des Européens avec d’autres mondes et de l’élargissement de leurs horizons géographiques en prenant appui sur une étude obligatoire :
• de Constantinople à Istanbul : un lieu de contacts entre différentes cultures et religions
(chrétiennes, musulmane, juive) ;
et sur une étude choisie parmi les deux suivantes :
• un navigateur européen et ses voyages de découverte ;
• un grand port européen ;
et sur une autre étude choisie parmi les deux suivantes :
• une cité précolombienne confrontée à la conquête et à la colonisation européenne ;
• Pékin : la cité interdite.
Bibliographie
• Michel Balard et al., Les Civilisations du monde vers 1492, Hachette, 1997.
• Carmen Bernand et Serge Gruzinsky, Histoire du nouveau monde,
tome 1, Fayard, 1991.
• Patrick Boucheron (dir.), Histoire du monde au xve siècle, Fayard, 2009.
• Jacques Gernet, Le Monde chinois, Pocket, 2006.
• Frédéric Hitzel, L’Empire ottoman, Les Belles Lettres, 2002.
Sites internet
• Site de la bibliothèque nationale de France, histoire de la cartographie :
www.exposition.bnf.fr
Pages 152-153
documents
La curiosité pour
les mondes lointains
Aux xve et xvie siècles, à la Renaissance, les Occidentaux
découvrent de nouvelles terres et de nouvelles civilisations dont l’ampleur et la variété marquent une rupture
sans précédent dans l’histoire culturelle de l’Europe. La
présence d’objets étrangers au continent dans la peinture, tout comme le succès des récits de voyage, illustrent
ce goût naissant de l’exotisme. Ces quatre documents
illustrent cette nouvelle sensibilité.
Répo nses aux qu esti o n s
Doc. 1
1. Crivelli a voyagé jusqu’en Dalmatie, dans la Croatie
actuelle, à la frontière des Balkans ottomans. De nombreux objets en témoignent : tapis ottoman posé sur la
rambarde ; paon d’Asie caractérisé par une queue chatoyante et symbole de l’immortalité ; livre à marocain
rouge. Mais il faut ajouter les faïences de Chine sur l’étagère dans la chambre de la Vierge.
2. Pour l’Occident, les objets d’Orient symbolisent le luxe.
Les représenter pour célébrer une cité italienne de la fin
du XVe siècle indique que celle-ci est prospère grâce à
39
son commerce. Cette activité assure le rayonnement des
compagnies des marchands italiens dans toute l’Europe,
notamment par la place stratégique qu’ils occupent entre
le continent et le Levant.
Doc. 2
1. Théodore Spandouin Cantacuzène retient de la physionomie des Ottomans leur coiffure et leur manière d’accommoder leur pilosité sur le visage. À la Renaissance,
l’apparence du visage indique la personnalité de l’individu (physiognomonie). Les hommes sont rasés à l’exception d’un bouquet de cheveux sur le sommet du crâne
et une moustache, marque de coquetterie virile. Seuls
les religieux et les nobles âgés ont le crâne totalement
rasé et portent une longue barbe, considérée comme un
symbole de piété musulmane.
À travers cette description, le voyageur propose une
esquisse de la société ottomane : les hommes de guerre
à la moustache, les nobles âgés et les religieux barbus.
Ce ne sont donc pas seulement des détails exotiques.
2. Selon l’auteur, les femmes sont contraintes de porter
le voile dans l’espace public parce que ce sont des débauchées. Il faut donc les cacher à la vue des autres hommes
pour leur interdire toute infidélité. Voilà pourquoi dans
leur maison, hormis leur époux et leurs propres enfants,
seuls des eunuques peuvent les fréquenter.
Ainsi, pour Cantacuzène, le voile ne résulte pas d’une
interprétation de certains commandements de l’Islam,
ni d’une obligation coutumière assez courante dans les
sociétés patriarcales et polygames.
3. Cette description de la société ottomane propose en
premier lieu le stéréotype de la force martiale du guerrier ottoman. Celui-ci prend soin de garder un bouquet
de cheveux pour servir de prise à son bourreau qui le
décapiterait afin qu’il n’abîme pas son visage. Cet usage
révèle la violence des mœurs de la société turque imaginée par l’Occidental. Ce dernier est sensible aux défaites
militaires répétées contre l’adversaire ottoman durant
la Renaissance, aux exécutions collectives qu’infligent
les sultans à leurs ennemis vaincus et enfin, aux querelles meurtrières au sein de la dynastie régnante, lors
des successions.
Mais le raffinement de la société ottomane est aussi un
trait remarquable pour l’Européen. Celui-ci apprécie la
délicatesse, le soin et la propreté de l’allure turque tout
comme de ses demeures, à l’inverse de la saleté des
cités occidentales et de la grossièreté des mœurs de
ses habitants.
L’Européen admire la rigueur de la piété des musulmans, bien qu’infidèles. D’où l’insistance sur le port de
la barbe des religieux, signe de soumission au Coran qu’il
40
faut opposer à l’image extrêmement négative du clergé
européen, réputé oisif, ignorant et corrompu.
Enfin, l’Européen est fasciné par la polygamie, symbole
de luxure généralisée, et par les harems de l’aristocratie
ottomane.
Doc. 4
1. Doc. 3 et 4. Ces documents décrivent le cannibalisme
des Indiens du Brésil. Léry décrit le cannibalisme des
Tupinambas. Il explique la méthode de cuisson du cadavre, le boucan, et la manière dont les Indiens mangent
toutes les parties du corps, à l’exception de la cervelle.
2. Pour Léry, les Tupinambas s’adonnent au cannibalisme, moins par goût de la chair humaine que pour inspirer
la terreur contre leurs ennemis. Rappelons qu’en réalité,
le cannibalisme est une pratique religieuse funéraire qui
vise à s’approprier la force du vaincu.
3. Léry relativise cette coutume en l’éclairant par les
guerres de Religion ayant lieu en France, au même
moment (1562-1598). Durant la guerre civile, les catholiques massacrèrent leurs frères chrétiens protestants,
lors de la Saint-Barthélemy (1572). Certains agresseurs allèrent jusqu’à manger des ennemis ou mirent
aux enchères de la graisse humaine. Or, les Européens
sont chrétiens et connaissent la Parole de Dieu qui non
seulement interdit le cannibalisme, mais aussi le meurtre. Leurs exactions sont donc plus intolérables que le
cannibalisme amérindien qui relève de l’ignorance de
la Bible.
Pages 154-155
étude
Magellan : un Européen
fait le tour du monde
Doc. f
cti
intera
À partir de documents illustrant la biographie du
navigateur portugais Fernand de Magellan (v. 14801521), ce dossier propose d’analyser les motivations
économiques, politiques et culturelles des Grandes
Découvertes et de montrer les changements de la
perception de l’espace qui en résultent.
Répo nses aux qu esti o n s
Les causes des Grandes Découvertes
1. Magellan a dans un premier temps proposé son projet de rejoindre l’île des Moluques par l’ouest au roi du
Portugal Manuel Ier, mais sans résultat. Il était mal vu par
la Couronne, accusé d’avoir trafiqué avec les Maures, lors
d’une expédition armée au Maroc en 1513, et le souve-
rain portugais était peu intéressé par cette nouvelle
route dans la mesure où il avait déjà le monopole du
commerce du clou de girofle de l’île par l’intermédiaire
des marchands malais. Aussi, le navigateur convainc le
concurrent espagnol Charles Ier de financer son voyage.
Charles de Habsbourg, roi depuis 1516 et futur empereur sous le titre de Charles Quint en 1519, verrait cette
expédition comme une première victoire de son jeune
règne, à l’image de la découverte de l’Amérique en 1492
pour ses aïeux, les rois catholiques. De plus, le projet
de concurrencer les Portugais dans le commerce des
épices asiatiques court en Espagne depuis le début du
XVIe siècle.
2. Magellan montre tout l’intérêt que le roi d’Espagne pourrait retirer de cette expédition. Le traité de
Tordesillas, en 1494, a fixé une frontière imaginaire
qui délimite les conquêtes avec les Portugais : toutes
les découvertes à l’ouest d’un méridien, au niveau des
Açores, sont espagnoles et celles à l’est sont portugaises. En vertu du traité, les Portugais monopolisent ainsi
le trafic des épices de l’Asie. Pour participer à ce commerce lucratif sans pour autant enfreindre le traité, les
Espagnols n’ont que le recours d’atteindre l’Asie par une
route maritime occidentale.
3. Les Portugais et les Espagnols détiennent le monopole des Grandes Découvertes de la Renaissance. Les uns
et les autres se sont lancés au même moment dans la
navigation au large, à la suite de la Reconquista, et bénéficient d’une avancée technique et économique dans le
commerce maritime, au côté des Vénitiens qui dominent
la Méditerranée. Les premiers ont découvert de nouvelles routes maritimes en contournant le continent africain pour rejoindre l’océan Indien, tandis que les seconds
ont découvert la route occidentale atlantique qui les a
conduits à découvrir le continent américain. À la fin des
années 1510, l’option portugaise s’avère plus lucrative
car le commerce des épices est asiatique, tandis que le
continent américain demeure encore peu exploité et peu
rentable. Cette rivalité commerciale permet à Magellan
de convaincre le roi d’Espagne de financer son expédition aux Moluques.
L’expédition de Magellan
et ses conséquences
4. Les expéditions des navigateurs ont permis de découvrir de nouveaux continents et océans sur la surface de
la terre. Grâce à elles, la perception de l’espace terrestre
et maritime s’est rapprochée de la réalité géographique,
retranscrite sur des planisphères et des globes terrestres à l’aide des coordonnées situées sur les longitudes
et les latitudes.
5. Magellan a découvert le détroit, appelé en son honneur, le détroit de Magellan, au sud du continent américain, dans la Terre de Feu, permettant de passer de
l’océan Atlantique à l’océan Pacifique.
Les compagnons de Magellan sur la Victoria retournent
des Moluques vers l’Espagne en traversant l’océan
Indien, puis franchissent le cap de Bonne-Espérance et
remontent l’océan Atlantique. Un autre équipage avait
tenté de revenir par la route Pacifique sur la Trinidad.
Mais il chercha en vain l’isthme de Panama et fut finalement arraisonné par les Portugais.
6. Les mappemondes du Moyen Âge sont centrées sur
Jérusalem, considéré comme le centre de la terre où
le Messie reviendra à la fin des temps pour établir son
règne pour l’éternité. Le monde connu du Polychronicon
de Ranufl Higden s’organise ainsi autour de la ville sainte,
entouré par l’océan en couleur bleue et surplombé par
le Paradis terrestre. Les continents ne sont pas distingués, mais la couleur rouge indique certains lieux pour
leur importance religieuse et politique : la mer Rouge,
Jérusalem, Rome ou Paris.
Grâce aux Grandes Découvertes, la représentation du
monde se sécularise et s’avère plus exacte. Entre 1536
et 1564, le Vénitien Battista Agnese publie un atlas de
portulans avec un planisphère réalisé en 1543. L’ouvrage
était destiné à Jérôme Ruffault, abbé bénédictin de
Saint-Vast et Saint-Adrien, à Arras. La carte montre la
route empruntée par Magellan qui ouvrit la route des
épices aux Espagnols.
La carte montre aussi la route de l’or du Pérou, qui empruntait l’isthme de Panama à dos de mulet et représente en
bleu les sources légendaires du Nil. Agnese distingue les
espaces par des couleurs, ce qui est nouveau : les continents sont en jaune et vert ; les montagnes en brun, blanc
et argent ; les rivières sont en bleu et le golfe de Californie
en rouge parce que son découvreur Francisco de Ulloa, en
1539, nota que l’eau était de couleur vermillon.
Le cartographe symbolise les douze vents répertoriés à
la Renaissance par des têtes de chérubins, code anthropomorphique qui existe sur les cartes depuis le Xe siècle. Ainsi, le Vénitien est à la fois très novateur par la
signalétique qu’il utilise et la présentation des Grandes
Découvertes, mais conserve également des symboles
hérités du Moyen Âge.
La découverte d’un nouveau monde
7. Magellan découvre les tribus d’Indiens tout au long
de son périple : au Brésil, à la Terre de Feu et enfin dans
les îles du Pacifique. Il les désigne par le terme Indien
puisqu’à l’origine, le Nouveau Monde est censé être
l’Asie, même si à son époque, on a pris conscience du
41
nouveau continent américain. Ici, ce sont des Indiens
de la terre de Feu. Le navigateur entre en contact avec
eux par des présents (grelots et papiers de couleur),
méthode habituelle pour établir une relation pacifique et
préfiguration d’un commerce futur éventuel. Les Indiens
s’avèrent accueillants. Ils accomplissent un rite d’hospitalité (danse), puis symbolisent leur souveraineté sur
leur territoire par une démonstration de force (manipulation de flèches dans le corps) et enfin envoient une sorte
d’ambassade. Magellan y répond favorablement et leur
adresse sept hommes de son équipage pour explorer
leur contrée, à la recherche d’un passage vers l’ouest.
La description des indigènes est assez précise. Elle
relève d’une véritable ethnographie. Le compagnon de
Magellan précise la haute taille des Indiens, leur vêtement en peau de bête sauvage et leur teint halé alors
que l’on se trouve dans une terre au climat rugueux.
Il compare ainsi cette tribu à ce qu’il connaît déjà, les
Indiens du Brésil, beaucoup plus petits et dont le teint
foncé s’explique par un climat tropical.
Cette rencontre est pacifique. Il n’en sera pas de même
aux Philippines où, dans la minuscule île de Mactan,
Magellan perd la vie le 27 avril 1521 dans une expédition
armée contre le roi Lapu-Lapu qui refusait de se soumettre aux Espagnols.
Rédiger
L’expédition de Magellan, bien qu’elle n’avait comme
objectif que de découvrir une nouvelle route des épices, aboutit à la première circumnavigation de la terre
et démontre ainsi sa rotondité, ce que l’on savait déjà
depuis l’Antiquité, mais cette fois de manière empirique. Elle confirme aussi que l’Amérique est un continent séparé de l’Asie par l’océan Pacifique. Ainsi, les
Grandes Découvertes modifient totalement la perception
européenne de la terre en élargissant la connaissance
géographique de nouvelles terres et de nouvelles civilisations. C’est l’œkoumène qui s’en trouve considérablement agrandi.
Pages 156-157
étude
Anvers, carrefour
des richesses mondiales
Ce dossier présente l’exceptionnelle croissance d’Anvers grâce à son port qui profite des richesses mondiales, venues notamment du Nouveau Monde, qu’il
redistribue dans tout le continent. Cette prospérité
s’adosse à une industrie textile et à une agriculture
42
locale dynamique, tandis qu’est inventée une première
bourse financière.
Répo nses aux qu esti o n s
Anvers, un port mondial
1. Anvers est une cité fluviale. Son port se situe sur
la rive droite de l’Escaut où sont établis de nombreux
débarcadères qui accueillent les navires venus de toute
l’Europe. Le fleuve débouche sur la mer du Nord. Séville
et Lisbonne, les autres grands ports occidentaux de la
Renaissance, ont des sites comparables : le premier se
situe sur le fleuve Guadalquivir et le second sur le Tage
qui s’ouvrent tous deux vers l’océan Atlantique.
2. Anvers occupe une position carrefour en Europe.
Par l’Atlantique, la ville reçoit les produits du Nouveau
Monde et trafique avec la péninsule Ibérique ; par la mer
du Nord, elle commerce avec les îles Britanniques et avec
les pays de la mer Baltique. Enfin, Anvers bénéficie d’un
arrière-pays très industrialisé et, par son réseau fluvial
et routier, commerce avec la France et les villes de la
ligue hanséatique.
3. Anvers connaît son apogée des années 1500 à 1560.
Sa population augmente considérablement : 5 000 habitants vers 1374 ; 20 000 en 1440 ; 50 000 vers 1500 ;
100 000 vers 1560. La cité bénéficie de la croissance du
commerce atlantique, mais aussi de ses rapports privilégiés avec l’Angleterre et les centres industriels italiens et
germaniques. Du reste, son souverain est Charles, archiduc de Bourgogne, mais aussi roi d’Espagne et de Naples
à partir de 1516, empereur du Saint Empire germanique à
partir de 1519 et le prince le plus puissant en Italie. Ainsi,
le dynamisme économique de la cité peut s’appuyer sur
une situation géopolitique stable.
Des facteurs économique et politique expliquent son
déclin, à partir de 1560. Les crises financières de l’Espagne et du Portugal dans les années 1550 ébranlent la
bourse anversoise, tandis que la réévaluation de la livre
rend les draps anglais trop chers à la réexportation. Les
guerres de Religion, à partir de 1566, paralysent enfin
son trafic portuaire au profit de sa rivale, Amsterdam.
Une économie florissante
4. Dès le XIVe siècle, Anvers réexporte les draperies
anglaises vers le reste de l’Europe, après les avoir blanchies. En 1550, 132 767 pièces de draps anglais sont
importées par Anvers avant d’être redistribuées dans
le reste du continent.
Les Hanséates venus pour ces draps, lui apportent les
produits de haute Allemagne (argent et métal), de la
Baltique (cire, grains et poissons) et d’Europe centrale
(or et argent) qu’Anvers réexporte vers l’Europe du Sud.
En 1499, Anvers obtient du Portugal d’être l’étape de ses
épices (poivre, malaguette, cannelle, sucre) que le port
redistribue vers l’Europe du Nord-Ouest, le plus gros marché de consommation pour ces produits de luxe.
Dans le premier XVIe siècle, Anvers exporte directement
les draps fins, les tapisseries, les livres, les meubles et
les tableaux fabriqués dans les Flandres ainsi que dans
les pays rhénans.
5. Si Anvers est un port si dynamique, ce n’est pas seulement grâce aux produits étrangers qu’accueille son
port. La cité bénéficie de l’industrie textile flamande
qui domine l’Europe entière, depuis le Moyen Âge. Les
ateliers transforment les draps grossiers venus d’Angleterre pour les réexporter avec une valeur ajoutée non
négligeable dans tout le continent. Il faut y ajouter les
produits laitiers (beurre et fromage) d’une agriculture
intensive au-dessus du commun et ceux de la pêche qui
approvisionnent notamment les navires.
Anvers devient aussi la principale place financière de
l’Europe, à la Renaissance. Dès les années 1450, les
Italiens ont amené leur maîtrise de la comptabilité pour
organiser les transactions des lettres de change à la
« Vieille Bourse » ou « Bourse des Merciers », proche
du port. Mais cette institution privée et limitée à la transaction des marchandises se révèle bientôt insuffisante.
La municipalité édifie alors une nouvelle bourse, près
de l’ancienne en 1515, puis la transfère en dehors de
la cité. Celle-ci se spécialise très tôt dans le commerce
de l’argent, auquel se livrent les marchands après avoir
procédé à leurs échanges de marchandises dans la
Bourse des Anglais, construite également à l’initiative
de la municipalité, près de la Vieille Bourse.
La Nouvelle Bourse devient le grand centre de la vie économique anversoise où est fixée la valeur de toutes les
monnaies circulant en Europe et où viennent emprunter
les souverains. Elle sert de modèle aux autres bourses
dont la célèbre bourse de Londres, construite en 1566,
à l’initiative de Thomas Gresham.
Rédiger
Anvers est le principal port européen de redistribution des richesses mondiales dans toute l’Europe, à la
Renaissance. Le port a l’exclusivité des épices du trafic
portugais qu’il redistribue dans l’Europe du Nord-Ouest,
tandis qu’il réexporte les draperies anglaises transformées par l’industrie flamande. Cœur de l’économie
mondiale où les marchands européens sont établis, la
cité crée la première bourse des valeurs qui devient le
centre financier du continent.
Pages 158-159
étude
Lisbonne, capitale
d’un empire maritime
Ce dossier illustre l’essor de la capitale portugaise grâce
son empire colonial. Celui s’étend des côtes africaines
jusqu’en Extrême-Orient. À la différence de l’Empire
espagnol, l’Empire portugais se limite à des comptoirs commerciaux établis dans les royaumes locaux
et par le contrôle du commerce océanique grâce à une
flotte supérieure à celle des concurrents musulmans.
Ce sont surtout les épices asiatiques, l’or africain et
la traite négrière qui assurent la richesse du port de
Lisbonne et de la royauté portugaise qui prélève 5 %
de taxe sur toutes les marchandises. Lisbonne devient
une ville cosmopolite dont la richesse est enviée par
le reste de l’Europe.
Répo nses aux qu esti o n s
L’empire maritime portugais
1. L’Empire portugais se constitue en deux temps. Un
temps relativement long sur la côte africaine : en 1434,
Gil Eanes dépasse le cap Bojador (actuel Sahara occidental) ; en 1482, fondation du premier comptoir africain
d’Elmina au Ghana ; en 1488, Vasco de Gama contourne
le cap de Bonne-Espérance. Au cours de cette lente progression atlantique, sur la côte occidentale du continent
africain, les Portugais fondent les premières colonies
modernes aux Açores et à Madère où ils développent
des plantations esclavagistes de canne à sucre.
En revanche, en moins de 20 ans, ils se forgent un
immense empire maritime en forme d’arc de cercle dans
l’océan Indien, au détriment des royaumes musulmans
(Empire ottoman, sultanats Mamelouks et Gujarat) qui
dominaient alors le trafic. En 1500, ils créent un premier
comptoir à Cochin sur la côte Malabar. En 1510, ils font de
Goa la capitale de la vice-royauté des Indes, tandis que
Sofala est leur principal point d’appui sur la côte orientale
de l’Afrique. En 1511, Afonso de Albuquerque conquiert
Malacca, centre du commerce des épices de l’Insulinde.
En 1557, ils s’installent officiellement à Macao pour commercer avec les Chinois et les Japonais.
Enfin, en 1500, le navigateur Pedro Cabral découvre par
accident, trop poussé à l’ouest par les alizés, la côte
brésilienne où bientôt les Portugais fondent une colonie américaine.
2. Les capitaines d’expédition au nom du roi du Portugal
négocient des traités avec les princes locaux pour obtenir le droit d’y fonder une forteresse et un comptoir
43
commercial. Lors de l’installation de l’une d’elle au Ghana,
à Elmina, le capitaine Diogo de Azanbuja propose au souverain Caramansa de se convertir au christianisme. Non
seulement cet accord correspond à l’esprit évangélisateur des navigateurs, mais c’est une condition à remplir
pour justifier le droit de conquête accordé par Rome au
Portugal sur les terres de l’Atlantique sud. De fait, si le
dynaste adopte la religion chrétienne, c’est l’ensemble de
ses sujets qui sont aussi considérés comme chrétiens.
Ensuite, les Portugais établissent un commerce exclusif
avec la principauté : produits occidentaux (textile notamment, mais aussi armes et verroteries) contre l’or et des
esclaves.
Enfin, ils garantissent au dynaste la protection militaire
contre ses voisins et la domination sur son aire géopolitique, notamment à travers la traite intra-africaine.
Le symbole de cette alliance est la création d’une forteresse portugaise dans son territoire.
3. Les Portugais poursuivent trois objectifs : évangéliser
les indigènes ; capter à leur profit le commerce de l’or et
la traite négrière ; établir des protectorats militaires sur
les royaumes indigènes au détriment du concurrent espagnol. Ce n’est donc pas une colonisation de peuplement.
Lisbonne, une capitale tournée
vers le grand large
4. Lisbonne devient une des villes les plus prospères de
la Renaissance grâce au commerce atlantique. Manuel Ier
(1495-1521) transforme la zone portuaire. Il y établit la
Casa da India qui contrôle le trafic maritime et des douanes qui prélèvent l’impôt sur les marchandises. Un nouveau palais royal – la Ribeira – est édifié au Terreiro do
Paço au bord du Tage, à côté du port. La place de la Ribeira
devient le cœur politique, économique et commercial de
la ville. D’autres édifices sont aussi réalisés comme le
monastère des hiéronymites et la tour militaire à Belém,
là où le Tage se jette dans l’océan. Les architectes créent
un style original, dit manuélin, qui mélange le gothique,
le morisque et l’exotisme outre-mer.
5. Lisbonne est la capitale des épices car son port les
reçoit de son Empire asiatique. Les principales épices
sont alors le poivre, le gingembre, la cannelle, le clou de
girofle et la muscade. Elles sont redistribuées dans le
reste de l’Europe par le port d’Anvers.
6. Lisbonne atteint 100 000 habitants vers 1550. Elle
est une cité cosmopolite. À côté de la minorité judéochrétienne, affluent les marchands de toute l’Europe qui
y établissent des maisons commerciales, tandis que se
développe un commerce des esclaves essentiellement
africains. Ceux-ci constituent plus de 10 % de la population vers le milieu du XVIe siècle.
44
Rédiger
Lisbonne, capitale du Portugal, connaît à la Renaissance,
son apogée grâce au commerce atlantique. Manuel Ier
(1495-1521) y établit la Casa da India qui contrôle le trafic maritime avec les comptoirs en Afrique et en Asie. Les
navires partent en convoi au printemps pour revenir à
l’automne chargés d’or et d’esclaves africains, d’épices
et de soieries des Indes. La cité se transforme. Le monde
entier se retrouve à la place de la Ribeira, nouveau centre
névralgique de la ville.
Pages 162-163
étude
De Tenochtitlan à Mexico
Ce dossier présente l’effondrement de la civilisation aztèque, victime de la conquête fulgurante
des conquistadores conduite par Hernan Cortès.
Pourtant, Tenochtitlan, la capitale de l’Empire aztèque, rayonnait sur tout l’actuel Mexique depuis 1450.
Mais la terreur de la politique impériale, fondée sur
une religion sacrificielle aux dépens des tribus soumises et l’habilité des Espagnols ont mis fin à cette
civilisation.
Répo nses aux qu esti o n s
Tenochtitlan, capitale de l’Empire aztèque
1. Tenochtitlan est une cité lacustre, établie sur la rive
du lac Tezcoco, au centre du Mexique actuel. Elle forme
un réseau géométrique de canaux et de terre-pleins
où l’on circule en barques et par trois chaussées qui
relient l’ensemble à la terre ferme. À côté des maisons,
les Aztèques cultivent des jardins flottants capables de
nourrir la ville. À côté des quartiers répartis socialement,
se trouvent l’immense place et le Grand Temple, une ville
à lui seul, rassemblant plus de 70 temples plus petits.
La ville atteindrait près de 200 000 habitants à la veille
de la conquête, et non pas 60 000 comme l’indique ce
témoin.
2. Tenochtitlan s’impose comme la principale ville de l’espace amérindien mexicain parce qu’elle est la capitale
des Aztèques, qui s’imposent à partir du XVe siècle. Ils
parviennent à réduire leurs anciens alliés, notamment
les Tépanèques, à un statut de dépendance. Ils drainent
dans leur capitale les richesses des tribus vassales qui
doivent payer un tribut. L’empereur Moctezuma II (15021520) règne sur une confédération de 38 provinces
qui s’étend du golfe du Mexique au littoral de l’océan
Pacifique. Tenochtitlan est une capitale politique, mais
aussi religieuse où chaque année les Amérindiens se
réunissent pour célébrer des cultes sacrificiels en l’honneur des divinités aztèques.
En outre, les habitants de Tenochtitlan développent une
agriculture locale performante qui assure une certaine
indépendance économique.
3. Hernan Cortès a participé à la colonisation de Cuba
avant de débarquer au Mexique. En froid avec le gouverneur de l’île, à la recherche d’une nouvelle main-d’œuvre
amérindienne, d’or et, dans une quête d’évangélisation
du Nouveau Monde, il s’engage sur les terres encore
inconnues du centre de l’Amérique. Grâce à un missionnaire et des tribus locales, il apprend que Tenochtitlan
est une cité opulente, apte à être une nouvelle proie de
l’expansion espagnole.
La conquête de Tenochtitlan
4. Cortès dispose de nombreux atouts : une supériorité
militaire (armes à feu et chevaux) ; des alliés amérindiens désireux de s’émanciper de la domination aztèque ;
des informations fiables grâce à son épouse aztèque, la
Malinche ; enfin, d’une supériorité psychologique dans la
mesure où il est regardé par les autochtones comme un
véritable dieu dont la victoire est annoncée dans la religion aztèque. Ainsi, dans un premier temps, l’empereur
Moctezuma II accueille pacifiquement le conquistador.
5. Cette gravure sur bois accompagne la publication de
deux récits de Cortès, publiés en 1524. Elle représente la
capitale aztèque conquise en 1521 qui deviendra Mexico,
la nouvelle capitale de la Nouvelle-Espagne.
L’étendard frappé d’un aigle à deux têtes couronné signale le pouvoir Habsbourg dont l’animal est l’emblème. Sa
présence au bord de la lagune au lieu vraisemblablement
de Coyoacan indique l’établissement espagnol de 1521
à 1524 avant que les conquistadores s’installent définitivement au centre de la capitale.
La gravure insiste sur l’ensemble cultuel, au centre de
la ville, car celui-ci symbolise les sacrifices humains qui
ont justifié la conquête.
6. La conquête espagnole aboutit à la destruction politique de l’Empire aztèque, à la quasi disparition de la
culture amérindienne et à une catastrophe démographique chez les indigènes. Moctezuma II meurt dans une
échauffourée en 1521 et son successeur est tué au combat. Les missionnaires évangélisent les Amérindiens qui
se soumettent de gré ou de force à la nouvelle religion
chrétienne, même s’ils conservent certaines coutumes.
Enfin, par le système de l’encomienda, les Amérindiens
sont soumis à des travaux forcés, la mita, qui existait
déjà à l’ère préhispanique. Mais affaiblis par les organismes microbiens et viraux apportés par les Européens et
par la déstructuration de leur société consécutive à la
conquête, ils meurent en grand nombre. 90 % des leurs
disparaissent en moins d’un siècle.
Dans la Très Brève Relation de la destruction des Indes
(1552), Bartolomé de Las Casas (1474-1566), premier
prêtre ordonné en Amérique en 1513, entré chez les
dominicains en 1523, dénonce la conquête espagnole.
Il en appelle à la conscience chrétienne des conquistadores. Création de Dieu, les Indiens méritent le respect dû
à tout homme. Par ce dernier argument, le prêtre neutralise la justification du « droit de conquête » des colons.
La guerre entre les hommes devient « injuste ».
Rédiger
La conquête du Nouveau Monde a provoqué l’effondrement de la civilisation aztèque. La violence de la guerre
conduite par Cortès et ses alliés amérindiens, le choc
microbien, l’exploitation économique et l’évangélisation
ont abouti à une catastrophe démographique et à l’acculturation des sociétés autochtones.
Pages 166-167
étude
Pékin, capitale
de l’Empire Ming
Ce dossier illustre la Renaissance chinoise. La refondation de Pékin et la Cité interdite par l’empereur
Yongle, au début du xve siècle, symbolisent la restauration de l’indépendance contre les Mongols et
la prospérité économique sous l’égide des Ming. Les
Européens fascinés par le « royaume du Milieu » réussissent à y mettre pied, à partir de 1550.
Répo nses aux qu esti o n s
Pékin, capitale d’un empire
qui se replie sur lui-même
1. Pékin se trouve au nord-est de l’Empire chinois.
L’empereur Yongle (1402-1424) la refonde comme capitale, au détriment de Nankin, car la ville se trouve dans
ses fiefs et est proche des territoires mongols, plus au
nord, ennemis pluriséculaires des Chinois.
2. Les Ming doivent affronter les Mongols qui n’ont pas
renoncé à leur ancienne domination sous la dynastie Yuan
aux XIIIe et XIVe siècles. Ceux-ci font des raids fréquents. Ils
incendient les faubourgs de Pékin en 1553, si bien qu’on
renforce la muraille de Pékin. En 1570, des accords de
paix sont signés. Mais au XVIIe siècle, les Mandchous renversent les Ming en s’appuyant sur les Mongols.
45
3. La Cité interdite fut édifiée de 1406 à 1420. Elle mobilisa 200 000 ouvriers. Réservée au personnel impérial,
plusieurs dizaines de milliers de personnes, elle magnifie l’empereur. Le trône impérial se situe au centre de la
salle de l’Harmonie, elle-même préservée au centre de ce
Palais. Au nord, les palais sont réservés exclusivement
au souverain alors qu’au sud, les palais sont destinés à
recevoir les sujets.
Cette disposition reflète l’idéologie impériale : l’empereur
est le cœur de la capitale et de l’empire. C’est du « fils du
Ciel » qu’émane la seule vertu censée préserver l’équilibre social.
Les Chinois et les étrangers
4. Les Européens ont lu le récit de Marco Polo, Le Livre
des Merveilles, publié en 1298. L’ouvrage dépeint la
Chine comme un empire aux multiples richesses. Les
Portugais, qui dominent l’océan Indien au XVIe siècle,
entrent en contact avec la civilisation chinoise grâce à la
diaspora installée en Insulinde. Ils espèrent développer
un fructueux commerce des épices et de textiles luxueux,
notamment la soierie, avec le « royaume du Milieu ».
5. Après la politique d’ouverture économique conduite
par Yongle, les souverains suivants renouent avec la
politique plus isolationniste du fondateur des Ming,
Hongwu, qui exalte les valeurs agraires et traditionalistes portées par la caste des mandarins contre les eunuques et les marchands méprisés. À partir de 1450, une
nouvelle législation interdit le commerce au grand large
et l’émigration. Mais cette politique de « fermeture des
mers » n’est que théorique. La contrebande prospère et
des communautés chinoises continuent à s’installer en
Insulinde. Reste que les Ming demeurent méfiants visà-vis des étrangers. Les Portugais sont ainsi regardés
comme de vulgaires pirates.
6. Au milieu du XVIe siècle, les Chinois acceptent de
s’ouvrir aux Portugais. Ils concluent un accord commercial en 1557 qui permet à ceux-ci d établir un comptoir
à Macao. Ils acceptent des missionnaires chrétiens. Le
jésuite Matteo Ricci obtient l’autorisation de s’installer
à Canton et séduit les mandarins grâce à ses connaissances scientifiques. Des églises catholiques sont autorisées et des Chinois se convertissent à cette nouvelle
religion. Ainsi, le peintre chinois Emmanuel Pereira, né
Yu-Wen-Hui, fait un portrait du premier missionnaire en
Chine. Il adopte le style oriental en représentant le clerc
en mandarin, tandis que le fond bleu de la toile rappelle
les lithographies chinoises.
Rédiger
Pékin symbolise la Renaissance chinoise, sous l’im46
pulsion des Ming. Son rayonnement marque l’indépendance retrouvée contre les Mongols et une croissance
économique sans précédent grâce au trafic maritime.
L’État chinois se stabilise par le développement d’une
bureaucratie et le dynamisme des eunuques. Pour les
Européens, la Chine incarne une terre promise que les
Portugais atteignent, à partir de 1550.
Pages 170-171
étude
Constantinople - Istanbul,
carrefour de différentes
cultures et religions
Ce dossier présente la conquête de Constantinople,
puis ses transformations comme nouvelle capitale
de l’Empire ottoman, sous le nom d’Istanbul, à la
Renaissance. La cité connaît une croissance sans précédent grâce à ses fonctions politiques et commerciales, et est attractive en raison d’une relative tolérance
religieuse à l’égard des minorités non musulmanes.
Répo nses aux qu esti o n s
Le siège de Constantinople
1. Les armées de Mehmet II sont largement supérieures
à celles de l’empereur Constantin XI. Plus de 200 000
hommes : 60 000 hommes à pieds dont une partie équipée d’armes à feu, entre 30 000 et 40 000 cavaliers et
plus de 300 navires stationnés à Péra. Alors que l’armée
byzantine ne possède que 5 000 hommes, essentiellement des volontaires peu expérimentés. De plus, l’armée
ottomane est très moderne. Une partie est régulière,
composée d’esclaves, notamment le corps des janissaires. En Occident, seule la France a une armée régulière
et elle demeure embryonnaire. Enfin, l’armée impériale
est équipée d’une puissante artillerie pour détruire les
murailles de Constantinople. Celle-ci fut spécialement
conçue par Urbain, un ingénieur hongrois éconduit par
l’empereur par manque de moyens, dont une fameuse
bombarde d’une longueur de 7,80 m et qui pouvait tirer
des boulets d’une masse de 544 kg, mais à raison de
seulement sept tirs par jour. Les Byzantins ne possèdent
que des armes blanches et des petits canons en fer.
2. L’armée ottomane est cosmopolite puisqu’elle est
composée de contingents de tout l’empire, en Europe et
en Asie. Du reste, les soldats chrétiens, notamment les
Grecs, pouvaient pratiquer librement leur religion.
Constantinople, une cité cosmopolite
3. Choisie comme capitale impériale, après Edirne au
XIVe siècle, Constantinople passe de 40 000 à 250 000
habitants de 1453 à 1550. Au côté d’une majorité musulmane reconnaissable au port du turban blanc, vivent
des communautés grecques orthodoxes, catholiques,
arméniennes et juives. L’islamisation de la cité se traduit
par la transformation de la cathédrale Sainte-Sophie en
mosquée et par l’édification de près de 300 autres ; en
réalité 400.
Le quartier de Stanbul, centre politique qui domine la
rade de la Corne d’Or, est le siège du palais royal et du
grand bazar, immense marché couvert.
Les bains publics, coutume des byzantins et des musulmans, bénéficient d’un système moderne d’adduction
d’eau.
Le caravansérail, établissement qui accueille les marchands, et les auberges indiquent la fonction commerciale de la ville. Ils sont particulièrement nombreux à
Galata, la ville portuaire où résident les commerçants
occidentaux et à Üskudar, sur la rive asiatique où transitent les convois orientaux.
4. Malgré la tolérance religieuse dans l’empire à l’égard
des gens du livre (juifs et chrétiens), les minorités chrétiennes d’Istanbul sont sur le déclin. Les orthodoxes ont
perdu la majorité de leurs églises, transformées en mosquées dont Sainte-Sophie ou abandonnées, par manque
de fidèles ; les catholiques et les Arméniens ont moins
d’une dizaine de lieux de culte. Quant aux Juifs, leurs 30
synagogues s’avèrent insuffisantes, eu égard à la croissance de la communauté à cause de l’émigration des
sépharades, chassés de la péninsule Ibérique.
5. Le pluralisme religieux est la règle dans l’Empire ottoman. Certes, la loi islamique fait des non musulmans,
les dhimmi, des sujets de second ordre, mais ils ne sont
pas soumis à une conversion forcée et ils conservent
leurs coutumes et leurs tribunaux. En échange de la
protection du sultan, ils doivent payer une capitation
(la djizîa) et ont des droits sociopolitiques restreints
comme l’interdiction de faire carrière dans l’administration ottomane ou d’hériter de musulmans. En revanche,
les musulmans shiites, accusés de déviance religieuse,
sont persécutés.
6. Mehmed II édifie le palais royal, le Sérail appelé Topkapi
à partir du XVIIIe siècle. Il abrite plusieurs milliers de personnes. Suivant la division classique de l’espace musulman
(extérieur ouvert au public et privé réservé à la famille),
seule la première cour est accessible à tous. La deuxième
cour est le siège du pouvoir politique. La troisième, enfin,
est réservée aux appartements privés du sultan.
Dans cette miniature, Soliman le Magnifique tient une
audience sous son dais, dans la deuxième cour du
palais. Il reçoit en 1540 Isabelle Jagellon, veuve du roi
de Transylvanie, dans l’actuelle Roumanie, qui tient dans
ses bras le prince héritier Jean-Sigismond, adoubé par
le sultan.
Rédiger
Istanbul est un carrefour de différentes cultures et religions car cette capitale est cosmopolite. 55 % de musulmans, essentiellement asiatiques, y vivent, mais aussi
une minorité orthodoxe byzantine, des communautés
catholiques marchandes essentiellement italiennes, des
minorités arménienne et juive. Cette dernière croît grâce
à l’immigration sépharade.
Ses fonctions commerçante et politique, à l’échelle d’un
empire à la fois européen et asiatique, font de la capitale
une ville où viennent les gens du monde entier pour leurs
affaires. Du reste, ils bénéficient d’une relative liberté
religieuse, exceptionnelle en Europe.
Pages 174-175
histoire des arts
Le tapis ottoman :
de l’Orient à l’Occident
Ce dossier présente l’art ottoman du tapis. Il insiste
sur la technique de fabrication, sur l’esthétique géométrique propre aux Ottomans et sur ses significations, notamment religieuses. Est également abordée
la manière de décrire le tapis. Enfin, nous verrons que
le tapis est aussi reconnu comme une œuvre d’art dans
la peinture occidentale.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. À la Renaissance, les tapis sont tissés manuellement
alors que les tapisseries sont tissées à l’aide d’un métier
mécanique. La technique consiste à nouer sur des fils
tendus, appelés fils de chaîne, des brins de laine, parfois avec des brins de soie. Le nouage suit une véritable
grammaire esthétique. Le nœud turc consiste à nouer
le fil autour de chacun des fils adjacents de la chaine,
alors que le nœud persan est serré seulement sur l’un
des deux. Le tapis ottoman a ainsi une allure plus homogène car le réseau des fils est plus dense, tandis que la
technique persane permet de créer des ornementations
plus déliées et complexes.
47
2. Pour décrire un tapis, il faut retenir quatre éléments :
le médaillon central ; le champ ; les écoinçons ; les bordures principales, secondaire intérieure et secondaire
extérieure.
Le tapis est orné de deux grandes roues géométriques –
médaillon central –, représentées de manière octogonale. Ce style de cour caractéristique du XVe siècle, s’inspire
de l’architecture des coupoles et des lanternons.
Le champ des médaillons centraux est composé de
rayons fleuronnés qui relient le pourtour à l’étoile du
centre.
Les bandeaux de séparation entre chaque caisson sont
ornés d’une frise de pétales en hélice.
Les bordures d’encadrement sont composées de
maillons quadrangulaires.
Les couleurs jouent sur les contrastes des rouges ocres,
des bleus, des verts et or.
Cette ornementation, bien que complexe, a été simplifiée.
Les bandeaux de séparation des tapis de cour étaient
souvent composés de lotus stylisés et ceux extérieurs
de motifs calligraphiques. La décoration de ce tapis indique qu’elle a été conçue dans un atelier villageois, vraisemblablement à Bergama, en Anatolie de l’Ouest.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
3. L’ornementation de ce tapis peut être interprétée de
diverses manières. Elle peut représenter le temps divin,
à travers la figuration de la roue, l’horloge cosmique, et
l’étoile centrale qui est l’image de la fuite du temps.
Elle peut aussi signifier des güls turcomans, médaillons
héraldiques dont les tribus turques imprimaient la marque sur leurs sacs et leurs tapis.
4. Le tapis ottoman peut être considéré comme une
œuvre artistique parce qu’il associe une technique artisanale à une conception intellectuelle de l’ornementation
et à la singularité de chaque pièce pour les tapis de cour.
En outre, comme toute œuvre d’art, il vise des valeurs
transcendantes universelles. En effet, le tapis se veut
être un reflet du cosmos divin au cœur du monde des
hommes.
5. Hans Holbein le Jeune (1497-1543), originaire d’Augsbourg, se fixe à Londres en 1532 pour fuir les guerres
de Religion. Il fait une brillante carrière de portraitiste
au service de la Cour d’Angleterre. Les Ambassadeurs
(1533) est une commande de Jean de Dinteville, ambassadeur français auprès d’Henri VIII. Il est représenté à
gauche au côté de son ami Georges de Selve, évêque de
Lavaur, le personnage de droite.
Entre les deux hommes, des objets posés sur une console symbolisent la maîtrise de l’homme sur le monde :
deux globes terrestres, des instruments de mathéma48
tique et de physique, une horloge solaire, un calendrier
cylindrique, un sextant, un luth et deux livres.
Sur cette console, l’artiste a posé un tapis au motif géométrique, caractéristique du style ottoman. Ce n’est pas
une innovation. Depuis le XVe siècle, les peintres de l’art
nouveau, en Italie comme dans les Flandres, choisissent
cet élément de décoration, notamment dans les portraits, pour signifier la réussite sociale des personnages
représentés. Ici, Holbein veut magnifier ces humanistes
et la concorde diplomatique autour des sciences et des
Belles Lettres.
Cependant, au premier plan du tableau, sur le dallage, est
peinte une tête de mort en anamorphose. L’artiste veut
symboliser par ce motif la vanité des choses terrestres
au profit des valeurs spirituelles.
6. Le tapis ottoman a des fonctions domestiques, religieuses et d’apparat. Il sert à la vie quotidienne pour y
dormir et manger. Il couvre le sol des mosquées pour
prier. Enfin, dans les palais, il est suspendu en tant
qu’œuvre d’art. En Occident, il est posé sur des meubles
comme signe de richesse.
7. À la Renaissance, le tapis ottoman symbolise les
échanges culturels de l’Orient vers l’Occident. Mais les
usages de l’objet sont différents selon l’aire culturelle.
Au cœur de la civilisation ottomane, il n’est qu’une œuvre
admirée utilisée pour symboliser la réussite sociale en
Occident.
Pages 176-177
Exercices
et méthodes
Les Indiens sont-ils
des hommes ?
Méthode
Étape 1
1. Las Casas publie La Très Brève Relation de la
Destruction des Indes en 1552 et Sepúlveda publie Des
Justes Causes de la guerre en 1541.
2. Les points communs des deux textes sont les suivants : la colonisation du Nouveau Monde ; le traitement
réservé aux Amérindiens par les conquistadores ; la question de l’égalité des Européens et des Amérindiens.
3. Las Casas défend non seulement l’égalité de tous
les hommes, mais il suggère que les Amérindiens sont
supérieurs aux Européens, du point de vue de leur organisation politique. Sepúlveda, au contraire, montre la
supériorité des Européens sur les Amérindiens, ce qui a
pour conséquence la mission civilisatrice des premiers
à l’endroit des seconds.
4. Las Casas et Sepúlveda se sont rencontrés lors de
la consultation convoquée par Charles Quint en 1550,
à l’université de Valladolid, devant une commission de
théologiens.
Étape 2
5. Sepúlveda désigne les Indiens par le terme de « hommelets », ou homoncule, terme aristotélicien qui désigne
les « sous-hommes », autrement dit des hommes incapables d’une organisation politique.
Las Casas, au contraire, désigne les Amérindiens par
« homme libre », qui sous-entend une égalité parfaite
avec les Européens.
6. Sepúlveda justifie la sous-humanité des Amérindiens
en stigmatisant leur ignorance, l’absence d’une histoire
culturelle si ce n’est quelques peintures obscures, l’absence de loi écrite si ce n’est des coutumes barbares
et l’absence du droit de propriété. Autrement dit, les
Amérindiens ne sont pas des hommes vivant dans la
cité, au sens politique et grec du terme. Au contraire, Las
Casas montre que les Amérindiens vivent dans une organisation politique et hiérarchisée (village, ville, seigneur
terrien et souverain) et qu’ils sont aptes à connaître la
vérité chrétienne à condition de mener une évangélisation patiente et douce.
7. Sepúlveda ne reconnaît pas l’égalité des Amérindiens
avec les Européens parce qu’ils n’ont pas d’organisation
politique telle que la définit Aristote (monarchie, aristocratie ou démocratie). Voilà pourquoi les Amérindiens
« demandent » à être placés sous l’autorité du souverain espagnol.
8. Considérer que les Amérindiens sont des hommes
pourvus des mêmes droits que les Espagnols délégitime dans une certaine mesure la conquête espagnole et
condamne le système de l’encomienda qui les spolie et
les réduit en esclavage. La seule justification du rapport
des conquistadores avec les Amérindiens est l’évangélisation qui fera des Amérindiens des chrétiens dont la
piété sera même supérieure à celle des Européens.
Exercice d’application
1. Tursun Bey est un historien turc, tandis que Leonardo
di Chio est un Byzantin, archevêque de Mytilène. L’un et
l’autre ont assisté à la chute de Constantinople.
2. Tursun Bey présente la conquête de Constantinople
comme une opération de guerre policée. Les prisonniers
de guerre sont vraisemblablement jugés : certains mis
à mort et les autres réduits en esclavage. Le sultan est
assez ouvert pour admirer la basilique Sainte-Sophie et
plus généralement la beauté de la cité. Il désigne un gouverneur expérimenté pour restaurer la ville et en faire la
future capitale de son empire.
À l’inverse, Leonardo di Chio insiste sur le sac de la ville :
pillage, iconoclasme, humiliation des chrétiens réduits
en esclavage, viol et massacre. L’horreur culmine dans
une sorte de rituel inversé commis par le sultan qui
mélange du vin avec du sang humain, pour se moquer
de la transsubstantiation.
En réalité, les historiens estiment aujourd’hui que le sac
de Constantinople n’excéda pas les violences habituelles
de l’époque ; il dura trois jours et, en dépit des violences,
près de la moitié de la population (plus de 20 000 habitants) demeure dans la cité après la conquête.
3. Pour les chrétiens, la chute de Constantinople est une
punition divine car, au bout du compte, Dieu est l’ordonnateur de l’histoire de l’humanité. Les chrétiens payent
ainsi leur péché : division entre catholiques et orthodoxes, impiété, égoïsme des souverains occidentaux qui
ont refusé de venir aider les Byzantins, etc.
Page 178
réviser
Exercice 1
1. Les îles des Bahamas et plus généralement le continent américain.
2. La « guerre fleurie ».
3. Le confucianisme.
4. Le devchirme.
5. La djizîa.
Exercice 2
1. 1498.
2. 1521.
3. 1368-1644 (prise de Pékin et suicide du dernier empereur officiel, Chongzhen) ou 1662 (mort du dernier empereur Ming du sud, Yongli).
4. 1453.
Exercice 3
1. La rivalité entre l’Espagne et le Portugal a stimulé
les Grandes Découvertes car les deux royaumes se
concurrencent pour asseoir leur domination sur la route
49
maritime asiatique. Face à l’avancée des Portugais sur
la voie atlantique sud, le long des côtes africaines, les
Espagnols se lancent sur la voie atlantique ouest. Les
navigateurs ont donc beau jeu de proposer leurs expéditions aux souverains ibériques. Colomb, tout comme
Magellan, parviennent à obtenir des financements de la
part de la couronne espagnole alors qu’ils ont essuyé un
premier refus des Aviz du Portugal.
2. La colonisation européenne du Nouveau Monde a
détruit les cultures amérindiennes à cause de la violence de la conquête militaire, de l’exploitation économique
des Amérindiens considérablement affaiblis par le choc
microbien entraînant un effondrement démographique
et enfin, de l’évangélisation qui les a acculturés.
3. Tenochtitlan, située sur le lac Tezcoco, est la capitale
de l’Empire aztèque. À la veille de la conquête, elle atteint
200 000 habitants. Elle concentre le palais royal, les maisons de l’aristocratie aztèque et un ensemble cultuel de
70 temples où est célébrée la religion dynastique.
50
4. Yongle (1360-1424) développe une politique ouverte
sur les mers qui favorise l’expansion économique de
son empire. Il stabilise son État en s’appuyant sur les
eunuques et les mandarins. Il parvient à repousser au
nord la menace mongole. Enfin, il refonde Pékin comme
capitale impériale et y fait construire un immense palais,
la Cité interdite.
5. La péninsule Balkanique est le cœur de l’Empire
ottoman. Avant de dominer l’Anatolie au XVe siècle et le
Proche-Orient au début du XVIe siècle, la dynastie s’est
installée dès le XIVe siècle dans les Balkans et s’avance
jusqu’à Vienne en 1529. Constantinople, sous le nom d’Istanbul, est la capitale de l’empire. Vers 1500, le sultan
règne sur près de 7 millions de sujets dont près de la
moitié sont des chrétiens européens qui lui rapportent
les trois quarts de ses recettes.
C HCAHPAI PT IRTER E
7
Les hommes de la Renaissance
(XVe-XVIe siècles)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
Première question au choix : Les hommes de la Renaissance (XVe-XVIe siècles).
Une étude obligatoire :
• un réformateur et son rôle dans l’essor du protestantisme.
Une étude choisie parmi les deux suivantes :
• un éditeur et son rôle dans la diffusion de l’Humanisme ;
• un artiste de la Renaissance dans la société de son temps.
Bibliographie
• Peter Burke, La Renaissance européenne, Le Seuil, 2002.
• Pascal Brioist, L’Europe de la Renaissance, Documentation Photographique
n° 8 049, La Documentation française 2006.
• André Chastel, Mythe et crise de la Renaissance 1420-1520, Genève, Skira, 1989.
• Ivan Cloulas, La Renaissance ou l’avènement de l’homme moderne,
Documentation Photographique n° 6 087, La Documentation française 1987.
• Hugues Daussy et al., La Renaissance (vers 1470-vers 1560), Belin, 2003.
• Dictionnaire de la Renaissance, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, 1998.
• John Hale, La Civilisation de l’Europe à la Renaissance, Perrin, 2003.
Sites internet
• Le site du musée du Louvre :
www.louvre.fr
• Le site de l’université de Tours :
http://cesr.univ-tours.fr
• Le site du musée du musée de la Renaissance :
http://www.musee-renaissance.fr
Pages 182-183
documents
L’humanisme : une nouvelle
conception du monde
Ce dossier présente la nouvelle conception du monde
défendue par les humanistes. Elle s’appuie sur l’idée
optimiste d’une humanité prédisposée à atteindre
les vérités terrestres et divines. À cette fin, la culture
médiévale est rejetée au profit de la redécouverte
de la culture antique, fondée sur les Anciens et une
pédagogie appropriée pour former une nouvelle élite
culturelle.
51
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1.
Pour l’humaniste Pic de la Mirandole (1463-1494), l’homme est le cœur du Cosmos. Dieu lui a donné la liberté et
la faculté de connaître les vérités célestes et les vérités terrestres puisque sa nature participe de ces deux
réalités. Cette dignité fait de l’homme un être distinct
des autres créations divines. C’est pourquoi l’humaniste
considère que tous les savoirs sans distinction (science, religion, magie, alchimie, cabale) sont des clés pour
accéder à Dieu.
Doc. 2
L’humaniste Érasme (1469-1536) édite ce texte de
Laurent Valla (1407-1457), qui critiquait la Vulgate grâce
à la confrontation de divers manuscrits anciens pour ses
erreurs de traduction du grec au latin. Selon le Flamand,
la culture médiévale a dévoyé les Lettres parce qu’elle
s’est limitée à commenter les textes, puis à répéter ces
commentaires, plutôt qu’à aller à la source pour étudier
l’original grâce à des méthodes savantes comme la philologie, inventée par Valla. Il remet en cause la scolastique universitaire qui synthétise toutes les disciplines
intellectuelles pour constituer une sorte de corpus unique prédigéré, alors que le savant doit distinguer chaque
science, basée sur les Anciens.
Doc. 4
Dans ce portrait de groupe, six éminents poètes et philosophes du XIIIe et XIVe siècles sont présentés comme s’ils
travaillaient dans une conversation littéraire. Chacun est
vénéré pour son rôle dans le développement de la poésie
lyrique qui a aidé à établir le dialecte toscan comme la
langue de référence en Italie.
Le personnage assis est Dante Alighieri (1265-1321),
auteur de la Divine Comédie. Il s’adresse à Guido
Cavalcanti (v. 1255-1300), reconnu pour ses sonnets
d’amour. Le personnage debout, en habit ecclésiastique, est l’humaniste Francesco Pétrarque (1304-1374) ;
à sa droite, Giovanni Boccace (1313-1375), auteur du
Decameron.
Les quatre personnages portent des couronnes de laurier, symbole à l’antique du succès littéraire.
Les personnages à l’extrême gauche sont probablement
Guittone d’Arezzo (1230-1294) et Cino da Pistoia (12701336), deux des premiers auteurs de la poésie lyrique
italienne.
Les objets sur la table représentent les diverses disciplines humanistes. Le cadran solaire et le globe céleste
évoquent l’astronomie et l’astrologie ; la boussole et le
52
globe terrestre, la géométrie et la géographie ; les livres,
enfin, représentent la grammaire et la rhétorique.
Doc. 5
1. Dans le Pantagruel (1532), François Rabelais propose un programme pédagogique, par l’entremise de
Pantagruel conseillant son fils Gargantua, et décrit un
collège idéal à l’abbaye de Thélème. Il modifie quelque
peu les études humanistes du cycle de Cassiodore : le
trivium composé de la grammaire, la dialectique et la
rhétorique et le quadrivium composé de l’arithmétique,
la géométrie, la musique et l’astronomie.
Il préconise la connaissance des langues de l’Antiquité
pour l’étude des Anciens et de la Bible (chaldéen, hébreu,
grec et latin) et la maîtrise de la rhétorique et de l’éloquence. Il ajoute l’arabe pour la médecine. En revanche,
les langues vivantes européennes sont absentes du
programme pédagogique. Le latin est alors la langue
internationale à la Renaissance.
Il insiste sur la théologie et la médecine qui, en réalité,
sont les spécialités que l’on poursuit après avoir achevé
le cycle de Cassiodore, à l’université.
Enfin, l’éducation chevaleresque (équitation et escrime) est aussi indispensable à la formation complète de
Pantagruel.
2. Les disciplines servent à la formation de l’humaniste
qui doit être un modèle pour la jeunesse nobiliaire. Elles
sont un complément à la formation du parfait chevalier.
Gargantua n’est-il pas fils de roi ?
3. Il juge inutile l’astrologie qui, comme l’alchimie, relève
de la magie. Ces deux disciplines sont pourtant en vogue
à la Renaissance, y compris chez les humanistes.
Doc. 6
1. Le livre imprimé sert à diffuser les nouvelles connaissances acquises par l’humanisme. Les imprimeurs permettent aux humanistes de diffuser les ouvrages des
Anciens, comme ici les œuvres de Virgile et les leurs. Les
érudits élargissent ainsi leur audience. Ils s’assurent
aussi un revenu comme correcteurs, puisque les droits
d’auteur n’existent pas encore. Tandis que les imprimeurs ont besoin de leurs compétences pour l’édition
des textes.
2. Doc. 3 et 6. La cour des Antiques du cardinal della Valle,
tout comme l’édition des poésies de Virgile, révèlent la
fascination des humanistes pour la culture antique.
Celle-ci constitue le canon tant dans les lettres que dans
les arts que l’on doit s’efforcer d’atteindre. Les papes de
la Renaissance se constituent ainsi la plus prestigieuse
collection d’Antiques au palais du Belvédère.
Pages 186-187
184-185
étude
Christophe Plantin :
imprimeur et humaniste
Ce dossier présente le succès de l’entreprise anversoise
de l’imprimeur Christophe Plantin. Il montre qu’une
imprimerie est une activité industrielle, en rupture
avec la copie des manuscrits médiévaux. L’imprimeur
est à la tête d’une équipe d’ouvriers, doit être attentif
à la distribution de ses ouvrages grâce à des correspondants dans toute l’Europe et se doit d’avoir des
idées commerciales. À cet égard, la Bible polyglotte est
un excellent exemple. Elle a nécessité des protections
politiques, des humanistes et des graveurs de renom
pour publier cet ouvrage devenu, dès sa parution, une
Bible de référence.
Ré p ons e s a ux que s tions
La fabrication du livre
1. Christophe Plantin (v. 1514-1589), originaire de Tours,
fonde son atelier à Anvers, l’une des cités les plus riches
d’Europe. Avec ses 22 presses, ses fontes pour différentes langues, ses 160 ouvriers et son réseau européen, il
domine le marché du livre à la fin du XVIe siècle.
Dans son imprimerie anversoise, appelée le Compas d’Or,
il a prévu des appartements pour les érudits qui viennent
travailler à l’édition de ses ouvrages.
2. Les principales étapes de l’impression d’un ouvrage
sont les suivantes : le typographe groupe les caractères dans l’ordre voulu sur un cadre – la forme – (3) ;
l’imprimeur fixe la « forme » sur le « marbre », platine
coulissante capable d’avancer et de reculer ; il enduit la
« forme » d’encre (personnage en arrière-plan), puis
place la feuille sur la « forme » et avance le « marbre »
sous la presse à vis (1) qui retombe violemment pour
imprimer les signes sur le papier (2). La feuille, une fois
imprimée recto et verso, doit sécher (au-dessus de l’imprimeur). Les feuilles imprimées sont triées (apprenti
au premier plan), puis contrôlées par le correcteur à la
chasse des coquilles (au-dessus du typographe). Une
fois le livre acheté, le client commande la reliure chez un
relieur qui est, à cette époque, un autre métier.
3. Le livre imprimé permet d’éliminer les erreurs des
copistes des manuscrits médiévaux parce que l’éditeur
s’appuie sur de nombreux manuscrits en les comparant
afin de rétablir l’authenticité du texte et en prenant soin
de corriger les coquilles.
La production standardisée de plusieurs centaines
d’exemplaires pour une édition diminue le coût de l’ouvrage et le rend donc plus accessible pour le lecteur.
Les éditeurs varient les formats en fonction du public
visé par l’ouvrage.
Enfin, les éditeurs améliorent la lisibilité du texte (hiérarchie du texte, chapitre, table des matières et index).
Cependant, jusqu’en 1550, l’allure des livres imprimés
ne diffère pas de celle des manuscrits. Par souci de
ne pas rompre les habitudes du lecteur et éventuellement le tromper, la « B 42 » de Gutenberg par exemple
emprunte le même style gothique que les manuscrits.
En Allemagne, par refus de l’influence italienne, le style
gothique demeure l’usage jusqu’au XXe siècle. De surcroît,
les manuscrits ne disparaissent pas avec l’imprimerie ;
ils deviennent des objets de luxe que les humanistes
aiment collectionner.
Une révolution du savoir
4. Pour l’édition de sa Bible polyglotte, Plantin s’entoure
d’une équipe d’ouvriers formés aux langues anciennes.
Son gendre Jan Moretus qui lui succédera à la tête de
l’établissement, est le responsable des correcteurs, tandis que les compositeurs et les ouvriers ont suivi une
formation spécifique pour les alphabets antiques. Le
travail a été supervisé par l’humaniste espagnol Arias
Benoît Montanus, tandis que les caractères ont été fondus exprès par les graveurs Robert Granjon et Guillaume
Le Bé. Enfin, l’ouvrage est patronné par Philippe II, roi
d’Espagne et souverain des Pays-Bas espagnols. Voilà
pourquoi on appelle la Bible polyglotte la Bible royale.
5. La Bible polyglotte est en quatre langues : le chaldéen
ou araméen, la langue usuelle de la Palestine parlée par
les Hébreux ; l’hébreu, la langue liturgique pour l’Ancien
Testament ; le grec et le latin.
6. Le projet éditorial de Plantin est avant tout commercial. Plantin a conscience que la polyglotte précédente,
la Bible polyglotte d’Alcala (1517) comportait des fautes
et de surcroît, est épuisée en 1568. Il est donc temps
de proposer une nouvelle version, même si la Bible de
Plantin s’inspire largement de celle espagnole.
L’imprimeur prit soin d’avoir le patronage royal, un humaniste de renom pour superviser l’édition, des graveurs
de talent pour les caractères et le frontispice et une
soixantaine d’ouvriers qui se consacrèrent à ce travail.
L’impression commença en 1568 et fut achevée en 1572.
On en tira un millier d’exemplaires. En dépit de quelques
problèmes avec la censure inquisitoriale, elle obtint finalement l’imprimatur et fut très vite vendue pour devenir
un objet de collection.
7. La Bible polyglotte est un ouvrage humaniste parce
qu’elle repose sur la confrontation de manuscrits anciens
pour établir l’édition ; elle offre différentes versions pour
que le lecteur puisse exercer sa capacité critique ; enfin,
53
elle prend soin d’être un bel objet (papier, typographie,
gravure et reliure).
8. Dans ce contrat avec le libraire londonien Jehan d’Esseran, Plantin fixe les modalités de la vente de ses ouvrages au prix d’Anvers, édités par lui-même et par d’autres
imprimeurs-libraires dont il a le privilège pour le libraire
londonien. En effet, Plantin comme tout imprimeur de la
Renaissance, est non seulement imprimeur, mais aussi
éditeur et libraire. Il obtient le privilège de Philippe II
d’avoir le monopole de l’édition des ouvrages liturgiques
pour l’Espagne et ses dépendances au Nouveau Monde.
Malgré des difficultés financières, notamment liées à
l’investissement dans la Bible polyglotte, l’entreprise
de Plantin domine le marché européen. À sa mort, elle a
publié 1 500 éditions et 50 nouveaux livres par an.
Rédiger
La diffusion de l’imprimerie permet de restaurer les
Belles Lettres, c’est-à-dire de corriger les manuscrits
médiévaux corrompus par les copistes. Les auteurs
Anciens et les textes sacrés sont rétablis dans leur
pureté. La culture des Anciens est restituée et, peut-on
ajouter, diffusée pour un plus grand nombre puisque le
livre imprimé est quatre à cinq fois moins cher qu’un
manuscrit. De même, les humanistes diffusent leur propre ouvrage et travaillent souvent pour les imprimeurs à
l’établissement des textes antiques.
Pages 188-189
étude
Michel-Ange, un héros
de la Renaissance
Ce dossier présente la réussite exceptionnelle de
Michel-Ange dans l’Europe de la Renaissance. À travers ces documents, la carrière de l’artiste est explicitée : formation, personnalité et mécénat. L’enjeu est
de montrer à travers le génie du Toscan, l’avènement
d’une nouvelle identité sociale qui est l’artiste. Enfin,
à travers quelques œuvres, l’originalité du style de
Michel-Ange doit être expliquée.
Ré p ons e s a ux que s tions
Un artiste dans son temps
1. Michel-Ange a suivi un apprentissage classique dans
l’atelier de l’un des maîtres de la Renaissance florentine,
Domenico Ghirlandaio, contre l’avis de sa famille réfractaire à l’art. Selon le biographe Condivi, il est remarqué par
Laurent le Magnifique pour avoir réalisé dans un bloc de
54
marbre le masque d’un faune. Anecdote vraisemblablement inventée pour magnifier le talent précoce du jeune
artiste. En effet, on imagine mal un maçon donner un bloc
de marbre, même petit, car ce matériau est très précieux.
En réalité, c’est son maître qui recommanda l’apprenti au
Médicis qui l’accepta dans son école où les bien-nés de
la cité se formaient aux humanités. C’est à cette occasion que Michel-Ange réalisa ce faune que le duc admira
tant. Il reçut à cette occasion une pension mensuelle de
5 ducats. En 1492, Laurent le Magnifique meurt et l’influence de Savonarole croît dans la cité. Son successeur
Pierre II de Médicis refuse d’être le mécène du jeune
artiste. Michel-Ange s’installe à Bologne où il réalise ses
premières commandes comme artiste indépendant.
2. Les principaux mécènes de Michel-Ange furent les
Médicis comme Laurent le Magnifique, les papes Léon X
(1513-1521) ou Clément VII (1523-1534) ; les papes
Jules II (1503-1513), et surtout Paul III (1534-1549) qui
le nomme architecte, peintre et sculpteur du Vatican en
1535 et la cité de Florence pour qui il réalise le célèbre
David en 1504.
3. Michel-Ange a réalisé la majorité de ses œuvres à
Florence, Bologne et Rome.
4. Michel-Ange attend de ses réalisations une reconnaissance économique indispensable à son art et la reconnaissance de son génie dans un temps où la concurrence entre les artistes est rude et le rapport de force
entre l’artiste et le commanditaire conflictuel. Toutefois,
la variété de ses œuvres s’explique par une rapidité à
assimiler le style des autres artistes et à s’adapter au
désir de son commanditaire.
Un génie universel, à la renommée
internationale
5. Michel-Ange est d’abord un dessinateur prodigieux qui
associe l’imitation de la réalité, notamment anatomique,
et le mouvement de ces personnages à qui il imprime
les passions humaines. Or, le disegno est la technique la
plus révérée à l’époque car elle manifeste l’intelligence
de l’artiste.
Dans la sculpture qu’il préférait à la peinture, il imprime
un mouvement qui donne vie à ses œuvres tout en
lissant la surface sculptée pour lui donner un effet de
douceur. S’il reste attaché à l’équilibre classique dans
la Pieta (1498), par la suite, il choisit la démesure pour
magnifier la force, son David, ou la fureur, la terribilita,
dans son Moïse (1515) du mausolée de Jules II.
Dans la peinture, il adapte son style sculptural à ses fresques de la chapelle Sixtine où il réalise des figures géantes et joue sur les perspectives et les lumières qui virent
au trompe-l’œil pour impressionner le spectateur.
Enfin, il est aussi un architecte. Il reste attaché au caractère lisse de la surface murale, comme pour le marbre
de ses sculptures. Il joue sur les contrastes en articulant
les parois par des bandes saillantes, des pilastres, des
niches et des fausses fenêtres, ainsi que le montre le
vestibule de la bibliothèque laurentienne. Sa conception
architecturale s’inspire là encore de la complexité d’un
organisme humain qu’il rend dynamique.
Voilà pourquoi on le considère comme le premier artiste
maniériste dans la mesure où il renonce à l’équilibre
classique de la haute Renaissance défendu par Raphaël
par exemple, pour servir l’expressivité de ses œuvres,
n’hésitant pas à transgresser la réalité par la démesure.
C’est aussi une manière d’accomplir des prouesses techniques qui valorisent son talent.
6. Dès sa formation d’artiste à Florence, il pratique la
dissection à l’hôpital Santo Spirito de Florence vers 1490.
Plus tard, vers 1540, il en fera de nouvelles à Rome où
il collabore avec le médecin Realdo Colombo, celui qui
représenta pour la première fois le clitoris, à l’illustration
d’un traité d’anatomie.
7. Comme chez Vinci, la connaissance de l’anatomie permet à Michel-Ange de représenter au plus près la réalité
du corps humain pour en montrer toutes les capacités
expressives et tous les âges.
8. De son vivant, Michel-Ange a été reconnu comme le
plus prestigieux des artistes de la Renaissance. Il exerça une grande influence artistique sur ses contemporains. Ici nous avons une biographie de Paul Jove, datée
de 1525 et une d’Ascanio Condivi, datée de 1553. Ses
connaissances scientifiques sont saluées. À cet égard,
il est un humaniste. On lui reconnaît un talent égal aux
artistes antiques, notamment dans la sculpture. Une
dextérité dans la réalisation de ses fresques de la chapelle Sixtine, quoiqu’il n’acheva pas un bon nombre de
ses œuvres.
Sa plus célèbre biographie est celle de Vasari dans les
Vies des plus excellents peintres (1550). L’artiste historien l’intronise dans son histoire de l’art comme l’artiste le plus talentueux de la Renaissance car ses œuvres
dépassent par ses innovations les illustres Antiques.
9. Michel-Ange est aussi un poète. De sensibilité mystique, il fréquente les cercles spiritualistes italiens, surnommés les « pleurards » par leurs détracteurs conservateurs qui voyaient en eux des crypto-protestants.
Dans ce sonnet à la fin de sa vie, il relativise son œuvre
artistique pour laquelle il sacrifia sa vie, péché d’orgueil,
alors que seul le Salut importe au chrétien, vie éternelle
que l’on acquiert par la piété et la confiance en Christ.
Rédiger
Michel-Ange symbolise la réussite de l’artiste à la
Renaissance parce qu’il fut considéré comme un héros,
au même titre que les nobles chevaliers, les souverains
et les dévots qui, jusqu’alors, étaient les seuls à pouvoir
se prévaloir d’une telle réputation. Il acquit une grande
fortune et côtoya d’égal à égal les princes d’Italie. Enfin,
à la suite de Vinci, par son omniscience, il élève l’art nouveau au rang des disciplines intellectuelles.
Pages 190-191
histoire des arts
Jan Van Eyck et la
Renaissance flamande
Ce dossier présente les débuts de la perspective flamande en s’appuyant sur La Vierge au chancelier
Rolin (v. 1435) de Jan Van Eyck. Il propose une lecture organisée du tableau (composition, palette et
symbolique) replacée dans le contexte artistique de
la Renaissance flamande, sociopolitique à travers le
prestige du donateur et religieux des ex-voto.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Deux personnages sont face à face. D’un côté, à droite,
la Vierge, assise de trois-quarts sur un coussin posé sur
un banc. Au-dessus d’elle, un ange tient une couronne. La
Vierge tient l’enfant Christ sur un genou posé sur un linge
blanc. De l’autre côté, à gauche du tableau, le chancelier
Nicolas Rolin est agenouillé sur un prie-Dieu, un livre
ouvert et les mains jointes. Il regarde le groupe divin.
Au second plan, deux personnages de dos (peut-être le
peintre et le chancelier) dans un jardin clos regardent
un paysage.
Au troisième plan, le paysage traversé par un pont
sur une rivière et sur lequel on perçoit une croix en
miniature.
2. Van Eyck utilise une perspective intuitive qui repose
sur plusieurs points de fuite, à partir du sol carrelé au
premier plan, puis une zone de fuite construite sur plusieurs points : de gauche à droite, clocher de la cité de
Liège, tour surplombant le pont, croix sur le pont, îlot,
clochers de la Jérusalem céleste. La disposition de la
toile est conçue comme une somme de lieux non reliés
entre eux. Elle s’oppose à la construction albertienne
de la perspective toscane où l’espace est parfaitement
cohérent. Cependant, l’artiste réussit à donner une
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cohérence à l’espace compartimenté grâce à la palette
des couleurs et des lumières qui fondent la perspective
dans un tout polychrome.
3. Dans la construction du tableau, le paysage sert à
donner la perspective. Dans la signification, il doit être
distingué à gauche par les maisons et un monastère qui
représentent le pouvoir politique, celui du chancelier et,
à droite, la cathédrale et des églises qui sont la cité de
Dieu. Les deux cités sont réunies par un pont sur lequel
la croix symbolise la Passion par laquelle les hommes
accèdent à leur Salut. Les deux espaces correspondent
au chancelier et à la Vierge, au premier plan.
4. Nicolas Rolin, avocat d’Autun en Bourgogne, réussit
une brillante carrière comme chancelier au service de
Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Il est le maître d’œuvre du traité d’Arras (1435) durant la guerre de Cent Ans
entre le prince et le roi de France Charles VII qui unit les
deux États et grâce auquel ce dernier chassera bientôt
les Anglais du royaume. Rolin devient un riche et puissant seigneur et épouse une aristocrate bourguignonne
en secondes noces.
Pour manifester sa piété, Rolin fait une commande au
peintre flamand Van Eyck pour illustrer ses fondations
religieuses à Notre-Dame-du-Châtel d’Autun, son église
d’origine où il a été baptisé et où ses ancêtres sont enterrés. Avant d’être au Louvre, le tableau était placé dans la
cathédrale. Le donateur est en position d’orant et il reçoit
la bénédiction de l’enfant Christ qui pourtant ne regarde
pas le donateur, en guise de repentir du donateur.
La Vierge regarde une croix que tient son fils, préfiguration de la Passion, signifiée également par le linge blanc,
le suaire, sur lequel l’enfant est assis. Celui-ci indique
une autre croix miniature sur le pont : passage symbolique entre la cité terrestre et céleste ; l’ex-voto offert
par le pécheur au Seigneur ; enfin, célébration de l’œuvre
politique de Rolin par Dieu (traité d’Arras).
ANALYSE DE L’ŒUVRE
5. À gauche, l’espace de Rolin est symbolisé par la vanité
des choses terrestres : un paon dans le jardin clos ; des
lapins sculptés sur les fûts des colonnes, symbole de
la luxure ; les chapiteaux représentent des scènes de
l’Ancien Testament qui montrent les fautes de l’humanité
(l’expulsion du paradis, le sacrifice de Caïn et Abel, Dieu
recevant l’offrande de ce dernier, le meurtre de Caïn, Noé
dans l’arche et enfin Noé recouvert par un de ses fils).
À droite, le monde céleste est représenté par le groupe
divin dont un ange qui place la couronne céleste sur la
tête de la Vierge et, au dernier plan, la Jérusalem céleste.
Autrement dit le cycle christique, depuis la naissance
jusqu’à la rédemption finale des élus.
56
6. Van Eyck est le premier peintre à utiliser la technique
de la peinture à l’huile dont on lui attribue abusivement
l’invention. Celle-ci consiste à lier les pigments broyés
avec des huiles grasses et siccatives qui accélèrent le
séchage. Elle permet d’offrir plus d’éclat aux couleurs,
étend la palette de teintes en favorisant les mélanges
et assure une meilleure protection contre l’humidité.
L’artiste peut donc rendre l’illusion de la perspective,
dite aérienne, dans les paysages et la matérialité des
vêtements dans leurs portraits. Il joue sur le dégradé
des couleurs brunes (humilité) et or (richesse) de l’habit de Rolin, du dallage du sol, de la pierre de l’église. Il
oppose cette première palette au rouge du manteau de la
Vierge, symbole du sang de la Passion et de la puissance
divine. En contre-point, l’effet de perspective est rendu
par le paysage représenté dans des couleurs douces,
du vert de la forêt à une vapeur blanchâtre du ciel et
de la rivière.
7. Rolin est représenté seul, de manière ostentatoire,
vêtu de brocart d’or et de fourrure à la manière d’un
prince, pour signifier sa réussite sociale. Dans ce qu’on
appelle une « sainte conversation », thème nouveau qui
connaîtra un grand succès en Italie, il regarde le groupe
divin.
Dans le tableau de Memling, la présentation est plus
sobre. Le marchand Jacques Floreins se fait représenter
avec toute sa famille : à gauche, le donateur et ses fils
et, à droite, son épouse et ses filles. Ils sont présentés
à la Vierge par deux saints, mais la divinité fait face au
spectateur.
8. Le réalisme de la représentation est rendu par l’humanité singulière de chaque personnage. Rolin a la
même taille que la Vierge. Les traits de son visage sont
caractéristiques. De même, l’enfant Christ ressemble à
un enfant, non pas à un petit adulte comme on le faisait
dans la peinture du Moyen Âge. Enfin, on reconnaît dans
la cité représentée, la ville de Liège : le pont des Arches
et la cathédrale Saint-Lambert.
Pages 192-193
histoire des arts
Léonard de Vinci et
le portrait en peinture
Le portrait en peinture devient un genre à part entière à la Renaissance. À travers lui, Léonard de Vinci
affirme son art de l’imitation de la nature. Dans les
portraits de Ginevra de’Benci et de Monna Lisa, il
excelle dans la représentation physique des visages et
de leur expression. Ce dossier souligne notamment la
technique du sfumato pour la perspective ; le naturalisme du style ; la posture des personnages qui leur
offre ce caractère énigmatique ; enfin, la fonction
sociale du portrait féminin.
Ré p ons e s a ux que s tions
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Monna Lisa se trouve assise sur un fauteuil dont on
aperçoit le dossier à droite de la toile, orientée de troisquarts face au spectateur.
2. La lumière vient essentiellement de la droite du tableau
dans le portrait de Ginevra de’Benci, tandis qu’elle vient
de la gauche dans celui de Monna Lisa.
3. Les regards de Ginevra de’Benci et de Monna Lisa ne
fixent pas le spectateur. C’est plus net chez la seconde
où le regard fixe un point situé au-delà du spectateur,
légèrement à sa gauche, provoquant ainsi une mise en
abîme du dialogue entre l’œuvre et celui qui la regarde.
4. La palette dans le portrait de Ginevra de’Benci est un
dégradé des rouges et des bruns et dans celui de Monna
Lisa des bruns, des verts et des bleus. Dans les deux
portraits, les couleurs s’atténuent au fur et à mesure
que l’on approche de l’horizon pour rendre la perspective aérienne.
5. Au premier plan, les mains posées sur un balcon
ouvert, équilibrent la composition.
6. Vinci combine la perspective aérienne et géométrique.
En arrière-plan, un paysage onirique se fond dans l’univers. Au milieu des rochers, l’eau surgit. Les objets sont
de moins en moins définis.
La palette joue sur le dégradé des verts et des bleus qui
s’atténuent au fur et à mesure que l’on approche de l’horizon. Il en résulte l’effet sfumato qui en italien signifie
vaporeux dans lequel le personnage apparaît au premier
plan.
Le sfumato permet aussi de dissimuler la construction
pyramidale du tableau, l’autre procédé de la perspective,
cette fois géométrique, utilisée aussi par Vinci.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
7. Vinci est attentif à la physionomie des visages : finesse de la peau ; teinte rougeâtre des joues ; brillance et
humidité des yeux ; cils épilés comme il était d’usage
à l’époque ; fente de la bouche dessinée avec finesse ;
artère de la gorge suggérée pour signifier le battement
du cœur.
Le peintre ne néglige pas le paysage de l’arrière-plan :
arbre reconnaissable dans le portrait de Ginevra de’Benci
et paysage minéral dans celui de Monna Lisa qui rappelle
les Alpes que l’artiste avait observées.
8. Le portrait est naturaliste quand l’artiste veut reproduire exactement la réalité physique et l’expression
du personnage. Toutefois, il idéalise le modèle dans la
mesure où, à travers lui, il vise l’imitation de la Création.
L’individu est reflet de l’harmonie divine.
9. Méprisé parce que son talent est manuel, Vinci défend
la supériorité de son art sur la poésie, la discipline la plus
révérée par l’humanisme. Il considère qu’en s’appuyant
sur la philosophie naturelle, autrement dit la science
notamment anatomique, il réussit à reproduire la vérité
d’un individu par la représentation des mouvements du
corps et des expressions du visage plus que la poésie
qui se limite aux apparences morales des actions de
celui-ci.
10. L’expression de Ginevra de’Benci est légèrement
mélancolique, alors que le sourire de Monna Lisa est plus
marqué grâce à la symétrie du coin droit de la bouche et
du sourcil et qui donne cet aspect énigmatique au personnage. C’est l’une des premières fois que l’on peint un
sourire dans l’art occidental. Il symbolise selon certains
critiques une femme enceinte ou qui vient d’accoucher.
Giocondo signifie « heureux, serein ». Pour d’autres, le
sourire demeure mélancolique, prêt à s’éteindre et renvoie au pont de l’arrière-plan qui signifie le temps qui
passe.
11. Les commanditaires ont fait réaliser ces tableaux
pour célébrer la beauté de leurs épouses. C’est donc
un geste affectif, mais aussi social dans la mesure où,
à travers elles, la réussite de ces deux marchands est
exhibée.
Pages 196-197
étude
Luther : un nouveau
rapport de l’homme à Dieu
Ce dossier présente les points essentiels sur lesquels
Luther appuie sa contestation de l’autorité de l’Église
catholique romaine : la justification par la foi seule
contre le mérite des œuvres religieuses et le sacerdoce
universel contre le clergé. À la violente propagande
protestante qui caricature Rome, les catholiques
répondent par d’autres images et textes polémiques,
tandis qu’au concile de Trente, l’Église se renforce
pour mieux contrôler ses fidèles et combattre les
hérétiques.
57
Ré p ons e s a ux que s tions
La contestation de l’Église romaine
1. Luther avance que les œuvres religieuses (fondation,
pèlerinage, indulgence, etc.) sont inutiles. Le fidèle est
sauvé uniquement parce qu’il place toute sa confiance,
la foi, dans le Christ qui s’est sacrifié pour assurer le
salut des chrétiens. Par cette thèse, Luther remet en
cause l’utilité de l’Église institutionnelle, l’Église visible,
au profit de l’Église invisible, la communauté spirituelle
des chrétiens vivant en symbiose avec le Seigneur.
2. Pour Luther, les chrétiens sont tous égaux devant Dieu.
Ils sont tous prêtres. C’est ce qu’il appelle le sacerdoce
universel. Selon lui, le sacrement de l’ordination qui distingue le clerc du laïc est une invention de l’Église catholique qui n’est pas attestée dans la Bible. De fait, le clergé
n’est pas supérieur aux laïcs et le pape n’a aucune légitimité à représenter le Christ sur terre. Comme tout fidèle,
il doit se soumettre à l’autorité de la Bible qui contient la
parole divine. S’il agit contre elle, les chrétiens doivent
donc se soulever contre lui.
3. Dans La Vraie et Fausse Église (vers 1546-1547),
Lucas Cranach le Jeune (1515-1586), peintre allemand,
de confession luthérienne, propose une caricature de
l’Église catholique et une apologie de l’Église luthérienne.
La caricature est divisée, de part en part de la colonne
antique. À gauche (du point de vue de l’image), le côté
de l’Enfer, l’artiste stigmatise les « abus » de l’Église
romaine. Dans une chaire, un gros moine, inspiré par une
chauve-souris, animal démoniaque, prêche devant une
assemblée ecclésiastique. Parmi elle, un moine laisse
échapper un jeu de cartes et de dés, signe de l’hypocrisie
cléricale. D’autres clercs, assis devant une table, écoutent un théologien caricaturé en oiseau monstrueux.
Un pape accumule l’argent qu’ont offert les fidèles pour
obtenir des grâces (messes pour les morts, fondations religieuses et Indulgences). L’inscription indique :
« Pendant que le sou résonne encore, l’âme monte au
ciel ». De même, les pratiques catholiques sont stigmatisées : du centre vers la droite de l’image, une procession de pèlerins, le sacrement de l’extrême-onction, un
pape bénissant une cloche à terre et un seau d’eau dont
l’usage permettait d’effacer les péchés. Enfin, au lieu du
Christ intercesseur, c’est saint François d’Assise qui se
trouve au côté de Dieu le Père, manière de dénoncer le
culte des saints et l’usurpation des moines au détriment
du Christ. Cependant, Dieu envoie les flammes de sa
colère sur l’Église hérétique.
En revanche, à droite de la colonne antique (du point
de vue de l’image), le côté du Paradis, le triomphe de
l’Église luthérienne est représenté. Un phylactère en
58
diagonale unit le pasteur qui prêche, l’agneau mystique, symbole de l’Église invisible, le Christ, seul médiateur entre le Père et ses fidèles, et le Seigneur. Ainsi,
Cranach insiste sur le rôle central de la Parole dans le
culte protestant. La communauté des fidèles n’est plus
limitée au corps ecclésiastique mais étendue à tous les
fidèles. Jean-Frédéric de Saxe, chef de la ligue luthérienne de Smalkalde, la représente. Après la défaite de
Mühlberg (1547), l’empereur Charles Quint le mit en prison. Désormais, le prince luthérien porte sa croix avec
patience et dévotion, modèle pour tous les chrétiens.
Enfin, les deux sacrements de l’Église luthérienne sont
présentés : le baptême et la Cène eucharistique devant
un grand crucifix. Les fidèles communient sous les deux
espèces, le pain et le vin.
La partie droite de la caricature représente donc la simplicité du culte luthérien face au foisonnement rituel catholique, à gauche. Ainsi, à travers cette caricature, l’opposition définitive des Églises est manifeste. La « couture du
manteau de l’Église » occidentale est déchirée.
La réponse catholique
4. Luther est caricaturé en diable car il a été excommunié
en 1520 par le pape. Il est donc un suppôt du Malin qui
induit en erreur les fidèles pour les conduire en Enfer.
Ici, le diable souffle l’hérésie dans une cornemuse qui a
la tête du protestant.
5. Pour Ronsard, la Réforme est le fruit de « l’opinion »
qui se caractérise par sa diversité, sa jeunesse, son
orgueil et son obstination. Il l’oppose implicitement à
la tradition de l’Église romaine qui repose sur la Bible,
les docteurs de l’Église, les conciles et un pape unique.
Luther est le « fils » de l’opinion. Il n’a cherché qu’à affirmer son ambition personnelle en contestant l’autorité de
l’Église romaine. Aussi, il a quitté les ordres pour acquérir
une renommée à l’égal des souverains et soumettre le
peuple à son autorité.
6. Au concile de Trente (1545-1563), l’Église romaine
répond à la Réforme par le renforcement de sa discipline au profit des évêques dans leur diocèse et au profit
du pape qui a eu pour charge de mettre en œuvre les
décrets décidés au concile. L’autorité de la Vulgate est
réaffirmée contre les versions protestantes de la Bible.
Cependant, l’Église n’interdit pas de nouvelles versions
de la Bible, ni ses traductions en langue vernaculaire, à
condition que celles-ci reçoivent son imprimatur.
Rédiger
L’Église chrétienne doit faire face au XVIe siècle à des
contestations théologiques qui aboutissent à son implosion. Au nom de la justification par la foi seule et de la
supériorité de la Bible sur l’Église visible, de nouvelles
Églises se constituent sous l’autorité doctrinale de
Luther et de Calvin notamment et sous la protection de
princes et de cités-États séduits par ceux-là. Face aux
Églises protestantes dominantes dans l’Europe du NordOuest, l’Église catholique romaine accomplit une réforme
pour reconquérir les positions perdues. La concurrence
confessionnelle aboutit à de terribles guerres civiles
notamment en France et aux Pays-Bas espagnols, à
partir des années 1560.
Pages 200-201
Exercices
et méthodes
L’art de la Renaissance
1. Le thème est le combat de David contre Goliath. La
source d’inspiration est le livre de Samuel de l’Ancien
Testament.
2. Michel-Ange représente le combat de David au moment
où celui-ci s’empare d’une pierre, juste avant de la placer
sur sa fronde.
3. Le David est représentatif de la révolution stylistique
de la Renaissance parce qu’il s’inspire du modèle antique : statue colossale, nu et contrapposto. En outre, il
répond à une commande de la cité de Florence, caractéristique du mécénat civique de la période.
Méthode
Étape 1
1.
Nature
Date
Bible de
VIIe-VIe
Doc. 1 Jérusalem,
Samuel,
av. J.-C.
XVII, 1-58
Période
Lieu de
réalisation
Antiquité
Israël
Statue
Vers 300
Doc. 2 d’Apollon
dit Apollon av. J.-C. Antiquité
lycien
Grèce
Doc. 3 Statue
de David
1504
considéré de son vivant comme le plus grand artiste de
la Renaissance, au même titre que Léonard de Vinci.
Étape 2
3. David est le deuxième roi hébreu (v. 1010-v. 970 av.
J.-C.). Avant de succéder au roi Saül, il triompha des
Philistins par sa victoire contre leur champion Goliath.
4. Le David (1504) de Michel-Ange symbolise la révolution du statuaire. Sculpté dans un gigantesque bloc de
marbre, le colosse de près de quatre mètres célébrant
la République de Florence renoue avec le nu antique. Le
poids du corps repose sur une jambe pour imprimer à
la silhouette un mouvement sinueux, le contrapposto.
Ainsi, l’homme en mouvement est magnifié.
5. David tient une pierre qu’il s’apprête à lancer contre
Goliath.
6. Le terme de « Renaissance » signifie une révolution
culturelle aux XVe et XVIe siècles, qui toucha l’ensemble des
disciplines intellectuelles et artistiques de l’Europe. Ses
protagonistes, humanistes et artistes, rejettent la culture médiévale pour renouer avec les canons littéraires et
esthétiques de l’Antiquité. C’est en Italie principalement
et dans les Flandres qu’elle se développa au XVe siècle,
puis, elle se diffuse dans le reste de l’Europe au XVIe siècle, stimulée par le mécénat royal et aristocratique.
7. Les codes esthétiques de la sculpture s’inspirent des
Antiques dont on fait collection. Ils remettent à l’honneur
des statues colossales qui valorisent le corps humain
grâce à de nouvelles techniques. La sculpture en rondebosse permet de travailler la figure sous tous ses profils
en l’isolant et le contrapposto imprime un mouvement
sinueux à la silhouette en faisant reposer le corps sur
une jambe. Ces personnages, souvent inspirés de la
Bible ou de la mythologie gréco-romaine, constituent
des allégories de la beauté, de la force ou de la piété,
destinées à satisfaire des commanditaires qui aspirent
à la postérité terrestre et spirituelle.
Exercice d’application
Renaissance Florence
2. Michelangelo Buonarroti (1475-1564), dit Michel-Ange,
est un peintre, sculpteur, architecte et poète toscan. Il
est l’auteur notamment du David, sculpture géante à
Florence, des fresques de la chapelle Sixtine à SaintPierre de Rome et du tombeau du pape Jules II. Il est
1. Le thème du tableau est l’épisode biblique de la tour
de Babel. Celui-ci est inséré dans la Genèse, entre la Table
des peuples des rescapés du Déluge et la généalogie
d’Abraham. Il présente une humanité parlant « un seul
langage » et faisant halte commune pour s’établir dans
la plaine du pays de Chinéar, c’est-à-dire en Babylonie.
Les hommes décident alors de bâtir une tour « dont le
sommet touche le ciel » afin que leur nom soit aussi célèbre que celui de Dieu. La tour serait une construction de
Babylone. L’étymologie savante de Babel signifie « porte
59
du Ciel ». Le seigneur vint interrompre la folle tentative
des hommes. Il brouille leur langage et les disperse sur
la terre dans la confusion. La tour resta inachevée. Une
étymologie populaire de Babel vient du terme hébreu
Bâlal qui signifie « embrouillé ». Le thème de la tour de
Babel est ainsi la punition des hommes orgueilleux et
vaniteux qui voulurent imiter la puissance de Dieu. Il renvoie au proverbe chrétien « Vanitas vanitatum, et omnia
vanitas. » (Écclésiaste 1, 2) – « Vanité des vanités, et
tout est vanité. ».
2. Dans le tableau, Bruegel illustre le labeur des hommes
en train de construire la tour de Babel. Au premier plan, à
gauche, le roi Nemrod, descendant de Cham, le deuxième
fils de Noé, vient visiter l’entreprise. Selon la tradition
juive, il est considéré comme le premier prince à établir
un empire qui aurait couvert toute la Mésopotamie. Il
est dit aussi « grand chasseur devant Yahvé », ce qui
signifie « au jugement de Yahvé ». Ainsi, il annonce le
châtiment divin sur l’orgueil de l’humanité. Devant lui,
des tailleurs de pierre travaillent.
3. Bruegel a fait son voyage en Italie. La tour s’inspire
du Colisée, à Rome. Son aspect inachevé sert à dévoiler
l’architecture intérieure. Celle-ci est constituée d’une
série d’arches de pierres disposées en assises elliptiques reliées entre elles par des galeries voûtées et
inclinées.
4. La Grande Tour de Babel, qui date de 1563 est plus
pessimiste que l’École d’Athènes, réalisée cinquante ans
plus tôt (p. 180). Bruegel représente la nature éphémère
des constructions humaines alors que Raphaël peignait,
au contraire, l’éternité du monde des idées. Le peintre
flamand témoigne ainsi des troubles de son époque. Les
guerres de Religion qui déchirent l’Occident manifestent
la colère divine qui s’abat sur les hommes, incapables
d’une concorde religieuse. En dépit des progrès techniques et artistiques du XVIe siècle, les hommes restent
empêtrés dans leurs luttes intestines. Pour y remédier,
ils doivent se tourner vers les vérités spirituelles.
Page 202
réviser
Exercice 1
1. a ; 2. c ; 3. b.
Exercice 2
1. République des Lettres.
2. Perspective.
60
3. Mécène.
4. Justification par la foi seule.
Exercice 3
1. Les humanistes révèrent les Anciens dont ils cherchent les manuscrits. Ils imitent leur style et leur philosophie. Les artistes admirent les Antiques qui constituent
des modèles esthétiques à imiter pour leurs propres
œuvres.
2. Les imprimeurs sont des entrepreneurs qui sont à
la tête d’ateliers qui rassemblent plusieurs dizaines
d’ouvriers. Ils sont à la fois des imprimeurs, éditeurs et
libraires qui se constituent des réseaux commerciaux
à l’échelle du continent. Ce sont aussi des hommes de
culture qui s’entourent d’humanistes financés par leurs
soins pour l’édition des textes antiques.
3. Les élites des villes italiennes, enrichies par la croissance économique s’adonnent à l’embellissement de
leur cité et réalisent de nombreuses commandes aux
artistes de l’art nouveau. Elles stimulent donc la création
artistique et ses innovations.
4. Des chrétiens dénoncent les abus de l’Église catholique et aspirent à la réformer pour retrouver la pureté
de l’Église primitive. Parmi eux, le moine saxon Martin
Luther n’hésite pas à remettre en cause l’autorité romaine jugée décadente et prêche une dévotion qui repose
exclusivement sur la foi en Christ. De nouvelles Églises,
dites protestantes ou réformées, connaissent un succès
rapide dans l’Europe du Nord-Ouest. Ainsi, l’Église catholique se déchire en plusieurs Églises concurrentes au
XVIe siècle, déchirement qui dégénère en guerres civiles
meurtrières à partir du milieu du XVIe siècle.
Exercice 4
• Michel-Ange est renommé pour ses sculptures, le David
par exemple (1504) ou le mausolée de Jules II (15051542), ses fresques, la décoration de la chapelle Sixtine
(1508-1541) et ses aménagements architecturaux de la
bibliothèque de Laurent le Magnifique ou de la basilique
Saint-Pierre, à Rome.
• Léonard de Vinci est renommé pour ses portraits,
Monna Lisa (1503-1507), ses tableaux religieux, La
Vierge aux Rochers (1483-1484) ou La Vierge, l’Enfant
Jésus et sainte Anne (1520-1513), ses traités théoriques
sur la peinture et ses dessins d’étude scientifique (anatomie, invention mécanique, etc.).
C HCAHPAI PT IRTER E
8
Un nouvel esprit scientifique
et technique (XVIe-XVIIIe siècles)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
Deuxième question au choix : L’essor d’un nouvel esprit scientifique et technique
(XVIe-XVIIIe siècle).
Deux études choisies parmi les trois suivantes :
• un savant du XVIe ou du XVIIe siècle et son œuvre ;
• les modalités de diffusion des sciences au XVIIIe siècle ;
• l’invention de la machine à vapeur : une révolution technologique
Bibliographie
Bibliographie générale
• Simone Mazauric, Histoire des sciences à l’époque moderne, Armand Colin,
coll. U, 2009.
• Paolo Rossi, La Naissance de la science moderne en Europe, Seuil, 1999.
Sur Galilée
• Fabien Chareix, Le Mythe Galilée, PUF, 2002.
• Jean-Pierre Maury, Galilée. Le messager des étoiles, Gallimard,
coll. Découvertes n° 10, 2005.
Sur la diffusion des sciences
• Émilie Du Châtelet. Éclairages & documents nouveaux, études réunies par Ulla
Kölving et Olivier Courcelle, Centre international d’études du xviiie siècle, 2008.
• Dix-huitième Siècle, revue n° 40 (la « République des sciences »),
La Découverte, 2008.
Sur Watt et la machine à vapeur
• Jacques Payen, Capital et machine à vapeur au xviiie siècle. Les frères Périer et
l’introduction en France de la machine à vapeur de Watt, Éditions Mouton, 1969.
• Richard Leslie Hills, James Watt, Landmark Publishing, 3 vol., 2002-2006.
Sites internet
• Le site Ciel et espace radio, dossier sonore sur Galilée :
http://www.cieletespaceradio.fr/galilee_le_messager_des_etoiles.510.HIST_001
• Le site de l’exposition « Émilie du Châtelet, une femme des sciences et de lettres
à Créteil » : http://aura.u-pec.fr/duchatelet/index.html
• Le site du musée des Arts et Métiers, dossier sur les machines à vapeur :
http://visite.artsetmetiers.free.fr/machine_vapeur.html
61
Pages 206-207
184-185
documents
Une nouvelle vision
de l’Univers
Il faut ici insister sur la continuité entre la science
antique et la science médiévale. On comprendra ainsi
mieux la rupture qui se produit à la Renaissance : c’est
en cherchant à améliorer les recherches de Ptolémée
que Copernic en vient à proposer son hypothèse audacieuse, de même que Vésale voulait compléter et illustrer les théories de Galien. Dès lors, de découvertes en
découvertes, les Modernes se mettent à dépasser peu
à peu le savoir des Anciens.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1 et 2
1. Le document 1 est une enluminure d’un manuscrit
médiéval. Le document 2 est une planche gravée et
colorisée d’un atlas céleste du XVIIe siècle représentant
le système ptoléméen.
2. Ces deux documents offrent une vision géocentrique :
la Terre est immobile, au centre de l’Univers, et les autres
planètes, y compris le Soleil, tournent autour. Le document
1 évoque, en outre, la Création par Dieu de l’Univers.
3. Dans les deux documents, l’ordre des planètes est le
suivant : Terre, Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter
et Saturne. Ce sont les sept « planètes » visibles par l’œil
humain sans instrument et connues dès l’Antiquité.
Même si certains Anciens ont proposé un modèle héliocentrique (notamment Aristarque de Samos, III e s iècle
av. J.-C.), la plupart, dont le grand Aristote, défendent un
modèle géocentrique. En raison du succès au Moyen Âge
de la philosophie naturelle de ce dernier, du fait que le
récit de la Création s’accorde parfaitement à cette théorie,
et de la relative précision des calculs établis par Ptolémée
– car on peut, même avec une théorie fausse, prévoir à
peu près justement l’apparence des phénomènes ! – le
géocentrisme resta dominant jusqu’au XVIe siècle.
Doc. 3
Copernic se permet de forger une hypothèse puisque ses
prédécesseurs en ont fait autant. Il souligne ici le caractère hypothético-déductif de la démarche scientifique.
Mais il a conscience que ce changement d’hypothèse
ne vaut que s’il permet de décrire plus précisément les
phénomènes, ce qu’il confirme par un « examen soutenu
et long », une série de calculs lui permettant de montrer
que l’hypothèse héliocentrique est compatible avec les
apparences et qu’elle est aussi plus apte à les expliquer.
62
Doc. 4
1. Doc. 3 et 4. L’héliocentrisme est une vision de l’Univers dans laquelle le Soleil se trouve immobile, au centre,
tandis que les planètes tournent autour.
2. Doc. 2 et 4. Dans le système héliocentrique :
– le Soleil, et non la Terre, est au centre de l’Univers ;
– la Lune n’est plus une « planète » mais un satellite de
la Terre, ce qui pose un sérieux souci à la physique aristotélicienne. L’ordre des planètes se trouve également
bouleversé : Soleil, Mercure, Venus, Terre et son satellite
la Lune, Mars, Jupiter et Saturne.
Les points communs entre l’héliocentrisme et le géocentrisme sont la série de cercles concentriques, l’ultime sphère correspondant à l’horizon des étoiles fixes
(signes du zodiaque) et le fait qu’il n’y a pas de planète
en plus dans l’héliocentrisme.
3. L’héliocentrisme est difficile à accorder au récit biblique. En faisant de la Terre une planète comme une autre
dans le système solaire, l’homme se trouve en quelque
sorte « décentré ».
Doc. 5
1. En 1609, Galilée perfectionne, à partir d’une invention hollandaise récente, un modèle de lunette astronomique (cf. illustration). C’est l’« instrument tout à fait
excellent » dont il est question dans le texte. En braquant
vers le ciel cet instrument – qui au départ n’était sans
doute qu’une longue vue pour mener des opérations de
guerre –, Galilée observe des choses qu’aucun savant
de l’Antiquité ni du Moyen Âge n’avait pu voir.
2. Le premier jour, Galilée observe trois « étoiles » particulièrement brillantes autour de Jupiter, deux à l’est, une
à l’ouest. Il n’est jamais facile – même encore aujourd’hui
– d’identifier les corps célestes qui apparaissent tous
sur un même plan (le ciel étoilé) depuis la Terre... Mais
le lendemain, Galilée observe que ces mêmes « étoiles
» ont bougé ; plus tard, il en identifie une quatrième. Elles
ne sont donc pas « fixes » et ce ne sont pas des « étoiles
» mais des petits satellites (éclairés par le Soleil, comme
la Lune) qui tournent autour de Jupiter. Le fait qu’elles
évoluent sur une même ligne (parallèle à l’écliptique) est
un autre argument en faveur de cette hypothèse.
Pages 208-209
184-185
étude
Le procès contre Galilée
Dans cette étude, il convient de ne pas radicaliser outre
mesure les positions. Galilée, catholique sincère, n’a pas
cherché le conflit avec l’Église, c’est d’ailleurs parce qu’il
était entouré et apprécié de prélats qu’il a cru pouvoir
défendre l’héliocentrisme sans risque. De même, certains ecclésiastiques soutiennent Galilée et sa doctrine.
Le procès doit être compris dans le contexte romain
post-tridentin et surtout en rapport avec les dangers
que la remise en cause de l’aristotélisme fait peser sur
certains points cruciaux de théologie.
Ré p ons e s a ux que s tions
Les convictions coperniciennes de Galilée
1. Oui, Galilée a conscience que ses idées coperniciennes pourraient lui attirer des ennuis. La lettre date de
1597. Le bruit a couru à Rome que le livre de Copernic
devait être interdit dès sa parution en 1543. Bien que
plusieurs grands savants (l’un des plus illustres est justement Kepler) adoptent l’héliocentrisme, plusieurs le
trouvent absurde. Tycho Brahé (1546-1601) combine les
deux théories : le Soleil tourne autour de la Terre placée
au centre de l’Univers mais les autres planètes autour du
Soleil ! C’est la théorie qui sera défendue par les Jésuites,
les grands adversaires de Galilée.
2. Galilée a constaté, par ses observations, que l’héliocentrisme permettait d’expliquer plusieurs phénomènes
auparavant mal compris. En outre, certains phénomènes
nouveaux (les satellites de Jupiter, les phases de Vénus,
le relief lunaire, les taches solaires, etc.) sont incompatibles avec la théorie aristotélo-ptoléméenne classique.
3. En présentant le débat sous forme de dialogue, chacun peut avancer ses arguments. L’auteur peut toujours
dire, au cas où certains propos seraient jugés suspects,
qu’il ne les partage pas, l’effet de la contradiction le protège des accusations.
La condamnation de Galilée
4. Les juges de Galilée sont les cardinaux inquisiteurs du
tribunal du Saint-Office. Dans le document 4, on les voit
tous, avec leur chapeau rouge, alignés en tribunal sur
une estrade devant Galilée. On peut remarquer l’agitation
dans la salle du couvent dominicain de Santa Maria sopra
Minerva à Rome : beaucoup d’ecclésiastiques, mais aussi
plusieurs gentilshommes, la plupart en train de discuter
avec véhémence avec leur voisin. Un greffe assis derrière Galilée note chacune de ses déclarations.
5. Le Saint-Office considère Galilée comme hérétique car
l’héliocentrisme est contradictoire avec l’Écriture sainte.
Plusieurs passages de la Bible (notamment Josué X,
12-13 et Job IX, 7) suggèrent que le Soleil tourne autour
de la Terre et le récit biblique de la Création s’accommode
fort mal de l’hypothèse héliocentrique. La menace sur la
physique aristotélicienne, sur laquelle l’Église a depuis le
XIIIe siècle fondé sa philosophie naturelle et sa théologie,
est tout aussi grande.
6. Le livre de Galilée est interdit et brûlé. Galilée luimême est condamné à la prison, peine qu’il exécutera
jusqu’à sa mort, en 1642, dans la villa d’Arcetri près de
Florence. On peut parler de « prison dorée », mais la vie
n’y fut pas facile : on raconte que lorsque Galilée se rendait à l’église, tous les villageois s’écartaient de lui, le
considérant comme un pestiféré.
7. Le crime d’hérésie est d’ordinaire puni de mort. Le tribunal propose à Galilée de commuer sa peine en prison
« pour le temps qu’il nous plaira », si celui-ci accepte
d’abjurer cette « fausse doctrine » de l’héliocentrisme,
ce que fait Galilée lors de la célèbre séance du 22 juin
1633 : « Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de
Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être
jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans
la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma
main les Saints Évangiles, jure que j’ai toujours tenu pour
vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l’aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église
Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne
[...]. » Le prétendu ... « E pur si muove ! » (« Et pourtant
elle tourne ») qu’il aurait murmuré après avoir abjuré sa
théorie, est une pure légende historique.
Rédiger
Depuis le milieu du Moyen Âge et jusqu’au milieu du XVIe
siècle, sciences et foi ont fait bon ménage. La « synthèse » scolastique a permis d’allier les exigences de
la théologie avec celles de la raison, la physique aristotélicienne étant manipulée pour arriver à ces fins.
Mais, à la Renaissance, la redécouverte d’un Aristote
plus fidèle à lui-même et les nouvelles connaissances scientifiques bousculent cet équilibre. Le procès
Galilée est le résultat de ce conflit. En faisant procès à
Galilée, l’Église entend certes préserver l’Écriture sainte
de la critique mais surtout sauver la physique aristotélicienne sur laquelle repose une partie de ses propres
vérités théologiques (dogme de la transsubstantiation,
entre autres). D’ailleurs, les théologiens protestants ne
furent pas plus tendre avec les « coperniciens ». Quant
à Galilée, il est un catholique sincère mais il postule que
les Saintes Écritures doivent nous apprendre comment
on va au Ciel et non comment va le ciel !
63
Pages 212-213
histoire des arts
Rembrandt peint les
progrès de la médecine
Ce dossier a le double objectif d’évoquer les progrès
de la médecine et les techniques picturales modernes au travers d’un exemple célèbre. Depuis Vésale,
la connaissance du corps humain a grandement
progressé, les ouvrages illustrés de gravures parfois
colorisées n’y ont que peu contribué. À l’époque où
Rembrandt peint ce tableau, Harvey a décrit la circulation sanguine et Descartes s’apprête à faire connaître
sa théorie des animaux-machines.
Ré p ons e s a ux que s tions
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Tous les personnages – les membres de la guilde des
chirurgiens et le docteur Tulp, qui est le seul à porter un
chapeau, signe de l’éminence de sa fonction – entourent
tous le cadavre.
2. Le décor se caractérise par une pièce sombre, avec
des colonnes, qui pourrait être un « théâtre anatomique » (avec une liberté d’artiste : une séance d’anatomie
doit se dérouler dans la plus grande clarté bien sûr !). Sur
une table au centre, un cadavre, probablement celui d’un
condamné à mort. Ces messieurs, à fraise et collerette,
s’entassent un peu autour du corps anatomisé. Aux pieds
de celui-ci, un livre ouvert, peut-être Galien ou son réformateur du XVIe siècle, Vésale.
3. Le docteur Tulp tient dans sa main droite une pince,
qui prend en masse un corps musculaire que l’on peut
identifier comme le fléchisseur superficiel des doigts,
avec sa terminaison en tendons multiples sur la deuxième phalange de chaque doigt. S’il tire sur sa pince, il va
provoquer une flexion des doigts. C’est ce qu’il montre
par le geste de sa main gauche.
4. Rembrandt suggère le mouvement :
– par le jeu des regards, tous simultanés mais que l’on
peut également supposer successifs (vers le cadavre, vers
le livre, vers le docteur) pour chacun des témoins ;
– par la disposition désordonnée des personnages ;
– par la profondeur de champ ;
– par la correspondance entre le geste de la main droite
et celui de la main gauche : lorsque Tulp aura tiré sur la
pince, la main du mort imitera le geste de sa main gauche, la scène se déroule donc juste avant ce geste.
5. Rembrandt a très bien exploité le jeu des regards, ce
qui est pour beaucoup dans la mise en mouvement du
64
tableau. Certains regardent le maître, d’autres le corps,
d’autres les mains de Tulp, d’autres le livre, d’autres le
public dont on peut penser qu’il est à la fois le spectateur du tableau et l’assemblée des étudiants réunis pour
la démonstration dans l’amphithéâtre d’anatomie. Les
visages expriment étonnement, curiosité et fascination.
C’est véritablement une représentation figurée de la saisie scientifique du monde.
6. Le cadavre irradie et illumine le visage des jeunes
chirurgiens, le contraste entre le mort et le vivant est
ainsi fortement souligné, avec un amusant paradoxe
puisque c’est le mort qui est blanc et les vivants qui
sont noirs. Les visages, éclairés par cette lumière morbide, trahissent leurs émotions : tous se ressemblent et
pourtant chacun exprime une émotion particulière. La
raideur et la noirceur du docteur Tulp contribue à l’isoler.
Le livre, relégué en coin, échappe au clair-obscur : il est
placé dans un entre-deux de lumière qui correspond à
son statut heuristique, ni central ni abandonné.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
7. Le document 2 illustre parfaitement ce qu’est l’anatomie à la fin du Moyen Âge : une science essentiellement
livresque, professée en chaire. Le maître énonce des
vérités tirées de Galien sans même jeter un œil au cadavre. Les élèves entourent le sector qui découpe et l’ostentor qui pointe avec une baguette les parties décrites
par le maître. Des étudiants plus âgés, à gauche, dédaignent la leçon car ils connaissent déjà le texte galénique
et le corps anatomisé ne leur est d’aucune utilité... Le
tableau de Rembrandt présente au contraire un médecin qui dissèque lui-même et fait la démonstration du
fonctionnement du corps devant ses confrères éberlués,
la confrontation avec le livre situé au pied du cadavre
est devenue problématique. Le corps a remplacé le livre
mais ne l’a pas supprimé.
8. Dans le document 3, comme dans le document 1, les
personnages sont tous habillés de manière identique, ce
sont tous des hommes de même condition et de même
âge.
9. La guilde des chirurgiens de la ville d’Amsterdam a
commandé ce tableau.
10. Un portrait de groupe permet, comme le portrait
individuel, de singulariser des individus mais en tant
qu’appartenant à un même groupe qui peut être professionnel, social ou autre. Les corps de métier apprécient
ce genre de peinture car cela leur permet d’affirmer leur
statut social, de vanter leurs mérites et d’asseoir leur
réputation professionnelle. Cela sert aussi plus prosaïquement à décorer les murs de leurs établissements...
Pages
Pages 184-185
214-215
Doc. 2
documents
Doc. tif
ac
inter
L’enseignement
et la diffusion des sciences
au XVIIIe siècle
Cette double page évoque la manière dont les connaissances scientifiques se diffusent au siècle des Lumières.
On peut parler d’émergence d’une véritable « culture
scientifique », au moins chez les élites. L’enseignement,
les réseaux de correspondances, d’académies et la
publication d’œuvres de vulgarisation permettent
cette évolution.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. Debout derrière le jeune élève, le père de famille. À sa
droite, assise sur une banquette, la mère et, à sa gauche, un prêtre, probablement le confesseur du couple.
Aux pieds de la mère, un jeune frère. Assis autour de la
table, l’élève et son précepteur (veste rouge). On peut
également noter la présence d’un domestique qui passe
le pas de porte en emportant des boissons.
2. L’éducation des jeunes nobles pouvait se faire en collège, mais les familles les plus fortunées préféraient,
au moins pour un temps, avoir recours à un précepteur. Les parents peuvent ainsi orienter le contenu des
leçons. La présence du prêtre nous indique que l’éducation morale et religieuse ne se dissocie pas de l’instruction, il n’est pas rare d’ailleurs que le précepteur soit un
ecclésiastique.
3. Nous reconnaissons : un globe terrestre, une guitare,
des livres, une planche illustrant une citadelle bastionnée et le précepteur tient entre ses mains une forme
pyramidale. Ces objets représentent donc la géographie, la musique, l’architecture militaire (poliorcétique)
et la géométrie. Les quatre disciplines font appel aux
« mathématiques appliquées », particulièrement appréciées par les élites urbaines.
4. Le dessin posé contre le pied de table est un plan
de citadelle bastionnée, à la Vauban si l’on veut. Les
techniques de siège et d’aménagement des défenses
(poliorcétique) demandent une certaine compétence
mathématique. L’art de la guerre est devenu bien plus
« technologique » à l’époque moderne, en raison notamment des progrès de l’artillerie. On voit que ce jeune noble
est probablement destiné à une carrière militaire.
Ce frontispice ne représente non pas des comètes mais
le système solaire, chaque planète possédant son petit
cône d’ombre portée. Les six planètes connues sont
représentées. Notez la présence de la Lune à proximité
de la Terre, Jupiter et ses quatre satellites découverts par
Galilée, Saturne, ses satellites et son anneau observé par
Huygens. Notez également que, contrairement aux sphères concentriques de Ptolémée, les planètes tournent
sur des orbites qui ne sont pas d’égale distance au Soleil.
Par exemple, Jupiter se trouve à environ à 740 millions
de km du Soleil, tandis que Saturne est à 1 340 millions
de km. Ce sont les travaux de Kepler qui ont permis de
calculer précisément ces distances. C’est un jeune philosophe qui instruit la belle marquise : les Entretiens
sont autant un texte de vulgarisation scientifique qu’un
manuel de séduction. Ils se déroulent précisément dans
un cadre bucolique, propice à ces deux objectifs.
Doc. 3
1. L’abbé Nollet se trouve à gauche. Il conduit
l’expérience.
2. Un jeune homme suspendu dans une sorte de nacelle
permettant de l’isoler du sol est électrisé par un bâton de
verre tenu par l’abbé. Une dame assise à droite constate,
avec émerveillement, qu’en approchant un doigt de la
narine du jeune homme, elle en tire des étincelles. De
sa main gauche, le jeune homme attire de petites boulettes de papier qui flotte en l’air comme par magie. Sur
les murs, dans les étagères, d’autres instruments de
physique.
3. Le public est composé d’hommes et de femmes
de la bonne société, tous éberlués par ce spectacle
frissonnant.
Doc. 5
1. Émilie du Châtelet a traduit et commenté les Principia
de Newton, l’un des ouvrages les plus importants de
l’histoire de la physique moderne.
2. Selon Voltaire, il fallait traduire Newton, d’une part
parce qu’il n’est pas toujours facile de lire des choses
ardues dans une langue étrangère, même si la plupart
des savants lisent et écrivent le latin et, d’autre part,
parce que l’ancienne langue latine (langue morte)
n’est plus adaptée aux nouveautés scientifiques du
temps, le français (langue vivante) ayant intégré, lui, le
vocabulaire nouveau. Enfin, le français étant la langue
diplomatique parlée dans toutes les Cours d’Europe,
il peut remplacer le latin comme langue scientifique
internationale.
65
Pages 218-219
étude
James Watt et la révolution
de la vapeur
James Watt n’est pas l’inventeur de la machine à
vapeur, il s’est contenté d’en améliorer le procédé
mais cette amélioration fut décisive pour son application industrielle. Cette étude doit faire prendre la
mesure du poids de cette invention dans le destin des
Européens. Elle permet également d’appréhender un
monde technologique qui est en train de naître, c’està-dire une alliance étroite et nouvelle entre les sciences et les techniques.
Ré p ons e s a ux que s tions
La vapeur comme force motrice
1. La machine à vapeur peut produire des mouvements
rotatifs (turbine) ou linéaires (piston).
2. L’idée de la transmission du mouvement rotatif (turbine) en mouvement linéaire (pilon) est géniale mais il
est peu probable que cela fonctionne avec une simple
marmite posée sur un feu, ni que cela fonctionne très
longtemps ! Il faudrait donc pouvoir produire de la vapeur
en quantité avec une pression suffisante pour actionner
le mécanisme durablement.
La première utilisation de la machine de Watt
3. Les machines à vapeur dans les mines servent à épuiser l’eau des galeries.
4. Les chevaux se tuent à cette tâche et il en faut un
grand nombre pour remonter toute l’eau contenue dans
les mines. Les machines à vapeur facilitent donc grandement ce travail.
5. La machine à vapeur permet de puiser l’eau en profondeur et de la distribuer aux Parisiens à volonté. La force
motrice de l’eau est également utilisée pour actionner
une forge.
D’autres utilisations prometteuses
6. La machine à vapeur peut être adaptée aux moyens de
transport suivants : le bateau à vapeur (cf. le fameux bateau
à roues du Mississippi), à l’automobile (échec du procédé)
et surtout, mais plus tard, à la locomotive (1804).
Rédiger
Dès l’Antiquité, les hommes ont cherché par divers
moyens à augmenter leur force de travail pour les travaux répétitifs et pénibles. Ils ont su utiliser la force des
animaux (bœufs, chevaux, etc.) et celle des éléments
depuis le Moyen Âge (moulins à vent, moulins à eau)
66
mais, ensuite, aucun progrès significatif ne fut accompli pendant des siècles. Au XVIIe siècle, la maîtrise de la
dynamique des gaz a permis d’envisager une machine
à vapeur avec suffisamment de pression pour actionner des mécanismes. Les procédés se perfectionnent
au siècle suivant, permettant d’épuiser les eaux d’une
mine, d’animer un atelier sidérurgique, voire d’assurer le
transport (automobile, bateau, puis train). La production
industrielle va bientôt en être profondément bouleversée, le corollaire étant l’exploitation massive du charbon
jusqu’à l’arrivée d’un nouveau combustible, le pétrole.
Pages 222-223
Exercices
et méthodes
Antoine Laurent de
Lavoisier, un scientifique
dans son siècle
Introduction
Au XVIIIe siècle, la chimie cherche à conquérir son autonomie par rapport aux quatre disciplines qui lui ont donné
naissance : l’industrie, les sciences naturelles, l’alchimie,
la médecine. Le saut accompli par Lavoisier consiste à
l’abandon de la chimie des « qualités » au profit d’une
science « quantitative », où tout est mesurable et fondé
sur la combinaison d’éléments simples.
I. Les années de formation
Né en 1743, Lavoisier appartient à une famille de la
bourgeoisie parisienne. À partir de 1754, le jeune garçon reçoit au collège des Quatre-Nations une éducation
complète, orientée vers l’étude des sciences. Il assiste
notamment aux cours de physique expérimentale de
l’abbé Nollet et herborise avec Bernard de Jussieu.
D’abord intéressé par la botanique, la minéralogie, puis la
météorologie, il en vient à se convaincre du rôle central
de l’air dans les phénomènes chimiques. C’est au côté
des sciences quantitatives et de la physique qu’il faut,
pense-t-il, fonder une nouvelle chimie.
Ses qualités morales et sa rigueur scientifique le font
remarquer par ses pairs et par les réformateurs de
l’État. Il est déjà fermier général chargé de la collecte
des impôts indirects depuis 1768 lorsque Turgot le place
à la tête de la Régie des poudres en 1775.
En 1771, il épouse Marie-Anne Pierrette Paulze, qui
l’assiste dans ses expériences, prenant des notes et
réalisant tous les dessins de ses ouvrages (doc. 1). La
Révolution ayant déclaré la guerre à tous les manieurs
d’argent de l’Ancien Régime, Lavoisier est condamné à
avoir la tête tranchée le 8 mai 1794.
II. Le « père » de la chimie moderne
Dès 1772, Lavoisier combat la théorie du phlogistique,
formulée par Georg Ernst Stahl et admise par tous les
chimistes. Celle-ci avait l’avantage de rendre compte des
phénomènes de combustion, de calcination, de réduction des métaux, de solution des métaux par les acides et
même de la respiration des êtres vivants. Mais son défaut
majeur est d’être purement qualitative et non quantitative. Si calciner revient à faire sortir le phlogistique contenu dans un métal, on devrait observer une diminution
de poids du produit obtenu et non une augmentation.
Or, c’est tout le contraire : les produits de la calcination
des métaux sont plus lourds que les métaux originels.
Lavoisier, qui croit à la vertu mathématique de la balance,
n’accepte ni la théorie ni l’hypothèse, sa foi dans la loi de
conservation de la masse le lui interdit. C’est par le même
procédé des pesées très précises que Lavoisier combat
la vieille pratique alchimique des transmutations.
Ses travaux portent, à la suite de Priestley et Cavendish,
sur la composition de l’air et de l’eau. Il découvre ainsi
un nouveau gaz qui joue un rôle capital dans la plupart
des réactions chimiques et dans la respiration animale
(doc. 2). Il nomme ce gaz « générateur d’acides » : oxygène. Il établit une nouvelle nomenclature chimique qui
fait la part belle aux composés et à leurs constituants.
III. Un savant soucieux de la diffusion
de ses découvertes
Dès 1774, Lavoisier publie des Opuscules physiques et
chimiques. L’ouvrage donne le programme d’une série
d’expériences réalisées avec succès dans les années
qui suivent. La guerre contre le phlogistique est lancée,
sans cesse alimentée par de nouveaux résultats.
En 1787, vient la Méthode de nomenclature chimique, où
Lavoisier donne la liste de 55 corps simples rangés en
5 classes. Non seulement les noms sont nouveaux mais
ils tiennent compte des données quantitatives. Cette
méthode laisse perplexe nombre de ses contemporains
mais est promise à un grand avenir puisqu’on continue
à en appliquer les principes.
Entre 1787 et 1789, le débat sur le phlogistique rebondit avec la publication d’un livre de Kirwan qui attaque
Lavoisier. Celui-ci réplique en traduisant l’ouvrage de
Kirwan assorti de notes assassines et correctives. C’est
Mme Lavoisier qui est chargée de la traduction, Guyton
de Morveau, Monge et Laplace participent aux notes et
commentaires. Devant tant de science, Kirwan renonce
à ses convictions phlogistiques.
En 1789, Lavoisier publie le Traité élémentaire de chimie,
manuel destiné aux étudiants dont le discours préliminaire est comme l’annonce officielle de la mort de l’ancienne
chimie (doc. 3). La troisième partie présente les instruments utiles pour mener des expériences : bon nombre
ont été inventés ou perfectionnés par Lavoisier.
Conclusion
Au lendemain de l’exécution de Lavoisier, son collègue
Lagrange commente : « Il ne leur a fallu qu’un moment
pour faire tomber cette tête, et cent années, peut-être,
ne suffiront pas pour en reproduire une semblable. »
Exercice d’application
1. La révolution copernicienne : suggestion de plan
I. En quoi peut-on parler de révolution ?
Il faut brièvement rappeler la conception de l’Univers ptoléméen, avant d’expliquer la théorie de Copernic.
II. Les implications scientifiques de la révolution copernicienne (les continuateurs que sont Giordano Bruno,
Galilée ou Kepler), mais aussi ses implications intellectuelles plus larges, notamment religieuses.
III. Les résistances de l’Église
On pourra s’appuyer sur le procès de Galilée.
2. Émilie du Chatelet et la diffusion des idées de Newton
en France
I. L’œuvre de Newton, mal connue en France
En 1687, l’astronome anglais Isaac Newton (1643-1727)
publie un ouvrage fondamental dans l’histoire de la physique moderne : les Philosophiae Naturalis Principia
Mathematica. S’appuyant sur les acquis de ses prédécesseurs, Newton propose une nouvelle théorie globale
de la physique : le ciel et la Terre sont commandés par les
mêmes forces. C’est le même ensemble de lois qui régit
la chute des corps sur Terre et la révolution des planètes
autour du Soleil. Cette nouvelle théorie physique est la
« théorie de la gravitation universelle ».
En France, les idées de Newton sont mal connues et mal
acceptées car elles contredisent une théorie élaborée
par Descartes. Pour ce dernier, le monde est entièrement
constitué de particules de matière en contact les unes
avec les autres, le vide est impossible. Si les planètes
tournent autour du Soleil, c’est parce qu’elles sont entraînées dans un flot de matière invisible qui tourne avec
elles. Les partisans du mécanisme cartésien ne peuvent
accepter la force d’attraction postulée par Newton car
celle-ci s’exerce à distance et n’implique aucun contact
entre les particules de matière.
II. Émilie du Châtelet, amie intime de Maupertuis et
Voltaire
Sa famille, appartenant à la meilleure noblesse, assure
à Émilie une éducation de qualité. Émilie Le Tonnelier
67
de Breteuil naît à Paris, en 1706, de parents nobles fréquentant la Cour. Son père introduisait les ambassadeurs
étrangers auprès du roi et sa mère venait d’une famille
de noblesse militaire. Montrant des dispositions pour les
langues et les mathématiques, excellente latiniste, elle
fréquente la bibliothèque familiale et apprend aussi la
musique, l’équitation et l’escrime. Elle épouse le marquis
du Châtelet en 1725. Sa mère tenant salon, Émilie y rencontre plusieurs beaux esprits de son temps.
En 1733, elle fait la connaissance du physicien
Maupertuis, puis du philosophe Voltaire. Tous deux ont
effectué un voyage en 1726-1728 en Angleterre et découvert le succès des théories newtoniennes qu’ils décident
de faire connaître au public français. Émilie devient successivement la maîtresse des deux hommes, puis se
retire à la fin de l’année 1735 dans son château de Cirey
en compagnie de Voltaire.
III. La traduction française des Principia en 1759
Le château de Cirey-sur-Blaise, à proximité de la Lorraine,
qui n’était pas encore française, offre un refuge aux deux
amants et un cadre idéal de travail. Voltaire, philosophe
impertinent, vit sous la menace constante d’un embastillement, il doit pouvoir quitter la France au plus vite.
Quant à Émilie, elle tente d’échapper à ses obligations
mondaines.
En 1738, Voltaire publie ses Éléments de la philosophie de
Newton, sa première tentative pour mieux faire connaître le « newtonisme » en France. Émilie l’a grandement
aidé de ses compétences mathématiques pour rédiger
ce travail car, si Voltaire a la plume, Émilie a l’intelligence
des chiffres. En 1740, c’est au tour d’Émilie de publier
ses Institutions de physique destinées à vulgariser les
connaissances scientifiques de son époque et à aider les
parents à donner à leurs enfants une instruction savante
de qualité.
À partir de 1744, Émilie se consacre à la traduction française des Principia. Tandis que Voltaire s’éloigne, Émilie
entreprend, avec l’aide du mathématicien Clairaut, la traduction et le commentaire de Newton. Elle abandonne
alors toute vie sociale. Enceinte à 43 ans de son nouvel
amant, le marquis de Saint-Lambert, elle se hâte d’achever son travail sans compter les heures. Le 4 septembre
1749, elle donne naissance à une petite fille mais meurt
le 10 des suites de l’accouchement.
Il fallut attendre 1759 pour que paraissent les Principes
mathématiques de la philosophie naturelle par feue
Madame la marquise du Châtelet. En mémoire de son
amie et pour rappeler aux yeux du monde combien cette
femme fut remarquable, Voltaire rédige une préface
élogieuse. La traduction d’Émilie atteint son but : faire
connaître les idées de Newton au plus grand nombre.
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Page 224-225
réviser
Exercice 1
• Ptolémée (IIe s.) : Alexandrie ; le géocentrisme.
• Copernic (XVIe s.) : Pologne ; l’héliocentrisme.
• Galilée (XVIIe s.) : Italie ; les satellites de Jupiter, la lunette astronomique...
• Newton (XVIIe s.) : Angleterre ; la gravitation universelle.
• Mme du Châtelet (XVIIIe s.) : France ; la traduction de
Newton.
• Cugnot (XVIIIe s.) : France ; le « fardier » (automobile).
• Watt (XVIIIe s.) : Écosse et Angleterre ; la machine à
Vapeur.
Exercice 2
1. Convaincu par l’hypothèse héliocentrique proposée
par Copernic, Galilée fait de nouvelles découvertes astronomiques capables d’en apporter la preuve. Se faisant, il
contredit les principes physiques aristotéliciens admis,
notamment par l’Église. L’héliocentrisme étant considéré comme incompatible avec la lecture commune
des Saintes Écritures, Galilée est accusé d’hérésie et
condamné le 22 juin 1633.
2. Grâce aux lettres échangées par les savants de toute
l’Europe, aux réseaux académiques et à la multiplication
des ouvrages savants ou de vulgarisation, une véritable
« culture scientifique » imprègne les élites du siècle des
Lumières. Chaque découverte, chaque invention faite
dans un pays, est examinée, commentée et critiquée par
les savants des pays voisins. Ainsi, apparaît un embryon
de communauté scientifique.
3. La machine de Watt, en transmettant le mouvement
linéaire du piston à l’arbre moteur, permet d’activer
toutes sortes de machines : les machines à vapeur
sont adaptables à l’industrie naissante, principalement
la sidérurgie et le textile. L’application de la vapeur à
l’automobile est un échec, en raison du poids, mais elle
s’adapte parfaitement au rail et à la navigation. Elle peut
aussi servir à actionner une pompe.
Exercice 3
1. Copernic.
2. En italien.
3. Newton.
4. Les deux.
C HCAHPAI PT IRTER E
9
La montée des idées de liberté
avant la Révolution
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
La question traite de la montée des idées de liberté avant la Révolution française, de
son déclenchement et des expériences politiques qui l’ont marquées jusqu’au début
de l’Empire.
On met l’accent sur quelques journées révolutionnaires significatives, le rôle d’acteurs,
individuels et collectifs, les bouleversements politiques, économiques, sociaux et religieux essentiels.
Bibliographie
• Lucien Bely (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, PUF, 2003.
• Joël Cornette, La Monarchie absolue, Documentation photographique n° 8 057,
La Documentation française, mai-juin 2007.
• Bernard Cottret, La Révolution américaine. La conquête du bonheur (1763-1787),
Perrin, 2003.
• Claude Fohlen, Jacques Godechot, dir., La Révolution américaine et l’Europe,
CNRS, 1979.
• François Crouzet, De la supériorité de l’Angleterre sur la France, Perrin, 1985.
• Michel Vovelle, L’Homme des Lumières, Le Seuil, 1996.
Sites internet
• Le site internet de la bibliothèque nationale de France :
http://expositions.bnf.fr/lumieres
Pages 232-233
documents
Pouvoir et société
sous l’Ancien Régime
Ce dossier présente les principales caractéristiques du
pouvoir et de la société sous l’Ancien Régime. L’étude
du programme iconographique de la galerie des
Glaces à Versailles et du texte de Bossuet met l’accent
sur la dimension sacrée du monarque absolu, tandis
que le texte de Mercier rappelle la nécessité, pour le
roi, de conserver la confiance de ses sujets. Les autres
documents permettent de comprendre la dimension
intrinsèquement inégalitaire de la société d’ordre
qui plonge ses racines dans la féodalité. La toile de
Lepicié (doc. 6) montre une des grandes mutations
de la société d’ordre : l’émergence d’une bourgeoisie
qui aspire à davantage de reconnaissance.
69
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1 et 2
1. Louis XIV est représenté sur son trône, au centre de
la composition réalisée par Lebrun.
2. Louis XIV est entouré d’allégories, de héros et de
divinités, essentiellement tirées du panthéon romain.
On peut donc en déduire que la nature du pouvoir royal
est divine.
3. Selon Bossuet, le roi tient son pouvoir de Dieu luimême. Sa majesté est sacrée car le roi est un monarque de droit divin qui représente sur terre la « majesté
divine ».
Doc. 3
Selon Mercier, le roi peut exercer son pouvoir à condition
de préserver l’intérêt de ses sujets et donc de se montrer digne de la confiance du peuple.
Doc. 4
1. La société d’Ancien Régime se décompose en trois
ordres appelés ici « classes principales » : le clergé,
la noblesse et le tiers état. Chacun de ces trois ordres
connaît lui-même une subdivision hiérarchique (par
exemple le tiers état est composé du « peuple » et de la
« bourgeoisie »).
2. Selon l’auteur, l’inégalité des rangs est nécessaire
car elle est indispensable à la préservation de l’ordre
social sur lequel reposent l’État et le gouvernement
monarchique.
Doc. 5
1. La scène présente deux personnages. À droite, un
paysan tête nue tient dans ses mains un panier rempli de fruits et légumes et une bourse garnie de pièces
de monnaie. Il s’avance vers un noble richement vêtu
qui l’accueille assis, un chien de chasse à ses côtés. Le
paysan vient verser au noble les impôts qu’il lui doit, en
argent et en nature.
2. Le titre indique que le noble est perçu comme un prédateur qui vit aux dépens du paysan.
Doc. 6
1. Dans l’intimité du salon d’un appartement bourgeois,
autour d’une table, trois hommes semblent écouter
attentivement un ecclésiastique qui leur parle, un livre
ouvert posé sur ses genoux. Au premier plan, une petite
fille joue avec un chat sous le regard de sa mère qui tient
un nourrisson dans ses bras.
2. Le tableau met en scène certaines valeurs promues
70
par la bourgeoisie telles que : l’éducation morale et religieuse, la nouvelle place accordée aux jeunes enfants, le
luxe sans ostentation de l’intérieur et des tenues.
Pages 184-185
236-237
étude
Deux contre-modèles
à l’absolutisme
Ce dossier présente les contre-modèles anglais et
américains. Leur étude permet de voir que la critique de l’absolutisme s’appuie sur des expériences politiques originales qui connaissent un retentissement
important en France. Elle permet également d’insister sur l’intense circulation des idées au temps des
Lumières.
Répo nses aux qu esti o n s
La monarchie parlementaire anglaise
1. La scène représente la tenue d’une séance à la
Chambre des Communes qui constitue, avec la Chambre
des Lords, le Parlement anglais. Les débats sont publics
et sont présidés par le speaker, au centre. Ils opposent
les députés de la majorité libérale à ceux de l’opposition
conservatrice, qui se font face.
2. Le roi est absent car, selon la Déclaration des droits de
1689, les pouvoirs législatif (Chambre des Communes et
Chambre des Lords) et exécutif (le roi et ses ministres)
sont strictement séparés.
3. Le Parlement dispose de larges pouvoirs législatifs et
financiers qui s’imposent à tous, y compris au roi. Hickel
en rend compte en ayant mis en évidence, au centre
de sa composition, la masse symbole de l’autorité du
roi déléguée au Parlement, ainsi que les textes de la
Common Law.
4. Il s’agit ici d’une monarchie parlementaire.
La révolution américaine
5. Les auteurs du texte justifient leur déclaration au
nom de principes tels que l’égalité entre les hommes
et de l’inaliénabilité des droits naturels comme la vie, la
liberté, la sûreté, la recherche du bonheur et le refus du
despotisme. Le texte proclame l’indépendance des treize
colonies qui s’unissent pour former des États libres.
6. La Fayette s’engage aux côtés des Américains au nom
de la liberté, de la vertu, de la tolérance, de l’honnêteté
et de l’égalité. Autant de principes indispensables pour
réaliser le bonheur de l’humanité.
Rédiger
Il s’agit ici de mettre en avant les différences entre l’absolutisme français et les modèles anglais et américain
en insistant sur les idées de séparation des pouvoirs et
de souveraineté populaire. On montrera également que,
mise en place au XVIIe siècle, la monarchie anglaise a fait
preuve d’efficacité et que, de son côté, l’expérience américaine connaît un large écho en France où elle suscite
l’enthousiasme.
Pages 240-241
étude
L’Encyclopédie ou
l’esprit des Lumières
Doc. f
cti
intera
L’étude de l’Encyclopédie s’impose tant elle symbolise
l’esprit des Lumières, l’enthousiasme qu’il a suscité,
mais aussi l’opposition à laquelle il dut faire face. On
insiste sur la dimension collective de ce projet universaliste aux dimensions tout autant scientifiques
que politiques.
Ré p ons e s a ux que s tions
L’Encyclopédie, l’esprit des Lumières
1. L’Encyclopédie prétend couvrir tous les domaines de
la science, des arts et des métiers. Elle a une vocation
universelle et entend faire le point sur tous les domaines de la connaissance et sur tous les aspects de la vie
sociale de l’époque.
2. L’Encyclopédie est une œuvre collective à laquelle participèrent pas moins de 200 auteurs. Elle fut codirigée
par Diderot et d’Alembert.
3. – Diderot, Dumarsais, Rousseau, Voltaire : la philosophie.
– D’Alembert : les mathématiques et la philosophie.
– Buffon, Daubenton, Lamarck, Thouin : les sciences
naturelles.
– Monge : les mathématiques.
– Condorcet : les mathématiques et la philosophie.
– Necker, de la Platière : l’économie.
– Vicq d’Azir : la médecine.
– Marmontel : l’histoire et la philosophie.
– Gaillard : l’histoire.
Les principes politiques des Lumières
4. Un droit naturel est un droit accordé aux hommes de
par leur nature. En tant que tel, il est inaliénable.
5. Parmi les droits naturels figurent la liberté et l’égalité devant la loi. Il en ressort qu’un bon gouvernement
doit être celui qui est en mesure de garantir le respect
des libertés individuelles et des droits politiques des
citoyens.
Une œuvre polémique
6. Favorite de Louis XV, Mme de Pompadour ambitionnait
de convertir le roi et la Cour à l’esprit des Lumières qui
semble souffler sur ce portrait réalisé par le plus grand
pastelliste de l’époque, Maurice-Quentin de La Tour. Ce
portrait peut en effet se lire comme un programme,
Mme de Pompadour se faisant représenter entourée
d’attributs et de références artistiques et littéraires.
Ainsi, outre un volume de l’Encyclopédie, figurent également sur la table De l’esprit des lois de Montesquieu et
La Henriade de Voltaire.
7. L’Encyclopédie donne lieu à de vifs débats dans la
mesure où elle est le manifeste des Lumières et du
nouveau climat intellectuel qui traverse la « République
des Lettres ». Ce faisant, elle apparaît comme une critique ouverte de certains fondements de la monarchie
absolue et elle défend des conceptions sociales ainsi
que des idées politiques considérées à l’époque comme
révolutionnaires.
Rédiger
Les idées à développer sont :
– l’Encyclopédie est une œuvre collective qui fait appel aux
esprits les plus brillants de la République des Lettres ;
– elle est à vocation universelle et entend faire le point
sur les connaissances scientifiques pour les diffuser le
plus largement possible ;
– elle prend position dans les débats intellectuels de son
temps en critiquant l’absolutisme et l’ordre social hérité
de l’Ancien Régime ;
– elle s’exprime en faveur du respect des droits naturels
et des libertés individuelles et publiques, dans tous les
domaines (politique, social, religieux, économique...).
Pages 242-243
histoire des arts
Le projet de Ledoux :
la saline d’Arc-et-Senans
Ce dossier présente le projet de Ledoux pour la saline
d’Arc-et-Senans et, plus largement, pour la cité idéale
de Chaux. C’est l’occasion d’étudier un exemple d’utopie urbaine et de mesurer l’influence de la philosophie
des Lumières dans le domaine de l’architecture. Ce
dossier permet également d’identifier les caractéristiques d’une œuvre néoclassique.
71
Ré p ons e s a ux que s tions
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Pour la saline, Ledoux adopte un plan panoptique.
2. D’après la légende du document 3 :
Bâtiments
industriels
4. Magasin
des sels
7. Tonnellerie
8. Maréchalerie
Bâtiments
Logement
administratifs
des ouvriers
2. Maison
5. Maisons
du directeur
des ouvriers
6. Jardins
des ouvriers
3. Seuls le diamètre, avec en son centre la maison du
directeur, et la partie inférieure du cercle de la saline ont
été réalisés.
4. Ledoux comptait compléter la saline en construisant autour d’elle tous les bâtiments et les installations
nécessaires à la vie sociale. Le projet, soumis au ministre Turgot, ne put être réalisé en raison de son coût très
élevé et de l’état catastrophique des finances du Trésor
public.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
5. La symbolique associée au cercle est celle de la
perfection.
6. Le plan panoptique assure une parfaite surveillance
de la saline parce qu’il permet de voir et d’être vu de
partout.
7.
Bâtiments ou
Fonction
monuments
Hôtel de ville
Justice
Morale
Écoles publiques Éducation
Vertu, morale
Vertu
Casernes
Militaire
et médicale
Fontaines
Purification de Sécurité,
l’air, lutte contre hygiénisme
les incendies
Maison du com- Économie,
mis, portique
commerce
du marchand
Équilibre social
Monument
destiné aux
récréations
du peuple...
Éducation,
santé
Harmonie,
équilibre social
Forges, papeteries, cireries
Économie,
industrie
72
8. Ledoux qualifie son projet pour la ville de Chaux de
« cité idéale » car il prévoyait d’y établir un véritable
projet de société fondé sur l’intégrité morale de ses habitants. Ledoux projetait la construction d’une ville de taille
modeste, en harmonie avec son environnement naturel,
loin des grandes villes perçues comme étant à l’origine
de tous les vices.
Pages 246-247
Exercices
et méthodes
Les origines
de la Révolution
Exemple d’introduction
En France, l’Ancien Régime reposait sur une société
d’ordres au sein de laquelle le clergé et la noblesse se
distinguaient du tiers état par des privilèges importants.
Il se caractérisait également par un régime politique
particulier fondé sur la toute puissance d’un roi de droit
divin : la monarchie absolue. Cependant, au XVIIIe siècle,
cet Ancien Régime doit faire face à une opposition croissante qui s’élabore dans le nouveau contexte intellectuel
des Lumières.
Il sera donc intéressant d’étudier comment l’Ancien
Régime est critiqué en insistant sur les idées et les
arguments de ceux qui le contestent à la veille de la
Révolution.
Pour cela, nous verrons tout d’abord la naissance d’une
opinion publique qui permet cette contestation. Puis,
nous étudierons les formes que prend la contestation
de la société d’Ancien Régime. Nous nous pencherons
enfin sur les critiques de l’absolutisme.
Exercice d’application
Sujet 1
Le sujet invite à montrer comment les philosophes
des Lumières, qui ne remettent pas tous en cause la
monarchie, ont cependant sapé les fondements de l’ordre politique, mais aussi social de l’Ancien Régime.
I. Les philosophes des Lumières contre l’absolutisme
au nom de la liberté.
II. Les philosophes des Lumières désacralisent la sphère
publique au nom de la tolérance.
III. Les philosophes des Lumières ébranlent la société
d’ordre au nom des droits naturels, mais aussi des principes des physiocrates (la liberté de produire et commercer et le droit à la propriété).
Sujet 2
La Révolution française ne peut se comprendre comme
un « accident » ou le résultat de l’action de certains
contre la monarchie absolue. Si l’Ancien Régime tombe,
c’est que c’est un corps malade, sapé depuis le milieu du
XVIIIe siècle par ses problèmes internes et les critiques.
I. L’Ancien Régime, permanences et blocages
Le XVIIIe siècle perpétue à la fois l’absolutisme légué par
Louis XIV et un ordre social fondé sur les privilèges.
Cependant, les pouvoirs du roi sont régulièrement en
butte aux parlements et l’ordre social ébranlée par la
montée d’une bourgeoisie qui n’est pas reconnue et
exclue du pouvoir.
II. L’absolutisme contesté, par les Lumières et les modèles anglais et américain
III. Une contestation généralisée
La monarchie est en crise en 1788 du fait d’une crise
économique grave, d’une crise financière indépassable,
d’une agitation sociale..., autant d’éléments qui entraînent l’explosion politique de 1789.
Page 248
réviser
Exercice 1
1. La Déclaration des droits anglaise : 1689.
2. La Déclaration d’indépendance américaine : 4 juillet
1776.
3. La guerre d’indépendance américaine : 1775-1783.
Exercice 2
Exercice 3
1. La société française se décompose en trois ordres :
le clergé, la noblesse et le tiers état.
2. Le monarque absolu reçoit l’onction lors de son sacre.
Il est considéré comme le ministre de Dieu et son lieutenant sur terre.
3. La Déclaration des droits de 1689 donne d’importants
pouvoirs législatifs et financiers au Parlement.
4. La Constitution américaine repose sur la souveraineté
populaire et instaure une république qui respecte une
stricte séparation des pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire.
5. Les Lumières dénoncent le despotisme et prônent le
respect des droits naturels que sont la liberté et l’égalité
devant la loi.
Exercice 4
1. Droits naturels.
2. Monarchie absolue.
3. Révolution politique.
Exercice 5
1. Les Lumières sont :
a. Un mouvement philosophique et scientifique qui s’appuie sur la raison ;
c. Un groupe de philosophes qui justifient la critique de
l’absolutisme et de la société d’Ancien Régime par le
recours à la notion de droits naturels.
2. Sous l’Ancien Régime, la bourgeoisie désigne :
a. Une partie du tiers état ;
b. Les habitants des villes.
• Denis Diderot : parce que le nom de ce grand philosophe reste associé à l’Encyclopédie dont il fut le principal
directeur.
• Thomas Jefferson : parce qu’il fut le principal auteur de
la Déclaration d’indépendance des États-Unis, en 1776,
avant d’être Président des États-Unis de 1801 à 1808.
73
C HCAHPAI PT IRTER E
10
La Révolution française :
un nouvel univers politique
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
La question traite de la montée des idées de liberté avant la Révolution française, de
son déclenchement et des expériences politiques qui l’ont marquées jusqu’au début
de l’Empire.
On met l’accent sur quelques journées révolutionnaires significatives, le rôle d’acteurs,
individuels et collectifs, les bouleversements politiques, économiques, sociaux et religieux essentiels.
Bibliographie
• Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire.
1789-1815, Belin, 2009.
• Jean-Pierre Jessenne, Révolution et Empire. 1783-1815, Hachette, 1993.
• Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, PUF, 2005.
• Michel Vovelle, La Révolution française. 1789-1799, Armand Colin, 2003.
• « Napoléon, l’homme qui a changé le monde », Les Collections de l’Histoire n° 20,
juillet-septembre 2003.
• « La Révolution française », Les Collections de l’Histoire n° 25,
octobre-décembre 2004.
Sites internet
• Le site de l’histoire par l’image : www.histoire-image.org
• Le site de l’institut d’histoire de la Révolution française de Paris I :
www.ihrf.univ-paris1.fr
• Le site du Panthéon : www.pantheon.monuments-nationaux.fr
• Le site du musée du Louvre : www.louvre.fr
Pages 184-185
252-253
étude
Louis XVI convoque
les états généraux
Cette étude porte sur les causes immédiates de la
Révolution française. Centrée sur la préparation et
l’ouverture des états généraux, elle permet d’aborder la crise multiforme de l’Ancien Régime à la fin
des années 1780 et d’analyser le contexte du mois de
mai 1789.
Répo nses aux qu esti o n s
Le contexte économique et social
de la préparation des états généraux
1. La société d’ordres, qui caractérise l’Ancien Régime,
désigne une société divisée entre trois groupes
75
hiérarchisés. Le premier ordre est le clergé (les prêtres, les évêques et les moines, c’est-à-dire « ceux qui
prient »). La noblesse forme le deuxième ordre. Ces
deux premiers ordres, qui remplissent des fonctions
considérées comme plus importantes que le travail, ne
représentent qu’à peine 2 % de la population. Ils bénéficient de privilèges (exemption de la taille, principal impôt
direct dû au roi, accès réservé à certaines charges par
exemple). Les autres sujets appartiennent au tiers état,
qu’ils soient riches négociants, artisans, domestiques,
laboureurs ou encore journaliers.
2. D’après les revendications (suppression des privilèges des deux premiers ordres), on peut déduire que ces
cahiers ont été rédigés par des membres du tiers état.
3. Les auteurs décrivent leurs conditions de vie comme
très difficiles (peu de nourriture, habitat rudimentaire),
qu’ils mettent sur le compte d’impôts trop lourds.
4. La scène se déroule dans le faubourg Saint-Antoine
au sud-est de Paris, le 28 avril 1789. Des hommes,
appartenant au tiers état, sont dans la rue. Ils brûlent et
détruisent le matériel dont ils se sont emparés dans la
fabrique : papier peint, mobilier. D’autres s’attaquent au
décor urbain (statue déboulonnée à gauche). Au premier
plan, une femme porte secours à un homme blessé.
Une émeute est un soulèvement populaire, un mécontentement collectif qui s’exprime dans la violence.
5. Dans les villes comme dans les campagnes, la montée de la contestation s’explique par des conditions de
vie de plus en plus difficiles. Le document 3 permet de
comprendre les mécanismes d’une crise de subsistance. Dans une économie dominée par l’agriculture, les
mauvaises récoltes entraînent une hausse du prix des
céréales, dont ne profitent pas les paysans car ils ont
peu à vendre. Cela réduit d’autant leur consommation de
biens artisanaux produits dans les villes, qui sont alors
elles aussi touchées par l’augmentation du prix du pain,
la disette et le chômage.
Cette dégradation des conditions de vie rend encore plus
insupportable le poids des impôts acquittés par le tiers
état (doc. 1).
Les états généraux : une solution à la crise ?
6. Les états généraux, réunissant des représentants des
trois ordres, sont convoqués pour trouver une solution
à la crise financière à laquelle la monarchie française
est confrontée.
Le déséquilibre structurel du budget (dépenses de
près de 630 millions de livres contre 500 millions de
livres de recettes en 1789) a en effet été renforcé par
l’engagement français aux côtés des Insurgents amé76
ricains (« une guerre dispendieuse ») et par la baisse
des recettes consécutive aux mauvaises récoltes. Les
états généraux, qui n’avaient pas été convoqués depuis
1614, doivent permettre de trouver de nouvelles ressources et de sortir de la crise politique (pour contrer toute
réforme fiscale qui leur serait défavorable, les privilégiés
dénoncent le pouvoir absolu de Louis XVI).
7. Les habitants de la Chapelle-Craonnaise proposent de
supprimer les privilèges des deux premiers ordres et de
créer de nouveaux impôts qui pèseraient sur les trois
ordres.
8. L’assemblée est composée de représentants des trois
ordres. La noblesse et le clergé (2 % de la population)
sont représentés par 561 députés contre 578 pour le
tiers état.
9. Les habitants de la Chapelle-Craonnaise demandent le
vote par tête (une voix par député) afin que les députés
du tiers état puissent être majoritaires et peser face aux
privilégiés.
10. Necker, dans le deuxième paragraphe, justifie le vote
par ordre. Cela pourrait entraîner la paralysie des états
généraux.
Rédiger
La réponse peut s’organiser autour de trois idées :
1. Les états généraux sont convoqués pour faire face à la
crise multiforme de la monarchie (crise financière, crise
politique).
2. Les cahiers de doléances révèlent une contestation
croissante de l’Ancien Régime (dénonciation des privilèges des deux premiers ordres par le tiers état).
3. Les états généraux sont très rapidement dans l’impasse (Louis XVI a donné la parole aux Français en leur
demandant de lui faire parvenir leurs doléances, accepté le doublement des représentants du tiers état, mais
refuse ensuite le vote par tête).
Pages 254-255
184-185
étude
L’année 1789
Doc. tif
ac
inter
Les quatre documents ciblent les événements-clés de
l’été 1789 − acteurs (députés, peuple), lieux (Versailles,
Paris, Assemblée, rue), textes fondateurs − et permettent de comprendre ce qu’est la Révolution de 1789 : à
l’Ancien Régime, qui s’effondre brutalement, est substitué un nouveau système politique et social.
Ré p ons e s a ux que s tions
La fin de l’Ancien Régime
1. Les membres de cette Assemblée sont les députés du
tiers état, qui se sont constitués en Assemblée nationale
le 17 juin – décision qu’ils ont justifiée par le fait qu’ils
représentent la quasi-totalité de la population. Ces députés s’engagent à rédiger une Constitution. La souveraineté est ainsi transférée du roi à la nation (principe de
souveraineté nationale).
2. Dans la nuit du 4 au 5 août 1789, l’Assemblée nationale décide d’abolir les privilèges. L’article 11 pose le
principe d’égalité d’accès de tous aux charges civiles,
militaires et ecclésiastiques. En ce qui concerne les
droits féodaux, notons que si certains sont supprimés
sans condition (par exemple les corvées, qui pesaient
sur les personnes), d’autres devront être rachetés.
3. Les acteurs de la Révolution de 1789 sont les députés
du tiers état venus siéger aux états généraux, rejoints
par des députés du clergé et de la noblesse (par exemple
le vicomte de Noailles qui appelle à l’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août). En se constituant Assemblée
nationale et en décidant de rédiger une Constitution, ils
mettent fin à l’absolutisme. C’est cependant le peuple qui
relance le processus révolutionnaire au cours de l’été,
en particulier les Parisiens qui s’emparent de la Bastille
le 14 juillet 1789.
Un texte fondateur de nouveaux principes :
la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen
4. Les « droits naturels » définis par les philosophes des
Lumières sont des droits que tout homme possède par
nature, que l’on ne peut lui retirer. D’après l’article 2, ces
droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
5. La liberté a plusieurs facettes : liberté d’opinion et
d’expression, liberté de conscience religieuse. Elle n’est
limitée que par la loi, qui stipule que l’exercice de cette
liberté ne doit pas nuire pas à autrui.
Les citoyens sont égaux en droits (art. 1), ce qui signifie pour les auteurs du texte l’égalité face à la loi (art. 6)
et face aux impôts (art. 13). Il ne s’agit pas d’une égalité
sociale : l’article 1 reconnaît le bien-fondé des « distinctions sociales », c’est-à-dire des inégalités de richesses.
6. Le citoyen doit respecter la loi et payer « une contribution commune », c’est-à-dire un impôt.
7. C’est le principe de souveraineté nationale.
8. Les représentants de la nation détiennent le pouvoir
législatif.
9. C’est le principe de séparation des pouvoirs.
Rédiger
L’effondrement de l’Ancien Régime a été brutal et rapide :
en trois mois, c’en est fini de l’absolutisme et de la société d’ordres. Ce sont les députés du tiers état qui sont
les premiers acteurs de cette Révolution en décidant de
se constituer Assemblée nationale le 17 juillet. Devenus
les représentants de la nation, ils abolissent les privilèges et adoptent la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen le 26 août. Mais le peuple a également joué
un rôle décisif (prise de la Bastille à Paris le 14 juillet,
Grande Peur qui a provoqué la nuit du 4 août).
La Révolution de 1789 est d’abord politique : c’est la fin
de la monarchie absolue de droit divin. La souveraineté
est désormais détenue par la nation, les pouvoirs doivent être séparés et définis par une Constitution. Cette
Révolution est aussi sociale puisque la société d’ordres
disparaît avec l’abolition des privilèges et la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen. Les Français ne
sont plus des sujets du roi, mais des citoyens libres et
égaux face à la loi et à l’impôt (égalité civile).
Pages 258-259
documents
L’apprentissage
de la politique
Sous l’Ancien Régime, il n’y avait pas de vie politique
puisque les problèmes de gouvernement étaient entre
les mains du roi et de quelques conseillers. Avec la
Révolution de 1789 (souveraineté nationale, liberté
d’opinion, d’expression), la politique est devenue l’affaire de tous. C’est donc le début d’une vie politique
en France.
Répo nses aux qu esti o n s
Doc. 1
Ce document illustre la liberté de la presse, qui renvoie
à la liberté d’expression.
Doc. 2 et 3
Un club est une société dont les membres débattent de
questions politiques. Le club des Jacobins est l’un des
plus connus. Comme l’indique le carton « Repères », il
siège au couvent des Jacobins, rue Saint-Honoré, à partir
d’octobre 1789. Le document 3 montre qu’il existe aussi
des clubs de femmes, ce qui permet de souligner leur
77
rôle politique. Cette gouache montre des femmes réunies pour lire Le Moniteur (qui proposait des comptes
rendus des séances de l’Assemblée nationale), débattre et se cotiser afin d’apporter une aide matérielle aux
citoyens démunis.
Doc. 4
Le texte est extrait du Père Duchesne, titre qui est représenté sur le document 1 (dans la main gauche du personnage de droite).
1. Le sans-culotte est un homme du peuple, qui porte
le pantalon – et non la culotte comme les aristocrates.
L’expression s’applique cependant également aux femmes. Il porte la cocarde tricolore, symbole de son attachement à la Révolution, une arme (souvent une pique)
pour signifier la force de son engagement politique, et
parfois d’un bonnet phrygien (symbole de l’affranchissement des esclaves dans l’Antiquité, donc de la liberté).
2. Le sans-culotte est un citadin, le plus souvent un artisan. Il appartient au peuple, mais pas aux couches les
plus modestes de la société française.
Doc. 5
1. Pour Marat, le peuple constitue une force révolutionnaire car il se soulève contre la « tyrannie ».
2. Le recours à la violence est justifié dans le deuxième
paragraphe par l’idée du droit à l’insurrection contre l’oppression (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,
article 2). Dans le troisième paragraphe, Marat met en
regard les injustices pluriséculaires et les destructions
occasionnées par les émeutes afin de montrer que ces
dernières pèsent peu face à la nécessité de mettre fin aux
inégalités.
Doc. 6
Transmise oralement, adaptée aux soubresauts révolutionnaires, la chanson est un moyen d’exprimer ses
convictions politiques.
Pages 260-261
documents
La monarchie
constitutionnelle :
un régime dans l’impasse
L’été 1789 a posé les bases d’un nouveau régime
politique et d’une nouvelle organisation sociale.
La Révolution semble achevée. Pourtant, dès juin
1791, avec l’épisode de la fuite du roi à Varennes, la
monarchie constitutionnelle semble dans l’impasse.
78
Répo nses aux qu esti o n s
Doc. 1
1. Le trône royal est situé à droite sur l’image, sur une
estrade couverte. L’autel de la patrie, de forme ronde, a
été dressé au centre du Champ-de-Mars, faisant face,
dans le tableau de Ch. Thévenin, au trône royal. On peut
repérer les robes blanches des 300 prêtres qui ont participé à la célébration de la messe. Seule une partie des
gradins élevés tout autour du Champ-de-Mars est visible
sur le tableau, mais elle donne une idée de l’importance
de la foule réunie le 14 juillet 1790 : 300 000 spectateurs
étaient présents. Louis XVI salue La Fayette, qui a pris la
tête de la Garde nationale créée après le 14 juillet 1789.
2. Par sa présence, par le salut qu’il adresse à La Fayette,
Louis XVI montre son acceptation de la Révolution. La
fête de la Fédération apparaît donc comme un moment
de réconciliation et d’unanimité entre le roi et la nation,
représentée par les soldats et les nombreux citoyens
présents.
Doc. 2
La loi Le Chapelier complète la loi d’Allarde (mars 1791)
qui a supprimé les corporations, en interdisant toute
association d’ouvriers ou d’artisans. La vie économique
repose désormais sur la liberté d’entreprendre.
Doc. 3
1. Le pouvoir législatif est détenu par 745 députés qui
forment l’Assemblée nationale. Le roi détient le pouvoir
exécutif, ainsi qu’un droit de veto suspensif : il peut s’opposer pendant deux législatures (soit 4 ans) à une loi.
2. Les députés sont élus au suffrage censitaire (condition de richesse à remplir pour voter : 3 livres d’impôt
pour être citoyen actif, 15 livres pour être électeurs) et
indirect (les citoyens actifs votent pour des électeurs
qui choisiront les députés). Le vote n’est pas considéré
comme un droit, mais une fonction à réserver aux plus
compétents.
Doc. 4
1. Le document est postérieur à la tentative de fuite du
roi du 20 juin 1791. Louis XVI et sa famille sont arrêtés
à Varennes alors qu’ils se dirigeaient vers les PaysBas, où ils devaient rejoindre l’armée d’un émigré. La
confiance que les Français avaient dans le roi est alors
fortement ébranlée et la monarchie constitutionnelle
dans l’impasse.
2. La fête de la Fédération avait célébré l’union de Louis
XVI et de la nation, confirmant l’affection pour leur roi que
les Français avaient déjà manifestée dans les cahiers
de doléances. Cette caricature révèle la rupture qu’a
constituée la fuite à Varennes : Louis XVI et ses proches
sont représentés comme des cochons que l’on ramène
à l’étable. Une partie des Français ne fait plus confiance
au roi.
(20 juin 1792 : des manifestants envahissent le palais
des Tuileries pour obliger le roi à lever son veto sur deux
décrets de la Législative). Elle permet par ailleurs de
faire appel aux volontaires. Environ 85 000 fédérés s’engagent à Paris et en province pour repousser les armées
ennemies et sauver la Révolution.
Doc. 5
1. Le club des Cordeliers avance deux arguments.
La monarchie se retrouve sans roi puisque Louis XVI
n’accepte pas la monarchie constitutionnelle née de
la Révolution de 1789. Mais, au-delà de ce constat de
« dysfonctionnement », les auteurs affirment qu’il n’est
pas légitime qu’un pouvoir ou une fonction soit réservé
à une personne en particulier, ni qu’il soit détenu à vie.
C’est donc contester le bien-fondé d’une monarchie.
2. La pétition est adressée à l’Assemblée nationale.
3. Ce chant a été composé pour l’armée du Rhin par
Rouget de Lisle, quelques jours après l’entrée en guerre
de la France. Sa fonction est de galvaniser les troupes et
de donner un sens à leur engagement militaire (défense
du sol et de la famille, lutte contre la tyrannie et pour la
liberté). Ce chant prend ensuite le nom de Marseillaise
parce qu’il est entonné par les fédérés marseillais qui
gagnent la capitale pour célébrer le 14 juillet.
4. Le contexte politique est marqué par de fortes tensions. L’agitation est permanente et les sections parisiennes, animées par les sans-culottes, appellent à la
déchéance du roi.
Pages 184-185
262-263
étude
Le 10 août 1792,
tournant de la Révolution
La monarchie est suspendue le 10 août 1792, moins
d’un an après l’entrée en vigueur de la Constitution
(première réunion de l’Assemblée législative le 1er octobre 1791). Cette étude a pour objet d’analyser une journée qui constitue un tournant majeur de la Révolution.
Dans quel contexte s’inscrit-elle ? Quels en sont les
acteurs ?
Ré p ons e s a ux que s tions
D’une situation insurrectionnelle…
1. Depuis la déclaration de guerre aux monarchies européennes votée le 20 avril sur proposition de Louis XVI,
les armées françaises accumulent les défaites. Certaines
villes du Nord sont occupées par les Autrichiens. Le
25 juillet, le duc de Brunswick, qui commande les troupes austro-prussiennes, menace de lourdes représailles
les Parisiens s’ils attentent à la personne du roi. Cette
déclaration révèle la complicité de Louis XVI avec l’étranger et sa volonté de voir anéantie la Révolution. Cette
situation militaire désastreuse approfondit les divisions
politiques qui existaient déjà et nourrit l’hostilité vis-àvis du roi.
2. La patrie est déclarée « en danger » car les frontières du pays sont menacées. Cette déclaration renforce
l’agitation parisienne, déjà vive depuis le mois de juin
… à la fin de la monarchie
5. La confrontation des documents 4 et 5 permet d’identifier les assaillants : Parisiens armés de fusils, de piques
et de sabres, parmi lesquels on reconnaît des sansculottes ; fédérés de différents départements ; Garde
nationale (milice parisienne, portant un uniforme bleu
à retroussis blancs). Notons que les soldats en uniforme rouge sont les Suisses, au service du roi. La prise
du palais des Tuileries se fait dans la violence comme le
montre le tableau de J. Bertaux (armes, fumées, blessés
et morts au sol au premier plan).
6. La prise des Tuileries a pour objectif la déchéance du
roi. Les insurgés réussissent à faire pression sur l’Assemblée nationale qui décide la suspension du roi.
7. Dès le début de l’insurrection, le roi et sa famille se
rendent auprès de l’Assemblée et se placent sous la protection de députés. Après la suspension de la royauté,
ils sont transférés à la prison de Temple.
Rédiger
Le 10 août 1792 est une journée révolutionnaire majeure, car elle met fin à la monarchie. Alors que les Français
s’étaient montrés attachés au roi dans les cahiers de
doléances et que l’été 1789 avait donné naissance à une
monarchie constitutionnelle qui semblait répondre aux
attentes de la majorité des citoyens, la fuite à Varennes,
puis la guerre et son cortège de défaites, ont révélé le
double-jeu du roi et relancé la dynamique révolutionnaire, signant l’échec de la monarchie constitutionnelle.
79
Pages 266-267
documents
De la démocratie
à la Terreur
Cette double page doit permettre de montrer
que la période de la Convention montagnarde
(juin 1793-juillet 1794) est marquée par de profondes contradictions entre les aspirations démocratiques
du nouveau régime (Constitution de l’an I) et la pratique du pouvoir (gouvernement révolutionnaire et
Terreur).
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 2
Jugé par la Convention, Louis XVI est condamné à la
peine de mort le 20 janvier 1793. Il est guillotiné le lendemain. Par cette exécution, la Convention veut montrer
que la rupture avec la royauté est irréversible.
Doc. 3
1. D’après la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1793 (préambule de la Constitution de l’an I),
les « droits naturels » sont l’égalité, la liberté, la sûreté
et la propriété.
2. À la différence de la Déclaration de 1789, l’égalité
est ici définie comme un « droit naturel ». Cette idée
est renforcée par l’article 2 (« égaux par la nature »).
Cette nouvelle définition de l’égalité explique que soient
affirmés de nouveaux droits, que l’on peut qualifier de
droits sociaux, dans les articles 21 et 22 : droit au travail, aux moyens de subsistance, à l’instruction. L’esprit
de la Déclaration de 1793 est donc différent de celle de
1789 qui indiquait dans l’article 1 que les « distinctions
sociales » étaient légitimes à condition d’être fondées
sur « l’utilité commune ». Notons enfin que si la résistance à l’oppression n’apparaît pas dans l’article 2 de la
Déclaration de 1793, l’article 33 lui est consacré.
Doc. 4
1. Le pouvoir est entre les mains de deux Comités. Le
Comité de salut public, qui siège en permanence, est au
cœur du gouvernement révolutionnaire. Il est dominé par
Robespierre. Le Conseil exécutif est en réalité sous sa
tutelle, de même que les représentants en mission, chargés d’appliquer les décisions dans l’ensemble du pays.
Le Comité de sûreté générale est chargé de la police et
de la surveillance des suspects, il supervise la mise en
œuvre de la justice révolutionnaire (contrôle du Tribunal
révolutionnaire).
80
2. Le fonctionnement du gouvernement révolutionnaire
n’est pas démocratique. Les Comités, nommés par la
Convention, doivent en théorie lui rendre des comptes.
Mais dans la pratique, les députés n’exercent aucun
contrôle, et ce d’autant plus qu’ils subissent des pressions des clubs et des sections parisiennes dominées
par les sans-culottes.
Doc. 5
La politique de Terreur vise tous ceux qui sont susceptibles d’être les ennemis de la Révolution, par leurs
actions, leur naissance, leurs relations ou leur fonction :
émigrés, parents d’émigrés, nobles, opposants à la prise
du pouvoir des sans-culottes en juin 1793 (mouvement
fédéraliste).
Doc. 6
1. La Terreur est définie comme un moyen de sauver
la Révolution face aux menaces qui pèsent en 1793 :
menaces intérieures (mouvement fédéraliste, révolte
vendéenne) et extérieures (guerre contre les monarchies européennes). Elle est nécessaire et légitime aux
yeux de Robespierre, car au service de la démocratie.
2. Doc. 5 et 6. La politique de la Terreur, illustrée notamment par la loi de suspects, est en contradiction avec les
« droits naturels ». La Terreur bafoue la liberté d’opinion,
d’expression ; les suspects sont jugés sans appel.
Doc. 7
Cette caricature anglaise de 1794 dénonce la Terreur. Le
personnage féminin, appelé « déesse de la Liberté »,
incarne en réalité la violence révolutionnaire. Il appelle à
la mort (« Des têtes ! Du sang ! », « Vive la guillotine ! »)
et à la destruction (« que Londres soit brûlé ! »). La
cocarde qui orne son bonnet est surmontée d’une épée
ensanglantée.
Pages 268-269
documents
De la Terreur au Directoire
Par quels moyens les Thermidoriens, au pouvoir à
partir de juillet 1794, cherchent-ils à terminer la
Révolution ? Les documents permettent de comprendre que la recherche d’un compromis (la Constitution
de l’an III répond à l’exigence du « ni 1791, ni 1793 »)
n’a pas suffi à stabiliser le pays : seul le recours illégal
à la force permet de juguler temporairement les oppositions de droite et de gauche.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
Les Thermidoriens abrogent la Terreur le 14 Thermidor
(1er août) 1794. Ce rejet de la Terreur est illustré par la
gravure de J.-B. Louvion : au centre de l’image, une guillotine, qui en est le symbole ; tout autour, un chapelet de
têtes coupées. Il s’agit pour le graveur de dénoncer cette
violence. Le sens de l’image est souligné par la légende :
il faut en finir avec les « tirans » (les Robespierristes) et
« l’arbitraire » (la Terreur bafoue les libertés).
Doc. 2
1. Le discours est prononcé par Boissy d’Anglas le 23 juin
1795, alors que les Thermidoriens, au pouvoir depuis l’été
1794, travaillent à la rédaction d’une Constitution pour la
République (ils ne veulent pas appliquer la Constitution
de l’an I mise au point par les Montagnards).
2. Boissy d’Anglas critique les Montagnards et leur
conception de l’égalité (« égalité par nature », cf. doc. 3
p. 266). Pour lui, l’égalité se limite à l’égalité civile telle
qu’elle a été définie en 1789 (égalité devant la loi et
l’impôt).
3. Les « meilleurs » sont les hommes qui remplissent
deux critères : ils sont instruits (donc capables de débattre) et propriétaires (leurs intérêts sont donc étroitement liés à ceux du pays).
4. Pour Boissy d’Anglas, il faut leur confier le pouvoir
politique. Cela signifie en revenir à la distinction entre
citoyens passifs et actifs établie par la Constitution de
1791 (électorat-fonction).
Doc. 4
1. Le pouvoir législatif est détenu par deux chambres,
élues au suffrage censitaire indirect, en conformité
avec l’idée du « gouvernement des meilleurs » (doc. 2).
Notons que par rapport à 1791 (doc. 3 p. 261), il y a plus
de citoyens actifs, mais que le nombre d’électeurs est
moins élevé.
Le Conseil des Cinq Cent a l’initiative des lois ; le Conseil
des Anciens les vote. Le pouvoir exécutif est détenu par
5 directeurs, régulièrement renouvelés. Par ces institutions (2 chambres, pouvoir exécutif collégial), il s’agit
d’éviter tout risque de concentration des pouvoirs et de
retour à la dictature.
2. Ce régime est une république car personne ne détient
de pouvoir à vie, ni ne peut le transmettre à son héritier :
les directeurs, comme les députés, exercent leurs fonctions temporairement.
Doc. 5
1. Sylvain Maréchal donne une définition radicale
de l’égalité sociale, qui reprend les réflexions des
Montagnards : l’égalité ne peut se limiter à l’égalité face
à la loi, elle doit être sociale.
2. Pour Sylvain Maréchal, il faut construire la
« République des Égaux » et mettre fin aux inégalités
sociales. Cela suppose de supprimer la propriété privée,
mettre en commun les terres et répartir équitablement
les fruits du travail.
3. Gracchus Babeuf et les principaux membres de la
Conjuration des Égaux (réseau clandestin qui visait la
prise du pouvoir) sont arrêtés le 10 mai 1796. Babeuf
est condamné à mort en mai 1797.
Doc. 6
C’est en rompant avec la légalité que le Directoire fait face
à la victoire électorale des royalistes de 1797, puisqu’il
fait annuler les élections et arrêter les dirigeants non
républicains par l’armée. Le Directoire se maintient par
le recours à la force.
Pages 270-271
histoire des arts
David peint la mort
de Marat, martyr
de la Révolution
David est une figure essentielle de la période révolutionnaire. Pour découvrir ce peintre, l’analyse de
Marat assassiné peut être prolongée par celle du
Serment du Jeu de Paume (doc. 1 p. 250) et du Sacre
de Napoléon (doc. 4 p. 275).
La définition du néoclassicisme donnée p. 270 est
complétée par l’exemple du Panthéon (son architecture peut être confrontée à des monuments antiques,
doc. 1 p. 50 et 2 p. 66). La question des rapports entre
art et politique invite enfin à s’interroger sur le rôle de
l’artiste et la force des œuvres.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. L’œuvre est divisée en deux parties. La partie supérieure est constituée d’un fond sombre non homogène
(nuances de noir et de brun, touches du pinceau). Dans
la partie inférieure se trouvent la baignoire et la caisse
de bois, qui dessinent une structure orthogonale dans
81
laquelle s’inscrit le corps de Marat (tête et bras gauche
suivent l’axe horizontal de la baignoire, épaules et bras
droit suivent les lignes verticales dessinées par les plis
du drap et les côtés de la caisse). Cette structure est
cependant adoucie par la souplesse du corps de Marat
et la précision du modelé (rondeur des muscles, de la
pommette, du menton). On note une opposition entre
couleurs sombres et sourdes (fond, baignoire) et blancheur du personnage et de ce qui le touche (corps, drap,
turban).
2. L’opposition entre ces couleurs crée un effet tragique,
et sublime la scène. David ne donne pas à voir un cadavre, mais un corps transfiguré.
3. Plusieurs éléments du tableau évoquent l’assassinat
de Marat par Charlotte Corday : la plaie au torse, le sang
qui s’en écoule et qui tache le drap et l’eau du bain, le
couteau au manche rougi au bas du tableau.
4. L’action de Marat, rédacteur de L’Ami du peuple, est
rappelée par la plume qu’il tient à la main et l’encrier
d’étain sur le billot.
5. David peint Marat quelques instants après que
Charlotte Corday l’a poignardé. Il tient dans la main gauche le mot que celle-ci lui a adressé pour entrer, réclamant son aide et, dans la main droite, la plume qu’il a
utilisée pour lui répondre (lettre sur la caisse, à côté
de laquelle se trouve un assignat qu’il lui destinait).
Insistant sur la trahison de Charlotte Corday, la scène
permet par contraste de souligner la grandeur de Marat
(fidélité à ses idées, souffrances physiques d’un homme
qui devait prendre de fréquents bains pour soulager une
maladie de peau).
ANALYSE DE L’ŒUVRE
6. Par cette œuvre, David rend hommage à Marat, qui
symbolise la radicalité de la Révolution (il s’est opposé
à la monarchie puis aux Girondins, dont Charlotte Corday
était proche), et l’aspiration à l’égalité sociale (proche
des sans-culottes, il était surnommé « l’ami du peuple »,
d’après le titre de son journal). David fait de Marat un
héros. Pour atteindre cet objectif, il définit, selon les principes du néoclassicisme, une composition sobre par ses
couleurs, ses lignes et son décor (dépouillé). Associée
à une représentation du corps (blancheur, modelé, souplesse et basculement de la tête) qui rappelle l’iconographie des « pietà » ou « déposition de croix », elle
constitue une mise en scène de la vertu de Marat.
7. Le 16 juillet 1793 ont lieu des funérailles publiques,
organisées par David (exposition du corps, cortège, inhumation). Puis le 21 septembre 1794 (après la chute de
Robespierre), les cendres de Marat sont transférées au
82
Panthéon (église transformée en nécropole des grands
hommes en avril 1791).
8. L’œuvre fait de Marat un martyr de la Révolution par
les choix esthétiques de l’artiste (voir question 6), mais
aussi parce qu’elle a été accrochée dans la salle où siégeaient les députés de la Convention, rappelant à chaque séance de l’Assemblée le souvenir de l’assassinat
de l’ami du peuple (elle en sera retirée en 1795, ce qui
est une preuve de la force du tableau).
Pages 184-185
274-275
étude
Napoléon Bonaparte
au pouvoir
Doc. f
cti
intera
Le coup d’État du 18 brumaire ne met en théorie pas
fin à la République, et Napoléon Bonaparte se pose
dès le 19 brumaire en « sauveur de la Révolution ».
Qu’en est-il ? Cette étude a pour objet de saisir les
ambiguïtés du projet napoléonien, entre rupture
(construction d’un pouvoir personnel fort) et continuité révolutionnaires (Code civil).
Répo nses aux qu esti o n s
La prise de pouvoir par Bonaparte
1. La scène est datée du 19 brumaire (10 novembre)
1799 et située au château de Saint-Cloud, où les Conseils
des Anciens et des Cinq Cent ont été transférés la veille,
marquant le début du coup d’État.
2. Napoléon Bonaparte est au centre de la scène, point
de convergence des lumières et des regards. Il a le visage fermé, et semble imperméable aux protestations des
députés qui l’entourent. La présence de soldats armés
(grenadiers derrière Bonaparte, baïonnettes dressées
à gauche de l’image) et l’attitude résolue de Bonaparte,
malgré son isolement, montrent qu’il s’agit d’un coup
d’État.
Vers un pouvoir personnel
3. Le Premier consul est l’homme-clé du régime : il
détient le pouvoir exécutif (les deux autres consuls n’ont
qu’un rôle consultatif et les ministres sont nommés par
lui), mais aussi une partie du pouvoir législatif puisqu’il
a l’initiative des lois. Le travail d’élaboration de la loi est
ensuite morcelé entre quatre chambres aux fonctions
distinctes : rédaction par le Conseil d’État, vérification
par le Sénat, discussion par le Tribunat, vote par le Corps
législatif.
4. Les membres des quatre assemblées sont nommés
par le Premier Consul, directement pour le Conseil d’État
et le Sénat, ou indirectement pour le Tribunat et le Corps
législatif, qui sont choisis par le Sénat parmi une liste
nationale. Si le suffrage universel masculin a été rétabli
par Napoléon Bonaparte, le scrutin est vidé de son sens
puisque les citoyens n’élisent pas leurs députés mais,
par un vote à plusieurs degrés, une liste de candidats.
Les membres des quatre assemblées ne sont donc pas
l’émanation de la souveraineté nationale. Les citoyens
sont également invités à participer à des plébiscites,
ce qui permet à Napoléon Bonaparte de légitimer son
pouvoir a posteriori.
5. Ce décret de janvier 1800, adopté deux mois après
le coup d’État, porte atteinte à la liberté de la presse :
certains titres sont interdits, ceux qui sont maintenus
sont étroitement contrôlés et limités dans leur contenu.
Il n’y a plus de presse d’opinion.
6. Ce tableau date de 1805-1807. Il a été commandé par
Napoléon à David, qui est alors son premier peintre. Il
représente le sacre de l’empereur le 2 décembre 1804.
Plusieurs éléments de l’œuvre montrent que Napoléon
Bonaparte s’est transformé en monarque : représentation du sacre et du couronnement, dimension religieuse
de la cérémonie (croix brandie par l’évêque, présence de
Pie VII), assistance nombreuse composée de la mère et
des sœurs de Napoléon pour affirmer l’idée de dynastie, ainsi que de dignitaires et de maréchaux qui constituent une nouvelle cour. Les dimensions du tableau
(6,21 x 9,79 m), sa composition centrée sur Napoléon
vêtu d’un manteau de pourpre et déjà couronné (couronne de lauriers) sont une manière d’insister sur la
majesté de ce nouveau pouvoir.
Cette cérémonie n’est cependant pas la réplique des
sacres de l’Ancien Régime : le sacre n’a pas lieu à Reims,
mais à Notre-Dame, le pape est présent mais Napoléon
se couronne lui-même et couronne ensuite son épouse
Joséphine, comme le montre le tableau. C’est donc bien
un pouvoir monarchique d’un genre nouveau qui naît en
1804.
Refonder l’ordre social
7. Les extraits du Code civil présentés ici traitent du
mariage, des droits et devoirs respectifs des membres
d’une famille (époux, enfants), de la propriété. Le Code
civil est donc un ensemble de lois qui définissent les
droits civils des individus et leurs relations (mariage,
divorce, filiation, contrats, droit de propriété).
8. Le Code civil reprend des principes établis par la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :
droit de propriété, égalité des citoyens devant la loi. Il
entérine la disparition de la société d’ordres (privilèges,
propriété éminente du seigneur).
Rédiger
Bonaparte veut mettre un terme à l’instabilité révolutionnaire qui secoue le pays depuis 10 ans. Pour rétablir l’ordre, il construit un pouvoir personnel fort : Constitution
de l’an VIII qui lui donne l’essentiel des pouvoirs et met
le suffrage universel au service de la légitimation de son
pouvoir (plébiscite, élection d’une liste de candidats et
non de députés) ; sacre de 1804 qui est la dernière étape
du passage à un pouvoir héréditaire (1802 : consul à
vie ; 1804 : dignité impériale héréditaire) ; atteintes aux
libertés (décret de janvier 1800 sur la presse).
Il y a donc rupture avec les principes politiques de la
Révolution française (souveraineté nationale, libertés). Mais il consolide une partie de l’héritage révolutionnaire avec le Code civil de 1804 (égalité civile, droit
de propriété).
Pages 276-277
documents
Religion et Révolution
Cette double page couvre l’ensemble de la période
étudiée par le chapitre afin de mettre en perspective la place de la religion catholique au sein de la
Révolution : la Constitution civile du clergé provoque
un schisme et nourrit la contre-révolution, notamment en Vendée. Pour Napoléon Bonaparte, qui
veut stabiliser et réconcilier le pays, le règlement de
la question religieuse est essentiel.
Répo nses aux qu esti o n s
Doc. 1
1. Ce décret est voté en novembre 1789, après l’abolition des privilèges (4 août 1789) et l’adoption de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août
1789) qui ont mis fin à la société d’ordres. Le clergé
n’existe plus en tant qu’ordre.
2. Le décret décide que les biens du clergé seront mis
à disposition de la nation (il s’agit de trouver des ressources financières pour le pays avant que de nouveaux
impôts ne soient établis). En contrepartie, l’État s’engage
à permettre le libre exercice du culte par un financement
approprié (entretien des bâtiments, rémunération des
prêtres). L’Église n’a en effet plus de ressources propres
(elle ne peut plus prélever la dîme).
83
Doc. 2
Les décrets présentés sont extraits de la Constitution
civile du clergé du 12 juillet 1790. L’organisation territoriale de l’Église est adaptée à la nouvelle géographie
administrative du pays : à chaque département doit
correspondre un diocèse. Les prêtres et les évêques
sont désormais élus par les fidèles (sans intervention
du pape). Ils doivent prêter serment de fidélité « à la
Nation, à la Loi et au Roi ».
Doc. 4
1. Les prêtres réfractaires sont majoritaires dans l’Ouest
du pays (Vendée, Bretagne, Normandie), le Nord, l’Est et
le Massif Central et, plus ponctuellement, dans le SudOuest.
2. Doc. 3 et 4. Dès 1790, certains prêtres et évêques
refusent de prêter serment, car cela signifie être en rupture avec Rome. En mars 1791, le pape Pie VI condamne la
Constitution civile du clergé par la bulle Quod Aliquantum
à laquelle la caricature (doc. 3) fait allusion. Le clergé
est donc divisé entre « jureurs » et « réfractaires » et
les Français sont eux-mêmes partagés. Le document 3
montre que certains Français soutiennent cette nouvelle
Église, puisqu’il représente un citoyen jetant dans un
bûcher la bulle de Pie VI.
Doc. 5
1. Les Vendéens qui se sont soulevés en 1793 portent
deux insignes : la cocarde blanche et un carré d’étoffe
brodé d’un sacré cœur.
2. La cocarde blanche renvoie à la monarchie, le sacré
cœur à l’Église catholique. Ces insignes montrent que le
soulèvement vendéen est contre-révolutionnaire : défense de la monarchie et « des prêtres d’Ancien Régime »
(rejet de la Constitution civile du clergé).
Doc. 6
1. D’après la gravure, le Concordat du 15 juillet 1801 a
été signé par le Premier consul Bonaparte (au centre, en
rouge) et Pie VII (coiffé de la mitre papale). En réalité,
ce sont deux de leurs représentants qui ont apposé leur
signature au bas du document : Joseph Bonaparte, frère
de Napoléon, et un cardinal (à gauche, coiffé du chapeau
rouge cardinalice).
2. Le Concordat doit mettre fin aux divisions religieuses
et consacrer la réconciliation nationale.
3. C’est pour atteindre cet objectif que le Concordat
établit un compromis. Il revient sur certains principes
de la période révolutionnaire. Sans redevenir religion
d’État comme sous l’Ancien Régime, le catholicisme
84
est reconnu comme la religion de la grande majorité
des Français. Les évêques, après avoir été nommés
par le Premier consul, sont investis par le pape. Mais le
Concordat reprend certains éléments des décrets sur
la nationalisation des biens du clergé et la Constitution
civile du clergé : les évêques et les prêtres sont rémunérés par l’État, et doivent prêter serment de fidélité au
Premier consul.
Pages 280-281
Exercices
et méthodes
L’action des différents
acteurs durant
la Révolution
Exercices d’application
Étape 1
Définir et reformuler le sujet
Sujet 1 : « La journée du 10 août 1792 »
• « journée » : ce mot renvoie à l’expression « journée
révolutionnaire » :
– intervention du peuple dans la vie politique par des
manifestations, par le recours aux armes (exemple : 14
juillet 1789) ;
– moment décisif, qui relance la Révolution.
• « 10 août 1792 » :
– prise des Tuileries ¤ rôle de Paris dans la Révolution ;
– acteurs : sans-culottes, Garde nationale (Parisiens) ;
fédérés (venus de province et en particulier de
Marseille) ;
– suspension de la royauté ; Louis XVI dans la prison du
temple ;
– nécessité d’élire une nouvelle assemblée constituante ;
– pourquoi l’attaque des Tuileries ? Penser au contexte :
guerre et patrie déclarée en danger le 11 juillet 1792 ;
hostilité croissante vis-à-vis du roi, dont le double jeu est
avéré par le manifeste du duc de Brunswick ; affirmation
des sans-culottes (porteurs d’idées égalitaires) depuis
la journée du 20 juin 1792.
Le sujet invite donc à montrer en quoi le 10 août 1792
est une journée révolutionnaire : comment l’intervention
du peuple relance-t-elle la dynamique révolutionnaire ?
Il faut également s’interroger sur les causes de cet événement majeur.
Étape 2
Élaborer un plan de réponse au sujet
tants des trois ordres qui deviennent représentants de
la nation, puis les Parisiens et les paysans) et souligner
l’entrée en politique des Français.
Proposition de plan :
I. L’accumulation des tensions à Paris fin juillet-début
août 1792
1. La Révolution menacée par les difficultés militaires : le
11 juillet 1792 la patrie est déclarée en danger.
2. Une hostilité croissante vis-à-vis de Louis XVI : double
jeu du roi avéré par le manifeste du duc de Brunswick ;
pétitions en faveur de la déchéance du roi soumises à
l’Assemblée nationale ; le courant républicain gagne du
terrain.
3. Concentration des tensions à Paris : le duc de
Brunswick menace les Parisiens dans son manifeste ;
rôle de plus en plus important des sans-culottes depuis
la journée du 20 juin 1792 ; présence à Paris de milliers
de fédérés venus de province.
II. La prise des Tuileries le 10 août 1792
1. Une intervention directe du peuple dans la vie politique : sans-culottes, fédérés, garde nationale ; intervention armée, violence (plusieurs centaines de victimes).
2. Une intervention contre le roi : attaque des Tuileries,
résidence du roi ; Louis XVI et sa famille se réfugient à
l’Assemblée nationale.
III. La Révolution relancée par l’insurrection parisienne
1. Vers la fin de la monarchie : le 10 août, après la prise
des Tuileries, l’Assemblée nationale vote la suspension du
roi ; Louis XVI est emprisonné au Temple ; la Convention,
nouvelle assemblée constituante, abolit la royauté le 21
septembre 1792 ; le 22 septembre est le premier jour de
« l’an I de la République ».
2. Vers une première expérience démocratique : le 10
août 1792, les députés décident que la Convention sera
élue au suffrage universel masculin ; scrutin organisé
début septembre ; participation faible cependant.
Page 282
réviser
Exercice 1
1. Au XVIIIe siècle, régime politique dans lequel le pouvoir,
détenu par un roi, est transmis héréditairement.
2. Mode de scrutin qui limite le vote aux citoyens remplissant des conditions de richesse. Le vote n’est pas
considéré comme un droit, mais une fonction réservée
aux citoyens considérés comme les plus compétents.
3. Personne qui s’oppose à la Révolution et veut le retour
à l’Ancien Régime.
4. Citadin appartenant au monde de l’artisanat ou de la
boutique. Il est armé, porte un pantalon et la cocarde
tricolore, signe de son attachement à la Révolution. Le
sans-culotte est très politisé et aspire à plus d’égalité. Il
participe à la vie politique en manifestant ou en exerçant
des pressions sur l’Assemblée (journée du 20 juin 1792,
du 10 août 1792, du 2 juin 1793).
5. Texte qui fonde un régime politique (forme du gouvernement, organisation des pouvoirs).
Exercice 2
1. Souveraineté nationale.
2. Égalité civile.
3. Coup d’État.
4. Terreur.
5. Plébiscite.
Sujet 2 : « Les acteurs de l’année 1789 »
Exercice 3
Les acteurs de l’année 1789, année révolutionnaire, sont
nombreux : Louis XVI, Necker, les députés aux états généraux, les députés constitués en Assemblée nationale, les
Parisiens (journées du 14 juillet, des 5 et 6 octobre), les
paysans lors de la Grande Peur. Le sujet invite à distinguer
différents types d’acteurs (individuel/collectif ; élite/peuple ; hommes/femmes ; citadins/ruraux), analyser leur
rôle dans le processus révolutionnaire (moteur/frein)
et leurs modes d’action (vote d’un texte/émeute). Pour
éviter de produire un simple catalogue, il faut insister sur
la multiplication des acteurs au cours de l’année (le roi et
ses ministres, auxquels s’ajoutent ensuite les représen-
1. Prise des Tuileries par les sans-culottes et les fédérés,
entraînant la suspension de la royauté.
2. Coup d’État de Bonaparte.
3. Serment du Jeu de Paume.
4. Abolition des privilèges (sans condition pour les droits
personnels, avec rachat pour les droits réels).
5. Sacre de Napoléon.
Exercice 4
• Robespierre : il est le chef des Montagnards qui siègent
85
à la Convention. Après l’éviction des Girondins, il domine le gouvernement révolutionnaire (figure centrale du
Comité de salut public) et justifie la Terreur par la nécessité de sauver la Révolution des périls intérieurs (fédéralisme, soulèvement vendéen) et extérieurs (guerre).
Il est arrêté le 9 thermidor 1794, puis exécuté.
• Marat : journaliste, il est le rédacteur de L’Ami du peuple. Il est un ardent défenseur de l’égalité sociale, il est
proche des Montagnards et très apprécié des sans-culottes parisiens. Il est assassiné en juillet 1793 et devient
une figure emblématique de la Révolution.
86
• Napoléon Bonaparte : général victorieux en Italie
(1796), il prend le pouvoir le 9 novembre (18 brumaire)
1799 par un coup d’État et devient Premier consul, pour
10 ans, puis à vie à partir de 1802. Il concentre l’essentiel des pouvoirs entre ses mains et limite les libertés
pour museler l’opposition. Il proclame l’Empire en 1804,
instaurant un nouveau pouvoir monarchique en France.
Mais il maintient les acquis sociaux de 1789 par le Code
civil de 1804.
C HCAHPAI PT IRTER E
11
Les luttes pour les libertés
et les nations en Europe
(première moitié du XIXe siècle)
Programme (BO spécial n° 4, 29 avril 2010)
• Un mouvement libéral et national en Europe dans la première moitié du XIXe siècle.
• 1848 : révolutions politiques, révolutions sociales, en France et en Europe.
• Les abolitions de la traite et de l’esclavage et leur application.
Bibliographie
• Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire du xixe siècle, Hatier, coll. Initial, 1995.
• Jean-Claude Caron et Michel Vernus, L’Europe au xixe siècle. Des nations
aux nationalismes, Armand Colin, 1996.
• Francis Démier, La France au xixe siècle (1814-1914), Le Seuil, coll. Points
Histoire, 2000.
• René Girault, Peuples et nations d’Europe au xixe siècle, Hachette supérieur,
collection Carré Histoire, 1996.
• Sandrine Kott et Stéphane Michonneau, Dictionnaire des nations et nationalismes,
Hatier, coll. Initial, 2006.
• Pierre Milza, Histoire de l’Italie, Fayard, 2005.
• Anne-Marie Thiesse, La Création des identités nationales. Europe (xviiie-xixe siècle),
Le Seuil, coll. Points Histoire, 2001.
Sites internet
• Le site de l’histoire par l’image (1789-1939) : www.histoire-image.org
• Le site de l’Assemblée nationale (rubrique très fournie sur l’histoire de l’abolition
de l’esclavage en France) :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/esclavage/abolition.asp
Pages 286-287
184-185
documents
L’Europe au début
du XIXe siècle
Le Congrès de Vienne et la constitution d’une Sainte
alliance à l’initiative du tsar Alexandre Ier, signée le 28
septembre 1815, ont visé à établir un équilibre euro-
péen et à refermer la « parenthèse » révolutionnaire
qui a déferlé sur l’Europe. Cependant, les idées libérales ont imprégnées certaines élites et sont défendues
par le Royaume-Uni, véritable modèle pour celles-ci.
Libéralisme et nationalisme sont liés et, d’une même
façon, rendent impossible le retour en arrière espérées par l’Autriche, la Prusse et la Russie. Mais les
87
révolutions n’aboutissent, comme en Belgique, que
si elles ont le soutien d’une puissance européenne.
L’ordre de Vienne tient donc bon malgré tout jusqu’en
1848 au moins.
Ré p ons e s a ux que s tions
Doc. 1
1. La Sainte Alliance réunit l’empire d’Autriche, l’empire
de Russie et le royaume de Prusse. Elle intègre la France
en 1818 au Congrès d’Aix-la Chapelle qui consacre le principe de l’intervention dans les affaires intérieures des
États.
2. La Sainte Alliance est un traité défensif de secours
mutuel en vue de protéger les monarchies de droit divin
des velléités libérales et révolutionnaires en Europe.
3. La Sainte Alliance défend une vision traditionnaliste et
contre-révolutionnaire de l’ordre social et surtout politique (« dans l’administration de leurs États »), ainsi que
des relations entre souverains (« dans leurs relations
politiques »). Dieu est la source originelle de tout pouvoir. Il est la seule légitimité du pouvoir. Un ordre naturel
a été instauré par Dieu et personne n’est autorisé à le
bouleverser (« les vérités sublimes que nous enseigne
l’éternelle religion du Dieu Sauveur ») : il faut respecter
l’ordre établi et les hiérarchies sociales (la primauté de
l’aristocratie, la société d’ordre et la monarchie de droit
divin). Ce principe idéologique s’accompagne du souci
de maintenir un équilibre international européen. Ces
deux impératifs lient les monarchies par un devoir –
« indissoluble » dit la charte, car sacré – d’assurance
« fraternelle » et c’est ainsi que la Sainte Alliance, à l’initiative de l’Autriche, intervient contre le soulèvement
des Carbonari à Naples en 1820 après la conférence de
Troppau et renverse la révolution libérale espagnole en
1823 (intervention des troupes françaises).
Doc. 3
1. Doc. 2 et 3. Le tableau illustre le fonctionnement d’une
monarchie libérale : monarque aux pouvoirs limités, responsabilité du gouvernement devant les Communes. La
« publicité des débats » est également soulignée dans
le tableau par la présence du public, élément essentiel
du libéralisme politique. Des garanties juridiques assurent les libertés individuelles : les droits et l’égalité
devant la loi dont jouit tout citoyen anglais, fondés sur
des grands textes à valeur constitutionnelle comme la
Grande Charte (1215), la Déclaration des Droits (1689)
et l’Habeas Corpus (1679).
2. Doc. 3. La monarchie anglaise devient dans les faits
une monarchie parlementaire au cours du XVIIIe siècle, le
88
roi abandonnant le gouvernement au Premier ministre
qu’il choisit en fonction de la majorité (tory ou whig)
aux Communes. En 1833, c’est le gouvernement whig de
Charles Grey (1830-1834) qui gouverne et fait adopter le
Reform Act, qui étend légèrement le suffrage (trop peu au
goût du mouvement chartiste naissant) et surtout abolit
certaines pratiques de corruption (achat de vote) ainsi
que certaines circonscriptions très peu peuplées qui permettaient aux tories de maintenir artificiellement une
majorité (ce qu’on a appelé les « bourgs pourris »).
3. Doc. 1, 2 et 3. Dans la première moitié du XIXe siècle,
les institutions libérales anglaises font figure de modèle.
Ce « modèle de Westminster » est vanté par Tocqueville
qui cède ici au mythe des “libertés anglaises” (description idéalisée que l’on trouve chez Voltaire dans les
Lettres philosophiques en 1734, et Montesquieu dans
De l’esprit des lois en 1748). Londres est la terre d’exil
des opposants politiques de toute l’Europe, y compris
un Louis-Napoléon Bonaparte d’ailleurs. Si l’Angleterre
a rejoint la Quadruple Alliance aux côtés des signataires
de la Sainte Alliance en 1815 au nom d’un but commun,
la préservation de l’équilibre des puissances (théorisé
d’ailleurs par David Hume dans Of the Balance of Power),
elle ne peut souscrire au traditionalisme politique de
cette alliance. Elle ne fait donc pas partie pour autant
de la Sainte Alliance et se désolidarise rapidement des
offensives antilibérales de cette dernière.
Doc. 4
1. Les Empires autrichien, russe et ottoman sont multinationaux. Ce sont aussi des régimes autocratiques : des
monarchies absolues de droit divin dans les deux premiers cas, tandis que dans l’Empire ottoman, le sultan,
également calife, est détenteur de l’autorité (mais on ne
peut pas parler pour autant d’un pouvoir qu’il détiendrait
de Dieu), la seule limite à son pouvoir étant la charia qu’il
est censé appliquer et faire respecter.
2. Il faut surtout relever l’inexistence de l’Allemagne
et de l’Italie. Pour autant, il faut éviter de tomber dans
une vision essentialiste de la nation : qu’est-ce qu’être
Allemand ou Italien en 1830 ? Par contre, dans le cas
des Polonais répartis entre le royaume de Prusse, l’Empire russe et l’Empire d’Autriche, on peut parler d’une
nation historique éclatée, depuis le partage du royaume
de Pologne 1795, puis à nouveau en 1815 (Congrès de
Vienne).
3. La flotte anglaise, jointe à la flotte française et quelques navires russes, écrase la flotte ottomane à Navarrin
en 1827, en l’occurrence les navires du khédive d’Égypte
Mehmet Ali. L’intervention anglaise est motivée, comme
dans son soutien aux Belges, par les principes libéraux,
le principe de souveraineté nationale notamment, qui
penchent donc en faveur du droit des peuples à l’indépendance. Cependant, on pourrait ajouter qu’à côté
de la mission libérale que se donne l’Angleterre et du
philhellénisme de ses élites (on pense à Lord Byron),
l’Angleterre est aussi motivée par un souci d’équilibre
des puissances bien compris : il faut éviter d’une part de
laisser la Russie agir seule en Méditerranée et, d’autre
part, accompagner, pour la contrôler, l’émancipation des
peuples balkaniques car la Grande-Bretagne redoute
par-dessus tout un éclatement de l’Empire ottoman qui
déstabiliserait l’Europe. Il en va de même dans le soutien aux Belges, la Grande-Bretagne faisant de sa stricte
neutralité une condition à la reconnaissance de son
indépendance.
Doc. 5
Il est intéressant de noter que face à l’aigle à deux têtes
russe qui tient le peuple polonais enchaîné, le combat
pour la liberté polonaise fait référence à un droit historique (le drapeau de l’ancien royaume de Pologne) et à la
religion catholique (la croix en arrière-plan).
Doc. 6
1. L’indépendance belge est liée pour ses promoteurs
à la mise en place d’une monarchie parlementaire où la
souveraineté nationale est incarnée par des « représentants » comme le précise le début du texte, le seul pouvoir légitime étant celui de la nation. D’où leur confiance
dans l’appui des régimes libéraux de la Grande-Bretagne
et de la France de Louis-Philippe face aux « despotes »
comme le souligne le dernier paragraphe.
2. Doc. 4, 5 et 6. La Sainte Alliance et l’ordre établi au
Congrès de Vienne tiennent assez bien finalement. Car si
les Grecs et les Belges accèdent à l’indépendance, c’est
qu’ils reçoivent le soutien des puissances, hormis l’Autriche de Metternich furieuse, tandis que le soulèvement
polonais, isolé, est réprimé de façon sanglante par les
troupes russes. Les mouvements nationalistes ne peuvent aboutir pour l’heure qu’avec le soutien d’une ou des
puissances européennes.
Pages 288-289
184-185
étude
Le mouvement
nationaliste italien
L’étude vise à montrer à partir du cas italien d’une
part que libéralisme et nationalisme sont liés. Par
ailleurs, les derniers documents veulent rompre avec
une approche traditionnelle qui tend à présenter les
aspirations nationalises comme « naturelles » : la
nation est une construction initiée par les élites qui
sont conscientes de la faiblesse du sentiment national
en Italie.
Répo nses aux qu esti o n s
Le mouvement des Carbonari
1. Le mouvement carbonariste s’inspire des valeurs des
Lumières, de la franc-maçonnerie et de la Révolution
française dont on retrouve deux symboles au moins :
le compas et l’équerre (symboles d’égalité) et le soleil
de la Raison (qui rappelle le symbole du culte de l’Être
suprême de la période du Directoire).
2. Les Carbonari s’organisent en sociétés secrètes avec
un rituel hérité de la franc-maçonnerie, un serment qui
accompagne la délivrance d’un diplôme. Le maintien de
cette structure répond à la politique répressive menée
par les États italiens. Le nationalisme italien regroupe
des sous-officiers, des étudiants, des professions libérales. Ils fondent des journaux libéraux et des sociétés
secrètes : les Federati en Lombardie (1818), l’Antologia à Florence (1821 : Niccolo Tommaseo et Mazzini),
la Charbonnerie proprement dite à Naples (même si
c’est aussi le nom générique donné à toutes ces organisations) : c’est un mouvement élitaire, libéral, constitutionnaliste, teinté de mysticisme (un retour au vrai
christianisme), et fédéraliste.
3. Mazzini revendique l’existence d’une nation italienne
fondée sur l’histoire (« glorieux passé ») et une culture
commune. Son action en faveur de l’unité repose à la fois
sur un libéralisme économique (contre les douanes italiennes, l’éclatement monétaire qui empêche la constitution d’un marché) et politique au nom des principes
de 1789. S’il reste flou sur le type de régime à instaurer
c’est que la démocratie n’est pas acquise dès le départ
chez les Carbonari qui sont plutôt favorables à un régime
censitaire. Pour autant, l’option mazzinienne d’une république démocratique les rallie en 1848.
La diffusion du nationalisme
et la mobilisation des Italiens
4. Verdi poursuit plusieurs objectifs : l’affirmation d’un
patriotisme italien et le populisme (« J’ai essayé d’être
aussi populaire et facile que possible » ; « mais la musique serait devenue trop compliquée, par conséquent
moins populaire, et nous aurions raté notre but »).
C’est un chant qui doit être repris en chœur (« chanté
dans les plaines lombardes ») car l’unité créée par les
voix est l’expression métaphorique de la communauté
89
nationale. L’exaltation nationaliste passe aussi volontiers
par des accents guerriers (« la musique du canon »). Il
est conscient de la nécessité d’élaborer un sentiment
national à l’aide d’instruments symboliques tels que
les drapeaux, les hymnes, les monuments publics, les
fêtes nationales, etc. Ces politiques symboliques ont
longtemps été sous-évaluées : elles sont pourtant au
cœur du processus de légitimation de la conscience
nationale. Verdi, en 1848, ne connaissait pas le mot de
Massimo D’Azeglio aux lendemains de la proclamation du
Royaume d’Italie : « Maintenant que nous avons fait l’Italie, il nous reste à faire des Italiens. » Cependant, c’est
bien cet état d’esprit qui inspire celui dont la musique
symbolisa le Risorgimento.
5. Le nom de Verdi sert de signe de ralliement en 1849
contre l’occupant autrichien du Milanais et de la Vénétie.
Si le nationalisme touche les élites culturelles comme
Rossini, Verdi, en retour la musique de Verdi est un vecteur dont le peuple urbain peut aisément s’emparer, et
avec lequel il peut se jouer de la police autrichienne.
6. Manzoni souligne ici la diversité linguistique de la
péninsule qui constitue un obstacle à la naissance d’une
nation unie.
7. L’auteur propose donc de choisir une langue italienne
parmi d’autres : le toscan.
8. Finalement Manzoni reconnaît que l’existence d’une
nation italienne est hypothétique et en cela nuance le
discours d’un Mazzini qui part du principe que la nation
italienne existe en soi ne serait-ce que pas un passé
commun.
Rédiger
Le mouvement nationaliste italien est organisé en sociétés secrètes dispersées à travers l’Italie. Il mêle, dans les
années 1830-1840, aspirations nationales et démocratiques. Cependant, les élites italiennes sont conscientes
que l’unité ne peut se faire qu’en diffusant un sentiment
national qui n’existe pas à travers la péninsule ; cela
passe par des symboles : chants, musique, drapeau...
Pages 290-291
histoire des arts
Delacroix, peintre
romantique du martyre
des Grecs
L’étude s’inscrit d’abord dans une démarche d’historien de l’art : étudier ce qu’est le romantisme, notamment l’exaltation des sentiments en réaction au clas90
sicisme et au rationalisme des Lumières. Delacroix
permet d’ailleurs d’évoquer les grands peintres de son
temps dont il s’est beaucoup inspiré. Mais le tableau
a évidemment un intérêt historique à montrer aux
élèves : à la fois la dénonciation des massacres perpétrés par les Turcs envers les Grecs qui combattent
pour leur indépendance, et le philhellénisme des intellectuels européens, qui emprunte ici beaucoup aussi
à l’orientalisme.
Répo nses aux qu esti o n s
LECTURE DE L’ŒUVRE
1. Le corps de l’homme blessé à gauche et le mouvement
du cheval et des prisonnières à droite forment un V.
2. Cette composition ouvre le premier plan pour permettre au spectateur de voir le paysage de Scio et les échos
du massacre : fumée, exécutions... Au premier plan, sont
mis en avant les prisonniers grecs : deux hommes blessés et leurs épouses désespérées, une vieille femme
au regard perdu, une femme morte à droite à laquelle
s’agrippe encore son enfant et les femmes réduites en
esclavage.
3. Ce sont les Grecs réduits en esclavage qui sont donc
mis en avant à la fois par la composition et par les jeux
de lumière renforçant le contraste entre la blancheur des
victimes et la noirceur du cavalier turc.
4. Delacroix s’est inspiré des peintres romantiques de
son temps, que ce soit Gros ou Ingres pour leurs scènes orientalistes, Géricault pour sa peinture de la guerre
(mais on pourrait aussi rapprocher la vieille Grecque du
tableau de Delacroix du portrait La Folle monomaniaque
de Géricault, ou l’amoncellement des corps du Radeau
de la Méduse) ou l’anglais Constable dont on fait parfois
l’un des précurseurs de l’impressionnisme dans sa façon
de peindre le ciel.
5. Delacroix emprunte aux peintres orientalistes, comme
Ingres, le profil des belles Mauresques, à Géricault le traitement nerveux du cheval que monte le Turc, à Constable
la peinture à grands coups de pinceau du ciel ; la fumée
qui monte de la bataille se fondant du coup dans le
paysage.
ANALYSE DE L’ŒUVRE
6. Delacroix met en scène les massacres de Scio en utilisant tous les ressorts dramatiques de la peinture de son
temps. Le massacre est également individualisé dans le
traitement de chaque victime.
7. Le tableau ne fait pas que dénoncer la violence du
massacre, il en fait une tragédie où chaque victime ins-
pire l’empathie et la compassion chez le spectateur. Le
tableau mêle tristesse et désespoir.
8. On retrouve également un thème déjà ancien dans
la littérature (depuis les Lumières dénonçant le despotisme ottoman) et la peinture française : la France n’a-telle pas pour mission de délivrer l’Orient ? C’est ainsi que
Bonaparte s’était présenté en 1798 en Égypte libérant
le monde musulman de la férocité des Mamelouks, puis
en sauveur des chrétiens de Palestine.
Pages 294-295
184-185
étude
Le Printemps des Peuples
L’étude porte sur la diversité du mouvement révolutionnaires de 1848 et permet de dégager les facteurs de
son échec : autant la répression menée par l’Autriche
et la Russie de 1849 à 1850 que la concurrence entre
minorités aux intérêts divergents et les divisions politiques. La solution des unités italiennes et allemandes
ne peut résider alors que dans un « nationalisme princier », l’unité se faisant autour d’un État fort, Prusse
en Allemagne et Piémont-Sardaigne en Italie.
Ré p ons e s a ux que s tions
Des révolutions nationales
1. Les émeutiers de Vienne brandissent sur les barricades deux drapeaux : allemand et hongrois. Des révolutions éclatent le 3 mars 1848 à Pest, le 11 à Prague, et
le 13 à Vienne (doc. 1). Si les aspirations nationalistes
débouchent sur une révolution, c’est que comme partout ailleurs, le contrecoup de la crise économique de
1846 est capital : les bourgeoisies industrielles et la
classe ouvrière voient compromis leur prospérité future. Les revendications libérales pour l’instauration d’une
monarchie parlementaire et le nationalisme embrasent
alors l’opinion publique.
2. À Prague, les Slaves s’élèvent contre l’option du
Parlement de Francfort d’unir tous les pays de langue allemande, Autriche et Tchéquie comprises : les
Tchèques se tournent alors vers Vienne. La question de
l’unité allemande se télescope avec les revendications
des minorités de l’empire d’Autriche. Ce sont ce type de
divisions qui minent le Printemps des Peuples : de leur
côté les Croates de Jellanich, les Roumains, les Serbes
et Slovaques sont inquiets de la création d’un gouvernement hongrois à Pest qui a voté la réunion de la Hongrie
et de la Transsylvanie et entend maintenir une tutelle
sur les Slaves du Sud. Des troupes croates participeront
d’ailleurs à la répression de la révolution de Vienne.
Des révolutions libérales
3. Les origines sociales des révolutionnaires sont diverses : on trouve des paysans, des ouvriers-artisans, l’élite
alphabétisée de la masse populaire (le cafetier dans le
doc. 3), des officiers (doc. 1), des lettrés d’inspiration
romantique (doc. 2) et des femmes (doc. 1).
4. Les motivations des insurgés praguois sont d’ordre
économique (“organisation du travail”, “suppression
des droits féodaux”), social (“égalité des deux races...”)
et politique. Parmi ces dernières, on trouve mêlées des
revendications nationalistes (union de la Bohême, de
la Moravie et de la Silésie) et libérales (libertés fondamentales comme la presse, responsabilité parlementaire, publicité des débats, élargissement du cens,
création d’une milice populaire). La doctrine qui les
inspire est donc libérale et nationale, avec une touche
socialisante.
L’échec du Printemps des Peuples
5. La lithographie (doc. 6) fait référence au refus par
Frédéric-Guillaume IV de la couronne d’empereur que
le Parlement de Francfort lui propose en mars 1849, ce
« diadème de papier » offert par une assemblée d’élus
du peuple et non par les princes allemands est inacceptable pour un roi qui refuse une évolution vers une
monarchie libérale.
Discrédité par cet échec, le Parlement de Francfort se
dissout en juin 1849. En novembre 1849, la Constitution
allemande est supprimée. L’action du roi de Prusse intervient après le rétablissement, en octobre 1848, d’un
gouvernement fort à Vienne qui entraîne l’abdication
de l’empereur Ferdinand, l’avènement de son neveu
François-Joseph et le renvoi de l’Assemblée constituante. L’Autriche entame alors, avec l’aide de la Russie,
la répression des mouvements slaves et de l’indépendance hongroise.
Kossuth démissionne le 13 août 1849 et part en exil.
La République hongroise n’a duré que quelques mois. La
situation est alors favorable pour que l’empereur d’Autriche reprenne la main et impose la reculade d’Olmütz à
Frédéric-Guillaume IV. Cependant, la répression a profité
de la division des mouvements nationalistes qu’illustre
par exemple le doc. 2.
6. Pour Albert-Alexandre de Pourtalès (1812-1861),
conseiller intime et chambellan du roi de Prusse, l’unité
allemande ne peut se réaliser que sous l’égide d’États
fédérateurs et de princes, en l’occurrence le roi de
Prusse. Le nationalisme est acceptable, mais sans le
libéralisme du coup. La situation « mauvaise » et « honteuse » qu’il évoque fait référence à la reculade d’Olmütz
suite à laquelle le roi de Prusse céda à l’intimidation de
91
l’empereur d’Autriche François-Joseph et renonça à prendre la tête d’un mouvement d’unification des Allemands.
Pourtalès estime pourtant que ce n’est qu’une reculade
temporaire.
Rédiger
Les aspirations des révolutionnaires de 1848-1849 sont
à la fois nationales, libérales (et parfois démocratiques)
et sociales. L’échec de toutes les révolutions tient certes
à la répression menée par les monarques de la Sainte
Alliance, mais aussi aux divisions internes : entre partisans d’un régime constitutionnel, libéral ou franchement
démocratique ; entre tenants de l’ordre social et tendances socialisantes ; et entre minorités nationales.
Pages 298-299
étude
Les républicains
contre la monarchie
L’étude permet de contextualiser la IIe République que
le programme invite à étudier : revenir sur les régimes
précédents (pour combler le saut chronologique entre
l’Empire et 1848), mais aussi étudier l’émergence et
l’évolution du mouvement républicain, tant dans son
programme (il intègre une dimension sociale) que
dans ses formes (de l’action violente à la légalité).
Ré p ons e s a ux que s tions
La monarchie censitaire
1. Ce tableau met en scène le nouveau régime politique
issu de la révolution de 1830 : le roi s’engage solennellement à respecter la Charte révisée devant les députés.
À l’arrière-plan, on trouve la Cour, signe de la continuité
d’un régime monarchique.
2. Ce tableau exprime ainsi le compromis politique entre
monarchie et libéralisme, qui donne naissance à une
monarchie parlementaire. En effet, le « roi des Français »
n’a de pouvoir légitime qu’en s’engageant à respecter la
Charte, non devant Dieu, mais devant la représentation
nationale. Il reconnaît donc au Parlement un pouvoir légitime car il incarne la souveraineté nationale, pouvoir qui
se traduit rapidement dans le droit de discuter et voter le
budget, clé de voûte d’un système parlementaire.
3. La Monarchie du Juillet est une monarchie « bourgeoise ». Le document 2 montre ainsi l’assimilation
entre monarchie parlementaire et intérêts de la grande
bourgeoisie vorace. Les années 1830 correspondent
92
au moment où les républicains intègrent à leur combat la question sociale, mais ils profitent également
du « Waterloo moral » du régime, selon la formule de
Michelet. La classe politique perd sa légitimité du fait de
la corruption électorale, népotisme, scandales financiers.
On pourrait ainsi citer l’affaire Teste-Cubière en 1847 :
le premier, Président de la Cour de Cassation, pair de
France et ex-ministre des Travaux Publics a corrompu le
second, pair de France, général, ex-ministre de la guerre
pour obtenir la concession d’une mine de sel dont il est
l’actionnaire.
4. Arago dresse un réquisitoire contre le suffrage censitaire qui bafoue la souveraineté populaire. Il souligne la
contradiction qui le caractérise : l’immense majorité des
citoyens a des obligations, des devoirs (service militaire,
impôt), mais se voit refuser les droits politiques.
Le mouvement républicain dans les années
1830-1840
5. Les républicains entrent aux lendemains de l’avènement de Louis-Philippe dans une opposition radicale. Ils
s’organisent en sociétés secrètes comme celle des Amis
du Peuple fondée en juillet 1830 (réunions publiques,
brochures, discussions, revues) autour de Cavaignac
et de Raspail. Ils vouent un culte à la révolution, surtout à la Montagne et harcèlent le nouveau pouvoir. Les
années 1830 sont celles d’un bouillonnement politique
qui explique plusieurs tentatives d’insurrections ou de
coups d’éclats : le 5 juin 1832, à l’occasion de l’enterrement du général Lamarque, les insurgés se retranchent
dans les quartiers populaires du centre (Saint-Merri) et
la garde nationale tire, faisant 150 morts et 526 blessés ;
à nouveau, à Lyon et Paris le 9 avril 1834 ; ou l’attentat de
Fieschi, Pépin et Moret contre Louis-Philippe, le 28 juillet
1835 pour le cinquième anniversaire de la révolution (il
fait 18 morts mais Louis-Philippe n’est pas atteint).
6. L’attentat de 1835 renforce la répression : la loi punit
d’emprisonnement ceux qui se disent carlistes, bonapartistes ou républicains. Dans ces conditions et parce
qu’une part croissante de la bourgeoisie (celle des petites capacités qui n’a pas accès au vote) les rejoint, le
combat prioritaire des républicains est l’élargissement
du cens électoral par la voie légale. Les plus radicaux,
comme Ledru-Rollin (et le journal La Réforme fondé en
1843), optent pour le suffrage universel. Des radicaux
comme Arago, Garnier Pagès, Dupont de l’Eure, LedruRollin, Carnot, Marie ou Lamartine se font élire à la
Chambre.
7. Les républicains font campagne en faveur de la « réforme électorale », c’est-à-dire au moins pour un vaste élargissement du suffrage, voire pour le suffrage universel.
Les républicains ont aussi intégré la question sociale et
associent la république qu’ils appellent de leur vœu à une
meilleure intégration des ouvriers (il n’était pas rare que
les républicains décrivent la situation des ouvriers en la
comparant à celle des hilotes de la cité de Sparte) à la
société par une plus grande égalité économique. Égalité
politique et sociale sont les deux faces d’un même combat pour eux.
Rédiger
Le mouvement républicain a évolué dans son mode d’action sous la Monarchie de Juillet, passant de la lutte clandestine et insurrectionnelle à celle légale par les urnes
et dans l’opposition parlementaire. L’échec de la violence
et la répression poussent les républicains à se rallier aux
libéraux déçus pour se battre sur le terrain de la réforme
électorale. La montée en puissance des républicains doit
aussi au contexte économique et social : les républicains
intègrent dans leur combat la question sociale nouvelle,
celle des ouvriers et du paupérisme. De ce fait, le mouvement dont naît la IIe République est également fort
hétérogène et des divisions sont à venir.
Pages 300-301
étude
1848 en France : une
révolution démocratique
et sociale
L’étude vise à dégager ce que l’on peut appeler le républicanisme romantique, l’esprit quarante-huitard et
l’espoir déçu d’une république qui se voulait à la fois
démocratique et sociale notamment du fait de la peur
de l’agitation ouvrière et de la montée du parti de
l’Ordre.
Ré p ons e s a ux que s tions
Les espoirs de 1848
1. La IIe République se veut fraternelle en ce qu’elle
dépasse les clivages sociaux. La lithographie de Sorrieu
exprime l’idéal d’un régime où le suffrage universel réunit paysans (en sabot le bâton à la main), ouvriers (en
blouse bleue), étudiants, soldats, bourgeois (on reconnaît Lamartine, Ledru-Rollin et Thiers à droite), mais
aussi l’Église.
2. Le document 3 est une image diffusée par le
Gouvernement provisoire pour inciter le peuple à aller
élire les députés de la Constituante alors que le suf-
frage universel vient d’être adopté. On distingue, parmi
les affiches, des placards de différents clubs montrant
l’effervescence politique de l’époque. Le personnage est
un ouvrier reconnaissable au tablier, la chemise ouverte. L’urne et le fusil sont disposés de part et d’autre de
l’ouvrier. Ce dernier abandonne le fusil pour déposer un
bulletin dans l’urne. Le Gouvernement provisoire espère
ainsi calmer l’agitation ouvrière. Avec le suffrage universel, le gouvernement estime que la violence n’a plus de
légitimité car le suffrage est le seul instrument du progrès social.
La République se retourne
contre les ouvriers
3. Les deux orateurs sont, pour le premier, un républicain modéré (les républicains du lendemain) et, dans
le cas de Thiers, un orléaniste, ancien ministre du roi
Louis-Philippe. Ce sont deux libéraux certes, mais qui
se méfient du peuple et finalement estiment que les
classes populaires sont menaçantes, pas assez « raisonnables » pour participer à la souveraineté nationale
(cf. la réforme du suffrage universel de 1850 qui exclut
3 millions d’électeurs, essentiellement ouvriers).
4. Le ministre Goudchaux justifie la fermeture des
Ateliers nationaux par le fait que la mise en place de système d’assistance aux chômeurs, un temps nécessaire,
est en train de faire des ouvriers des assistés. Surtout,
il s’inquiète de ce rassemblement d’ouvriers dans les
grandes villes qui facilite la diffusion des « doctrines
funestes », c’est-à-dire du socialisme. Adolphe Thiers
exprime également cette peur sociale de la bourgeoisie
libérale qui associe mobilité ouvrière à vagabondage
et danger pour l’ordre social, assimilation analysée par
Louis Chevalier dans son fameux ouvrage Classes laborieuses, classes dangereuses, en 1958 où l’histoire tente
une explication sociale de la criminalité des grandes villes. Son analyse est largement dépassée mais il en reste
la formule tirée du titre de son ouvrage qui résume les
représentations sociales de l’époque que Chevalier avait
également étudiées.
5. Face à la fermeture des ateliers nationaux, les ouvriers
parisiens (en précisant qu’il s’agit plutôt du monde
ouvrier traditionnel de l’artisanat parisien, notamment
celui des métiers du bois du faubourg Saint-Antoine)
mènent une véritable guerre urbaine en utilisant au
mieux la configuration de la ville. La barricade est à la
fois le symbole et l’instrument de l’insurrection. Les
combats sont très meurtriers, car l’armée n’hésite pas
à utiliser le canon pour prendre les barricades, avant de
mener l’assaut. La réforme de 1850 exclut du suffrage
censitaire ceux qui ne peuvent justifier d’une résidence
93
fixe depuis au moins trois ans. Cela exclut de fait bon
nombre d’ouvriers qui, à cette époque, sont souvent itinérants, allant de ville en ville chercher du travail. Les
membres du parti de l’ordre, comme Thiers, justifient
cette mesure en expliquant qu’elle vise les vagabonds,
c’est-à-dire, dans l’esprit du XIXe siècle, une catégorie
considérée comme dangereuse, le souvenir des journées de juin 1848 hantant le parti de l’Ordre.
Rédiger
La IIe République s’est voulue à la fois démocratique
(le suffrage universel) et sociale (droit au travail).
Cependant, ces deux aspirations entrent en conflit entre
une bourgeoisie de républicains plus ou moins convaincus (on a parlé de républicains de la veille et du lendemain) et un mouvement ouvrier déçu par la République.
Outre l’échec de la République, ces contradictions créent
pour longtemps une méfiance de la gauche socialiste
envers la République.
Pages 302-303
étude
La France et l’Angleterre
abolissent l’esclavage
Doc. f
cti
intera
Le choix de documents découle du souci de montrer
à la fois les difficultés de l’abolition de l’esclavage en
France du fait de la résistance des colons, et également resituer l’abolitionnisme dans un mouvement
plus général porté par les Anglais au moins autant
que les libéraux Français. Pour ne pas tomber dans
une glorification abusive du rôle de la France en ce
domaine, il convient de montrer en parallèle l’action
pionnière de l’Angleterre. L’étude aborde donc à la fois
la lutte contre la traite et celle contre l’esclavage.
Ré p ons e s a ux que s tions
Les hésitations françaises
durant la Révolution
1. Le couple de colons révolutionnaires fraternise avec
les esclaves et la femme à droite tend même un uniforme de garde national à l’un d’eux, tandis que les armes
sont à terre. Le titre ambigu « La liberté des colons »
doit donc se comprendre comme la libération espérée des esclaves et des maîtres, dans la lignée de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il faut
encore attendre 1794 pour que cette abolition soit votée
par la Convention.
94
2. Ce sont la Convention, le Consulat et la IIe République
qui ont légiféré en France sur l’esclavage, mais on
constate des retours en arrière, notamment en 1802,
que l’on comprend mieux avec la pression qu’ont pu exercer les colons (doc. 2).
L’Angleterre et la France contre l’esclavage
3. La scène peinte par Biard se déroule dans une colonie
qui n’est pas déterminée. Seuls les palmiers et la végétation luxuriante à l’arrière-plan évoquent l’exotisme des
colonies (Antilles ou Réunion ?). À droite, des esclaves
manifestent leur joie, bras levés. Les chaînes déliées
sont mises en évidence, symbole de la liberté gagnée.
D’autres, agenouillés, semblent bénir le député chargé
de l’annonce, représentant de la République qui vient
d’adopter le décret (cf. le texte en main). Son bras levé
pointe d’ailleurs vers le drapeau bleu blanc rouge, confirmation de la présence symbolique de la République
française. Sur sa gauche, des mousses rappellent la
présence de la Marine comme force armée dans les
îles. Mais rappelons aussi qu’il n’existe pas de ministère
des colonies et que celles-ci dépendent de la Marine.
Sur la droite du tableau, c’est la société coloniale qui est
représentée, toute de blanc vêtue. La République est
donc porteuse des idéaux de 1789 dans les colonies :
liberté et égalité.
4. Le mouvement abolitionniste anglais dont Beldam est
un des leaders, lutte au nom des valeurs chrétiennes
(qui ne sont pas évoquées ici) mais aussi des principes
libéraux anglais : la liberté qui est le fondement de la
« Constitution » (il faut entendre par là l’Habeas Corpus
et la Bill of Rigths) ne peut se décliner selon les races
et les lieux. L’Angleterre ne peut se dire libérale qu’en
appliquant ce principe également dans ses colonies.
5. L’Angleterre se fait le champion de la lutte contre
l’esclavage et la traite dans le monde. Dès 1807, elle a
interdit la traite négrière et la Navy arraisonne les navires négriers au large de l’Afrique, tout comme elle mène
la guerre aux pirates barbaresques en Méditerranée au
nom des mêmes principes. Depuis 1787, l’Angleterre a
acheté à l’Espagne le Sierra Leone et fonde la capitale
Freetown. Ils y accueillent des esclaves d’Amérique et
les esclaves qui ont échappé aux négriers ou que la Navy
a libérés.
Rédiger
En fait l’abolition de l’esclavage a été lente et compliquée, plus en France qu’en Grande-Bretagne. Dans le
cas de la France, s’opposent les principes de 1789 et les
intérêts économiques des colons qui mettent également
en avant des arguments racistes pour justifier le main-
tien de l’esclavage. Les abolitionnistes ont finalement
imposé la fin de l’esclavage lors de la IIe République,
mais en dédommageant les colonies en contrepartie. Si
la Grande-Bretagne a été plus active, c’est à la fois du
fait de la pression des abolitionnistes mais aussi parce
qu’ayant perdu ses colonies nord-américaines, ses classes dirigeantes (politique comme économiques) prennent conscience plus tôt que l’esclavage comme la traite
ne sont plus des « bonnes affaires ».
Pages 306-307
Exercices
et méthodes
L’Europe politique
(première moitié
du XIXe siècle)
Méthode
Étape 3
1. Les frontières de la carte de l’Europe en 1840 datent
en fait du Congrès de Vienne de 1815. Ce dernier avait
comme objectif le partage des dépouilles de l’Empire
napoléonien entre les vainqueurs (Prusse, Autriche,
Russie principalement) sans tenir compte des questions nationales et l’établissement d’un équilibre des
puissances par une répartition équitable des territoires
entre vainqueurs.
2. La seule modification notable est la naissance du
royaume de Belgique, suite à la révolution de 1830 et
au soutien des Anglais (en contrepartie d’une stricte
neutralité) et des Français.
Étape 4
3. L’empire d’Autriche est multinational ; à l’heure de
l’éveil des aspirations nationales, son intégrité est donc
potentiellement menacée. La question est d’autant plus
épineuse que les minorités sont parfois mélangées et
imbriquées comme en Transylvanie, dans l’actuelle
Slovaquie ou dans le Sud de l’empire.
4. Le danger pour l’empire vient surtout des nationalités
historiques qui ont connu une période d’unité et d’indépendance : c’est le cas des Hongrois mais surtout des
Polonais à cheval sur la Galicie autrichienne, la Prusse
et l’empire de Russie. Une première fois en 1830, la
Russie et l’Autriche ont joint leurs forces pour réprimer durement la révolution polonaise. En Lombardie,
le mouvement carbonariste s’est développé depuis les
années 1820, sur l’héritage des idéaux de la Révolution
française. Il mène une action de sape, clandestine, de
l’autorité autrichienne.
5. La création de la confédération germanique pourrait
apparaître comme un premier pas vers une unité désirée
par les Allemands. Il n’en est rien car c’est une alliance
défensive qui garantit au contraire l’intégrité de tous
ses trente-cinq États membres. Par contre, la création
du Zollverein révèle que les élites bourgeoises (industrielles et négociantes) ont intérêt à faire tomber les
barrières douanières ce qu’assurerait l’unité allemande.
Pour partie imprégnée des idées libérales, elles jouent
un rôle important dans la naissance du nationalisme
allemand.
6. L’existence de deux bases possibles de création d’un
État allemand (la confédération et le Zollverein) renvoie
à un débat autour de l’étendue et de la nature de celuici. Les partisans les plus fervents de la Confédération
sont les conservateurs et les catholiques essentiellement. Pour eux, l’unité allemande doit déboucher sur
une fédération lâche de royaumes, au sein de laquelle
l’équilibre des pouvoirs n’est pas remis en cause. Ils sont
partisans d’un équilibre entre la Prusse et l’Autriche. Car
cela garantit la survie des monarchies autoritaires et du
catholicisme dans une confédération où les deux religions seraient à peu près à égalité. Les libéraux veulent
au contraire instaurer un régime constitutionnel, voire
démocratique et protestant. Par pragmatisme, ils admettent que l’unité devra se faire avec l’appui d’un État fort,
en l’occurrence la Prusse, car l’empereur d’Autriche est
jugé trop conservateur. Leur préférence va donc à une
« petite Allemagne » qui exclut les États du Sud et en
tout cas l’Autriche.
Exercice d’application
1. Les révolutions de 1830, à la fois libérales et nationales, ébranlent l’Europe du Congrès de Vienne. Toutefois, il
faut souligner que seules les mouvements belge et grec
ont abouti et entraîné un changement des frontières de
1815 car, dans les deux cas, ils ont le soutien de l’Angleterre et de la France (et de la Russie dans le cas de la
Grèce), au grand dam de l’empire d’Autriche d’ailleurs.
2. Globalement, on voit le libéralisme s’étendre en
Europe de l’Ouest : toutes les monarchies y étant libérales et dotées d’une Constitution (les Anglais parlent de
Constitution même si en fait ils font référence à une suite
de textes fondateurs qui ne sont pas stricto sensu des
constitutions : Habeas Corpus, Bill of Rigth). On pourra
développer le cas français et expliquer que, depuis 1830,
Louis-Philippe a certes repris la Charte de 1814 mais en
l’appliquant dans un sens parlementariste.
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3. La question qui n’est pas réglée en 1830 est celle des
nationalités dans les empires d’Autriche et de Russie.
Si la révolution polonaise a été durement réprimée par
exemple (en septembre 1831, l’armée russe s’empare de
Varsovie et une terrible répression s’abat sur le pays), la
question des minorités est dorénavant lancinante et au
centre de l’histoire de l’Europe : une question dont les
puissances doivent désormais tenir compte.
Page 308
réviser
Exercice 1
1. Malgré le Congrès de Vienne et la Sainte Alliance,
le retour à la situation antérieure à 1789 en Europe
est impossible : d’une part, les idées libérales de la
Révolution ont essaimé en Europe parmi certaines élites ; d’autre part, l’équilibre tient par l’alliance de régimes
que tout oppose (monarchies autoritaires et autocratiques russes, prussienne et autrichienne et monarchie
parlementaire et libérale anglaise).
2. Les révolutionnaires de 1848 sont divisés sur le type
de régime politique qu’ils souhaitent, entre tenant de l’ordre social et tendances socialisantes, et également entre
minorités nationales aux intérêts parfois contraires.
3. La République qui est instaurée en février 1848 se
veut démocratique (instauration du suffrage universel,
garantie des libertés de presse, de réunion...) et sociale
(création des ateliers nationaux, droit au travail).
4. La France a aboli une première fois l’esclavage en
1794, pour le rétablir sous le Consulat. Ce n’est qu’en
1848 qu’il est définitivement aboli. La difficile abolition
de l’esclavage tient à la résistance des colons face aux
mouvements abolitionnistes.
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Exercice 2
1. Lajos Kossuth est le leader de la révolution hongroise
de 1848. Incarnant la tendance la plus radicale, il impose la création d’une république de Hongrie, dont il est
Régent-Président. Il doit s’exiler à Londres quand frappe
la répression autrichienne.
2. Daniel Manin est avec Mazzini une des grandes figures du nationalisme italien de la première moitié du
XIXe siècle. Républicain, il crée une éphémère république
de Venise en mars 1848.
3. Compositeur italien, célèbre pour ses opéras, Verdi a
participé à la diffusion d’un sentiment national italien,
surtout à Milan, par sa musique, en composant notamment l’hymne des nationalistes.
4. Alexandre-Auguste Ledru-Rollin fut député républicain
sous la Monarchie de Juillet. Il est le leader de la campagne des banquets de 1847-1848. Comme ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire de la IIe République, il
est l’un des acteurs majeurs de l’instauration du suffrage
universel en France.
5. Joseph Beldam est le principal leader du mouvement
abolitionniste anglais à la tête de la Society for the
Extinction of the Slave.
Exercice 3
Voir cartes des pages 226-227 du manuel.
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