crois la décision de dévaluation une mauvaise décision. Elle n'est rendue inévitable que parce que l'on
renonce à toute direction de l'économie, alors que la politique inverse, qui eut consisté à s'accrocher au
Franc , aux prix, …. eut permis de redresser la situation dans un bien meilleur climat psychologique et
avec davantage de justice".
En revanche, pour l'opinion publique17, une certaine rassurance, venue à la fois de la mise à mort
par le référendum du 28 septembre d'une IV° République très décriée, et de la confiance accordée à
De Gaulle pour régler le problème algérien, l'emporte sur l'inquiétude qu'aurait pu susciter la sévérité
des mesures adoptées. Leur impopularité est alors largement atténuée. Si l'on excepte l'attitude de
Guy Mollet et de ses partisans, d'un impact médiatique d'ailleurs délibérément atténué, bon nombre
d'interventions politiques lénifiantes - voire démagogiques sous couvert d'un appel au civisme - ont
pour objet direct d'asseoir cette rassurance. Ainsi, non seulement "le Gouvernement doit repousser
toutes les tentatives d'une recherche de la popularité aussi facile que mensongère"18, mais encore "il
faut du courage pour inaugurer un régime par la dévaluation du Franc … et pour accompagner cette
décision d'une série d'autres mesures aussi impopulaires"19.
En outre, la rapidité des premiers signes d'amélioration de la situation économique et financières
a constitué un atout majeur d'une acceptation populaire des mesures adoptées sans véritables remous.
De fait, il s'agissait, au terme des travaux du Comité Rueff, d'assainir les finances publiques sans frei-
ner l'expansion, donc de limiter la consommation intérieure sans sacrifier les investissements à la mon-
naie20, et ce d'autant que l'inflation peut être considérée comme un des moyens de financement de
l'impasse. Bon nombre d'économistes demeuraient cependant circonspects, eu égard, d'une part, au
caractère plus conjoncturel que structurel du plan de décembre 1958, d'autre part au risque d'une prise
de conscience, à terme, de l'ampleur des sacrifices financiers imposés au peuple français. Ces craintes,
voire ces interrogations, ont un temps paru injustifiées. Ainsi, jusqu'en 1962 du moins, l'expansion n'a
pas été freinée par ces mesures, et la situation du Franc sur le marché des changes est restée plutôt
satisfaisante ; en outre, le passage au "nouveau Franc" s'est réalisé sans difficulté majeure.
Sur le plan budgétaire proprement dit, l'impasse, largement tributaire des opérations à caractère
temporaire, est restée dans les limites préconisées21 et toujours inférieure aux prévisions des lois de
finances initiales. On a même été en mesure d'accroître au delà de ce que prônait le plan de redresse-
ment les dépenses de transferts et les crédits d'investissement, ce qui a probablement contribué a sa-
tisfaire pour partie l'opinion publique. Il est vrai que, parallèlement, les recettes fiscales ont été supé-
rieures aux prévisions22 et que les crédits militaires, probablement délibérément surévalués à l'origine,
ont pu être réduits.
Cependant, de manière sous-jacente, un certain nombre de modifications se sont opérées au sein
des masses budgétaires. Si d'aucuns avaient pu initialement craindre que le plan de redressement se
cantonne à de simples effets conjoncturels, force est de constater qu'il a induit, l'expansion aidant, des
après les résultats de son parti aux élections législatives des 23 et 30 novembre. La formulation du plan de redressement
ne constitua donc que l'occasion de mettre en oeuvre cette décision.
17 sur l'ensemble des réactions, nationales et internationales, suscitées par les décisions françaises, Cf ARNAUD-
AMELLER P. précité, p. 95 et s.
18 Antoine PINAY, le 26 septembre 1958
19 Pierre MENDES-France, le 12 janvier 1959
20 Cf. notamment ARNAUD-AMELLER P., [1968], p 39 et s.
21 Elle est toujours inférieure à 7 milliards (soit 700 milliards d' "anciens Francs") en 1962.
22 Elles représentaient 84,5% des recettes budgétaires en 1958, et 90,7% en 1962.