A N A L Y S E S Manifestations articulaires périphériques au cours de la pseudopolyarthrite rhizomélique Une étude italienne a cherché à déterminer la fréquence des manifestations articulaires périphériques distales dans la pseudopolyarthrite rhizomélique. Cent soixante-dix-sept patients ont été suivis prospectivement pendant cinq ans par quatre rhumatologues. Une arthrite périphérique a été retrouvée chez un quart des patients avec un total de soixante-deux épisodes, dont 22 étaient isolés et 40 étaient associés aux signes proximaux (28 au moment du diagnostic de pseudopolyarthrite rhizomélique et 12 à l’occasion d’une rechute). Parmi ces 40 arthrites, 28 étaient inaugurales. Il s’agissait d’arthrites périphériques asymétriques du genou (40 %), du poignet (40 %), des métacarpophalangiennes (31 %) et de la cheville (5 %). Ces arthrites distales étaient rapidement corticosensibles lors de l’institution du traitement ou lors de l’augmentation de la posologie. Il n’y avait jamais de déformation articulaire et les radiographies étaient toujours normales (ou ne montraient que les lésions arthrosiques). Le liquide articulaire ponctionné dix fois retrouvait un nombre moyen d’éléments de 6 000/mm3 (extrêmes 1 300-11 000), dont 34 % de polynucléaires neutrophiles en moyenne, sans microcristaux. Un syndrome du canal carpien était noté chez 14 % des patients, dont la majorité au moment du diagnostic de pseudopolyarthrite rhizomélique. L’évolution était le plus souvent favorable sous corticoïdes per os. Un malade a été opéré avec une synovite lymphocytaire sur la biopsie synoviale. Un œdème des mains et/ou des pieds prenant le godet a été observé chez 12 % des patients. La comparaison entre les sous-groupes de pseudopolyarthrite rhizomélique avec et sans manifestations articulaires périphériques montre une durée plus longue de la corticothérapie, une fréquence plus élevée de rechutes et un sex-ratio en faveur des femmes dans le groupe avec manifestations articulaires périphériques. Cela pourrait suggérer que la présence de manifestations articulaires périphériques correspondrait à des formes plus graves de pseudopolyarthrite rhizomélique. Quant au sous-groupe avec œdèmes distaux, il s’agit de patients plus âgés au moment du diagnostic et recevant une corticothérapie initiale et cumulée plus faible. Aucun des 177 patients n’a présenté, au cours du suivi, de signes cliniques ou radiographiques en faveur d’une polyarthrite rhumatoïde. La forme de pseudopolyarthrite rhizomélique avec œdèmes distaux évoque fortement un syndrome RS3PE, de sorte que le diagnostic différentiel entre ces deux affections semble difficile. La fréquence des manifestations articulaires périphériques retrouvée dans cette étude correspond à celle d’un travail analogue, mais est plus élevée que dans certains travaux rétrospectifs. Dr P. Chazerain, service de rhumatologie, hôpital de la Croix Saint-Simon, 75020 Paris Distal musculoskeletal manifestations in polymyalgia rheumatica. A prospective follow-up study. Salvarani C., Cantini F., Macchioni P. et coll. ● Arthr and Rheum 1998 ; 41 : 1221-6. Le lupus de l’enfant : une maladie à part ? Quelques études semblent montrer que l’âge de début du lupus systémique modifie l’expression clinique et immunologique de la maladie. Parmi 430 lupiques suivis de façon prospective par la même équipe médicale espagnole, 34 ont eu la première manifestation de la maladie avant l’âge de 14 ans. Ces enfants constituent le groupe de lupus à début infantile (8 %), et ils sont comparés aux 396 patients dont le lupus a commencé après l’âge de 14 ans (92 %). Parmi ces enfants, 91 % sont des filles, conservant le ratio femelle/mâle de 9/1 observé chez les adultes. L’âge moyen de début de la maladie est de 11 ans chez les enfants contre 32 ans pour les adultes. Un début de la maladie avant l’âge de 5 ans est rare. La comparaison des manifestations cliniques de la maladie montre de nombreuses similitudes et d’importantes différences. La fréquence des atteintes cutanées, articulaires des séreuses et hématologiques est la même dans les deux groupes. Mais dans les formes à début infantile, les manifestations initiales sont plus souvent une néphropathie (20 % vs 9 %), une fièvre (41 % vs 21 %), 20 des adénopathies (6 % vs 0,5 %). Lors de l’évolution, la prévalence de l’éruption lupique et de la chorée est plus importante dans ce groupe (79 % vs 51 % et 9 % vs 0 %). La comparaison des profils immunologiques montre une plus grande prévalence des anticorps anticardiolipides d’isotype IGG dans le groupe à début infantile (29 % vs 13 %). Il n’y a pas de différences significatives concernant les autres anticorps entre les deux groupes. L’intérêt de cette étude est qu’elle compare des enfants et des adultes provenant d’une même population. Néphropathie, fièvre et adénopathies sont les manifestations cliniques initiales distinguant le lupus qui débute dans l’enfance de celui qui apparaît plus tard dans la vie. Dr F. Duriez, St-Rémy-lès-Chevreuse Font J., Cervera R.T., Espinosa G., Pallares L., Tamos-Casals M.R., Jimenez S., Garcia-Carrasco M., Seisdedos L., Ingelmo M. ● Ann Rheum Dis 1998 ; 57 : 456-9. La Lettre du Rhumatologue - n° 247 - décembre 1998 A N A L Y S E S Manifestations articulaires du lupus : démembrement Les atteintes articulaires du lupus sont des manifestations précoces et fréquentes au cours de cette maladie systémique, et il peut paraître anachronique, alors qu’elles étaient rapportées par Kaposi dès 1872, d’en faire le démembrement. Des simples arthralgies aux atteintes érosives et destructrices, en passant par le rhumatisme de Jaccoud, la sémiologie en est bien connue en France. Une équipe néerlandaise a voulu établir des critères précis de diagnostic des différentes formes cliniques articulaires et les corréler à d’autres manifestations de la maladie. Si l’on retient comme critère d’arthropathie déformante toute déviation par rapport à l’axe d’un métacarpe, il y a, parmi les 176 lupiques étudiés, 17 patients souffrant d’une telle atteinte. Trois d’entre eux ont une atteinte érosive similaire à celle de l’arthrite rhumatoïde. Ces trois patients ont une sérologie rhumatoïde positive et font discuter la coexistence des deux maladies ou un syndrome de chevauchement. Six patients ont des arthropathies peu déformantes, et ne semblent pas différer du groupe de lupus sans arthropathie. Huit patients ont une arthropathie de Jaccoud dont les auteurs décrivent les principaux aspects : déviation cubitale, déformation des doigts en col de cygne et en Z du pouce aux mains, et subluxations non érosives multiples aux pieds. Dans ce sous-groupe, les atteintes articulaires ont précédé de plusieurs mois le diagnostic de LED, témoignant selon les auteurs d’une maladie d’évolution lente. Tous les patients sauf un ne répondent qu’à quatre critères de la classification de l’ACR, 5 d’entre eux ont une histoire de thrombose artérielle ou veineuse, et 4 un antécédent d’avortement. Une association avec des anticorps antiphospholipides est retrouvée dans 7 cas sur 8. En se fondant exclusivement sur des critères articulaires cliniques et radiologiques, on peut dégager un groupe de lupus avec arthropathie de Jaccoud dont les manifestations cliniques systémiques et le mode évolutif apparaissent différents des autres lupus. Dr F. Duriez, St-Rémy-lès-Chevreuse Van Vugt R.M., Derksen R.H.W.M., Kater L., Bijlsma J.W.J. Ann Rheum Dis 1998 ; 57 : 540-4. ● Les traitements de fond sont utiles dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) Aucun traitement dit “de fond” n’a démontré de façon formelle une efficacité indiscutable sur l’évolution radiologique de la polyarthrite rhumatoïde. Ainsi, l’intérêt de ces traitements sur la prévention de l’apparition des lésions radiologiques ou sur le ralentissement de l’aggravation radiologique demeure controversé. Une équipe israélienne a comparé dans une étude cas-contrôle un groupe de 22 PR exclusivement traitées par AINS sans traitement de fond à un groupe de 22 PR appariées en âge, sexe, durée d’évolution de la PR et nombre d’articulations inflammatoires recevant un traitement de fond. Le premier groupe était issu d’une population juive russe immigrée, n’ayant pas reçu de taitement de fond en raison des conditions socio-économiques difficiles, et le second d’un groupe de PR suivies en Israël. La durée moyenne d’évolution de la PR était de 16,2 ans pour les Russes et de 14,3 ans pour les Israéliens (p = 0,573). Les critères principaux étaient cliniques (nombre d’articulations déformées) et radiologiques (indice modifié de Sharp). Le groupe qui bénéficiait d’un traitement de fond recevait du méthotrexate une fois sur deux. Dans ce groupe, 16 patients sur 22 recevaient en plus une corticothérapie générale. Les scores radiologiques étaient réalisés en aveugle par deux praticiens expérimentés. Les résultats sont en faveur du groupe recevant un traitement de fond avec un nombre d’articulations déformées inférieur 22 (7,2 contre 13,8 ; p = 0,044) et un indice de Sharp inférieur (65,7 contre 146,1 ; p = 0,003). Cette étude comporte des biais importants, qui sont d’ailleurs signalés par les auteurs : ● Il ne s’agit pas d’un essai contrôlé prospectif randomisé, mais d’une comparaison “historique”. ● L’effectif est faible. ● Les deux groupes, bien qu’appariés, ne sont probablement pas strictement comparables. Les conditions socio-économiques, la corticothérapie sont des facteurs pouvant influencer le pronostic de la PR. Ainsi, les différences observées ne sont peut-être pas uniquement dues à la prise ou non d’un traitement de fond. Ce travail apporte néanmoins un argument supplémentaire en faveur de l’utilité des traitements dits “de fond”. Dr P. Chazerain, service de rhumatologie, hôpital de la Croix Saint-Simon, 75020 Paris Clinical and radiographic outcomes of rheumatoid arthritis patients not treated with disease-modifying drugs. Abou-Shakra M., Toker R., Flusser D. et coll. ● Arthr and Rheum 1998 ; 41 : 1190-5. La Lettre du Rhumatologue - n° 247 - décembre 1998 A N A L Y S E S Influence de la ménopause et de l’activité de la maladie sur les marqueurs du métabolisme osseux chez des femmes atteintes de polyarthrite rhumatoïde La polyarthrite rhumatoïde (PR) peut se compliquer d’une ostéoporose, localisée ou généralisée. Les différentes études qui se sont intéressées aux marqueurs du remodelage osseux dans la PR donnent des résultats souvent contradictoires, en raison notamment de différences de sexe et de statut ménopausique chez les patients(es) explorés(es). Cette étude japonaise a évalué l’influence de la ménopause et de l’activité de la maladie sur les marqueurs biochimiques du remodelage osseux chez des femmes, ménopausées ou non, suivies pour PR. Soixante-dix-huit PR (39 ménopausées [post-PR] et 39 non ménopausées [pré-PR]) et 54 témoins (femmes d’âge équivalent ; 26 ménopausées [post-T] et 28 non ménopausées [pré-T]) ont été explorées. Les paramètres biochimiques mesurés sont l’ostéocalcine (OC), la phosphatase alcaline osseuse spécifique (PAO), les pyridinolines et déoxypyridinolines urinaires totales (PyrT, DpyrT), la déoxypyridinoline urinaire libre (Dpyr). La VS, la CRP et l’indice de Landsbury sont utilisés pour évaluer l’activité de la maladie. Tous ces marqueurs sont élevés chez les femmes ménopausées (PR et témoins) par rapport à celles non ménopausées. Quel que soit le statut ménopausique, les marqueurs de formation (OC, PAO) sont plus élevés chez les témoins comparés aux PR, alors que ceux qui évaluent la résorption sont augmentés dans le groupe PR. Chez les femmes préménopausées, les pyridinolines (PyrT, DpyrT et Dpyr) sont significativement plus élevées au sein du groupe pré-PR par rapport au groupe pré-T. Chez les femmes ménopausées, dans le groupe post-PR comparé au groupe postT, les marqueurs de formation (OC et PAO) sont significativement diminués, alors que les pyridinolines sont significativement augmentées. Enfin, une corrélation positive est trouvée entre OC, PyrT et Dpyr et les indices d’activité de la maladie (CRP et indice de Landsbury). Cette étude montre l’effet de la ménopause sur les marqueurs biochimiques du remodelage osseux, aussi bien chez des témoins sains qu’au cours de la PR. On peut observer que les marqueurs de formation osseuse sont diminués uniquement chez les PR ménopausées, alors que les molécules évaluant la résorption osseuse sont augmentées chez les PR, ménopausées ou non. En outre, l’influence de l’activité de la maladie sur le turnover osseux est confirmée une nouvelle fois, comme l’attestent les relations entre l’OC, les pyridinolines et les indices d’activité. Le métabolisme osseux diffère selon le statut ménopausique des femmes atteintes de PR : – pour les PR non ménopausées, la perte osseuse résulte d’une stimulation de la résorption ; – les PR ménopausées présentent une stimulation de la formation et de la résorption osseuse, avec cependant une résorption osseuse plus importante et un découplage entre les deux mécanismes. Cette étude a pour défaut l’absence d’évaluation de la masse osseuse par ostéodensitométrie. Dr E. Toussirot, PH, service de rhumatologie, CHU hôpital J.-Minjoz, Besançon The effects of menopausal status and disease activity on biochemical markers of bone metabolism in female patients with rheumatoid arthritis. Suzuki M., Takahashi M., Miyamoto S., Hoshino H., Kushida K., Miura M., Inoue T. ● Br J Rheum 1998 ; 37 : 653-8. Spondylodiscite à mycobactérie atypique chez un sidéen Ce cas clinique rappelle la possibilité d’infections ostéoarticulaires à mycobactérie atypique chez des sujets immunodéprimés, et notamment au cours de l’infection par le VIH. Il s’agit d’une femme de 41 ans suivie pour sida, stade C3 compliqué d’un sarcome de Kaposi, qui développe une spondylodiscite cervicale C4-C5. La biopsie disco-vertébrale ramène un liquide puriforme et permet la mise en évidence de bacilles acidoalcoolo-résistants, dont la culture identifiera des colonies de Mycobacterium xenopi. Malgré une antibiothérapie associant isoniazide, rifampicine, clarithromycine et ciprofloxacine, la patiente décédera. Les infections ostéoarticulaires à Mycobacterium xenopi sont peu fréquentes et consistent en des arthrites, ténosynovites et spondylodiscites. Elles surviennent sur un terrain prédisposant (insuffisance respiratoire, éthylisme, cancers, diabète et infection par le VIH). Des spondylodiscites ont été décrites aux trois étages du La Lettre du Rhumatologue - n° 247 - décembre 1998 rachis. Ces spondylodiscites soulèvent le problème de l’identification de la mycobactérie (qui nécessite plusieurs mois de culture), puis de la thérapeutique. Mycobacterium xenopi est en effet le plus souvent résistant aux antituberculeux classiques et le traitement d’une infection à cette mycobactérie fait appel le plus souvent aux fluoroquinolones, à la clofazimine et aux nouveaux macrolides, clarithromycine et azithromycine. Dr E. Toussirot, PH, service de rhumatologie, CHU hôpital J.-Minjoz, Besançon Infection ostéoarticulaire à Mycobacterium xenopi. Ollagnier E., Frésard A., Guglielminotti C., Carricajo A., Mosnier J.F., Alexandre C., Lucht F. ● Presse Med 1998 ; 27 : 800-3. 23