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Le Courrier de l’Arcol (2), n° 1, mars 2000
QUESTION/RÉPONSE
Une concentration
plasmatique de
Lp(a) < 0,30 g/l définit-elle
un seuil cohérent de risque
cardiovasculaire ?
Une augmentation
de la lipoprotéine (a)
circulante justifie-t-elle
des mesures thérapeutiques
spécifiques ?
D
ans la plupart des études, des concentrations
élevées de Lp(a) dans les populations de race
blanche sont définis comme étant supérieurs au
1/80epercentile, correspondant à une quantité
de Lp(a) comprise dans une fourchette de 0,2 à
0,4 g/l. Cette large fourchette peut être due aux
variations dans les méthodes utilisées pour mesu-
rer la Lp(a) ou dépendre de la population étudiée.
Par conséquent, une valeur limite arbitraire serait
une concentration de Lp(a) de 0,2 g/l (à peu près
l’équivalent d’une concentration de cholestérol de
la Lp(a) de 0,05 g/l). ■
D
evant une élévation de concentration de la
Lp(a), il faut tout d’abord en éliminer les
causes secondaires : les maladies inflammatoires
concomitantes (en phase aiguë), l’hyperthyroïdie,
l’acromégalie ou un traitement à base d’hor-
mones de croissance, l’insuffisance rénale et
l’existence d’une protéinurie. De plus, il a été
rapporté que le troglitazone et l’isotrétinoïne sont
deux médicaments susceptibles d'augmenter les
taux circulants de Lp(a).
Les traitements susceptibles d’abaisser la concen-
tration plasmatique de Lp(a) se limitent actuelle-
ment à l’hormonothérapie substitutive chez les
femmes ménopausées – la Lp(a) peut augmenter
de 10 à 30 % lors de carences estrogéniques – ou
la prise d’acide nicotinique – 4 g/jour abaissent la
concentration de Lp(a) de 40 %. On a égale-
ment rapporté que les androgènes et les anaboli-
sants stéroïdiens diminuent la concentration de
Lp(a). Les huiles de poisson à dose pharmacolo-
gique peuvent aussi produire une légère diminu-
tion de la concentration de Lp(a). Il nous manque
actuellement des moyens plus efficaces pour
abaisser la concentration de Lp(a) afin de conce-
voir des essais randomisés contrôlés.
Dans cette perspective, on peut envisager deux
approches thérapeutiques :
–on peut considérer que la Lp(a) est un facteur de
risque de maladie cardiovasculaire additif non
modifiable, et il faut donc se concentrer sur une
diminution plus agressive du LDL-C. Il a été suggé-
ré que la diminution de LDL-C seule réduit les
risques attribuables à la Lp(a). Toutefois, dans l’étu-
de 4S de prévention secondaire, les concentrations
de Lp(a) étaient les indices d’événements corona-
riens et de mort, même dans le groupe qui était
traité par la simvastatine. La diminution de LDL-C
peut être une approche raisonnable pour la préven-
tion de la progression d’une athérothrombose
précoce chez des patients qui ont une concentra-
tion élevée de Lp(a). Ainsi, chez les sujets ne pré-
L
e seuil de 0,3 g/l, retenu comme celui au-
dessus duquel la concentration de Lp(a) repré-
sente un risque cardiovasculaire, n’est pas aussi
précis que cela car, dans l’ensemble des études, il
s’agit d’une fourchette de 0,2 à 0,4 g/l. Vu les pro-
blèmes de standardisation du dosage de la Lp(a), il
est donc difficile de retenir un seuil. Enfin, il ne faut
pas oublier qu’une étude a montré que les cente-
naires avaient une concentration de Lp(a) très
élevée, ce qui est encore un argument supplémen-
taire contre sa responsabilité comme facteur de
risque des maladies cardiovasculaires. ■
L’
augmentation plasmatique du taux de Lp(a)
ne justifie pas de mesure thérapeutique spé-
cifique car il n’en existe aucune, sauf l’épuration
par aphérèse. Certains médicaments abaissent le
LDL-cholestérol et abaissent parallèlement la
Lp(a), comme le traitement hormonal substitutif
de la ménopause, l’acide nicotinique ou les
fibrates, comme l’ont montré certaines études.
Cependant, il n’existe aucune étude qui ait mon-
tré qu’une baisse médicamenteuse de la Lp(a)
entraînait une réduction des événements cardio-
vasculaires ou de leurs récidives.
En conclusion, la Lp(a) n’a pas encore gagné ses
galons de facteur de risque cardiovasculaire. Le
paradoxe qui consiste à dire : “Il faut abaisser le
LDL-cholestérol quand la Lp(a) est élevée” est
double :
– si la Lp(a) est élevée, cela signifie que le LDL
n’est pas aussi élevé que ne le donne le calcul sui-
vant la formule de Friedewald ;
– donc, les statines, qui sont utilisées en général
en cas d’augmentation du LDL-cholestérol, ne
seront pas très efficaces, puisqu’elles ne modi-
fient pas le taux de Lp(a).
La Lp(a) est une lipoprotéine très intéressante
dont personne ne connaît le rôle physiologique
dans l’organisme. La découverte de sa fonction
permettrait peut-être d’apporter des arguments
supplémentaires en faveur de son rôle comme
facteur de risque cardiovasculaire. ■
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