En conclusion, la chimiothérapie néoadjuvante n’est pas réali-
sable dans tous les cas ; elle doit être utilisée chez les patients
“répondeurs”. Beaucoup d’espoirs reposent sur la découverte de
marqueurs prédictifs de l’efficacité thérapeutique et sur la mise
au point de la thérapie génique.
Trois grandes conclusions ont été établies à partir des données
concernant soixante-trois essais thérapeutiques incluant dix
mille patients randomisés (B. Luboinski, B. Beaujat) :
– l’association chimiothérapie-traitement locorégional a un effet
statistiquement significatif,
– les chimiothérapies adjuvante et néoadjuvante n’apportent
aucun bénéfice en matière de survie,
– la chimiothérapie concomitante de la radiothérapie est signifi-
cativement efficace sur la survie (gain de 8 % de survie à 5 ans).
Le traitement peut-il se limiter à la chimiothérapie ?
Après réalisation d’un examen endoscopique et instauration de
trois cures de chimiothérapie, cent vingt et un patients présentant
un carcinome des VADS en régression clinique complète ont été
retenus pour l’étude d’efficacité de la chimiothérapie seule
(J. Trotoux). Ils ont été suivis tous les mois pendant dix-huit mois.
Les localisations se répartissaient comme suit : cavité buccale :
16 cas ; oropharynx : 33 cas ; hypopharynx : 30 cas ; larynx :
42 cas. Quatre-vint-cinq pour cent des patients étaient classés
T2 N0. Sur l’ensemble des patients, la régression tumorale a été
meilleure que la régression ganglionnaire ; 23 % de régression
clinique complète ganglionnaire ont été obtenus. Les récidives
ont été traitées par la chirurgie associée ou non à la radiothéra-
pie. Soixante pour cent des patients sont vivants à cinq ans, sans
rechute. Soixante pour cent des cas de récidive locorégionale ont
été rattrapés et sont encore vivants. À condition de conserver une
surveillance rigoureuse des patients, la chimiothérapie exclusive
a sa place dans les cancers des VADS.
Dans les tumeurs avancées inopérables des VADS, l’associa-
tion radio-chimiothérapie (RC) permet (F. Baillet), chez des
patients en bon état général, d’augmenter significativement le
contrôle local, la survie sans rechute, la médiane de survie et
la survie globale à long terme. Dans certaines localisations,
elle augmente la survie : cavum 76 % versus 46 % ; oropha-
rynx 51 % versus 31 % à 3 ans. L’association radio-chimio-
thérapie augmente significativement la survie (50 % à trois ans)
dans les tumeurs avancées (stades III, IV), notamment avec
l’utilisation de la radiothérapie bifractionnée en “split-course”
(J.M. Vannetzel). La chimiosensibilité est prédictive de la
radiosensibilité. L’association radio-chimiothérapie est utili-
sable chez les patients dont l’état général est altéré, à condi-
tion d’adapter les posologies ; certaines drogues facilitent la
tolérance du traitement (amifostine, érythropoïétine). Les prin-
cipales causes d’échec de cette association sont l’existence de
métastases à distance, la décompensation de tares préexistantes
et l’apparition d’un deuxième cancer. Les indications sont
réservées aux tumeurs avancées, la chirurgie restant l’attitude
la plus éthique dans les petites tumeurs.
Les effets indésirables de la chimiothérapie sont bien connus :
ils sont hématologiques, digestifs, néphrologiques, neurologiques
(J.J. Pessey)… Ces effets doivent être prévenus par un traitement
adapté. Les complications sont maximales à la troisième cure :
nausées (61 %), alopécie (44 %), diarrhée (31 %), mucite (10 %),
complications hématologiques (25 %)… Les complications
létales sont plus rares et consistent essentiellement en des infarc-
tus, des hémorragies digestives et des encéphalopathies.
THYROÏDE
Nodule thyroïdien et cancer
(J.M. Meyer et coll., Nice)
Trois cent soixante-six patients opérés d’un nodule thyroïdien
ont été étudiés de façon rétrospective. Le risque de cancer appa-
raît plus important aux âges extrêmes de la vie (< 40 ans,
> 70 ans), chez l’homme (22 % de cancer chez l’homme et près
de 50 % si l’homme est âgé de moins de 40 ans) et en cas de
nodule dur, d’adénopathies cervicales et d’aspect échographique
hypoéchogène. Si le risque de microcancer augmente avec l’âge,
il est indépendant du sexe (5 à 6 % pour les deux sexes). Le carac-
tère symptomatique des nodules et leur nombre (12 % de cancer
quel que soit le nombre) ne sont pas corrélés au risque de can-
cer. Il est à noter que, si la taille du nodule ne constitue pas un
critère diagnostique en faveur du cancer, elle est en revanche un
critère pronostique défavorable. La connaissance de ces facteurs
doit permettre d’affiner les indications opératoires afin de dimi-
nuer le nombre d’interventions pour des nodules bénins.
Microcarcinomes thyroïdiens
À partir d’une série de 329 thyroïdes consécutives opérées,
J. Soudant et coll. (Pitié-Salpêtrière, Paris) évoquent le poten-
tiel malin des microcancers et ses conséquences (la taille du
microcancer est, par définition, inférieure à un centimètre à
l’examen anatomopathologique). Les auteurs ont retrouvé 5
% de microcancers, dont plus d’un tiers ont été révélés par des
métastases. Les examens cytologique et histologique extem-
porané sont de moindre utilité dans le diagnostic de micro-
cancer (nécessité de coupes fines sur toute la pièce en examen
extemporané). Compte tenu du potentiel métastatique, de la
plurifocalité et de l’histologie trompeuse de ces cancers, les
auteurs proposent la réalisation d’une thyroïdectomie totale
en cas de découverte d’un microcancer, d’un goitre multino-
dulaire uni- ou bilatéral, ou de nodules uniques qui se modi-
fient. La création d’un site Internet pourrait permettre d’affi-
ner les problèmes diagnostiques en matière de microcancer
thyroïdien.
À partir d’une étude rétrospective de huit microcancers thy-
roïdiens, N. Driss et coll. (Tunis) soulignent la lymphophilie
et la multifocalité de ces microcancers. Une adénopathie a été
révélatrice dans un quart des cas ; l’examen histologique a
retrouvé un cas de multifocalité et 50 % de métastases gan-
glionnaires. Les examens d’imagerie et les bilans biologiques
étaient normaux. Tous les patients ont été opérés par thyroï-
dectomie totale avec évidement ganglionnaire bilatéral, com-
plétée d’un traitement à l’iode radioactif.
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 251 - mars 2000