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LES AGENTS ANTIMICROBIENS
I. Les Antibiotiques
1. Historique :
La chimiothérapie est l'utilisation d'agents chimiques en thérapeutique.
Elle a prit réellement son essor en 1909 lorsque Ehrlich a formulé le principe suivant : "pour
être utilisable par voie générale dans le traitement des maladies infectieuses, une substance
doit être nuisible pour le microorganisme parasite mais inoffensive pour les cellules de l'hôte" :
elle doit être douée de toxicité sélective.
Les antibiotiques et les sulfamides ont cette propriété.
L'étude systématique des composés organiques de synthèse a conduit à la découverte de
nombreuses substances actives dans le traitement des maladies infectieuses (Syphilis,
infections à streptocoques,…)
En 1897, Ernest Duchêne montre que certaines moisissures inoculées à un animal en même
temps que des cultures virulentes de quelques microbes pathogènes sont capables
d'atténuer la virulence de ces cultures microbiennes.
En 1928, Alexander Fleming remarque qu'une culture de Staphylocoque doré
(
Staphylococcus aureus
) en boîte de pétri s'est mal développée autour d'une colonie de
moisissure contaminante. La moisissure est
Penicillium notatum
, il montre que des extraits
de celle-ci sont bactéricides sans être toxiques pour les cellules animales, il appelle
Pénicilline le principe actif de ses filtrats.
En 1939, Florey et Chain (Oxford) extraient et purifient la pénicilline sur une grande échelle
et l'obtiennent sous forme d'un sel sodique impur mais utilisable.
En 1941, ces chercheurs vont aux USA et disposent alors d'énormes moyens financiers pour
la mise en place de programmes systématiques de recherche destinés à l'isolement d'autres
antibiotiques : les maladies infectieuses les plus dangereuses sont alors maîtrisées.
Depuis 1965, de nombreux antibiotiques ont été découverts et des antibiotiques
semi synthétiques ont fait leur apparition (en particulier les β-lactamines).
2. Définitions et classification des antibiotiques
2.1. Définition
Pendant longtemps on a appelé antibiotique (terme créé par le microbiologiste Selman Waksman
qui découvrit en 1944 la Streptomycine) toute substance chimique produite par un
microorganisme, champignon ou bactérie, pouvant inhiber la croissance ou détruire d'autres
microorganismes. Cette définition est aujourd'hui trop restrictive et abandonnée car de
nombreux antibiotiques sont maintenant obtenus par synthèse.
Définition actuelle : Un antibiotique est une substance d'origine biologique ou synthétique (ou
semi synthétique) agissant spécifiquement sur une étape essentielle du métabolisme des
bactéries.
C'est donc une molécule toxique pour les bactéries qui agit de manière spécifique à faible
concentration et est non toxique pour les cellules eucaryotes ou peu toxique aux doses
thérapeutiques.
Remarque : ce terme est aussi utilisé pour les molécules toxiques pour les champignons :
antifongique.
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Comparaison : désinfectants, antiseptiques, antibiotiques
Désinfectant : agent chimique capable de détruire les agents pathogènes dans les milieux
extérieurs à l'homme.
Antiseptique : substance chimique capable de détruire, chez les êtres vivants, les
microorganismes ou d'arrêter leur développement. L'action est locale en raison de leur
toxicité ; les antiseptiques ne peuvent pas être administrés à l'homme par voie générale.
Les antibiotiques se distinguent des antiseptiques et des désinfectants par leur activité
spécifique à faible dose et leur effet non toxique sur les cellules eucaryotes.
2.2. Classification
Il existe de nombreuses classifications. Elles sont fondées sur :
la formule chimique
le site d'action
l'origine
le mode d'administration
la répartition dans l'organisme
le spectre d'action : c'est la liste théorique des bactéries qui peuvent être éliminées par cet
antibiotique mais les phénomènes de résistance acquise modifient en permanence cette
notion de spectre.
A l'heure actuelle les antibiotiques sont classés selon leur nature chimique. L'usage dans le
milieu médical fait ressortir plusieurs familles d'antibiotiques divisées en sous-groupes.
2.3. Microorganismes producteurs d'antibiotiques
Les bactéries et les champignons sont les meilleurs producteurs d'antibiotiques.
Parmi les 2 500 antibiotiques actuellement décrits, environ 70 % sont synthétisés par les
Actinomycétales, groupe mal défini qui comprend de nombreuses bactéries. Ce sont des
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bactéries filamenteuses du sol parmi lesquelles les genres
Streptomyces
et
Nocardia
produisent de nombreux antibiotiques.
3. Mode d'action des antibiotiques
Les antibiotiques ne doivent agir que sur les
cellules procaryotes afin de ne pas atteindre
les cellules du patient traité. Leurs effets se
porteront donc sur des structures ou des voies
métaboliques propres aux cellules procaryotes.
c'est le cas de la paroi bactérienne : si une
molécule agit sur cette structure
indispensable à une survie correcte de la
bactérie, elle peut atteindre l'agent
infectieux sans pour autant léser les
cellules eucaryotes proches.
Un autre exemple est celui des ribosomes
qui sont différents chez les cellules
eucaryotes et procaryotes. Il sera possible
d'agir sur les uns sans inhiber les autres.
La synthèse des acides nucléiques constitue
également une voie métabolique différente selon les deux types de cellules : les voies
touchées par les antibiotiques sont complexes.
Pour comprendre et interpréter l'activité antimicrobienne, des expérimentations au niveau
moléculaire et cellulaire sont nécessaires.
3.1. Méthodes d'approche pour étudier le mode d'action des antibiotiques
La détermination de la cible primaire d'un antibiotique n'est pas facile et plusieurs voies
d'approche doivent être utilisées simultanément en utilisant différentes concentrations
d'antibiotique.
L'étude cinétique des altérations cellulaires au microscope optique et surtout électronique
permet de connaître la zone d'impact de l'antibiotique sur les microorganismes. Ce type
d'étude est naturellement limité aux antibiotiques ayant une action "visible".
Pour préciser au niveau moléculaire le site d'action, l'étude des modifications de la
structure et du métabolisme est indispensable car elle seule permet de détecter la lésion
primaire due à l'antibiotique. Des recherches et dosages de métabolites ou de précurseurs
de la structure cible sont très utiles. L'accumulation d'un métabolite signifie qu'en aval la
séquence métabolite est inhibée. La libération de substances normalement intracellulaires
comme le relargage du potassium, d'acides aminés ou de nucléotides témoigne d'une atteinte
de la membrane cytoplasmique.
Les méthodes de marquage radioactif sont également très efficaces car elles renseignent
sur les perturbations du métabolisme.
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Courbes d'incorporation de marqueurs radioactifs lors d'une culture bactérienne en phase exponentielle de croissance.
Radioactivité R en fonction du temps t.
… : DAP* (marqueur de la paroi).
--- : thymidine* (marqueur de l'ADN).
- - - : uracile* (marqueur de l'ARN).
-.-. : phénylalanine* (marqueur des protéines).
a. culture normale après addition des marqueurs au temps 0.
b. évolution d'une culture après l'addition de pénicilline au milieu : arrêt immédiat de l'incorporation du DAP (signe de
blocage de la synthèse de la paroi) ;
c. évolution de la culture lors de l'addition de rifamycine : arrêt immédiat de l'incorporation de l'uracile (blocage de la
synthèse des ARN) ;
d. évolution de la culture après addition de streptomycine : arrêt de l'incorporation de phénylalanine après une période de
latence (blocage de la synthèse des protéines).
En suivant l'incorporation de ces différents marqueurs pendant la croissance exponentielle de la
bactérie, on obtient de courbes représentatives de la synthèse des ADN, des ARN, des protéines
et de la paroi. Ces courbes subissent des variations notables à la suite de l'addition de
l'antibiotique dans le milieu de culture.
3.2. Mécanisme d'action des principaux antibiotiques
La connaissance du mécanisme d'action des agents antimicrobiens du type antibiotique ou sulfamide
se révèle extrêmement utile car elle ouvre la voie à la découverte d'autres molécules et donc à de
nouveaux succès. Une nouvelle cible visée est le lipide A.
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3.2.1. Action sur la paroi
De nombreux antibiotiques aux structures très diverses agissent sur la paroi bactérienne. Vu
l'importance de l'intégrité de cette paroi, une atteinte est généralement létale pour la bactérie.
¾ Rappels sur la structure du peptidoglycane :
Biosynthèse du peptidoglycane :
La synthèse du peptidoglycane implique le fonctionnement intégré du cytoplasme, de la membrane
cytoplasmique et d'enzymes extérieures à la membrane.
C'est un processus complexe et délicat qui est la cible de nombreux antibiotiques.
Etape cytoplasmique : le point de départ de cette synthèse est le D-glucose. Il y a synthèse
de l'élément de base du peptidoglycane : le N acétyl muramyl pentapeptide sous une forme
activée par fixation sur un nucléoside diphosphate : l'uridine diphosphate (U.D.P.), donnant
l'uridine diphosphate N acétyl muramyl pentapeptide.
L'assemblage du pentapeptide est complètement étranger à la synthèse des protéines, il
n'utilise pas de ribosomes, d'ARNm ou d'ARNt.
Etape membranaire : au niveau du feuillet interne de la membrane cytoplasmique les unités N
acétyl muramyl pentapeptide sont déchargées de l'UDP sur un lipide membranaire spécifique
: l'undécaprénylphosphate appelé aussi bactoprénol (lipide phosphorylé en C55).
Sur ce substrat ancré dans la membrane cytoplasmique vient réagir une molécule d'uridine
diphosphate de N acétyl D glucosamine, ce qui donne naissance au disaccharide répétitif de
la chaîne : le N acétyl muramyl pentapeptide β 1 Æ 4 N acétyl glucosamine lié à
l'undécaprényl diphosphate. De courtes chaînes peptidiques peuvent être ajoutées au
disaccharide pour préparer le pontage.
Chez
Staphylococcus aureus
une chaîne de pentaglycine est fixée sur le groupement NH2
libre de la lysine ou du diaminopimélate par additions successives de 5 glycines apportées
chacune par un ARNt spécialisé (différent de ceux qui interviennent dans la synthèse des
protéines).
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