MARDIS PEDIATRIQUES 1
DEMELER LES LIENS ENTRE GENES ET MALADIES
Kh.Ayed EPS.Charles Nicolle.Tunis
I- INTRODUCTION: QUELQUES DEFINITIONS
Entre le génotype, une définition de biologie moléculaire et le phénotype, une observation de
la clinique se nouent des relations d’une grande diversité.
En introduction, précisons quelques définitions qui vont revenir souvent au cours de cet
exposé et qui sont le phénotype et le génotype ; la mutation et le gène.
1- Le phénotype : est l’ensemble des effets visibles, mesurables ou quantifiables de
l’expression d’un gène
2 - Un génotype correspond à une constitution génétique particulière
3- Une mutation correspond aux modifications génétiques qui sont à l’origine d’un
changement remarquable de phénotype.
Les relations entre génotype et phénotype ne sont pas simples. Deux exemples peuvent
illustrer cette complexité : Une mutation ponctuelle d’un gène unique (un génotype très
élémentaire) peut souvent être à l’origine de phénotypes très compliqués : par exemple une
maladie de l’intelligence, à l’inverse un phénotype est mesurable comme la taille d’un
individu ou la tension artérielle, a pour origine un génotype complexe impliquant l’expression
et l’interaction de plusieurs gènes.
4-Un gène, C’est un caractère qui peut être transmis d’une génération à une autre à
travers la division cellulaire (la méiose). Il correspond à l’unité génétique il relève d’une
définition moléculaire. Classiquement un gène donné conduit à la synthèse d’une protéine
donnée via un ARN messager. Or ce schéma est trop simpliste. D’abord parce qu’un gène
peut produire plusieurs ARN messagers et donc plusieurs protéines. Ensuite un gène peut
s’exprimer de façon variable en fonction du temps ou du développement de l’individu, il
pourra donc produire des protéines différentes.
Ainsi le génome humain a la possibilité de s’exprimer de façon variable. Une des questions
fondamentales de la génétique moderne qui revient sans cesse est celle des corrélations que
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l’on peut établir entre un phénotype détermiet le génotype qui est à son origine. Cette
question est souvent non résolue car ces corrélations sont très complexes : En simplifiant :
à des phénotypes identiques ou voisins correspondent le plus souvent des génotypes multiples
(plusieurs altérations d’un gène, ou des mutations de gènes différents) et à un génotype unique
peuvent correspondre à des phénotypes multiples.
Nous allons illustrer ces différents cas de figures par des exemples, mais avant il
faudrait insister sur l’importance fondamentale de ces corrélations pour le généticien et pour
le clinicien.
En théorie un diagnostic génétique fiable suffirait pour poser un diagnostic clinique et un
pronostic mais cette vision est trop simpliste et même un peu naïve.
II– CORRELATIONS ENTRE GENOTYPE ET PHENOTYPE
A- UN GENE, UNE MUTATION ? UN PHENOTYPE HOMOGENE
La drépanocytose est l’exemple le plus classique ; cette maladie de l’hémoglobine est
une des plus fréquentes maladies génétiques dans le monde. Elle touche plusieurs millions de
personnes en particuliers en Afrique.
Elle se traduit cliniquement par des douleurs osseuses et une falciformation des globules
rouges et leur destruction dans les capillaires de l’os, de la rate et du système nerveux.
Le génotype de la drépanocytose est homogène sur le plan génétique. Elle est liée à une
mutation du codon 6 du gène de la β globine qui aboutit au remplacement dans l’hémoglobine
d’un acide glutanique par une valine.
Toutes les personnes atteintes de drépanocytose (homozygotes ou hétérozygotes) sont
porteuses de cette mutation en simple ou double dose.
Le phénotype biochimique est lui aussi homogène. L’électrophorèse de l’Hb révèle la
présence de l’HbS responsable de la falciforamtion. Cette homogénéité observée au niveau
du génotype et du phénotype biochimique ne se retrouve pas dans le phénotype clinique. Tous
les patients ne présentent pas les mêmes manifestations cliniques. Cette variabilité clinique
implique t-elle d’autres facteurs génétiques ?
La drépanocytose constitue un exemple privilégié : un génotype unique (une mutation
ponctuelle) associé à un phénotype homogène.
En génétique de tels cas font l’exception, la règle est plutôt la diversité.
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B -
UN GENE, PLUSIEURS MUTATIONS, DES VARIANTES PHENOTYPIQUES
1- variation par décalage de phase de lecture
Deux formes de myopathies, celle de Duchenne et celle de Becker sont toutes deux
liées au chromosome X. Elle sont cliniquement distinctes : elles débutent à des différents âges
et ont une évolution différente. Malgré ces différences les deux affections sont liées aux
anomalies du même ne. Le gène de la dystrophine. Ce gène est localisé sur le bras court du
chromosome X en position Xp21. Couvrant un domaine de deux millions de paires de bases.
Ce gène est plus grand de tous les gènes actuellement connus dans génome humain. Il
comprend plus de 60 exons.
Sur le plan moléculaire la pathologie de ce gène est constituée par :
- des délétions (perte de matériel génétique) dans plus de 55% des cas
- des duplications (contre partie de la délétion) dans 5 à 10% des cas
Ces anomalies sont liées à la taille du gène et l’existence de nombreux exons homogènes.
Lors de l’identification des délétions, tous les chercheurs étaient frappés par l’absence de
corrélation entre la taille de la délétion et le phénotype observé. En effet, on aurait pu
s’attendre à ce que les délétions soient plus étendues dans le cas de la maladie de Duchenne
(phénotype sévère) que dans celui de la maladie de Becker (phénotype modéré).
Comment expliquer cette discordance ?
On a constaté qu’une délétion même courte pouvait faire apparaître une forme sévère dés lors
qu’elle entraînait ‘‘un décalage de phase de lecture’’ modifiant intégralement la
signification génétique des triplets après la délétion.
- inversement, des délétions des exons homologues, mêmes très étendues pouvaient
n’être à l’origine que d’un phénotype modéré, si la phase de lecture du code génétique n’était
pas perdue, et si l’ensemble de l’ARN messager en aval de la délétion était correctement
traduit.
L’analyse de ces deux formes de myopathies montre que dans certains cas l’observation de
variants cliniques peut être expliquée par l’existence de mutations différentes sur un
même gène.
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2- variation par combinaison du variable des allèles
Une autre origine de la variabilité des phénotypes pour différentes mutations d’un même
gène est la combinaison variable des allèles pour un même gène autosomique récessif :
* le nombre des mutations est variable
* les mutations sur les deux chromosomes sont différentes
* chaque chromosome est porteur d’une mutation différente au niveau du même gène)
c’est l’exemple la phénylcétonurie.
On connaît actuellement plus de 60 mutations du gène qui code pour phénylalanine
hydroxylase. Enzyme dont le déficit ou l’absence est la cause de cette maladie métabolique.
Les mutations sont très variées, celles qui conduisent à la maladie sont les mutations faux-
sens. Elles vont substituer un acide aminé à un autre dans la protéine. Le codant 408 traduit à
l’état normal une arginine (R 408). La mutation (R408) le transforme en un codon
tryptophane, ensuite de quoi la protéine synthétisée perd toute activité (forme grave de la
maladie). Cette mutation entraîne une modification majeure de la protéine mais une autre
mutation R 408Q transforme ce codon en codon acide glutamique et est associée à une forme
très peu sévère de la maladie. La modification qu’elle introduit dans la structure de la
protéine est donc minime. L’existence chez le même patient de mutations différentes d’un
même gène explique le large spectre des phénotypes observés. 85% des enfants atteints de
phénylcétonurie en France sont des hétérozygotes composites. Certains présentent des formes
typiques et graves de la maladie, d’autres pour lesquels un régime n’est même pas nécessaire.
3- variation par intervention de facteur génétique ou environnementaux:
Un autre exemple de variabilité génétique est fourni par la mucoviscidose. Dans ce cas la
variabilité est moindre dans la population d’Europe du Nord. Une même mutation du gène
CF-TR est retrouvée à l’état homozygote dans ces populations (50% des cas). En dépit de
cette homogénéité génétique, les enfants homozygotes F508/F508 ne présentent pas tous la
même forme de mucoviscidose, l’homozygotie n’est pas toujours associée à la forme la plus
sévère et la plus précoce de la maladie et les enfants présentant une forme sévère ne sont pas
homozygotes F508.
Certains facteurs rendent variable l’expression de la maladie (même génotype) s’agit-il
d’autres facteurs génétiques ou environnementaux ?
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Dans ces deux cas de figure que nous venons de présenter (myopathie, liées à l’X) et
(phenylcetonurie, mucoviscodose maladies autosomiques récessives), la diversité des
mutations donne une idée sur la variabilité du phénotype. Ce n’est pas souvent le cas en
matière d’hérédité dominante.
4- Variabilité d’expression inter et intra- familiales
Il s’agit de situation une seule même mutation est retrouvée à l’intérieur d’une même
famille avec une expression clinique très variable ; pouvant aller jusqu’à l’absence complète
de signes cliniques de la maladie. C’est ce qu’on appelle un défaut de pénétrance, les
exemples cliniques de ce phénomènes sont nombreux, citons le cas de la maladie de
Recklinghausen au sein d’une même famille, on peut voir des individus porteurs de
quelques taches ‘‘café au lait’’ tandis que d’autres présentent un phénotype plus sévère
(atteinte neurologique et osseuse).
Dans ce cas cette variabilité ne peut être expliquée par la diversité des allèles, mais peut être
par l’expression d’autres gènes dits modificateurs.
C –
UN GENE, UNE MUTATION, PLUSIEURS EFFETS
Dans cette situation, un même mutant peut entraîner des effets phénotypiques
différents mais additifs. Les exemples les plus classiques en sont certaines
hémoglobinopathies comme l’hémoglobine Knossos qui a pour origine une mutation qui
entraîne à la fois un phénotype de thalassémique c'est-à-dire une réduction de la synthèse de
la β globine et un phénotype d'hémoglobinopathie c'est-à-dire une altération des propriétés
biochimiques de la β globine mutante formée.
Cette anomalie très étrange a reçu une explication moléculaire satisfaisante.
D’une part la mutation ponctuelle qui est à l'origine de l'hémoglobine Knossos, conduit à un
faux-sens biochimique de l'hémoglobine. Mais elle introduit aussi dans la séquence un site
critique pour le système d'excision et d'épissage. Pour une certaine proportion d'ARN
messagers, l'épisage est donc anormal ce qui réduit la synthèse quantitative de la globine et
conduit donc au phénotype thalassémique.
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