La lettre du Neurologue - n° 6 - vol. V - juin 2001 275
(4). Une aggravation du déficit neurologique à la suite de la
crise a également été démontrée (10), touchant 20 % des cas.
Cette tendance a été retrouvée également pour les crises “très
précoces” (score d’indépendance diminué à la sortie de l’hôpi-
tal) (3). En cas d’hémorragie cérébrale, la mortalité ou la mor-
bidité ne sont pas influencées par la survenue de crises épilep-
tiques, un meilleur pronostic fonctionnel ayant même été décrit
pour les cas d’hémorragies corticales (étude SASS).
Le risque de récidive à la suite d’une crise, qu’elle soit précoce
ou tardive, a déjà été discuté ; il est relié en particulier à la pré-
sence d’une lésion corticale et à la persistance d’une parésie.
TRAITEMENT
Les AVC surviennent souvent chez la personne âgée. La pres-
cription de médicaments antiépileptiques doit se faire alors
avec une grande de prudence. En effet, l’absorption, la distribu-
tion (fixation de la molécule aux protéines, augmentation de la
masse adipeuse liée à l’âge), le métabolisme et l’excrétion du
médicament peuvent être fortement affectés. En premier lieu, le
phénobarbital doit être déconseillé, en raison de son caractère
de puissant inducteur enzymatique hépatique (et des nom-
breuses interactions qui en résultent), de ses effets secondaires
cognitifs, et du risque augmenté d’algoneurodystrophie. Nous
relèverons aussi les difficultés liées à l’utilisation de la phény-
toïne (métabolisme non linéaire saturable, forte fixation à l’al-
bumine, inducteur enzymatique), qui présente cependant
l’avantage d’un faible risque d’effets secondaires sédatifs ou
cognitifs.
Par ailleurs, le médecin sera confronté aux interactions avec les
prescriptions, parfois nombreuses, destinées au traitement des
maladies associées dont souffre le patient. Finalement, il faut
rappeler le développement plus fréquent d’effets secondaires,
de quelque nature qu’ils soient, pour les patients âgés.
Il existe cependant, tous types de crises “vasculaires” confon-
dues, un fort risque de récidive à moyen terme (30 à 50 %),
avec parfois des conséquences dramatiques, dues à la crise elle-
même, mais aussi au traumatisme qui en résulte. Il faut aussi
rappeler la mise en évidence d’une mortalité intra-hospitalière
augmentée pour les patients présentant une crise dans la phase
aiguë de l’AVC d’une part, le risque d’aggravation irréversible
des séquelles neurologiques d’autre part (3, 10). Un traitement
incisif dans la phase aiguë de la crise et une prophylaxie secon-
daire méritent donc d’être encouragés dans la plupart des cas
(pour les crises “très précoces”, cette attitude doit être considé-
rée avec plus de réserve, en raison du manque de données dis-
ponibles concernant leur évolution naturelle). La durée du trai-
tement reste à établir. À ce jour, faute de bons moyens
prédictifs cliniques ou paracliniques, l’indication à une préven-
tion primaire ne peut être proposée.
Le plus souvent, une monothérapie suffira au contrôle de l’épilep-
sie. Si de nouveaux antiépileptiques commencent à s’affirmer dans
ce type d’indication, notamment la lamotrigine, il n’existe pas de
médicament de première intention, et le valproate de sodium et la
carbamazépine restent deux bonnes options thérapeutiques.
CONCLUSION
Les crises épileptiques survenant à la suite d’un AVC sont fré-
quentes, le plus souvent précoces, mais peuvent se présenter
parfois plusieurs années après l’événement (en particulier lors
de lésions ischémiques). Elles touchent près de 10 % des
patients, avec récidive dans 30 à 50 % des cas.
Elles apparaissent le plus souvent (mais pas exclusivement)
lors de lésions corticales et n’ont jamais été décrites après
lésion du tronc cérébral. Dans les cas de crises précoces, les
hémorragies sont plus fréquemment retrouvées.
Dans le cadre des investigations, l’EEG garde actuellement une
place mal définie, son rendement diagnostique n’ayant souvent pu
être établi. Son utilisation dans le suivi des patients ayant déve-
loppé une crise épileptique mérite cependant d’être considérée, en
particulier si une interruption du traitement peut être envisagée.
Le risque élevé de récurrence, d’aggravation permanente du défi-
cit neurologique et de complications traumatiques, justifie sou-
vent l’introduction d’un traitement après le premier événement,
une monothérapie étant alors en général suffisante. Chez la per-
sonne âgée, en raison des difficultés liées à une polypharmaco-
thérapie et des risques de mauvaise compliance, l’objectif de la
thérapie médicamenteuse devra être bien expliqué au patient et à
son entourage. La durée de traitement à proposer reste à définir.
Et, bien sûr, dans la mesure du possible, les facteurs favorisants
(par exemple, les troubles métaboliques, les médicaments poten-
tiellement épileptogènes) associés devront être pris en charge.
Si l’indication à traiter après la première crise peut le plus sou-
vent être envisagée, une prévention primaire ciblée ne peut être
proposée, faute de facteurs prédictifs suffisants. Ce constat peut
être lié à la mauvaise connaissance actuelle des mécanismes sous-
jacents au développement de phénomènes comitiaux. Ils mérite-
ront d’être étudiés par d’autres travaux, dans le but d’offrir au
patient une prise en charge plus personnalisée de son épilepsie. ■
R
ÉFÉRENCES
B
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