Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité

Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité
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Il s’avère en effet que les cellules sont capables d’une
part d’exercer des contraintes sur les tissus environnants
et, d’autre part, d’adapter leur activité aux propriétés et
aux signaux mécaniques de leur environnement. Ainsi, si
la plupart des cellules des organismes animaux sont à
demeure dans les tissus, elles sont capables de s’activer et
de migrer au sein de l’organisme. C’est par exemple le cas
des fibroblastes de la peau qui, en cas de lésion cutanée,
se déplacent jusqu’à la lésion pour produire le collagène
nécessaire à la réparation du tissu. Inversement, des pro-
cessus pathologiques comme le développement tumoral
voient certaines cellules se détacher de leur tissu d’origine,
migrer au travers de l’organisme et coloniser de nouveaux
tissus. Cette capacité des cellules à migrer implique
l’existence d’une machinerie intracellulaire capable de
générer des forces, ainsi que des protéines transmembra-
naires pour transmettre ces forces à l’environnement (voir
encadré 1). Le plus étonnant est que cette machinerie
Mécano-sensibilité cellulaire :
adaptation physique à la rigidité
Article proposé par :
Atef Asnacios, [email protected]
Jonathan Fouchard, [email protected]
Démosthène Mitrossilis, [email protected]
Laboratoire Matière et Systèmes Complexes, UMR 7057, CNRS/Univ. Paris 7, Paris
La rigidité des tissus joue un rôle important dans de nombreux processus physiologiques comme la migration
cellulaire ou la différentiation des cellules souches. Pour comprendre le mécanisme qui permet aux cellules
de détecter la rigidité de leur environnement, les chercheurs ont surtout étudié certaines boucles biochimiques
de régulation déclenchées par la déformation de protéines spécifiques. Pour notre part, nous nous sommes
intéressés aux cellules comme générateurs de force. Nous avons ainsi mesuré la puissance mécanique
développée par une cellule vivante isolée pour défléchir une micro-lamelle de verre de raideur calibrée.
On observe que la puissance mécanique fournie s’ajuste à la raideur des lamelles et présente
les caractéristiques d’une adaptation d’impédance. Pour confirmer l’existence d’une réponse purement
mécanique de la structure cellulaire, nous avons développé un procédé original permettant de contrôler,
en temps réel, la rigidité effective perçue par une cellule vivante isolée. On constate alors que la dérivée
temporelle de la force générée par la cellule s’adapte à la raideur de son substrat en un temps t < 0,1 s,
bien plus rapidement que les cascades de réactions chimiques imaginées jusque-là pour expliquer
l’adaptation cellulaire à la rigidité.
Les cellules vivantes sont les briques élémentaires du
vivant. D’une taille caractéristique d’une dizaine de
micromètres, elles s’assemblent pour former les
tissus biologiques qui constituent, à leur tour, des organes
aux fonctions physiologiques spécifiques. De fait, chaque
cellule possède un certain bagage protéique et un patri-
moine génétique (ADN du noyau) qui lui permettent de
produire les molécules nécessaires au maintien de l’orga-
nisme et à son fonctionnement. Les produits des réactions
biochimiques sont alors échangés, de manière contrôlée,
avec le reste de l’organisme au travers de la membrane
plasmique qui sépare milieux intra et extra-cellulaires. La
cellule vivante peut donc être perçue comme l’unité de pro-
duction chimique de base dont l’activité est modulée par la
composition chimique de son environnement (taux de
sucre sanguin qui contrôle la production d’insuline par
exemple). Cette vision néglige cependant tous les aspects
mécaniques des fonctions cellulaires.
Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité
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Encadré 1 Appareil contractile, complexes d’adhésion et signalisation locale
cellulaire semble être sensible à son environnement
mécanique et, notamment, à la rigidité des tissus. Des
expériences en laboratoire ont par exemple montré que
des cellules qui migrent sur des substrats synthétiques de
rigidité anisotrope dans le plan s’orientaient préférentiel-
lement suivant la direction de plus grande rigidité1.
Cette sensibilité des cellules à la rigidité de leur subs-
trat n’est pas qu’une curiosité de laboratoire. Des cher-
cheurs ont en effet tenté de soigner des patients victimes
d’infarctus en injectant des cellules souches dans le tissu
1. Voir « Images de la Physique » 2007 : L’adhésion cellulaire, une sonde
de l’environnement mécanique dans les tissus et Les cellules vivantes répon-
dent à la rigidité de leur substrat.
cardiaque nécrosé. Or, non seulement les cellules injec-
tées n’ont pu se développer en cellules musculaires pour
régénérer le muscle cardiaque, mais les médecins ont
observé que les cellules souches présentaient des facteurs
de l’apoptose, c’est-à-dire de la mort programmée des
cellules. Les chercheurs ont alors émis l’hypothèse que ce
phénomène pouvait être provoqué par la rigidité du tissu
nécrosé qui est beaucoup plus importante que celle du
tissu musculaire sain. De fait, les différents tissus vivants
ou organes ont non seulement leurs fonctions biochi-
miques propres, mais possèdent également des rigidités
spécifiques. Dans ce cadre, il est apparu plausible que des
cellules disséminées dans l’organisme puissent profiter
de cette caractéristique pour se repérer et éviter de se déve-
Les cellules vivantes exercent des forces de traction sur
leur substrat. Ces forces sont générées par des complexes
contractiles. Ces complexes sont constitués de filaments
d’actine et de moteurs moléculaires (myosine). Les myo-
sines, assemblées tête-bêche, font glisser les filaments d’ac-
tine les uns par rapport aux autres et induisent ainsi la
contraction de l’ensemble de la fibre. Cette contraction des
complexes d’actine et de myosine au sein d’une cellule isolée
repose sur le même principe que celle des fibres musculaires
mais ne présente pas la même organisation cristalline que
dans le muscle. Les forces générées par ces structures intra-
cellulaires sont transmises à l’environnement au travers de
complexes protéiques d’adhérence (figure E1).
Figure E1 – Schéma de la machinerie permettant à la cellule de
déformer son substrat. Les générateurs de force (vert) sont constitués
d’assemblages d’actine et de myosine. Comme dans les muscles, les
mouvements relatifs des deux espèces génèrent la contraction. Les
forces sont transmises à l’environnement via des complexes protéiques
d’adhérence. Ces complexes sont formés de nombreuses molécules
(rose) qui font le lien entre les protéines transmembranaires (rouge) et
les fibres contractiles (vert).
La figure E2 décrit schématiquement la manière dont
l’adaptation cellulaire à la rigidité est généralement pensée.
Sur substrat mou, la contractilité cellulaire se traduirait
essentiellement par une grande déformation du substrat, de
faibles forces générées et de faibles déformations des adhé-
sions. En revanche, sur substrat rigide, faiblement défor-
mable, les forces générées par la cellule induiraient des
déformations importantes de certaines protéines des com-
plexes adhésifs. Ces protéines, en se déformant, révèle-
raient des sites de phosphorylation (addition d’un groupe
phosphate qui change la réactivité chimique de la protéine)
et déclencheraient ainsi des cascades chimiques de régula-
tion de l’activité cellulaire. Ces cascades induiraient, en
retour, une augmentation de la contraction cellulaire
(rétroaction positive).
Figure E2 – Représentation schématique du rôle des complexes
d’adhésion comme déclencheurs de la réponse à la rigidité.
Biophysique Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité
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Le dispositif utilisé est très simple dans son principe.
Une cellule est capturée entre deux micro-lamelles de
verre, l’une rigide, l’autre souple et de raideur calibrée k
(figure 1). La lamelle souple est donc utilisée comme un
simple ressort dont la déflexion d donne la force de trac-
tion cellulaire F = kd. Le système est monté sur un micros-
cope optique et la déflexion de la lamelle souple est détectée
et enregistrée en temps réel. Les déflexions typiques sont
de l’ordre de quelques micromètres, les raideurs de 1 à
quelques centaines de nN/μm et les forces cellulaires dans
la gamme 1-300 nN. Les lamelles de verre sont recouvertes
de fibronectine, molécule de la matrice extracellulaire. Du
point de vue chimique, les contacts cellule-lamelles res-
semblent à des interfaces cellule-matrice extracellulaire.
Dans ces conditions, on observe que la cellule une fois
mise en contact avec les lamelles s’étale (augmentation du
diamètre apparent) et applique une force de traction qui
rapproche l’extrémité de la lamelle souple de la lamelle
rigide (diminution de la hauteur cellulaire entre lamelles).
lopper dans un tissu différent de celui dont elles sont ori-
ginaires (effet anti-métastase).
Cette hypothèse a finalement pu être vérifiée in vitro en
cultivant des cellules souches sur des substrats synthé-
tiques mimant les élasticités typiques des tissus, des plus
mous (cerveau, module d’Young E d’environ 1 kPa) au
plus durs (collagène osseux, E 100 kPa). À conditions
chimiques identiques, on observe que les supports mous
induisent une orientation des cellules souches vers un type
cellulaire neuronal, alors que les substrats les plus durs
conduisent au développement d’ostéoblastes, c’est-à-dire
des cellules de type osseux. De plus, les mêmes auteurs
ont pu montrer que la formation des myofibrilles (fila-
ments contractiles élémentaires qui s’assemblent pour for-
mer les fibres musculaires) était optimale lorsque des
cellules pré-musculaires étaient cultivées sur des substrats
mimant la rigidité des muscles sains (E 10 kPa).
Activité contractile
et adaptation d’impédance
En principe, pour déterminer la rigidité d’un maté-
riau, il faut lui appliquer une contrainte donnée et mesu-
rer la déformation qui en résulte. Or, il a été très tôt
observé que les cellules vivantes appliquaient effective-
ment des forces sur leurs substrats. Ces forces de traction
sont générées par des complexes contractiles d’actine et
de myosine semblables, dans leur fonctionnement, aux
fibres musculaires. Les forces générées par ces structures
intracellulaires sont transmises à l’environnement au tra-
vers de complexes protéiques d’adhésion qui constituent
le véritable lien mécanique entre milieux intra et extra-cel-
lulaires. Il est donc apparu naturel que certaines protéines
de ces complexes puissent se comporter comme des cap-
teurs de force dont la déformation permettrait de déclen-
cher des cascades de réactions chimiques, appelées voies
biochimiques de signalisation (encadré 1).
La réponse à la rigidité telle que décrite précédemment
pose cependant un certain nombre de questions. Par
exemple, la réponse déclenchée par la déformation des
contacts adhésifs est par définition locale et nécessite
donc d’être coordonnée à l’échelle globale de la cellule
pour permettre des processus organisés comme la migra-
tion orientée. Or, il n’existe aucun modèle pour cela. Par
ailleurs, si la déformation de certaines molécules de signa-
lisation est contrôlée par le niveau de force qui leur est
appliqué, quelle relation existe-t-il entre la rigidité de l’en-
vironnement et la force de traction cellulaire ? Pour
répondre à ces interrogations, nous avons mis au point un
dispositif nous permettant de mesurer à la fois la force
générée par une cellule vivante isolée ainsi que sa vitesse
de contraction. En d’autres termes, nous nous sommes
intéressés aux propriétés de la machinerie cellulaire res-
ponsable de la génération de force et nous avons caracté-
risé sa réponse propre à la rigidité.
Figure 1 – (a) Images d’une cellule vivante défléchissant une micro-lamelle
de verre de raideur calibrée k et principe de mesure de la force de traction
cellulaire : F = kd, où d est la déflexion de la lamelle. (b) Variation temporelle
de la force de traction cellulaire pour deux lamelles de raideurs différentes.
Plus la lamelle-ressort est raide, plus la force croît rapidement. Adapté de
Mitrossilis et al PNAS 2009 et al. PNAS 2010.
Biophysique Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité
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faiblement chargés, la vitesse de contraction est élevée et
l’énergie consommée pour produire la contraction est
perdue en friction interne dans les fibres. À mesure que
l’on augmente la rigidité du substrat, la vitesse de contrac-
tion diminue et, avec elle, la dissipation interne. L’appareil
contractile devient plus efficace avec la charge. Ce phéno-
mène a d’ailleurs été décrit très tôt dans le cas des muscles
et porte le nom d’effet Fenn.
Nous avons alors cherché à voir si les relations force-
vitesse et charge-puissance des cellules isolées pouvaient
se comparer aux relations obtenues pour les muscles. Or,
un des résultats les plus frappants dans le cas des muscles
est qu’il est possible de rassembler les données obtenues
pour différents types musculaires sur une courbe maî-
tresse. En normalisant les vitesses par la vitesse maximale
Vmax de contraction sous charge nulle, et les forces par la
force d’arrêt Fmax, c’est-à-dire la charge à laquelle la vitesse
de contraction s’annule (V = 0), on aboutit à l’équation
universelle adimensionnée de Hill : (f + r)(v + r) = (1 + r)r,
avec fF
Fmax
=, vV
Vmax
=, où r est une constante de l’ordre de
1/4 pour tous les muscles. Nous avons alors mesuré Fmax
et Vmax pour nos cellules isolées lors d’expériences spéci-
fiques effectuées respectivement à déformation et charge
nulle. Les relations force-vitesse et charge-puissance adi-
mensionnées obtenues pour les cellules uniques se sont
révélées en parfait accord avec l’équation de Hill adimen-
sionnée (figure 3).
À ce stade, il est apparu possible que la réponse cellu-
laire à la rigidité puisse être le reflet de l’adaptation des
Dans une première étude, nous avons utilisé des
lamelles souples de différentes raideurs et observé com-
ment la valeur de k influençait la force de traction cellu-
laire. On observe essentiellement que la force croît plus
rapidement lorsque la raideur est plus importante
(figure 1b). En conséquence, après un temps donné, la cel-
lule applique une force d’autant plus importante que le
substrat est rigide. Pour comprendre l’origine physique
possible de ce phénomène, il faut se rappeler que la déri-
vée temporelle de la force est directement proportionnelle
à la vitesse de contraction cellulaire. En effet, la force est
donnée par la tension de la lame ressort F = kd, d’où
dF
dt
kV=V est la vitesse à laquelle la lamelle est
défléchie et, également, la vitesse de contraction de la cel-
lule perpendiculairement aux lamelles. La puissance
mécanique développée par la cellule pour défléchir la
lamelle-ressort est donc simplement PFVF
k
dF
dt
== , et
peut être obtenue à partir de la force F(t) ainsi que de sa
dérivée. Si l’on considère, pour différentes raideurs tes-
tées, la puissance mécanique développée à une déflexion
d0 donnée (c’est-à-dire pour un raccourcissement cellu-
laire identique), on obtient Pd
dF
dt
=0. Ainsi, à d0 fixée, on
peut exprimer l’augmentation de dF
dt
avec k en relation
force-vitesse
VF
kd
k
dF
dt
==
10
()
, ou encore en relation
charge-puissance Pd Fkd
dF
dt
==
00
()
(figure 2).
L’augmentation de dF
dt avec la raideur k est donc liée à
une augmentation de la puissance mécanique avec la
charge. L’adaptation cellulaire à la rigidité pourrait ainsi
s’expliquer par la réponse à la charge des éléments
contractiles d’actine et de myosine. Ces éléments agissent
comme des générateurs de force et l’adaptation à la rigi-
dité serait un phénomène d’adaptation d’impédance
mécanique (définie comme le rapport charge sur vitesse).
Sur substrats mous, les générateurs de force sont
0,02
0,01
0,015
0,005
0
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
50 100 150 200
0
Charge (nN)
Vitesse de contraction (µm/s)
Puissance mécanique (f W)
Figure 2 – Relations force-vitesse (carrés blancs) et charge-puissance (disques
noirs) d’une cellule isolée. Les valeurs sont calculées à partir des courbes de
force pour une déflexion arbitraire de 1 μm. Les charges reportées en abscisse
correspondent à des raideurs de lamelles variant de 2,5 à 176 nN/μm (figure
reprise de Mitrossilis et al. PNAS 2009).
1,2
1,2
1
1
0
0
0,8
0,8
0,6
0,6
0,4
0,4
0,2
0,2
–0,2
0,1
0,08
0
0,06
0,04
0,02
– 0,2
–0,2
F/Fmax
P/FmaxVmax
V/ Vmax
Figure 3 – Lorsque les données de la figure 2 sont représentées en variables
adimensionnées, les relations force-vitesse (carrés blancs) et charge-
puissance (disques noirs) obtenues pour une cellule isolée correspondent
bien à celles des muscles (courbes bleue et rouge). À charge nulle, la vitesse
de contraction est maximale et toute l’énergie produite par la cellule est
dissipée en friction interne. À charge maximale, l’énergie est employée à
bander la structure cellulaire sans pour autant pouvoir déformer le substrat
(tétanisation). Dans ces deux cas limites, la puissance mécanique utile est
nulle (figure reprise de Mitrossilis et al. PNAS 2009).
Biophysique Mécano-sensibilité cellulaire : adaptation physique à la rigidité
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changement de pente dF/dt. Cette observation est en désac-
cord avec les modèles admis jusque là qui supposaient que
la réponse cellulaire est contrôlée par le niveau de force
appliqué à certaines molécules mécano-sensibles.
Enfin, si l’on se concentre sur un changement de rai-
deur donné (figure 4b), on observe que le changement de
dF/dt (pente locale de la courbe de force) a lieu brutale-
ment, sans que l’on puisse percevoir un quelconque
régime transitoire. L’adaptation de la contractilité cellu-
laire à la raideur se fait donc sur une échelle de temps plus
rapide que la résolution temporelle de notre système d’ac-
quisition, c’est-à-dire en moins de 0,1 seconde. Les
générateurs de force à la charge. Ce mécanisme d’adapta-
tion à la rigidité est par nature très différent des modèles
qui impliquent une régulation de la contractilité cellulaire
via des cascades biochimiques (encadré 1). Une différence
notable entre ces deux processus réside dans le temps
caractéristique de réponse. Une réponse de type pure-
ment mécanique, comme dans le cas d’une adaptation
d’impédance, doit être quasi-instantanée. En revanche,
des boucles de régulation chimique déclenchées au niveau
local des adhésions, amplifiées et coordonnées à l’échelle
de la cellule dans son ensemble, exigeraient au minimum
quelques secondes. C’est ainsi que nous avons cherché à
révéler la cinétique de réponse de la cellule à la rigidité,
mais cela exigeait au préalable de mettre au point un pro-
cédé permettant de changer, en temps réel, la rigidité per-
çue par une cellule vivante.
Raideur effective et réponse
instantanée à la rigidité
Lorsqu’une cellule se contracte entre les micro-
lamelles de notre appareil à force, la déformation cellu-
laire et la déformation de la lamelle-ressort sont égales
(figure 1). La relation force-déformation est donc imposée
par la micro-lamelle dont la raideur contrôle ainsi le point
de fonctionnement de la machinerie contractile de la cel-
lule. Pour nous affranchir de la raideur physique de la
lamelle-ressort, nous avons développé un système de
double rétroaction qui nous permet de contrôler indépen-
damment déformation cellulaire et déformation de la
lamelle-ressort (encadré 2). Nous pouvons ainsi imposer, à
loisir et en temps réel, une relation force-déformation
arbitraire correspondant à une raideur effective comprise
entre zéro et l’infini.
Nous avons ainsi pu mesurer la force de traction géné-
rée par une cellule isolée soumise à des changements sou-
dains et importants de la raideur effective, alternant par
exemple entre 5 et 90 nN/μm (figure 4a). À titre de compa-
raison, nous avons reporté sur le même graphe les courbes
de traction obtenues avec des ressorts de raideurs équiva-
lentes aux valeurs de keff (5 et 90 nN/μm). La première
observation est que la pente dF/dt change à chaque chan-
gement de raideur effective. De plus, que la valeur de la rai-
deur soit simulée ou corresponde à la rigidité vraie d’une
lamelle-ressort, les pentes observées sont identiques. La
cellule se comporte donc vis-à-vis du système à raideur
effective comme elle le fait avec de vrais ressorts, adaptant
dF/dt (et donc la vitesse de contraction et la puissance
mécanique) à la raideur perçue de son environnement.
Ensuite, il apparaît que le paramètre de contrôle de la
réponse cellulaire est bien la raideur et non le niveau de
force cellule-substrat. D’une part, on observe que les chan-
gements de raideur effective (par définition, disconti-
nuité de keff) ont lieu sans discontinuité pour la valeur de la
force F. D’autre part, deux changements identiques de keff
effectués à différentes valeurs de force induisent le même
400
300
200
206
204
202
200
198
196
100
0
0 200 400 600 800 1000
10301025102010151010
1200
5
5
90
90
Force (nN)Force (nN)
Raideur effective (nN/µm)
Raideur effective (nN/µm)
a
b
Temps (s)
Figure 4 – (a) Évolution de la force de traction (bleu) lors d’une expérience
où la raideur effective (rouge) est commutée de 5 à 90 nN/μm et vice
versa. Les points en noir servent de références ; ils correspondent aux
résultats obtenus avec des lamelles-ressorts de raideurs équivalentes
aux valeurs de keff choisies (disques pleins : 5 nN/μm – disques vides :
90 nN/μm). On observe que, pour une valeur de raideur donnée,
dF/dt est la même que la raideur soit réelle ou effective. Par ailleurs, la valeur
de dF/dt est clairement contrôlée par keff, et non par le niveau de la force F.
Par exemple, pour deux niveaux de forces différents, le passage de la valeur
de raideur haute, à la valeur basse, induit la même modification de dF/dt. (b)
Détail sur un changement de raideur effective. La force générée par la cellule
est relevée à intervalles de 0,1 seconde (points bleus). On ne peut distinguer
de régime transitoire entre les pentes dF/dt avant et après le changement
de raideur effective. L’adaptation de la contractilité cellulaire a donc lieu en
moins de 0,1 seconde (figure adaptée de Mitrossilis et al. PNAS 2010).
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