•••et des règles spécifiques de protection (prérequis scientifiques
valides, évaluation de la balance risque/bénéfice, compétence des
équipes, règles de sécurité, prise en charge des aléas, droit de
retrait sans préjudice, etc.).
Mais aujourd’hui, en pratique, une troisième possibilité existe :
celle de la collecte d’échantillons (sang, salive, urine, prélèvement
bronchique, prélèvement de peau, etc.) prélevés dans certaines
recherches sans nécessité médicale pour la personne mais égale-
ment sans protocole dit “loi Huriet-Sérusclat”. Cet état de fait
concerne les situations où les cliniciens chercheurs collectent des
échantillons pour étudier des cohortes d’éléments biologiques sans
autres interventions sur les patients. Pour cette pratique, il n’exis-
tait pas de procédure claire ni de protection des personnes, pas de
passage devant un CPP, ces recherches étant à la limite du légal.
Elles entrent désormais dans le cadre de la loi et doivent passer
un CPP.
ÉCHANTILLONS PRÉLEVÉS NON POUR LE SOIN,
MAIS D’EMBLÉE DANS UNE FINALITÉ DE RECHERCHE
Cette pratique est très répandue, en particulier pour le sang et ses
composants dans le cadre de cohortes observationnelles (pratique
dite du “tube supplémentaire”). En réponse à la demande de nom-
breux chercheurs a été proposée, en 2004, la création d’un régime
spécifique au prélèvement de sang et de ses composants dans le
cadre de telles activités de recherche. La situation des autres
fluides n’a pas été clarifiée, mais, d’un point de vue éthique, nous
recommandons que les règles applicables au sang leur soient
extrapolées dès lors que l’on recherche une démarche qualité et
que l’on a le souci de la protection des personnes.
Il est important de comprendre que le législateur crée ainsi, depuis
2004, un régime spécifique afin, d’une part, de clarifier une situation
jusqu’alors floue et, d’autre part, d’assurer une évaluation simpli-
fiée, moins contraignante que l’application telle quelle de la loi
Huriet-Sérusclat.
La question est alors de savoir quels sont les critères exacts à appli-
quer pour déterminer si la constitution d’une collection composée
d’échantillons de sang entre dans la catégorie activité de recherche
biomédicale de type loi Huriet ou au contraire dans la catégorie
de ce régime spécifique avec procédure simplifiée.
Tout d’abord, le régime spécifique doit de fait concerner les situa-
tions de recherche dans lesquelles les médecins/chercheurs effec-
tuent un prélèvement isolé, sans aucune autre démarche de
recherche auprès du patient. Les règles à respecter sont alors les
suivantes :
–le prélèvement ne peut être effectué qu’avec le consentement
du donneur ; les démarches effectuées en dehors de la démarche
de soins classique, le type et le but du stockage, ses droits d’oppo-
sition et de rectification et ses droits en cas d’informatisation de
données le concernant doivent lui être précisés ;
–le prélèvement doit être effectué par un médecin ou sous sa
direction et sa responsabilité ;
–le caractère bénévole du don est rappelé.
En revanche, si, pour des projets de recherche biomédicale intégrant
une collection, d’autres actes de recherche sont réalisés auprès du
patient, les dispositions issues de la loi Huriet-Sérusclat s’appliquent
totalement, la collection ne pouvant alors être dissociée des autres
actions réalisées (souvent des essais thérapeutiques dans lesquels
la collection tient une place centrale). Dans ce dernier cas, l’éva-
luation de la collection se fera dans le même temps que l’évaluation
du projet de recherche biomédicale par le CPP.
Dans tous les cas, la mission des CPP, dans le cadre de la constitu-
tion d’une collection d’échantillons biologiques par un organisme
pour les besoins de ses propres programmes de recherche, sera à
l’avenir d’évaluer “la qualité de l’information des participants,
les modalités de recueil du consentement, et la pertinence éthique
et scientifique du projet”.
Pour le cas spécifique des collections créées à partir d’échantillons
en provenance de populations vulnérables, le législateur a chargé
le CPP de déterminer si la collection ne pourrait pas être consti-
tuée sur une autre catégorie de la population avec une efficacité
comparable.
Le rôle des comités sera alors primordial pour analyser et suivre,
au cours de la vie d’une collection, ses utilisations successives.
Il sera intéressant et essentiel de réfléchir à des moyens simples
et rapides permettant de soumettre des projets d’utilisation et de
réutilisation d’une collection à un comité. L’évaluation initiale du
projet est bien sûr fondamentale, et des saisines par procédure sim-
plifiée permettraient de suivre la vie de la collection.
Va ainsi progressivement se mettre en place une procédure de
validation de ces démarches, et les CPP vont devoir évoluer dans
leurs missions.
Pour les collections, ils devront valider les procédures d’informa-
tion et de consentement, et s’assurer de la légitimité de l’étude et
de l’absence de risque pour les personnes. Pour les prélèvements
effectués sur des personnes vulnérables (femmes enceintes, mères
qui allaitent, mineurs, majeurs faisant l’objet d’une mesure de
protection légale ou hors d’état d’exprimer leur consentement, per-
sonnes privées de liberté, personnes hospitalisées sans leur consen-
tement, personnes admises dans un établissement sanitaire ou social
à d’autres fins que la recherche), le CPP devra en outre s’assurer
que la collection ne pourrait être effectuée sur une autre catégorie
de la population avec une efficacité comparable.
Mais certains points sont à discuter. Si le prélèvement est réalisé en
vue de la création directe d’une collection, il faut, nous l’avons men-
tionné, qu’il ne comporte que des “risques négligeables”. Cette pré-
cision est essentielle étant donné que le régime spécifique simpli-
fié a pour but d’alléger le niveau de protection des patients en
sortant du cadre strict de la loi Huriet. Une telle dérogation n’appa-
raît donc acceptable que si les risques sont réellement négligeables ;
le cas échéant, le risque de dérive serait possible, avec un glisse-
ment insidieux tendant à une logique de minimisation des risques.
De nombreuses questions restent donc en suspens. Parle-t-on de
risque par rapport au geste de prélèvement (qui, en effet, ne présente
en tant que tel souvent pas de risque accru par rapport au geste cli-
nique classique) ou de risque par rapport aux utilisations qui en
seront faites (qui, elles, peuvent receler des dérives telles que des
ruptures de la confidentialité et du secret médical, des dérives mar-
chandes, la non-information d’un patient sur un résultat essentiel à
sa santé, etc.) ? Qui évaluera ces risques, et qui en sera garant ? Enfin,
qui gérera la notion de risques pour les utilisateurs, c’est-à-dire les
risques sanitaires liés au stockage d’échantillons biologiques ?
ÉTHIQUE
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La Lettre du Pneumologue - Volume VIII - no6 - novembre-décembre 2005