Médecine
& enfance
CAS CLINIQUE
Il s’agit d’un garçon de dix ans sans anté-
cédent particulier qui a consulté en der-
matologie pour des nodules douloureux
des membres inférieurs responsables
d’une impotence fonctionnelle. Son his-
toire a débuté trois semaines avant l’ap-
parition des signes cutanés par la surve-
nue de céphalées temporales associées à
une fièvre à 39 °C. Le bilan alors réalisé a
retrouvé une CRP à 110 mg/ml, une VS
à 50 mm à la première heure, une ané-
mie (10,8 g/dl) microcytaire normo-
chrome mais pas d’hyperleucocytose.
L’évolution a été spontanément favo-
rable en une semaine, avec une dispari-
tion de la fièvre et des céphalées. Cinq
jours plus tard sont apparues des arthral-
gies du deuxième orteil gauche, puis des
douleurs des deux mollets responsables
d’une impotence fonctionnelle majeure,
associées à une persistance du syndrome
inflammatoire. La scintigraphie osseuse
a éliminé une ostéite. Après une semaine
d’évolution, des nodules cutanés sont
apparus. L’examen clinique a retrouvé
un état général conservé, une anorexie,
une dizaine de nodules cutanés inflam-
matoires douloureux sur la face posté-
rieure des deux mollets. Le reste de l’exa-
men, en particulier neurologique et arti-
culaire, était normal. Il existait un syn-
drome inflammatoire biologique : CRP à
75 mg/ml (n < 6 mg/ml), hypergamma-
globulinémie polyclonale à 19 g/l (n
< 13,5 g/l), hyperleucocytose à polynu-
cléaires neutrophiles à 10,8 G/l (1,8 G/l
< n < 8 G/l), une thrombocytose à
616 G/l (175 G/l < n < 420 G/l). Les bi-
lans hépatique et rénal étaient normaux.
La protéinurie des vingt-quatre heures
était négative. Le bilan immunologique
(FAN, ANCA) était normal. Les sérolo-
gies virales (hépatite B, CMV, EBV) mon-
traient des séroconversions anciennes.
L’histologie cutanée a confirmé le dia-
gnostic de PAN : panartérite segmentaire
et focale des artères de petit et moyen
calibre. L’examen ORL, le prélèvement
de gorge, les anticorps antistreptodor-
nases B et antistreptolysines étaient nor-
maux. Les échographies cardiaque et ré-
nale à la recherche d’une atteinte systé-
mique étaient normales. Nous avons
donc porté le diagnostic de PAN cutanée
pure sur le caractère localisé des signes
cliniques et l’absence de signe systé-
mique. Une corticothérapie débutée à la
dose de 1 mg/kg a permis une améliora-
tion des lésions cutanées et des douleurs
en soixante-douze heures. Un mois après
le début du traitement, les lésions ne
sont pas réapparues. Le patient a cepen-
dant présenté deux épisodes douloureux
des membres inférieurs spontanément
résolutifs en moins d’une demi-heure
quelques jours après le début du traite-
ment. Il est actuellement asymptoma-
tique depuis deux mois et la corticothé-
rapie a pu être diminuée.
LA PAN CUTANÉE PURE
La périartérite noueuse (PAN) est une
vascularite nécrosante segmentaire et fo-
La périartérite noueuse cutanée
pure : à propos d’un cas
A. Toulon, service de dermatologie
hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Présentation au staff Peau-se Café
La périartérite noueuse (PAN) est une vascularite nécrosante des artères de pe-
tit et moyen calibre. Une forme cutanée pure (PANc) sans atteinte viscérale, de
pronostic favorable, est décrite. Rare chez l’enfant, son étiologie et sa physio-
pathologie restent mal comprises. Elle se manifeste par des lésions cutanées
parfois associées à une atteinte articulaire, musculaire ou neurologique sensi-
tive dans le même territoire. Son évolution, le plus souvent bénigne, est mar-
quée par la chronicité et des rechutes fréquentes. Cependant, des cas de pas-
sage à une forme systémique ont été rapportés, incitant à une surveillance
prolongée. Nous rapportons ici l’observation d’une forme cutanée pure.
DERMATOLOGIE
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cale des artères de petit et moyen calibre.
En général, les formes cutanéo viscérales
sont de pronostic sévère. L’ensemble des
organes peut être touché avec une attein-
te préférentielle rénale, hépatique, car-
diaque ou gastro-intestinale pouvant gre-
ver le pronostic vital. Une forme bénigne
cutanée pure a été décrite en 1972 [1]. El-
le correspond à une forme localisée de
PAN. Chez l’adulte, 10 % seulement des
PAN sont des formes cutanées pures [2].
Chez l’enfant, ces formes sont exception-
nelles, l’âge au moment du diagnostic va-
riant de quinze mois à quatorze ans. Au
cours des PAN systémiques, une atteinte
cutanée est retrouvée dans 20 % des cas
chez l’adulte, alors qu’elle est quasi
constante chez l’enfant (80 % des cas) [3].
DIAGNOSTIC
Il repose sur la présence de signes cuta-
nés typiques de PAN (nodules, livedo,
ulcérations, purpura), sur une histolo-
gie retrouvant une panartérite segmen-
taire et focale des artères de petit et
moyen calibre avec nécrose fibrinoïde
et granulomes inflammatoires poly-
morphes à prédominance de polynu-
cléaires neutrophiles, et sur l’absence
de signe d’atteinte viscérale (voir tableau).
La recherche d’une atteinte systémique
est donc indispensable, lors de l’épisode
initial comme lors des rechutes. On réa-
lisera de principe une échographie car-
diaque, des EFR, une protéinurie des
vingt-quatre heures, un dosage de la
créatinine et une échographie hépa-
tique et rénale. Les autres explorations
seront guidées par la clinique.
CLINIQUE
Les manifestations cliniques sont carac-
térisées par la présence de nodules cuta-
nés de 0,5 à 2 cm de diamètre, doulou-
reux et fugaces, prédominant sur les ex-
trémités [5]. Un livedo ramifié et des ul-
cérations sont parfois associés. D’autres
symptômes peuvent être présents : des
signes généraux (fièvre, asthénie, ano-
rexie) ainsi que des arthralgies, une ar-
thrite, des myalgies et une neuropathie
sensitive qui sont localisées et limitées
au territoire de l’atteinte cutanée.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
La réalisation d’une biopsie profonde
d’un des nodules cutanés est nécessaire
et permet de porter le diagnostic. Il
existe une panartérite avec nécrose fi-
brinoïde et destruction partielle ou
complète de la paroi artérielle, parfois
associée à un infiltrat inflammatoire es-
sentiellement constitué de polynu-
cléaires neutrophiles et de quelques éo-
sinophiles situés au sein et autour de la
paroi artérielle. Cet infiltrat peut s’orga-
niser en granulomes et donner lieu à
des thromboses vasculaires s’exprimant
cliniquement par des ulcérations. Cette
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Critères diagnostiques de la périartérite
noueuse cutanée pure (d’après [4])
Diagnostic positif si présence des signes
cutanés et anatomopathologiques en
l’absence de critères d’exclusion
Manifestations cutanées :
nodules
livedo
purpura
ulcères
Signes anatomopathologiques :
vascularite avec nécrose fibrinoïde des
artères de petit et moyen calibre
Critères d’exclusion :
fièvre > 38 °C plus de 2 semaines
perte de plus de 6 kg en 6 mois
hypertension artérielle
atteinte rénale
accident vasculaire cérébral (ischémique ou
hémorragique)
atteinte cardiaque (infarctus, myocardite,
péricardite)
pleurésie
hémorragie ou ischémie digestive
neuropathie périphérique en dehors de
l’atteinte cutanée
arthralgies/arthrite et/ou myalgies/myosite
en dehors de l’atteinte cutanée
anomalies à l’artériographie
Nodules cutanés inflammatoires de PAN
Infiltrat inflammatoire du derme profond
et de l’hypoderme, atteinte artérielle
focale. Histologie cutanée faible
grossissement (x 2,5)
Panartérite focale d’une artère de petit
calibre avec nécrose fibrinoïde et infiltrat
inflammatoire à prédominance de
polynucléaires neutrophiles. Histologie
cutanée grossissement moyen (x 20)
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prélèvement de gorge, un examen ORL
et un dosage des ASLO et des ASDOR.
L’association avec une hépatite B n’a pas
été décrite chez l’enfant. Il existe des cas
rapportés suite à des vaccinations (diph-
térie, tétanos et coqueluche).
ÉVOLUTION ET TRAITEMENTS
Le pronostic de la PAN cutanée est bon.
Cependant le passage à une forme systé-
mique étant possible et imprévisible, il
convient de réaliser une surveillance pro-
longée [2, 4, 6]. Les rechutes sont fré-
quentes, pouvant faire suite à une infec-
tion des voies aériennes supérieures qu’il
convient de traiter [7]. L’évolution chro-
nique mais bénigne incite à un traite-
ment peu agressif. La corticothérapie gé-
nérale à dose modérée (1 mg/kg/j) per-
met de contrôler les poussées cutanées et
les douleurs associées lorsque les signes
fonctionnels sont importants [8, 9].
Lorsque ces derniers sont modérés, on
préférera les anti-inflammatoires non sté-
roïdiens ou la colchicine afin de limiter la
prise de corticoïdes [10, 11]. Des échecs
sont toutefois possibles. Les immunoglo-
bulines intraveineuses semblent égale-
ment efficaces, avec une amélioration ra-
pide en trois ou quatre jours [12, 13].
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in childhood cutaneous polyarteritis nodosa »,
Clin. Exp. Rheu-
matol.,
1998 ;
16 :
767.
atteinte est segmentaire et focale : l’en-
semble des vaisseaux n’est pas atteint et
les anomalies s’observent sur un seg-
ment des artères. En cas de normalité
de l’histologie et de forte suspicion dia-
gnostique, il faut donc demander au pa-
thologiste d’autres niveaux de coupe.
Les examens biologiques retrouvent un
syndrome inflammatoire avec une hy-
perleucocytose à polynucléaires neutro-
philes. Les autres examens sont non
spécifiques. Les facteurs antinucléaires
(FAN) et les anticorps anticytoplasmes
des polynucléaires neutrophiles (AN-
CA) sont très rarement positifs.
ÉTIOLOGIE
L’étiologie de la PAN est inconnue. Ce-
pendant une association avec une infec-
tion streptococcique a été montrée dans
les formes cutanées pures et systé-
miques. Cette infection peut précéder,
initialement ou lors des rechutes, la sur-
venue de la PAN. Elle est parfois asymp-
tomatique et peut se manifester par une
élévation isolée du titre des anticorps
antistreptolysines (ASLO) et/ou des an-
ticorps antistreptodornases B (ASDOR).
Cette association se caractérise chez cer-
tains patients par l’efficacité de la péni-
cilline au long cours sur la PAN et la re-
chute à l’arrêt de celle-ci. Il faut donc
réaliser de manière systématique un
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EN PRATIQUE
La PAN cutanée est de bon pronostic mais
sujette à des rechutes fréquentes. Bien que
rare, le passage vers une forme systémique
est impossible à présager.
L’évaluation initiale doit se faire dans un
centre spécialisé.
Le bilan, lors du diagnostic et lors des re-
chutes, recherchera un lien avec une infec-
tion streptococcique ORL et des signes d’at-
teinte systémique. En cas d’infection ORL
associée, la prise en charge repose sur le
traitement de cette infection, suivi d’une
prévention des récidives par une antibiothé-
rapie prolongée pendant plusieurs mois.
Du fait du risque de rechutes fréquentes, la
corticothérapie ne sera utilisée qu’en cas de
signes fonctionnels importants.
3. L’étiologie des PAN chez l’enfant
est inconnue.
est fréquemment associée à une infection
HVB, HVC, HIV.
est fréquemment associée à une infection
streptococcique.
le dosage des ASLO/ASDOR est systéma-
tique.
parfois associée à des vaccinations.
4. L’évolution des PAN chez l’enfant :
est conditionnée par le caractère cutané
pur ou systémique.
est favorable dans les formes cutanées
pures.
ne nécessite pas de surveillance au long
cours.
est souvent rythmée par les rechutes.
la forme cutanée pure peut évoluer vers
une forme systémique.
Réponses :
1:
,
,
. 2 :
. 3 :
,
,
,
.
4:
,
,
,
.
QUESTIONS À CHOIX MULTIPLE
1. La PAN est une vascularite :
nécrosante segmentaire et focale.
des artères de moyen et grand calibre.
des artères de petit et moyen calibre.
dont l’atteinte cutanéoviscérale est de bon
pronostic.
dont l’atteinte cutanée pure est de bon
pronostic.
2. Le diagnostic de PAN :
repose sur la présence de nodules, livedo,
purpura et ulcérations.
s’accompagne constamment de signes gé-
néraux.
repose histologiquement sur la présence
d’une panartérite associée à une nécrose fi-
brinoïde et à des granulomes inflammatoires
à PNN.
s’accompagne toujours de la positivité des
ANCA.
repose sur la présence d’un syndrome in-
flammatoire avec une hyperleucocytose à
PNN.
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