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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 3 - mars 1998
adjonction d'antibiotiques dans les aliments du bétail
est largement répandue, mais peu de données scien-
tifiques précisent son impact sur l'augmentation de
l'antibiotico-résistance chez les animaux et l'homme. Le tiers
des spécialités vétérinaires est constitué d'antibiotiques appar-
tenant aux mêmes familles que ceux de la clinique médicale,
le reste étant représenté par des antiparasitaires et des vaccins.
L'emploi des antibiotiques chez l'animal vise trois bu t s :
la thérapie,la prophylaxie,l'accélération de la croissance. Leur
u t i l i s a tion est régie par la même stricte réglementation
( G. Moulin, Fo u g è res ) que celle qui existe en médecine
humaine, aux mêmes conditions d'autorisation de mise sur le
marché (AMM), avec une clause supplémentaire pour limiter
les résidus dans les denrées alimentaires. Il faut noter que cette
réglementation n'est rassurante qu'en Europe et Amérique du
Nord, et que l'utilisation en continu d'antibiotiques promoteurs
de croissance dans l'alimentation du bétail n'est pas soumise
obligatoirement à la même commission d'AMM que les autres
dicaments. La gi s l ation diff è re selon les pays et les époques
( G. Bori e s , To u l o u s e ) . L'emploi de ces additifs date des
années 50. La mise en évidence de tra n s f e r t de résistance
e n t r e bactéries d'esces diff é rentes et l'augmentation de
l'antibiotico-résistance dans les élevages et chez l'homme ont
conduit en 1969 au re t rait d'antibiotiques réputés sélectionnants
et utilisés à la fois chez l'homme et l'animal. En 1986, la Suède
i n t e rdit l'utilisation des pro m o t e u r s de cro i s s a n c e. Mais leur
emploi reste largement répandu dans les autres pays, avec un
flou sur le volume et le nombre des antibiotiques ajoutés. Les
données des laboratoires sont difficilement accessibles, et de
grandes variations semblent exister selon les types d'élevage et
les producteurs d'aliments de bétail. Actuellement une procé-
dure de pharmacovigilance se met en place avec la détermina-
tion des doses journalières, des doses résiduelles et l'évaluation
des capacités d'induction de résistances. Un dossier d'homolo-
gation est proposé pour évaluer toxicité, transfert de résistance,
impact sur l'environnement.
En Euro p e, une liste des antibiotiques autorisés et des doses
admises existe. Mais G. Bories a signalé que l'efficacité de ces
antibiotiques additifs alimentaires reste à prouver, leurs effets
étant évidents essentiellement en cas d'hy giène défectueuse des
élevages.
D.E. Corpet (Toulouse) a rapporté la nature et le mécanisme
de ces effets. Par rap p o rt à un groupe d'animaux témoins, l a
croissance est supérieure en 3 à 9 % moins de temps, le besoin
de nourri t u re est de 2 à 10 % inférieur pour une même aug-
mentation de poids, et le poids final des animaux est uniforme.
L ' a va n t age est substantiel face à une concurrence mondiale vive.
L'économie de 3 à 4 % réalisée sur le prix de revient représen-
terait le bénéfice de l'éleveur. Ces antibiotiques agiraient sur le
m é t abolisme des bactéries intestinales par une répression du
catabolisme bactérien de l'urée et des aminoacides ; la virgi-
n i a my c i n e, antibiotique le plus perfo rm a n t , est aussi le plus
inhibant. Cette diminution du relargage d'ammoniaque toxique
pour les muqueuses réduirait le turn over des cellules épithé-
liales intestinales avec un gain d'énergie et une meilleure assi-
milation des aliments. La fermentation des sucres et la décom-
position des sels biliaires seraient aussi diminuées. Enfin, ces
a dditifs ont vra i s e m bl ablement une action préve n t i ve des infe c-
tions, leurs effets étant particulièrement spectaculaires en cas
de mauvaises conditions d'hygiène.
J. P. Tillon (Union des coopérat ives d'alimentation du bétail,
Château-Thierry) a affirmé que les denrées d'origine animale
n'ont jamais été aussi sûres qu'actuellement et a rappelé que les
antibiotiques pro m o t e u rs de croissance sont autorisés. Il insiste
sur les retombées économiques de leur emploi avec surcroît de
c o m p é t i t i v i t é ; toutefois il a indiqué que la limitat i o n , vo i re l'in-
terdiction de ces promoteurs est envisageable, si un risque pour
la santé publique existe. Dans ce cas, les conditions d'hygiène
des élevages seraient à réviser et un surcoût des denrées à pré-
voir.
A. Flahaut (Paris) a rappelé les règles de l'analyse du risque
en santé publique. Cette analyse est gênée par un manque de
données épidémiologiques et, en cas d'absence d'événement
antérieur, s’appuie uniquement sur les hypothèses exprimées
par un groupe d'experts. Sur le principe de précaution, des bar-
rières de sécurité sont alors mises en place. Reste l'interpréta-
tion du “risque acceptable” face au bénéfice retiré.
Les intervenants suivants ont rappordes preuves d'implica-
tion alimentaire dans l'antibiotico-résistance des bactéri e s , m a l-
Antibiotiques et alimentation animale
Colloque de la SFM*
*Institut Pasteur, Paris le 3 décembre 1997.
Organisateurs: J.P. Lafont et R. Leclercq.
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gré le fa i ble nombre des échantillons étudiés et les résultats par-
fois variables. D.E. Corpet (Toulouse) a montré qu'avec une
alimentation stérile,les entérobactéries intestinales résistantes
(R) sont éliminées ou réduites de 500 à 1 000 fois. Cependant,
après ingestion par des volontaires d'aliments contenant plus
de 10
4
bactéries R/g,il n’a retrouvé dans les selles qu'une petite
part des bactéries ingérées ; toutefois, si l'ingestion est précé-
dée d'une alimentation stérile, les bactéries R apparaissent très
vite et persistent longtemps.
A.E. van den Bogaard (Maastricht, Pays-Bas) amontré que
la prévalence de la résistance dans la flore fécale des animaux
d'élevage est élevée avec contamination de la viande au cours
de l'ab a t t age. Des re ch e r ches de E. coli c i p ro f l oxacine-R et
d'Enterococci vancomycine-R (EVR) ont été pratiquées dans
les selles d'animaux, de fe rm i e r s , d ' é q u a rri s s e u rs et de résidents
urbains. Le traitement vétérinaire des animaux était habituel-
lement l'enro fl ox a c i n e,é t h ylester de la cipro fl ox a c i n e,et le pro-
moteur de croissance, l'avoparcine, proche de la vancomycine.
Les résultats montrent un port age, avec identité clonale des
souches, élevé chez les animaux et les fermiers, moindre chez
les équarrisseurs, nul chez les résidents urbains.
W. Witte (We rn i ge ro d e,A l l e m ag n e ) et F.M. A a re s t ru p
(Copenhague, Danemark) ont rapporté une même sélection
de EVR chez les animaux par l'avoparcine et un transfert chez
l'homme avec identité moléculaire des souches. L'émergence
rapide de ERV semble due à la fois à la pro p agation des souch e s
R, mais aussi à la dispersion du transposon Tn1546 lui-même
entre clones bactériens différents. L'usage de l'avoparcine a été
interdit au Danemark en 1995, en Allemagne en 1996 et dans
toute l'Europe en 1997. La fréquence des ERV semble décliner
au Danemark chez l'animal et l'homme, mais, deux ans après
l ' i n t e rd i c t i o n , ne s'est pas annu l é e. Par ailleurs , des souch e s
d ' e n t é roc oque virgi n i a mycine-R sont signalées chez l'animal et
l'homme en A l l e m a g n e,a l o rs que cet antibiotique est utilisé
chez l'animal seulement, comme promoteur de cro i s s a n c e .
T. Honkanen-Buzalski (Helsinki, Finlande) a montré qu'en
1997 la résistance des entérocoques aux macrolides chez le porc
est de 91 % au Danemark et seulement de 15 % en Finlande,
tylosine et spira mycine sont interdites dans la nourri t u re
animale.
H. Goosens (Anvers, Belgique) a fait la synthèse des diverses
interventions. Bien que l'amplitude réelle de l'impact médical
à l'usage d'antibiotiques dans la nourri t u r e du bétail soit
inconnue, un parallélisme entre résistance animale et humaine
s ' i m p o s e. Plusieurs études ont montré une part i c i p atio n des pro-
m o t e u r s de croissance à la sélection de bactéries résistantes
capables de causer des infections humaines graves. Une dimi-
nution de leur emploi progressive en raison de l'impact écono-
mique doit être envisagée, avec application de mesures d'hy-
giène vraisemblablement plus efficaces qu'une antibiothérapie
préventive pour réduire morbidité et mortalité. Une standardi-
sation des produits de laboratoire apparaît indispensable pour
une meilleure transparence. Un guide de pratique d'utilisation
des antibiotiques est recommandé afin de prolonger l'efficacité
d ' a gents existants ou futurs (K. Stöhr, G e n è v e, S u i s s e ). Ces
p ro bmes ont une portée intern ationale et les données man-
quent, en particulier pour les pays en voie de développement.
Une organisation internationale de surveillance est souhaitée
et se met en place.
D. Moinard, Nantes
5eC
ongrès de la
S
ociété
F
rançaise de
M
icrobiologie
Lille - Grand Palais - 27, 28 et 29 avril 1998
Pour tous renseignements : SFM, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris Cedex
Tél. : 01 45 68 81 79
Fax : 01 45 67 46 98
E.mail : cmurphy@pasteur.fr
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