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Antibiotiques et alimentation animale
Colloque de la SFM*
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d'antibiotiques dans les aliments du bétail
‘ adjonction
est largement répandue, mais peu de données scien-
tifiques précisent son impact sur l'augmentation de
l'antibiotico-résistance chez les animaux et l'homme. Le tiers
des spécialités vétérinaires est constitué d'antibiotiques appartenant aux mêmes familles que ceux de la clinique médicale,
le reste étant représenté par des antiparasitaires et des vaccins.
L'emploi des antibiotiques chez l'animal vise trois buts :
la thérapie, la prophylaxie, l'accélération de la croissance. Leur
utilisation est régie par la même stricte réglementation
( G. Moulin, Fo u g è res) que celle qui existe en médecine
humaine, aux mêmes conditions d'autorisation de mise sur le
marché (AMM), avec une clause supplémentaire pour limiter
les résidus dans les denrées alimentaires. Il faut noter que cette
réglementation n'est rassurante qu'en Europe et Amérique du
Nord, et que l'utilisation en continu d'antibiotiques promoteurs
de croissance dans l'alimentation du bétail n'est pas soumise
obligatoirement à la même commission d'AMM que les autres
médicaments. La légi s l ation diff è re selon les pays et les époques
( G. Bori e s , Toulouse). L'emploi de ces additifs date des
années 50. La mise en évidence de tra n s fert de résistance
entre bactéries d'espèces diff é rentes et l'augmentation de
l'antibiotico-résistance dans les élevages et chez l'homme ont
conduit en 1969 au re t rait d'antibiotiques réputés sélectionnants
et utilisés à la fois chez l'homme et l'animal. En 1986, la Suède
i n t e rdit l'utilisation des pro m o t e u rs de cro i s s a n c e. Mais leur
emploi reste largement répandu dans les autres pays, avec un
flou sur le volume et le nombre des antibiotiques ajoutés. Les
données des laboratoires sont difficilement accessibles, et de
grandes variations semblent exister selon les types d'élevage et
les producteurs d'aliments de bétail. Actuellement une procédure de pharmacovigilance se met en place avec la détermination des doses journalières, des doses résiduelles et l'évaluation
des capacités d'induction de résistances. Un dossier d'homologation est proposé pour évaluer toxicité, transfert de résistance,
impact sur l'environnement.
En Euro p e, une liste des antibiotiques autorisés et des doses
admises existe. Mais G. Bories a signalé que l'efficacité de ces
antibiotiques additifs alimentaires reste à prouver, leurs effets
* Institut Pasteur, Paris le 3 décembre 1997.
Organisateurs : J.P. Lafont et R. Leclercq.
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étant évidents essentiellement en cas d'hy giène défectueuse des
élevages.
D.E. Corpet (Toulouse) a rapporté la nature et le mécanisme
de ces effets. Par rap p o rt à un groupe d'animaux témoins, la
croissance est supérieure en 3 à 9 % moins de temps, le besoin
de nourri t u re est de 2 à 10 % inférieur pour une même augmentation de poids, et le poids final des animaux est uniforme.
L'ava n t age est substantiel face à une concurrence mondiale vive.
L'économie de 3 à 4 % réalisée sur le prix de revient représenterait le bénéfice de l'éleveur. Ces antibiotiques agiraient sur le
m é t abolisme des bactéries intestinales par une répression du
catabolisme bactérien de l'urée et des aminoacides ; la virgin i a my c i n e, antibiotique le plus performant, est aussi le plus
inhibant. Cette diminution du relargage d'ammoniaque toxique
pour les muqueuses réduirait le turn over des cellules épithéliales intestinales avec un gain d'énergie et une meilleure assimilation des aliments. La fermentation des sucres et la décomposition des sels biliaires seraient aussi diminuées. Enfin, ces
a dditifs ont vra i s e m bl ablement une action préventive des infe ctions, leurs effets étant particulièrement spectaculaires en cas
de mauvaises conditions d'hygiène.
J.P. Tillon (Union des coopérat ives d'alimentation du bétail,
Château-Thierry) a affirmé que les denrées d'origine animale
n'ont jamais été aussi sûres qu'actuellement et a rappelé que les
antibiotiques pro m o t e u rsde croissance sont autorisés. Il insiste
sur les retombées économiques de leur emploi avec surcroît de
compétitivité ; toutefois il a indiqué que la limitation, vo i re l'interdiction de ces promoteurs est envisageable, si un risque pour
la santé publique existe. Dans ce cas, les conditions d'hygiène
des élevages seraient à réviser et un surcoût des denrées à prévoir.
A. Flahaut (Paris) a rappelé les règles de l'analyse du risque
en santé publique. Cette analyse est gênée par un manque de
données épidémiologiques et, en cas d'absence d'événement
antérieur, s’appuie uniquement sur les hypothèses exprimées
par un groupe d'experts. Sur le principe de précaution, des barrières de sécurité sont alors mises en place. Reste l'interprétation du “risque acceptable” face au bénéfice retiré.
Les intervenants suivants ont rapporté des preuves d'implication alimentaire dans l'antibiotico-résistance des bactéries, m a lLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 3 - mars 1998
gré le fa i ble nombre des échantillons étudiés et les résultats parfois variables. D.E. Corpet (Toulouse) a montré qu'avec une
alimentation stérile, les entérobactéries intestinales résistantes
(R) sont éliminées ou réduites de 500 à 1 000 fois. Cependant,
après ingestion par des volontaires d'aliments contenant plus
de 104 bactéries R/g, il n’a retrouvé dans les selles qu'une petite
part des bactéries ingérées ; toutefois, si l'ingestion est précédée d'une alimentation stérile, les bactéries R apparaissent très
vite et persistent longtemps.
A.E. van den Bogaard (Maastricht, Pays-Bas) a montré que
la prévalence de la résistance dans la flore fécale des animaux
d'élevage est élevée avec contamination de la viande au cours
de l'abat t age. Des re cherches de E. coli c i p ro fl oxacine-R et
d'Enterococci vancomycine-R (EVR) ont été pratiquées dans
les selles d'animaux, de fe rmiers, d'équarrisseurs et de résidents
urbains. Le traitement vétérinaire des animaux était habituellement l'enro fl oxacine,éthylester de la cipro fl oxacine,et le promoteur de croissance, l'avoparcine, proche de la vancomycine.
Les résultats montrent un port age, avec identité clonale des
souches, élevé chez les animaux et les fermiers, moindre chez
les équarrisseurs, nul chez les résidents urbains.
W. Witte (We rn i ge ro d e, Allemagne) et F.M. A a re s t ru p
(Copenhague, Danemark) ont rapporté une même sélection
de EVR chez les animaux par l'avoparcine et un transfert chez
l'homme avec identité moléculaire des souches. L'émergence
rapide de ERV semble due à la fois à la pro p agation des souches
R, mais aussi à la dispersion du transposon Tn1546 lui-même
entre clones bactériens différents. L'usage de l'avoparcine a été
interdit au Danemark en 1995, en Allemagne en 1996 et dans
toute l'Europe en 1997. La fréquence des ERV semble décliner
au Danemark chez l'animal et l'homme, mais, deux ans après
l'interdiction, ne s'est pas annu l é e. Par ailleurs, des souch e s
d ' e n t é rocoque virgi n i a mycine-R sont signalées chez l'animal et
l'homme en Allemag n e, a l o rs que cet antibiotique est utilisé
chez l'animal seulement, comme promoteur de cro i s s a n c e.
T. Honkanen-Buzalski (Helsinki, Finlande) a montré qu'en
1997 la résistance des entérocoques aux macrolides chez le porc
est de 91 % au Danemark et seulement de 15 % en Finlande,
où tylosine et spira mycine sont interdites dans la nourri t u re
animale.
H. Goosens (Anvers, Belgique) a fait la synthèse des diverses
interventions. Bien que l'amplitude réelle de l'impact médical
dû à l'usage d'antibiotiques dans la nourri t u re du bétail soit
inconnue, un parallélisme entre résistance animale et humaine
s ' i m p o s e.Plusieurs études ont montré une part i c i p ation des promoteurs de croissance à la sélection de bactéries résistantes
capables de causer des infections humaines graves. Une diminution de leur emploi progressive en raison de l'impact économique doit être envisagée, avec application de mesures d'hygiène vraisemblablement plus efficaces qu'une antibiothérapie
préventive pour réduire morbidité et mortalité. Une standardisation des produits de laboratoire apparaît indispensable pour
une meilleure transparence. Un guide de pratique d'utilisation
des antibiotiques est recommandé afin de prolonger l'efficacité
d'agents existants ou futurs (K. Stöhr, Genève, S u i s s e ). Ces
p ro blèmes ont une portée intern ationale et les données manquent, en particulier pour les pays en voie de développement.
Une organisation internationale de surveillance est souhaitée
et se met en place.
D. Moinard, Nantes
5e Congrès de la Société Française de Microbiologie
Lille - Grand Palais - 27, 28 et 29 avril 1998
Pour tous renseignements : SFM, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris Cedex
Tél. : 01 45 68 81 79
Fax : 01 45 67 46 98
E.mail : [email protected]
Site web : http://lyon-sud.univ-lyon1.fr/lilleSFM98/
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 3 - mars 1998
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