
La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 6 - novembre 2006
épidermoïdes de la tête et du cou (12), de mélanomes (13) et
de carcinomes papillaires de la thyroïde (14). De même, si la
majorité des études montre le caractère non fonctionnel des
lymphatiques intratumoraux, d’autres retrouvent en leur sein
la présence de cellules endothéliales lymphatiques en cycle et
d’emboles tumoraux (15). La réponse à cette question dépend
probablement du modèle tumoral étudié.
Facteurs associés à la lymphangiogenèse
Le concept retenu actuellement pour expliquer l’apparition
de métastases ganglionnaires est l’induction d’une augmenta-
tion de la densité vasculaire lymphatique, le plus souvent en
périphérie de la tumeur, qui favorise la formation d’emboles
vasculaires lymphatiques, puis de métastases ganglionnaires.
Cette augmentation de la densité vasculaire lymphatique se
fait grâce à la lymphangiogenèse, c’est-à-dire la formation de
néovaisseaux lymphatiques à partir des vaisseaux lymphatiques
préexistants (16). Si les stimuli favorisant l’angiogenèse tumorale
sont bien connus, comme par exemple l’hypoxie tumorale, ceux
qui déclenchent la lymphangiogenèse le sont beaucoup moins.
L’augmentation de la pression interstitielle intratumorale pour-
rait jouer un rôle important.
Le modèle le plus communément admis est celui de l’axe VEGF-
C/VEGF-D/VEGFR-3 : sécrétion de VEGF-C et/ou de VEGF-D
par les cellules tumorales ou les cellules du stroma, en parti-
culier les macrophages, qui activent leur récepteur VEGFR-3
exprimé à la surface des cellules endothéliales lymphatiques,
avec pour conséquence la prolifération des cellules endothéliales
et la formation de nouveaux vaisseaux lymphatiques (6). Plus
récemment, d’autres acteurs moléculaires jouant un rôle dans
la lymphangiogenèse physiologique et tumorale ont été mis
en évidence (17).
L’axe de signalisation VEGF-C/VEGF-D/VEGFR-3
Chez l’adulte, VEGFR-3 est exprimé majoritairement à la surface
des cellules endothéliales lymphatiques (18). Ses ligands sont le
VEGF-C et le VEGF-D, membres de la famille des VEGF/PDGF
(19, 20). L’activation du VEGFR-3 par ses ligands entraîne une
hétérodimérisation du récepteur, l’activation de son domaine
tyrosine kinase intracellulaire et la transduction intracellulaire du
signal, qui aboutit à une prolifération des cellules endothéliales
lymphatiques. Plusieurs modèles in vitro et in vivo ont montré
le rôle majeur de l’axe VEGF-C/VEGF-D/VEGFR-3 dans la
régulation de la lymphangiogenèse physiologique (21-23). Les
VEGF-C et VEGF-D sont sécrétés sous la forme de protéines
peu actives biologiquement. Les protéolyses successives des
domaines N- et C-terminaux augmentent l’affi nité des ligands
pour le VEGFR-3. Leurs formes matures activent également le
VEGFR-2, mais de façon beaucoup plus modeste. Cette protéo-
lyse est assurée par la plasmine (pour le VEGF-D et le VEGF-C)
et par des enzymes de la famille des proprotéines convertases,
PC5, PC7 et furine (pour le VEGF-C) [24].
La démonstration du rôle de l’axe VEGF-C/VEGF-D/VEGFR-3
dans l’induction de la lymphangiogenèse tumorale a d’abord
été apportée dans divers modèles animaux. Dans la majorité
des cas, une hyperexpression du VEGF-C et/ou du VEGF-D
est associée à une augmentation de la lymphangiogenèse péri-
et/ou intratumorale, elle-même corrélée à une augmentation
de l’incidence des métastases ganglionnaires locorégionales
et, dans certaines études, des métastases pulmonaires (25-30).
Deux de ces études montrent également une augmentation de
la croissance tumorale sous l’eff et d’une hyperexpression du
VEGF-C (27, 28). L’inhibition du VEGF-C et du VEGF-D par
l’utilisation de fragments solubles de VEGFR-3 ou d’anticorps
spécifi ques de la portion extracellulaire du VEGFR-3 diminue
la lymphangiogenèse et l’incidence des métastases ganglion-
naires (27-28).
Depuis quelques années, le rôle de l’axe VEGF-C/VEGF-D/
VEGFR-3 a été évalué dans les tumeurs humaines. Si dans la
majorité des publications une corrélation entre l’expression du
VEGF-C par les cellules tumorales et la présence d’un envahis-
sement ganglionnaire lymphatique est observée, des résultats
contradictoires ont été obtenus dans certaines localisations
tumorales telles que les cancers du sein, les cancers colorectaux
et les carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC)
[16]. La majorité des études montre également une associa-
tion entre l’expression du VEGF-C par les cellules tumorales
et un pronostic péjoratif en survie sans rechute ou en survie
globale. Deux études ayant inclus des patients opérés d’un
CBNPC montrent un impact péjoratif de l’expression par les
cellules tumorales du VEGF-C sur la survie, sans corrélation
avec l’envahissement ganglionnaire (31, 32). D’autres travaux
ont montré, par ailleurs, que les cellules tumorales pouvaient
exprimer le VEGFR-3 et qu’il s’agissait également d’un facteur
de mauvais pronostic (31, 33, 34). Ces résultats permettent
de faire l’hypothèse de boucles de régulation autocrines et/ou
paracrines responsables d’une augmentation de la prolifération
et de la croissance tumorale, ce qui conduirait à ne pas limiter
le rôle de l’axe VEGF-C/VEGFR-3 à la diff usion métastatique
lymphatique (35). Des études moins nombreuses ont également
montré une corrélation entre l’expression de VEGF-D par les
cellules tumorales, l’incidence de l’envahissement ganglionnaire
et la survie, même s’il faut noter quelques résultats contradic-
toires dans les cancers colorectaux et les cancers du sein (16).
Certains résultats contradictoires sont peut-être liés au fait que
la quasi-totalité des études menées dans les tumeurs humaines
n’a étudié que l’expression du VEGF-C ou du VEGF-D par les
cellules tumorales. Or, il a été montré qu’ils étaient également
sécrétés par les macrophages, les cellules du stroma périvascu-
laires et les plaquettes (36). D’autres études sont donc néces-
saires pour mieux apprécier dans les tumeurs humaines le rôle
de l’axe VEGF-C/VEGF-D/VEGFR-3.
L’utilisation de marqueurs spécifi ques des cellules endothéliales
lymphatiques a également permis de corréler dans diverses
localisations tumorales (cancer du sein, mélanome, carcinome
épidermoïde de la tête et du cou) la densité microvasculaire
lymphatique avec l’incidence des métastases ganglionnaires et
la survie de patients opérés (16).
Mise au point
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