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La Lettre du Cancérologue - Vol. XV - n° 6 - novembre 2006
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soulevé beaucoup d’espoirs : en eff et, après un suivi médian de
40 mois, on retrouvait une réduction du risque de cancer du sein
invasif chez les femmes sous raloxifène, RR : 0,24 (0,13-0,44),
et notamment de cancer du sein hormonodépendant, RR : 0,1
(0,04-0,24), soit une diminution de 90 %.
Cet effet favorable du raloxifène sur le risque de cancer du
sein a ensuite été confi rmé lors de la prolongation de l’étude
MORE, par l’étude CORE, portant sur un sous-groupe de plus
de 4 000 femmes de la cohorte MORE, suivies pendant 4 années
supplémentaires.
Cependant, il était diffi cile d’établir une conclusion ferme sur
l’eff et du raloxifène en prévention du cancer du sein, car l’étude
MORE n’avait pas été construite dans cet objectif.
De fait, l’essai STAR a été initié pour comparer l’effi cacité préven-
tive du tamoxifène et du raloxifène. Il s’agit d’un essai prospectif
randomisé en double aveugle, conduit en Amérique du Nord
et au Canada. Dix-neuf mille sept cent quarante-sept femmes
ménopausées ayant un risque de cancer du sein accru ont été
incluses. Leur âge moyen était de 58,5 ans, et leur risque moyen
de cancer du sein de 4,03 % à 5 ans. Elles ont reçu du tamoxifène
20 mg/j ou du raloxifène 60 mg/j. Notons que 19 % des femmes
avaient au moins deux antécédents de cancer du sein au 1
er
degré,
et plus de 71 % au moins un antécédent. Plus de 9 % avaient eu
une biopsie montrant un CLIS, et 22,5 % une HA.
Les résultats de cet essai viennent d’être récemment publiés avec
une durée moyenne de suivi de 3,9 ans, et une durée de traite-
ment de 3,1 ans. L’effi cacité préventive du raloxifène est en fait
équivalente à celle du tamoxifène, et non supérieure, RR : 1,20
(0,82-1,28). En revanche, on note moins de cancers du sein non
invasifs sous tam, RR : 1,40 (0,98-2,0). Ces deux composés ont
la même effi cacité chez les femmes ayant une HA ou un CLIS. Il
y a moins de cancers de l’utérus sous raloxifène, RR : 0,62 (0,35-
1,08), moins d’hyperplasies de l’endomètre, moins d’événements
thromboemboliques veineux, RR : 0,70 (0,54-0,91), et moins de
cataractes, RR : 0,79 (0,68-0,92). Les taux de fractures ostéoporo-
tiques, d’événements coronariens, d’accidents vasculaires céré-
braux, et la mortalité sont identiques dans les deux groupes.
Il s’agit donc de résultats “mitigés” : l’effi cacité préventive du
raloxifène est moins importante que ne le laissait espérer l’étude
MORE, mais ce composé semble avoir moins d’eff ets délétères
que le tam : bien que l’étude MORE ait montré que le raloxifène
augmente le risque thromboembolique veineux par rapport à un
placebo, cet eff et est moindre que celui du tam, et le raloxifène
n’augmente pas le risque de cancer de l’utérus. Concernant la
qualité de vie, les femmes sous tam présentent plus souvent des
problèmes gynécologiques, des symptômes vasomoteurs, des
crampes, et une incontinence urinaire. Sous raloxifène, on note
en revanche plus souvent des dyspareunies et une prise de poids.
Soulignons que ces diff érences étaient de faible amplitude.
En pratique, en France, le raloxifène dispose d’une AMM pour
le traitement et la prévention de l’ostéoporose à prédominance
vertébrale chez la femme ménopausée. Il est cependant prématuré
de le prescrire en prévention du cancer du sein, car des inter-
rogations demeurent, notamment sur la durée de prescription,
et sur les eff ets de ce composé à long terme.
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Quelles sont les nouvelles approches
actuellement en cours avec les inhibiteurs de
l’aromatase ? Comment dé nir et sélectionner les
femmes “à risque” concernées par ces essais
de prévention ?
D’autres composés que les SERM sont également des candidats
potentiels pour la chimio-prévention du cancer du sein, notamment
les inhibiteurs de l’aromatase : rappelons que dans l’essai ATAC, qui
comparait la prise de tamoxifène à celle d’anastrozole ou à celle de
leur combinaison pendant cinq ans chez des femmes ménopausées
en traitement adjuvant d’un cancer du sein, on retrouvait un risque
de cancer du sein controlatéral plus faible sous anastrozole que
sous tam, RR : 0,42 (0,22-0,79), ce qui laissait espérer une effi cacité
encore supérieure en prévention du cancer du sein.
Plusieurs essais de chimio-prévention sont actuellement en cours :
l’essai IBIS 2, au Royaume-Uni, compare l’anastrozole à un placebo
chez des femmes à risque élevé de cancer du sein, et l’essai MAP 3,
aux États-Unis, compare l’aromasine à un placebo. Deux autres
essais concernent plus spécifi quement les femmes génétiquement
prédisposées : l’essai ApreS, en Italie, compare l’aromasine à un
placebo, et l’essai LIBER devrait commencer prochainement en
France, et comparera le létrozole à un placebo.
L’une des questions centrales qui reste posée est celle de la défi -
nition du profi l de risque des femmes susceptibles de se voir
proposer un traitement préventif. Les femmes porteuses d’une
mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2, et celles chez qui des
biopsies ont mis en évidence une HA ou un CLIS peuvent être
clairement identifi ées, que ce soit sur la base d’une enquête géné-
tique, ou sur celle d’un examen anatomopathologique.
Il est, en revanche, plus diffi cile de cerner les candidates poten-
tielles à ces traitements préventifs parmi les femmes à risque fami-
lial plus modéré (lorsque les antécédents familiaux n’incitent pas à
eff ectuer une enquête génétique) ou lorsqu’une mutation délétère
n’a pu être identifi ée dans la famille. Diff érents modèles statistiques
sont actuellement à l’étude, pour défi nir, à partir d’une situa-
tion familiale donnée, la probabilité qu’une femme soit porteuse
d’une prédisposition génétique. Par ailleurs, pour déterminer le
niveau de risque de cancer du sein d’une femme en l’absence de
contexte familial, d’autres équipes tentent actuellement, dans le
même esprit que le modèle de Gail, de construire des modèles
statistiques intégrant, outre les facteurs de risque hormonaux
classiques, des facteurs d’individualisation plus récente, telle la
densité mammographique. Bien sûr, tous ces modèles devront
ensuite être validés dans les populations de femmes concernées. Il
faudra enfi n déterminer les seuils “de risque de cancer du sein” ou
de “probabilité de prédisposition” à partir desquels la prescription
d’un traitement préventif deviendra légitime.
Ainsi, pouvons-nous conclure que dans le domaine de la chimio-
prévention du cancer du sein, des interrogations notables demeurent
sur les composés utilisables, les femmes qui pourraient en bénéfi cier,
la durée idéale de prescription, les eff ets à long terme, et surtout
le rapport global des bénéfi ces et des risques de ces traitements.
Ce dernier point sera capital, puisqu’il s’agit de réduire le risque
de cancer du sein chez des femmes en bonne santé. N