« Dans le champ sanitaire et médico-social, on peut observer un tournant pragmatique de l’éthique
(Aiguier & Cobbaut, 2015). Celle-ci n’est en effet plus uniquement mobilisée pour produire un discours
moral sur les pratiques, mais comme une ressource de l’agir professionnel. Cette « transformation de
l’éthique » (Maesschalck, 2012, 2010) s’explique par une évolution majeure des situations de soins,
marquées notamment par une recrudescence des maladies chroniques, des situations de handicap mais
aussi de dépendance liées notamment au vieillissement de la population. Ces situations de soins,
complexes et à l’issue souvent incertaine, impactent directement le projet de vie des patients/usagers.
Elles nécessitent non seulement une approche globale et collective de l’intervention (collaboration
interprofessionnelle et interinstitutionnelle), mais aussi beaucoup plus inclusive (participation des
patients/usagers à l’élaboration des projets de soins) (Rothier-Bautzer, 2013). A ce contexte clinique,
s’ajoute toute une série de transformations, qu’elles soient sociales (renforcement des droits du patient,
logique d’empowerment), technologiques (progrès biotechnologiques) ou encore organisationnelles
(logique des compétences, nouvelle organisation du travail). La posture du soignant ainsi que la nature
même de son intervention s’en trouvent de ce fait radicalement modifiées. Celui-ci doit en effet apprendre
à gérer collectivement des situations-problèmes complexes et donc, pour ce faire, savoir (re)définir une
visée du soin adaptée à la singularité de la situation et savoir mobiliser les ressources d’action adéquates.
Voilà pourquoi, dans la littérature, l’éthique est de plus en plus assimilée à une compétence clinique
(Patenaude, 2001) visant le traitement, par les acteurs et en situation, de problèmes pratico-moraux
(Bégin, 2003).
Dans ce contexte, que signifie former à l’éthique ? Quels sont les objectifs de la formation à l’éthique en
santé et à travers quels types de dispositifs se déploient-ils ? Quelles sont les méthodes pédagogiques à
privilégier ? Sur le plan théorique, quels en sont les fondements ?
Dans cette communication, nous développerons l’idée d’une formation à l’éthique visant la capacitation
des acteurs et des organisations du soin (Falzon, 2013 ; Fernagu-Oudet, 2012), autrement dit le
développement de leur pouvoir d’agir effectif, et ce dans une perspective d’empowerment des patients
(Bacqué et Biewener, 2013). Partant de cette hypothèse, notre présentation questionnera les fondements
pédagogiques de cette approche pragmatique de l’éthique. Nous mobiliserons pour ce faire la philosophie
pragmatiste et plus particulièrement l’œuvre de John Dewey. Pour cet auteur, l’éthique est envisagée
comme une démarche collective d’apprentissage et se développe à travers des dispositifs institutionnalisés
de résolution de problèmes (Dewey, 2011, 2010). Dans cette perspective, l’éthique fait ainsi l’objet d’un
apprentissage expérientiel et réflexif non seulement des acteurs, mais aussi des organisations qui doivent
en assurer le pilotage et la gouvernance (Aiguier, 2014). Quant aux méthodes pédagogiques de la
formation à l’éthique, elles semblent appelées à privilégier des démarches d’analyse de l’activité des
acteurs et des organisations du soin (entretiens d’auto confrontation).
Notre propos sera illustré par la présentation d’activités réalisées dans le cadre d’un projet de recherche
en pédagogie de l’éthique consacré à l’apprentissage du soin (projet LABCAP). »