D O S S I E R Procédure à appliquer dans une collectivité d’enfants en cas de maladie contagieuse (application pratique pour les médecins ORL) Temporary exclusion from day care and school in case of infectious diseases ● A. Bourrillon*, J. Gaudelus**, R. Cohen*** es mesures d’éviction scolaire étaient définies par l’arrêté du 3 mai 1989 relatif aux durées et conditions d’éviction et aux mesures de prophylaxie à l’égard des élèves et du personnel dans les établissements d’enseignement et d’éducation publique et privée en cas de maladie contagieuse (Journal officiel du 31 mai 1989). La mise en œuvre de certaines des mesures définies par cet arrêté n’était plus adaptée et, de ce fait, était mal suivie. Une révision de cet arrêté a été demandée par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, Section des maladies transmissibles, et confiée à un groupe de travail réunissant des experts. Ainsi,ont pu être prises en compte l’évolution des connaissances scientifiques et les avancées thérapeutiques en matière de traitement curatif et prophylactique. La prévention des maladies contagieuses en collectivité vise à lutter contre les sources de contamination et à réduire les moyens de transmission. Les collectivités d’enfants mettent en contact de nombreux individus dans un espace relativement restreint, ce qui favorise la transmission des agents infectieux. Les motifs d’éviction doivent répondre à un triple objectif : 1. éviter un risque vital ou fonctionnel susceptible d’être encouru par un enfant ; 2. respecter le fonctionnement d’une collectivité ; 3. réduire un risque de contagion lorsque celui-ci paraît nuisible par sa fréquence, sa gravité sur certains terrains fragiles, le caractère obligatoire (ou non) de l’infection. Les recommandations ont tenu compte des modalités de transmission d’une maladie infectieuse d’un individu à l’autre, de la durée de la période d’incubation des maladies contagieuses, de la période de contagion de ces mêmes maladies et donc des modalités du risque d’atteinte des individus sains les plus vulnérables. L * Chef du service de pédiatrie de l’hôpital Robert-Debré, Paris. ** Chef du service de pédiatrie de l’hôpital Jean-Verdié, Paris. *** Pédiatre, Saint-Maur. 16 L’ensemble des données a été rassemblé de façon homogène et concise dans un guide dont les recommandations sont applicables à l’ensemble des collectivités d’enfants, notamment les crèches et garderies, les établissements d’enseignement et d’éducation publique et privée. Un tel guide est destiné plus particulièrement aux directeurs des collectivités d’enfants, aux médecins de ces collectivités et aux médecins traitants (ORL, médecins pédiatres ou généralistes). Chaque maladie contagieuse fait l’objet d’une fiche individuelle exprimant le rationnel des mesures proposées. Il inclut les détails concernant les mesures préventives d’hygiène des locaux, du matériel et de l’alimentation, les mesures d’hygiène individuelles obligatoires (lavage des mains) ou adaptées en cas de contamination éventuelle par les selles, les sécrétions respiratoires, ou à partir de lésions cutanées. Nous proposons, à titre d’exemple, quatre fiches extraites de ce guide concernant des affections susceptibles d’être rencontrées par des ORL. Les tableaux I à III résument les recommandations concernant l’éviction des collectivités en cas d’infection contagieuse. Tableau I. Agents infectieux ne justifiant pas d’éviction d’une collectivité. Bactéries Salmonelles non typiques Campylobacter Pneumocoque (otite moyenne aiguë) H. influenzae S. aureus Virus Gastroentérite virale (rotavirus) (fin diarrhée) Virus respiratoire (VRS, grippe) (selon tolérance clinique) Coxsavirus, mégalérythème épidermique (5e maladie), parvovirus B19 Verrues Molluscum Parasites Teigne du cuir chevelu – Poux – Gale - Giardiase La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 280-281 - février-mars 2003 Tableau II. Infections bactériennes justifiant une éviction. Infection bactérienne Traitement Conditions de retour Shigelles 5 jours d’antibiothérapie 2 coprocultures négatives E. coli entérohémorragique Non 2 coprocultures négatives S. typhi Oui 2 coprocultures négatives Streptocoque du groupe A 2 jours d’antibiothérapie Impétigo Éviction exclusivement si lésions trop étendues non protégées Coqueluche 5 jours d’antibiothérapie 72 heures après le début de l’antibiothérapie Méningocoque Oui Guérison clinique H. influenzae Oui Guérison clinique Tuberculose Oui BK (–) Fiche 1. Infections à streptocoque A* - Angine, scarlatine Agent pathogène Réservoir Source de contamination Mode de contamination : – E : à partir de l’environnement – P : de personne à personne Période d’incubation Importance de la contagiosité Durée de la contagiosité Population présentant des facteurs de risques de gravité Streptocoque A (Streptococcus pyogenes) Homme Sécrétions oro-pharyngées, le plus souvent P : par les sécrétions oro-pharyngées 1 à 4 jours Moyenne 48 heures après le début d’une antibiothérapie efficace Antécédents de rhumatisme articulaire aigu Mesures à prendre Éviction Mesures d’hygiène Mesures préventives Oui, 2 jours au minimum après le début de l’antibiothérapie Application des mesures d’hygiène Traitement des sujets atteints le plus rapidement possible Pas de traitement prophylactique dans l’entourage du malade * Des recommandations pour la prévention des infections invasives à streptocoque A sont en cours d’élaboration. Fiche 2. Mégalérythème épidémique (5e maladie) Agent pathogène Réservoir Source de contamination Mode de contamination : – E : à partir de l’environnement – P : de personne à personne Période d’incubation Importance de la contagiosité Durée de la contagiosité Population présentant des facteurs de risque de gravité Parvovirus B19 Homme Sécrétions respiratoires - Sang P : sécrétions respiratoires, sang 4 à 28 jours Moyenne De 3 à 7 jours avant la sortie de l’éruption Anémie hémolytique chronique Femme enceinte Mesures à prendre Éviction Mesures d’hygiène Mesures préventives Non Application des mesures d’hygiène Informer le personnel et les parents de l’existence d’un cas dans la collectivité (risque chez la femme enceinte) Conseiller aux femmes enceintes et aux personnes atteintes d’anémie hémolytique de consulter leur médecin La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 280-281 - février-mars 2003 17 D O S S I E R Tableau III. Infections virales justifiant une éviction. Oreillons 9 jours après le début de la parotidite Rougeole 5 jours après le début de l’éruption Varicelle Fin des lésions vésiculeuses Stomatite herpétique Fin des lésions vésiculeuses Hépatite A 10 jours après le début de l’ictère Fiche 3. Teigne du cuir chevelu Agent pathogène Réservoir Source de contamination Mode de contamination : – E : à partir de l’environnement – P : de personne à personne Période d’incubation Importance de la contagiosité Durée de la contagiosité Population particulièrement exposée Population présentant des facteurs de risque de gravité Dermatophytes Homme Animal parasité Sol Lésion cutanée et cheveux infectés de l’homme Lésion cutanée et poils infectés de l’animal Spore dans la terre P : par contact direct avec la lésion cutanée E : par objets contaminés (peignes, brosses, vêtements, bonnets...) 2-3 semaines après le contact infectant Faible Jusqu’à la guérison des lésions cutanées Famille du sujet ayant une teigne (–) Mesures à prendre Éviction Non Si présentation d’un certificat médical attestant d’une consultation et de la prescription d’un traitement adapté Renforcement des mesures d’hygiène (surtout pour les objets) Faire, en collectivité, un examen clinique du cuir chevelu des enfants de la classe ou de la section et des personnels en contact avec le sujet atteint Conseiller à la famille de l’enfant atteint de consulter un centre de dépistage familial Mesures d’hygiène Mesures préventives * Rappel : le diagnostic de la teigne repose sur les résultats d’un examen mycologique. Fiche 4. Infections invasives à méningocoque Agent pathogène Réservoir Source de contamination Mode de contamination : – E : à partir de l’environnement – P : de personne à personne Période d’incubation Importance de la contagiosité Durée de la contagiosité Population présentant des facteurs de risque de gravité Méningocoque (Neisseria meningitidis) de sérogroupe A, B, C, Y, W135 Homme Sécrétions oropharyngées P : sécrétions oropharyngées, par contact répété et prolongé entre les personnes, à une distance de moins d’un mètre pendant plus de 2 heures 2 à 10 jours, 7 jours en moyenne Faible Moins de 24 heures après le début du traitement Syndrome drépanocytaire majeur, absence de rate, rate non fonctionnelle Certains déficits immunitaires Mesures à prendre Éviction Mesures d’hygiène Mesures préventives 18 Oui, jusqu’à guérison clinique Non Prophylaxie des sujets contacts (chimioprophylaxie et vaccination si le vaccin antiméningococcique adapté au sérogroupe existe, selon les directives de la circulaire DGS en vigueur) La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 280-281 - février-mars 2003