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Prise en charge d’un trouble panique
avec agoraphobie par thérapie
comportementale et cognitive
et arrêt du tabac
P. Guichenez*, C. Denis**, I. Clauzel*
Les rapports entre les troubles anxieux et la dépendance tabagique
sont mieux précisés, notamment depuis les travaux de Lagrue (1, 2).
Les rapports entre la dépendance tabagique et la phobie sociale
et le trouble anxieux généralisé sont bien mis en évidence (2). Nous
avions rapporté et soumis un cas de phobie sociale (PS) et un cas de
trouble anxieux généralisé, pris en charge par thérapie comportementale et cognitive (TCC) ayant permis un sevrage tabagique sans
difficulté ultérieurement (3, 4). Cette observation met en évidence
le lien entre agoraphobie avec attaques de panique et tabagisme.
Monsieur R., 54 ans, consulte pour un
sevrage tabagique. Il fume 40 cigarettes par
jour. Sa dépendance physique est élevée
avec un test de Fagerström à 8 sur 10. Le
HAD (Hospital anxiety depression scale)
est à 16/7. Il est pris en charge pour sevrage
tabagique lors d’une hospitalisation avec
un traitement de substitution nicotinique
adapté à sa dépendance physique. Trois
semaines après le début du sevrage, il présente de nombreuses attaques de panique
avec agoraphobie puis, depuis quelques
jours, un état dépressif majeur. Un traitement par inhibiteur de la recapture de la
sérotonine est prescrit permettant l’amélioration de l’humeur, mais les attaques de
panique persistent. Une prise en charge par
thérapie comportementale et cognitive de
ses attaques de panique est décidée et réalisée. Une analyse fonctionnelle selon la
grille SECCA (situation – émotions –
cognition – comportement – anticipation)
est réalisée (5). Après une auto-observation
et la réalisation de la ligne de base, la prise
en charge par thérapie comportementale et
* Centre de tabacologie, centre hospitalier, 2,
rue Valentin-Haüy, 34500 Béziers.
** Centre de tabacologie, hôpitaux civils de
Colmar, 68000 Colmar.
cognitive comporte : la gestion des composantes physiologiques de l’anxiété (apprentissage de la relaxation, information sur la
physiologie d’une attaque de panique) ; le
travail de restructuration cognitive pour
repérer et modifier les pensées automatiques, mettre en évidence et discuter les
distorsions cognitives et les postulats ; la
hiérarchisation des situations à l’origine
des phobies afin de pouvoir exposer le
patient, pendant un certain temps et de
façon graduelle, à celles-ci. L’efficacité du
traitement a été confirmée par la phase
d’évaluation C par rapport à la ligne de
base (nombre d’évitements, intensité de
l’anxiété...). Les inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine ont pu être arrêtés au bout
de six mois, le sevrage tabagique a été alors
effectué sans difficulté particulière et sans
prise en charge tabacologique.
Discussion
Cette observation amène quatre éléments
de discussion :
Les liens entre tabagisme et dépression
il existe une littérature abondante sur les
liens entre tabagisme et dépression :
Glassman dans une enquête épidémiolo-
107
gique portant sur plus de 3 000 sujets, a
démontré que la dépression est plus fréquente chez les fumeurs que chez les nonfumeurs (6,6 % versus 2,9 %). Il a montré
aussi que les fumeurs ayant des antécédents
de dépression (prévalence sur la vie entière) ont significativement moins de chance
de s’arrêter de fumer que les fumeurs sans
antécédent dépressif (14 % versus 28 %).
La corrélation entre le tabagisme et la
dépression majeure (selon la définition du
DSM IV), est plus forte lorsqu’il existe une
dépendance à la nicotine (7).
Les liens entre la dépendance tabagique
et les troubles anxieux
Les liens entre phobie sociale (PS) et
dépendance tabagique ont été démontrés
dans une enquête portant sur 3 021 adolescents et jeunes adultes de 14 à 24 ans : à
âge égal, dans le “groupe phobie sociale”,
la dépendance tabagique est deux fois plus
fréquente que dans le groupe témoin. Avec
un recul de quatre ans, l’existence initiale
d’une PS multiplie par deux à trois le
risque de devenir un fumeur régulier puis
dépendant (8). Les résultats sur 400
fumeurs avec une dépendance physique
élevée (Fagerström supérieur ou égal à 6),
objectivent des troubles anxieux et/ou
dépressifs dans 34 % des cas. Chez ces
fumeurs, la PS et l’anxiété généralisée
(TAG) sont présentes environ une fois sur
deux (1). Dans une enquête de la prévalence,
sur un an, du TAG portant sur 4 181 sujets,
le risque relatif de dépendance à la nicotine
a été retrouvé à 1,7 (IC 95 % : 0,8-3,7) (9).
Une étude récente a également mis en évidence les relations entre attaque de panique
et tabagisme (10) : on observe une augmentation du risque d’apparition d’attaque
de panique chez les fumeurs réguliers (OR :
2,9 ; IC 95 % : 1,08-4) et chez les fumeurs
dépendants (OR : 3,6 ; IC 95 % : 1,2-10,5).
Les risques dépressifs de l’anxieux
La dépression touche, selon les situations, 25
à 70 % des sujets anxieux, ce qui représente
une multiplication du risque par deux ou
trois par rapport aux sujets non anxieux.
Pelissolo et al. ont rapporté un résumé des
principales études internationales (tableau).
La co-occurrence de trouble anxieux et
dépressif est fréquente, de mauvais pronostic
et le diagnostic du trouble dépressif est souvent difficile (10).
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Tableau. Comorbidité des différents troubles anxieux avec les troubles dépressifs majeurs
(résumé des principales études internationales) (10).
Prévalence des troubles
dépressifs chez les patients
présentant le trouble
anxieux (%)
Odd ratios
22-68
46
39-62
25-42
40-70
27-60
50-75
4-20
3-4
9-13
3-5
3-10
4-20
4-7
Trouble panique
Agoraphobie
Trouble anxieux généralisé
Phobies spécifiques
Phobies sociales
Troubles obsessionnels compulsifs
États de stress post-traumatique
l’apport des thérapies comportementales et
cognitives à la gestion optimale d’un trouble
anxieux chez un candidat au sevrage.
Références bibliographiques
1. Lagrue G, Dupont P, Fakhfakh R.
Troubles anxieux et dépressifs dans la
dépendance tabagique. L’Encéphale
2002;XXVIII,343:374-7.
2. Lagrue G, Mautrait C, Béhar C et al.
Phobie sociale et dépendance tabagique.
Courrier de addictions 2003;3:110-1.
3. Guichenez P, Clauzel I, Germaini G et
al. Traitement d’une phobie sociale par
thérapie comportementale et cognitive
chez un tabagique. J Thérapie Comportementale et cognitive 2004;13:47.
Les bases moléculaires de la dépendance
à la nicotine : dans l’ATV
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L’apport des thérapies comportementales et cognitives à la gestion optimale
d’un trouble anxieux associé à la
dépendance tabagique
Un cas de phobie sociale traité par thérapie
comportementale et cognitive permettant
l’arrêt du tabac sans difficulté ultérieurement a été récemment rapporté (4). Une
autre observation a été récemment rapportée concernant l’arrêt du tabac favorisé par
la prise en charge optimale d’un trouble
anxieux généralisé par TCC (5). Cette nouvelle observation de prise en charge d’attaque de panique avec agoraphobie associée initialement à des inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine en raison d’un
état dépressif majeur initial, illustre bien
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Pour la première fois,des chercheurs de l’unité Institut
Pasteur/CNRS récepteurs et cognition (l’équipe d’Uwe Maskos, dirigée par
Jean-Pierre Changeux, en collaboration avec trois autres laboratoires de
neurosciences), ont publié, dans Nature, un travail qui montre, chez la souris, où et comment se forme la dépendance à la nicotine. Celle-ci est liée à
l’expression d’une molécule réceptrice de la nicotine, la sous-unité ß2, également impliquée dans les capacités cognitives des individus, dans une
région très précise du cerveau : l’aire tegmentale ventrale (ATV).
Rappelons que c’est dans cette zone que se trouvent les neurones dopaminergiques spécialisés dans les mécanismes de la récompense. Les chercheurs ont utilisé pour démontrer cela un modèle de souris déficientes
dans l’expression de cette sous-unité ß2. Ces animaux ne s’auto-administrent plus de nicotine, ce qui est le signe qu’ils n’en deviennent plus dépendants. Ils présentent par ailleurs des facultés d’apprentissage réduites dans
l’exploration des espaces libres.Pour faire s’exprimer à nouveau cette sousunité ß2, ils ont utilisé des vecteurs viraux très sophistiqués. Résultats : les
souris ainsi traitées apprennent rapidement à s’auto-administrer de la nicotine de façon chronique. En utilisant des tests comportementaux poussés,
ils ont également montré que, dans ces conditions, ces souris récupèrent
les fonctions d’exploration des souris normales liées à la fixation du neurotransmetteur endogène, l’acétylcholine, sur ce récepteur. Ces résultats
montrent l’importance à la fois de l’expression de la
sous-unité ß2 du récepteur et celle de la zone du
cerveau où il est exprimé pour ces deux aspects
cruciaux que sont la dépendance à la nicotine et certaines capacités cognitives.
Le rôle crucial du récepteur de la nicotine dans la mise en place de la
dépendance tabagique est appuyé par d’autres travaux publiés simultanément dans la revue Neuron par l’équipe de Pierre-Jean Corringer, dans
la même unité de l’Institut Pasteur. Les chercheurs ont montré que la
nicotine est capable de pénétrer au cœur même des cellules neuronales
pour y favoriser la formation de récepteurs ayant une très haute affinité
pour cette même nicotine. Or, leur sur-expression à la surface des cellules
est à l’origine de la sensibilité accrue à la nicotine.
À partir de la connaissance fine de ces structures, il sera possible de lancer
la recherche d’agents pharmacologiques nouveaux permettant d’inhiber
spécifiquement ce phénomène de dépendance, sans altérer le rôle prépondérant de ces unités ß2 dans les capacités d’apprentissage des individus, et
donc de lutter contre la dépendance tabagique.
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– Maskos U, Molles BE, Pons S et al. Nicotine reinforcement and cognition
restored by targeted expression of nicotinic receptors. Nature, 7 juillet 2005.
– Sallette J, Pons S,Devillers-Thiery A et al. Nicotine up-regulates its
own receptors through enhanced intracellular maturation. Neuron, 19
mai 2005.
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Le Courrier des addictions (7), n° 3, juillet-août-septembre 2005
4. Guichenez P, Clauzel I, Clauzel AM et
al. Traitement d’un trouble anxieux généralisé par thérapie comportementale et
cognitive chez une tabagique. Courrier
des addictions 2005 (sous presse).
5. Cottraux J. Les thérapies comportementales et cognitives. Paris: Masson
2001:283p.
6. Glassman AH, Helzer JE, Covey LS et
al. Smoking, smoking cessation, and
major depression. JAMA 1990;264:
1546-9.
7. Perriot J, Boussiron D, Schwan R, Llorca
PM. Tabacologie et sevrage tabagique.
Paris: John Libbey 2003.
8. Sonntag H, Wittchen HU, Hofler M et
al. Are social fears and DSM IV social
anxiety disorder associated with smoking
and nicotine dependance in adolescents
ans young adults. Eur Psy 2000;1:67-74.
9. Carter RM, Wittchen HU, Pfister H,
Kessler RC. One-year prevalence of subthreshold ans threshold DSM-IV generalized anxiety disorder in a nationality representative sample. Depression and Anxiety
2001;13:78-88.
10. Zvolensky MJ, Schmidt NB,
McCreary BT. The impact of smoking on
panic disorder: an initial investigation of a
pathoplastic relationship. J Anxiety
Disorder 2004;17:447-60.
11. Pélissolo A, Allilaire JF. Les risques
dépressifs de l’anxieux. L’Encéphale
2003:21-5.
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F.A.R.
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