Monsieur R., 54 ans, consulte pour un
sevrage tabagique. Il fume 40 cigarettes par
jour. Sa dépendance physique est élevée
avec un test de Fagerström à 8 sur 10. Le
HAD (Hospital anxiety depression scale)
est à 16/7. Il est pris en charge pour sevrage
tabagique lors d’une hospitalisation avec
un traitement de substitution nicotinique
adapté à sa dépendance physique. Trois
semaines après le début du sevrage, il pré-
sente de nombreuses attaques de panique
avec agoraphobie puis, depuis quelques
jours, un état dépressif majeur. Un traite-
ment par inhibiteur de la recapture de la
sérotonine est prescrit permettant l’amélio-
ration de l’humeur, mais les attaques de
panique persistent. Une prise en charge par
thérapie comportementale et cognitive de
ses attaques de panique est décidée et réali-
sée. Une analyse fonctionnelle selon la
grille SECCA (situation – émotions –
cognition – comportement – anticipation)
est réalisée (5). Après une auto-observation
et la réalisation de la ligne de base, la prise
en charge par thérapie comportementale et
cognitive comporte : la gestion des compo-
santes physiologiques de l’anxiété (appren-
tissage de la relaxation, information sur la
physiologie d’une attaque de panique) ; le
travail de restructuration cognitive pour
repérer et modifier les pensées automa-
tiques, mettre en évidence et discuter les
distorsions cognitives et les postulats ; la
hiérarchisation des situations à l’origine
des phobies afin de pouvoir exposer le
patient, pendant un certain temps et de
façon graduelle, à celles-ci. L’efficacité du
traitement a été confirmée par la phase
d’évaluation C par rapport à la ligne de
base (nombre d’évitements, intensité de
l’anxiété...). Les inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine ont pu être arrêtés au bout
de six mois, le sevrage tabagique a été alors
effectué sans difficulté particulière et sans
prise en charge tabacologique.
Discussion
Cette observation amène quatre éléments
de discussion :
Les liens entre tabagisme et dépression
il existe une littérature abondante sur les
liens entre tabagisme et dépression :
Glassman dans une enquête épidémiolo-
gique portant sur plus de 3 000 sujets, a
démontré que la dépression est plus fré-
quente chez les fumeurs que chez les non-
fumeurs (6,6 % versus 2,9 %). Il a montré
aussi que les fumeurs ayant des antécédents
de dépression (prévalence sur la vie entiè-
re) ont significativement moins de chance
de s’arrêter de fumer que les fumeurs sans
antécédent dépressif (14 % versus 28 %).
La corrélation entre le tabagisme et la
dépression majeure (selon la définition du
DSM IV), est plus forte lorsqu’il existe une
dépendance à la nicotine (7).
Les liens entre la dépendance tabagique
et les troubles anxieux
Les liens entre phobie sociale (PS) et
dépendance tabagique ont été démontrés
dans une enquête portant sur 3 021 adoles-
cents et jeunes adultes de 14 à 24 ans : à
âge égal, dans le “groupe phobie sociale”,
la dépendance tabagique est deux fois plus
fréquente que dans le groupe témoin. Avec
un recul de quatre ans, l’existence initiale
d’une PS multiplie par deux à trois le
risque de devenir un fumeur régulier puis
dépendant (8). Les résultats sur 400
fumeurs avec une dépendance physique
élevée (Fagerström supérieur ou égal à 6),
objectivent des troubles anxieux et/ou
dépressifs dans 34 % des cas. Chez ces
fumeurs, la PS et l’anxiété généralisée
(TAG) sont présentes environ une fois sur
deux (1). Dans une enquête de la prévalence,
sur un an, du TAG portant sur 4 181 sujets,
le risque relatif de dépendance à la nicotine
a été retrouvé à 1,7 (IC 95 % : 0,8-3,7) (9).
Une étude récente a également mis en évi-
dence les relations entre attaque de panique
et tabagisme (10) : on observe une aug-
mentation du risque d’apparition d’attaque
de panique chez les fumeurs réguliers (OR :
2,9 ; IC 95 % : 1,08-4) et chez les fumeurs
dépendants (OR : 3,6 ; IC 95 % : 1,2-10,5).
Les risques dépressifs de l’anxieux
La dépression touche, selon les situations, 25
à 70 % des sujets anxieux, ce qui représente
une multiplication du risque par deux ou
trois par rapport aux sujets non anxieux.
Pelissolo et al. ont rapporté un résumé des
principales études internationales (tableau).
La co-occurrence de trouble anxieux et
dépressif est fréquente, de mauvais pronostic
et le diagnostic du trouble dépressif est sou-
vent difficile (10).
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