Résumé
Les hépatites virales acquises en milieu tropical représentent environ 10 % des pathologies infectieuses au retour d’un
voyage. L’étiologie la plus fréquente reste les virus cosmopolites tels que les virus des hépatites A, B, C et E, le cyto-
mégalovirus (CMV), le virus d’Epstein-Barr (EBV), voire le VIH. Les fièvres ictéro-hémorragiques sont exceptionnelles
chez les voyageurs mais exigent une prise en charge médicale très lourde du fait de leur grande contagiosité et de
leur létalité élevée. Les zones d’endémie de plusieurs virus (dengue, chikungunya) se sont récemment étendues du fait
de la mondialisation des déplacements d’hommes et d’animaux, de la circulation accrue de vecteurs potentiels et des
changements climatiques ; pour certains d’entre eux, cela s’accompagne de l’émergence de formes mutées responsables
d’une morbidité importante. L’utilisation de mesures préventives simples telles que la vaccination, la lutte antivectorielle
et l’application des mesures d’hygiène universelles permet dans la plupart des cas de protéger efficacement le voyageur
en zone tropicale.
Mots-clés
Hépatite aiguë
Voyage
Virus
Tropiques
Summary
Viral hepatitides acquired in
a tropical setting account for
10% of all pathologies diag-
nosed in travellers returning
home. The etiologic agents
most commonly encountered
are hepatitis A, B, C and E virus,
EBV, CMV and HIV. Although
rare in travelers, ictero-hemor-
ragic fevers require special
attention due to their high
lethality. The endemic areas
of several tropical viruses
such as those of dengue fever
and chikungunya is rapidly
expanding, due to globalisa-
tion and climate changes,
and must therefore lead to
increased awareness regarding
the etiologic spectrum of fever
with elevated liver enzymes.
However, most of these viral
hepatitides can be prevented
through either immunization,
or strict hygiene measures and
protection against mosquitoes
and tick bites.
Keywords
Acute hepatitis
Travel
Virus
Tropics
diarrhées du voyageur, dont font partie les hépatites,
ne sont retrouvés qu’en cinquième place des patho-
logies du retour les plus fréquentes (3), représentant
moins de 10% des pathologies confirmées. Parmi ces
troubles gastro-intestinaux, 10 % sont attribuables à
une hépatite, l’ordre de fréquence des étiologies virales
retrouvées étant le suivant : hépatites A (3 %), B (2 %),
E (1,3 %) et C (0,6 %), aucune cause n’étant déter-
minée dans 3,4 % des cas. En dehors de la dengue,
l’incidence des hépatites virales purement exotiques
est négligeable chez les voyageurs, et seuls quelques
cas sont sporadiquement rapportés dans la littérature.
En revanche, la dengue est l’étiologie la plus fréquente
des “syndromes fébriles” avec atteinte hépatique au
retour d’Asie et d’Amérique du Sud ; elle est devancée
en Afrique subsaharienne et en Amérique centrale par
le paludisme. Enfin, de nombreuses pathologies virales
ou parasitaires cosmopolites telles que les infections
aiguës à EBV, CMV, VIH, ou encore à Toxoplasma
gondii s’accompagnent d’une élévation transitoire
des enzymes hépatiques et constituent un diagnostic
différentiel à évoquer devant toute fièvre avec cytolyse
hépatique au retour d’un voyage (4, 5).
Les hépatites virales communes
Les hépatites à transmission oro-fécale
Les hépatites A et E sont les seules hépatites à ne pas
évoluer vers la chronicité. Acquises par transmission
oro-fécale (manuportage, contamination d’aliments
mal lavés ou crus), elles sont particulièrement préva-
lentes dans les régions à faible niveau d’hygiène.
La contagiosité de l’hépatite A est maximale en fin
d’incubation qui dure en moyenne 4 semaines (l’éli-
mination des virions dans les selles intervenant au
dixième jour de la période d’incubation), et le virus,
étant très résistant, peut persister dans l’environ-
nement pendant de nombreux mois (6). L’infection
peut être asymptomatique ou se manifester par une
fièvre ictérique classique. La forme fulminante est
exceptionnelle (1 cas pour 1 000) et touche surtout
des personnes âgées non immunisées ou des patients
immunodéprimés éventuellement atteints d’une
autre hépatite chronique. Le diagnostic d’une hépa-
tite A aiguë est principalement sérologique (recherche
d’IgM anti-VHA dans le plasma). Le traitement est
symptomatique et les rechutes ne sont pas rares
(5 à 10 % des cas). La prévention de la transmission
dans les pays où l’hépatite A est endémique passe
par la maîtrise du péril fécal. L’application par les
voyageurs de simples règles d’hygiène (lavage des
mains, consommation d’aliments cuits et de boissons
protégées par des capsules) est un premier pas vers
la rupture de la chaîne de transmission, mais la vacci-
nation reste le meilleur moyen de protection.
Le virus de l’hépatite E est l’une des causes majeures
d’hépatites aiguës ictériques dans les zones endémi-
ques (sous-continent indien, Afrique subsaharienne
et Asie du Sud-Est), et entraîne une morbidité impor-
tante chez les patients porteurs d’autres hépatites
chroniques et les femmes enceintes (7). Toutes les
régions du monde sont cependant touchées, avec
des épidémies sporadiques concernant de quel-
ques dizaines à plusieurs centaines de milliers de
personnes à la fois. Le mode de transmission prin-
cipal est l’ingestion d’eau contaminée ou d’aliments
souillés, mais une contamination verticale de la mère
à l’enfant et des cas isolés de transmission parenté-
rale ont été rapportés. Les manifestations cliniques
sont celles d’une hépatite aiguë ictérique classique.
Le diagnostic repose sur la recherche du virus dans
les selles et le sang par PCR, ainsi que la mise en
évidence d’IgM anti-VHE. En l’absence de vaccin, la
prévention de la transmission passe par l’application
stricte de mesures d’hygiène contrôlant la contami-
nation oro-fécale en zone endémique.
Les hépatites à transmission
sexuelle et parentérale
L’hépatite B est la première cause d’hépatite
chronique et d’hépatocarcinome dans le monde,
avec 370 millions de personnes infectées, dont
750 000 meurent chaque année, ce qui place l’hé-
patite B au 7e rang des causes de décès par maladie
infectieuse (8). L’hépatite C chronique est respon-
sable de 130 millions de cas et 250 000 décès
annuels (10
e
cause de décès par maladie infec-
tieuse). Cependant, la prévalence du portage chro-
nique de ces hépatites diffère beaucoup en fonction