Figure. Localisation des virus responsables d’hépatites aiguës virales “exotiques”.
124 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIII - n° 4 - juillet-août 2008
MISE AU POINT
Hépatites à virus exotiques1
Viral hepatitis acquired in tropical setting
K. Lacombe*
1 Article initialement publié dans La
Lettre de l’Hépato-gastroentérolo-
gue, 2007;7:131-134, version mise
à jour.
* Service des maladies infectieuses
et tropicales, hôpital Saint-Antoine,
Paris.
L
es hépatites aiguës dites “à virus exotiques”,
incluant aussi les fièvres ictéro-hémorragi-
ques ou fièvres hémorragiques virales, sont, par
définition, des infections majoritairement acquises
au cours d’un voyage en zone tropicale ou subtro-
picale, sauf pour certains virus présents dans des
pays tempérés mais moins développés comme la
Russie (figure). Ce sont des zoonoses transmises
par des vecteurs spécifiques (tiques, moustiques,
rongeurs, etc.) qui s’accompagnent parfois d’une
contagiosité interhumaine extrême (1). Mais si ces
virus présentent un tropisme hépatique certain, les
manifestations générales sont souvent au premier
plan. Ces étiologies virales exotiques ne doivent
toutefois pas faire oublier que les virus hépatotropes
cosmopolites tels que ceux des hépatites A, B et E
(et C et D dans une moindre mesure) représentent
la majorité des causes d’hépatites virales au retour
d’un voyage. De plus, certaines peuvent facilement
être évitées par la vaccination (hépatites A et B) et
l’application de mesures d’hygiène appropriées. Ces
dernières seront cependant peu développées dans
cet article, qui s’intéresse plutôt aux hépatites plus
exotiques.
Lépidémiologie des hépatites
virales acquises
au cours de voyages
Revenir de voyage avec une hépatite, et en particulier
l’hépatite A, est perçu par les touristes partant en zone
tropicale comme le risque sanitaire le plus fréquent (2).
Pourtant, les troubles gastro-intestinaux autres que les
Fièvres de Marburg et Ebola
Fièvres de la vallée du Rift
et de Crimée-Congo
Dengue
Dengue + èvre jaune
Fièvre jaune
Fièvres d’Omsk et de Kyasanur
Chikungunya
Fièvre de Lassa
Fièvres de Machupo, Junin,
Guanarito
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIII - n° 4 - juillet-août 2008 | 125
Résumé
Les hépatites virales acquises en milieu tropical représentent environ 10 % des pathologies infectieuses au retour d’un
voyage. L’étiologie la plus fréquente reste les virus cosmopolites tels que les virus des hépatites A, B, C et E, le cyto-
mégalovirus (CMV), le virus d’Epstein-Barr (EBV), voire le VIH. Les fièvres ictéro-hémorragiques sont exceptionnelles
chez les voyageurs mais exigent une prise en charge médicale très lourde du fait de leur grande contagiosité et de
leur létalité élevée. Les zones d’endémie de plusieurs virus (dengue, chikungunya) se sont récemment étendues du fait
de la mondialisation des déplacements d’hommes et d’animaux, de la circulation accrue de vecteurs potentiels et des
changements climatiques ; pour certains d’entre eux, cela s’accompagne de l’émergence de formes mutées responsables
d’une morbidité importante. L’utilisation de mesures préventives simples telles que la vaccination, la lutte antivectorielle
et l’application des mesures d’hygiène universelles permet dans la plupart des cas de protéger efficacement le voyageur
en zone tropicale.
Mots-clés
Hépatite aiguë
Voyage
Virus
Tropiques
Summary
Viral hepatitides acquired in
a tropical setting account for
10% of all pathologies diag-
nosed in travellers returning
home. The etiologic agents
most commonly encountered
are hepatitis A, B, C and E virus,
EBV, CMV and HIV. Although
rare in travelers, ictero-hemor-
ragic fevers require special
attention due to their high
lethality. The endemic areas
of several tropical viruses
such as those of dengue fever
and chikungunya is rapidly
expanding, due to globalisa-
tion and climate changes,
and must therefore lead to
increased awareness regarding
the etiologic spectrum of fever
with elevated liver enzymes.
However, most of these viral
hepatitides can be prevented
through either immunization,
or strict hygiene measures and
protection against mosquitoes
and tick bites.
Keywords
Acute hepatitis
Travel
Virus
Tropics
diarrhées du voyageur, dont font partie les hépatites,
ne sont retrouvés qu’en cinquième place des patho-
logies du retour les plus fréquentes (3), représentant
moins de 10% des pathologies confirmées. Parmi ces
troubles gastro-intestinaux, 10 % sont attribuables à
une hépatite, l’ordre de fréquence des étiologies virales
retrouvées étant le suivant : hépatites A (3 %), B (2 %),
E (1,3 %) et C (0,6 %), aucune cause n’étant déter-
minée dans 3,4 % des cas. En dehors de la dengue,
l’incidence des hépatites virales purement exotiques
est négligeable chez les voyageurs, et seuls quelques
cas sont sporadiquement rapportés dans la littérature.
En revanche, la dengue est l’étiologie la plus fréquente
des “syndromes fébriles” avec atteinte hépatique au
retour d’Asie et d’Amérique du Sud ; elle est devancée
en Afrique subsaharienne et en Amérique centrale par
le paludisme. Enfin, de nombreuses pathologies virales
ou parasitaires cosmopolites telles que les infections
aiguës à EBV, CMV, VIH, ou encore à Toxoplasma
gondii s’accompagnent d’une élévation transitoire
des enzymes hépatiques et constituent un diagnostic
différentiel à évoquer devant toute fièvre avec cytolyse
hépatique au retour d’un voyage (4, 5).
Les hépatites virales communes
Les hépatites à transmission oro-fécale
Les hépatites A et E sont les seules hépatites à ne pas
évoluer vers la chronicité. Acquises par transmission
oro-fécale (manuportage, contamination d’aliments
mal lavés ou crus), elles sont particulièrement préva-
lentes dans les régions à faible niveau d’hygiène.
La contagiosité de l’hépatite A est maximale en fin
d’incubation qui dure en moyenne 4 semaines (l’éli-
mination des virions dans les selles intervenant au
dixième jour de la période d’incubation), et le virus,
étant très résistant, peut persister dans l’environ-
nement pendant de nombreux mois (6). L’infection
peut être asymptomatique ou se manifester par une
fièvre ictérique classique. La forme fulminante est
exceptionnelle (1 cas pour 1 000) et touche surtout
des personnes âgées non immunisées ou des patients
immunodéprimés éventuellement atteints d’une
autre hépatite chronique. Le diagnostic d’une hépa-
tite A aiguë est principalement sérologique (recherche
d’IgM anti-VHA dans le plasma). Le traitement est
symptomatique et les rechutes ne sont pas rares
(5 à 10 % des cas). La prévention de la transmission
dans les pays où l’hépatite A est endémique passe
par la maîtrise du péril fécal. L’application par les
voyageurs de simples règles d’hygiène (lavage des
mains, consommation d’aliments cuits et de boissons
protégées par des capsules) est un premier pas vers
la rupture de la chaîne de transmission, mais la vacci-
nation reste le meilleur moyen de protection.
Le virus de l’hépatite E est l’une des causes majeures
d’hépatites aiguës ictériques dans les zones endémi-
ques (sous-continent indien, Afrique subsaharienne
et Asie du Sud-Est), et entraîne une morbidité impor-
tante chez les patients porteurs d’autres hépatites
chroniques et les femmes enceintes (7). Toutes les
régions du monde sont cependant touchées, avec
des épidémies sporadiques concernant de quel-
ques dizaines à plusieurs centaines de milliers de
personnes à la fois. Le mode de transmission prin-
cipal est l’ingestion d’eau contaminée ou d’aliments
souillés, mais une contamination verticale de la mère
à l’enfant et des cas isolés de transmission parenté-
rale ont été rapportés. Les manifestations cliniques
sont celles d’une hépatite aiguë ictérique classique.
Le diagnostic repose sur la recherche du virus dans
les selles et le sang par PCR, ainsi que la mise en
évidence d’IgM anti-VHE. En l’absence de vaccin, la
prévention de la transmission passe par l’application
stricte de mesures d’hygiène contrôlant la contami-
nation oro-fécale en zone endémique.
Les hépatites à transmission
sexuelle et parentérale
L’hépatite B est la première cause d’hépatite
chronique et d’hépatocarcinome dans le monde,
avec 370 millions de personnes infectées, dont
750 000 meurent chaque année, ce qui place l’hé-
patite B au 7e rang des causes de décès par maladie
infectieuse (8). L’hépatite C chronique est respon-
sable de 130 millions de cas et 250 000 décès
annuels (10
e
cause de décès par maladie infec-
tieuse). Cependant, la prévalence du portage chro-
nique de ces hépatites diffère beaucoup en fonction
126 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIII - n° 4 - juillet-août 2008
Hépatites à virus exotiques
MISE AU POINT
des régions : elle est bien plus importante dans les
pays du Sud que dans les pays développés (10 %
en moyenne pour l’hépatite B, versus 0,68 % en
France en 2005, et 3 à 10 % pour l’hépatite C, versus
0,86 % en France, en 2005) [9]. C’est pourquoi le
risque d’infection à l’occasion d’un voyage en zone
tropicale est élevé en l’absence de vaccination (pour
ce qui est de l’hépatite B) et en cas de conduites à
risque (rapports sexuels non protégés, consomma-
tion de drogues, accidents d’exposition au sang ou
exposition nosocomiale).
Les hépatites à Flaviviridae
La famille des Flaviviridae regroupe un grand nombre
de virus, dont ceux de l’hépatite C, de la fièvre jaune
ou de la dengue. Les formes asymptomatiques ou
symptomatiques sans signes de gravité sont les plus
courantes, tandis que les formes symptomatiques
s’accompagnent d’un taux de mortalité parfois
élevé.
La fièvre jaune
Actuellement endémique en Afrique et en Amérique
du Sud, la fièvre jaune constituait au XIX
e
siècle
un vrai fléau en Europe du Sud (Espagne) et en
Amérique du Nord. L’analyse phylogénétique du
virus de la fièvre jaune a montré que celui-ci s’est
disséminé à partir de son berceau africain vers les
autres continents par les bateaux transportant les
esclaves… et les moustiques infectés, sans toutefois
atteindre l’Asie ni l’Océanie. Il a maintenant disparu
des pays développés grâce à la vaccination et à la
lutte antivectorielle (assèchement des marécages
où se reproduisaient les moustiques). Toutefois, des
cas sporadiques sont décrits chez les voyageurs non
vaccinés (10, 11) et qui échappent à la vigilance des
autorités sanitaires aéroportuaires des pays endé-
miques, où la vaccination est en principe systéma-
tiquement proposée à tout voyageur qui ne produit
pas un certificat international de vaccination anti-
amarile.
Ce virus se transmet selon deux modes : un cycle
sylvien et un cycle urbain (12). Dans le premier, il
se multiplie chez les primates non humains, puis les
personnes sont infectées par piqûre de moustiques
de type Ædes à l’occasion d’un séjour en forêt. Dans
le second, responsable des épidémies urbaines, le
virus se transmet directement par piqûre d’Ædes
évoluant en ville et eux-mêmes infectés après piqûre
d’une personne ou d’un animal virémique. Il n’existe
pas de transmission interhumaine.
L’action du virus au niveau du foie, organe cible prin-
cipal, est directement cytopathogène. Il nexiste pas
de réponse inflammatoire. La majorité des infections
est asymptomatique, seulement 5 % à 15 % d’entre
elles évoluant vers des formes symptomatiques qui
guérissent le plus souvent sans séquelles. Les signes
cliniques évoluent typiquement en trois phases.
La première, dite “période d’infection, survient
après une période d’incubation de 3 à 6 jours. Elle
associe un syndrome grippal sévère à une pros-
tration avec nausées et vomissements, qui peut
s’accompagner d’une bradycardie non adaptée à
l’hyperthermie constante ; c’est le signe de Faget. Le
patient peut alors guérir ou voir la maladie évoluer
vers la deuxième phase, dite “période de rémission,
au cours de laquelle on observe une amélioration
transitoire. Puis commence la période d’intoxica-
tion : la fièvre disparaît et les signes généraux s’ins-
tallent. Un ictère flamboyant apparaît, accompagné
d’une insuffisance rénale aiguë et d’hémorragies.
Des atteintes cardiaques (insuffisance cardiaque
hypokinétique) peuvent grever le pronostic à long
terme. Les complications neurologiques (encépha-
lite puis coma) aboutissent au décès dans 5 % des
cas environ, en 7 à 10 jours. L’ictère est un facteur
pronostique négatif, associé à une mortalité de
l’ordre de 50 %. Le traitement, après confirmation du
diagnostic par sérologie ELISA ou PCR dans le sang
(ou immunohistochimie dans les tissus), est unique-
ment symptomatique. La protection du voyageur
passe par la vaccination, obligatoire pour se rendre
dans les pays endémiques, et la protection contre les
piqûres de moustique (imprégnation des vêtements
par de la perméthrine, protection cutanée par le
port de pantalons longs et de chemises à manches
longues dès le coucher du soleil, associée à l’appli-
cation de répulsif contenant 50 % de DEET).
La dengue
La dengue est l’arbovirose la plus répandue au
monde, avec une évolution par vagues épidémi-
ques associée aux saisons (recrudescence lors de la
saison des pluies) et un territoire géographique en
pleine expansion. Due à l’un des quatre sérotypes
du virus, elle se transmet par piqûre de moustiques
de type Ædes. Deux formes sont décrites : la plus
courante se présente comme un syndrome grippal
sévère évoluant en deux phases, avec céphalées
sévères rétro-orbitaires, thrombopénie et cytolyse
La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIII - n° 4 - juillet-août 2008 | 127
MISE AU POINT
hépatique, espacées par un court intervalle faisant
croire à une rémission. La guérison intervient ensuite
en quelques jours et s’accompagne d’une asthénie
résiduelle qui peut persister plusieurs mois. Chez
les nouveau-nés de mères porteuses d’anticorps et
chez les personnes ayant déjà été touchées par la
dengue, la réinfection par un sérotype différent du
sérotype initial peut conduire à l’installation d’une
forme fébrile et ictéro-hémorragique aboutissant au
syndrome de choc de la dengue (avec coagulation
intravasculaire disséminée et nécrose hépatique).
Une telle évolution est toutefois exceptionnelle chez
le voyageur, qui ne présente le plus souvent que la
forme modérée de la maladie, diagnostiquée par
sérologie ELISA. Le traitement est là aussi unique-
ment symptomatique, et la prévention repose sur la
protection cutanée contre les piqûres de moustique
(vêtements imprégnés, répulsifs).
Les autres fièvres à Flaviviridae
(fièvre d’Omsk ou de Kyasanur)
Deux autres virus de la famille des Flaviviridae sont
transmis par des tiques et sont responsables d’épi-
démies très localisées de fièvre virale hémorragique
avec nécrose hépatique (en Inde pour la maladie
forestière de Kyasanur [13] et en Russie pour la fièvre
hémorragique d’Omsk [14]). Des cas sporadiques de
transmission interhumaine par le sang contaminé ont
été décrits pour la fièvre d’Omsk. Ces deux patholo-
gies restent toutefois exceptionnelles chez le voya-
geur. Le diagnostic repose sur les sérologies ELISA. Il
n’existe pas là non plus de traitement spécifique, et
la prévention repose sur les mesures de protection
contre les tiques (port de vêtements imprégnés et
couvrant les membres).
Les hépatites à Arenaviridae
Le groupe des Arenaviridae comporte plusieurs
dizaines de virus, dont quatre présentent un tropisme
hépatique grave pour l’homme. Ils sont transmis par
l’intermédiaire de rongeurs vivant près des habita-
tions ; l’homme se contamine par contact direct
avec leurs déjections.
La fièvre de Lassa
C’est la plus grave des maladies à Arenaviridae. Le
tropisme hépatique du virus nest pas au premier
plan, et les atteintes viscérales sont nombreuses
au cours de la phase d’état de la maladie (15). La
plupart des patients sont peu symptomatiques,
seuls 10 à 30 % développant une forme sympto-
matique. Chez les patients hospitalisés, le taux de
mortalité varie entre 15 et 25 %. La phase d’in-
cubation dure 7 à 18 jours ; elle est suivie d’une
phase pseudo-grippale sévère avec une pharyn-
gite, des céphalées sévères, des douleurs rétro-
sternales et lombaires. On constate fréquemment
une toux sèche, des douleurs abdominales et des
épisodes hémorragiques à type d’épistaxis, de
gingivorragie ou d’hémorragie conjonctivale. La
guérison intervient 8 à 10 jours après le début
des symptômes, tandis qu’une évolution défa-
vorable se manifeste par un choc hypovolémique
secondaire à des épanchements viscéraux majeurs.
Le diagnostic s’effectue par sérologie ELISA. Un
traitement par ribavirine associé à des mesures
symptomatiques diminue la mortalité attribuable
à la fièvre de Lassa. La grande transmissibilité du
virus par contact avec les sécrétions des malades
implique l’isolement des ces derniers et l’applica-
tion de mesures d’hygiène très strictes. Très peu
de cas ont été décrits chez les voyageurs (16), le
dernier remontant à l’été 2006 chez un touriste
allemand revenant de Sierra Leone (3). En l’absence
de vaccin, la prévention de la contamination passe
par l’évitement des zones où sévissent les poussées
épidémiques.
Les fièvres hémorragiques des virus
Machupo, Junin, Guanarito
Ces trois virus sont endémiques en Amérique du
Sud (le machupo en Bolivie, le junin en Argentine
et le guaranito au Venezuela) en zone rurale (17),
où la transmission s’effectue par contact direct avec
les rongeurs infectés, par absorption de nourriture
contaminée par l’urine ou par voie aérienne (aéro-
solisation de l’urine infectée). Le tableau clinique
est similaire dans les trois cas : syndrome pseudo-
grippal sévère avec éruption pétéchiale et exan-
thème généralisé. Lévolution peut être fatale en
cas de choc hémorragique. La nécrose hépatique est
toutefois moins sévère que dans la fièvre de Lassa.
Le traitement est uniquement symptomatique, et la
prévention repose sur l’application de mesures d’hy-
giène strictes en zone d’endémie. Il existe un vaccin
contre le virus Junin, mais il n’est jamais proposé
au voyageur, à cause de la quasi-inexistence de cas
rapportés chez les touristes.
128 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIII - n° 4 - juillet-août 2008
Hépatites à virus exotiques
MISE AU POINT
Les hépatites à Filoviridae
Bien que très peu fréquentes, les fièvres hémorragiques
dites Ebola ou Marburg, dont les agents viraux appar-
tiennent à la famille des Filoviridae, ont un impact
majeur en termes de santé publique à cause de leur fort
taux de mortalité (de 25 à 80 %) et de leur potentielle
transmission interhumaine. Ces deux virus sont respon-
sables d’épidémies sporadiques, principalement en
république démocratique du Congo et au Gabon pour
l’Ebola, au Kenya et en Ouganda pour le Marburg (18).
Les chauves-souris sont un des réservoirs animaux iden-
tifiés des virus de la fièvre Ebola (19) et de la fièvre
Marburg (20). Les singes sont fréquemment conta-
minés et développent des formes mortelles sembla-
bles aux formes humaines. La transmission à l’homme
s’effectue par contact rapproché avec des liquides ou
des tissus contaminés. Le risque de transmission inte-
rhumaine à l’occasion des soins apportés aux malades
est très élevé et nécessite une mise en surveillance
stricte des patients contaminés. La période d’incubation
de 2 à 20 jours est suivie de l’installation d’un syndrome
pseudo-grippal intense avec diarrhée aqueuse, puis d’un
syndrome hémorragique diffus au cinquième jour avec
éruptions maculopapuleuses (21). L’atteinte hépatique
reste au second plan, avec une nécrose hépatique focale
et une cytolyse modérée. Le décès survient dans un
tableau d’encéphalite avec défaillance multiviscérale
et le seul traitement possible est symptomatique. Il
nexiste pas à ce jour de moyens préventifs efficaces,
à part éviter les zones épidémiques.
Les hépatites à Bunyaviridae
Certains virus de la famille des Bunyaviridae, qui
comprend aussi les Hantavirus, sont responsables de
fièvres hémorragiques. Le réservoir en est inconnu
(bovins, ovins, caprins peuvent être infectés et servent
de maillon de transmission par contact direct avec
les hommes). La contamination peut aussi s’effectuer
par piqûre de moustiques (Ædes, Culex), pour la fièvre
de la vallée du Rift (22), ou de tique, pour la fièvre
de Crimée-Congo (14, 23). Le tableau clinique est
celui d’un syndrome pseudo-grippal suivi de diarrhée.
Dans 5 % des cas, l’évolution est plus sévère, avec une
méningo-encéphalite, un syndrome hémorragique et
une insuffisance hépatique sur hépatite aiguë ictérique.
Le diagnostic est sérologique, et la ribavirine semble
avoir démontré une certaine efficacité dans le traite-
ment de ces fièvres hémorragiques virales. Il nexiste pas
de vaccin humain à l’heure actuelle (un vaccin animal a
été développé pour la fièvre de la vallée du Rift).
Les hépatites à Togaviridae
La famille des Togaviridae comprend un virus qui a
beaucoup fait parler de lui ces dernières années, le
virus du chikungunya. Transmis par le moustique Ædes,
il est endémique dans plusieurs zones d’Afrique rurale,
mais évolue sous forme de poussées épidémiques en
Asie (Inde, Philippines, péninsule indochinoise) et
tout récemment dans les îles de l’océan Indien, dont
la Réunion, qui a vu la mise en cause d’un virus muté
avec un pouvoir pathogène beaucoup plus important
que précédemment. La transmission de ce virus est
maximale à la saison des pluies. Au cours de l’infection
à chikungunya, les manifestations hépatiques sont
exceptionnelles, l’essentiel des signes cliniques consis-
tant en une éruption cutanée et des arthralgies fébriles.
Toutefois, lors de l’épidémie qui a sévi à la Réunion en
2006 (24), environ 3 % des patients ont présenté une
défaillance multiviscérale (y compris du foie), phéno-
mène rattaché au pouvoir pathogène particulier du
virus muté (25). Des atteintes hépatiques moins graves
(élévation transitoire des transaminases) ont été mises
en évidence chez respectivement 50 % et 67 % des
patients dans deux séries de patients vus à Marseille
(47 patients) et Paris (22 patients) au retour des îles de
l’océan Indien a sévi l’épidémie de 2006 (Comores,
Mayotte, Réunion, Seychelles, Maurice) [26, 27].
Conclusion
Les hépatites aiguës au retour d’un pays tropical
sont devenues une pathologie plus rare du fait d’une
meilleure couverture vaccinale contre les virus des hépa-
tites A et B. Elles sont le plus souvent dues à un agent
infectieux cosmopolite (HAV, HBV, HCV, EBV, CMV,
etc.). Léventail des viroses tropicales avec tropisme
hépatique est large. La fièvre peut s’associer à des signes
ictéro-hémorragiques. Certaines de ces arboviroses (la
dengue en particulier) présentent un risque important
d’extension de leur zone de transmission, de par les
changements climatiques et la mondialisation des
déplacements. D’autres virus, comme le chikungunya,
dont la zone de prévalence s’étend, doivent aussi être
évoqués quand le contexte épidémiologique s’y prête
(retour d’Asie ou des îles de l’océan Indien, mais aussi
d’Afrique subsaharienne pour les formes endémiques).
La plupart de ces hépatites peuvent toutefois être préve-
nues par l’application de mesures préventives simples
comme la vaccination (hépatites A et B), la protection
antivectorielle (tout virus transmis par les moustiques
et les tiques) et l’application de mesures d’hygiène
élémentaires (prévention du péril oro-fécal).
Retrouvez les références
bibliographiques
sur le site www.edimark.fr
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !