Cancer du sein DOSSIeR THÉmATIQue Breast cancer Épidémiologie

Nombre de nouveaux cas pour 100
000 femmes
0
Janvier 2000
Avril 2000
Juillet 2000
Octobre 2000
Janvier 2001
Avril 2001
Juillet 2001
Octobre 2001
Janvier 2002
Avril 2002
Juillet 2002
Octobre 2002
Janvier 2003
Avril 2003
Juillet 2003
Octobre 2003
Janvier 2004
Avril 2004
Juillet 2004
Octobre 2004
Janvier 2005
Avril 2005
Juillet 2005
Octobre 2005
Janvier 2006
Avril 2006
50
100
150
200
250
300
350
400
450
50 ans et plus
30-49 ans
Figure 1. Évolution du taux annuel d’incidence du cancer du sein entre 2000 et 2006
(calculé sur 12 mois glissants).
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 | 7
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2008
Cancer du sein
Breast cancer
Jean-Yves Pierga*, Véronique Diéras*
* Service d’oncologie médicale, Institut
Curie, Paris.
Épidémiologie
Au cours de l’année 2007, une publication de
P.M. Ravdin (1) dans le New England Journal of Medi-
cine rapportait pour la première fois une baisse de
l’incidence du cancer du sein aux États-Unis. Cette
tendance semblait s’être amorcée en 2005-2006,
faisant suite à la diminution radicale des prescrip-
tions de traitements hormonaux substitutifs (THS)
de la ménopause après la diffusion des premières
études de cohorte montrant qu’ils entraînaient une
augmentation significative du risque de cancer du
sein. Début 2008 ont été publiés dans le Bulletin du
Cancer les résultats d’une étude française retrou-
vant la même tendance à la diminution de l’inci-
dence du cancer du sein dans notre pays, d’environ
5 à 6 % par an entre 2004 et 2006 (2) [figure 1].
Paradoxalement, cette diminution survenait alors
que le nombre de mammographies de dépistage
augmentait de plus de 300 %. Par ailleurs, l’utili-
sation de THS diminuait de 62 % de 2000 à 2006.
Une relation entre la diminution de l’utilisation des
THS et la moindre incidence des cancers du sein chez
les femmes ménopausées a été retenue comme une
possible explication (2, 3).
Létude de cohorte française E3N portant sur plus de
80 000 femmes ménopausées montre que le type
de cancer du sein varie selon le type de progestatif
utilisé avec les estrogènes dans le THS. Ainsi, l’aug-
mentation des cas de cancer du sein exprimant les
récepteurs hormonaux (RH+) semble liée à l’utili-
sation de progestatifs autres que la progestérone
naturelle. Une utilisation prolongée du THS (plus
de 5 ans) est associée cependant à plus de cancers
lobulaires et de cancers RE+ RP– (4, 5).
Létude Women’s Health Initiative (WHI), qui compa-
rait chez 15 730 femmes une association d’estrogènes
équins et d’acétate de médroxyprogestérone (MPA)
à un placebo, rapportait, 3 ans en moyenne après
l’arrêt du traitement, une augmentation de l’inci-
dence des cancers, en particulier des cancers du sein,
et une augmentation globale de la mortalité (6). En
revanche, le risque d’événements cardiovasculaires,
augmenté pendant le traitement par THS, se norma-
lise à distance de son arrêt.
Létude CONCORD étudiait la survie globale (SG)
après cancer sur les cinq continents dans les pays
disposant de registres du cancer. La SG est meilleure
dans les pays occidentaux qu’en Algérie, au Brésil
ou en Europe de l’Est. La survie relative du cancer
du sein en France est de 79,8 % à 5 ans, plaçant
notre pays en huitième position, derrière Cuba, les
États-Unis, le Canada, la Suède, le Japon, l’Australie
et la Finlande (7).
Les connaissances sur la prédisposition génétique au
cancer du sein ont nettement évolué au cours des
toutes dernières années. M.R. Stratton en propose
une synthèse sous la forme d’une classification en
trois grandes catégories (8) :
les gènes à pénétrance forte,
associés à une
augmentation de 10 à 20 fois du risque de déve-
8 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009
Résumé
lopper un cancer du sein, comme BRCA1, BRCA2,
P53. Ces altérations génétiques sont rares (moins
de 0,1 % de la population) ;
les gènes à pénétrance modérée
, comme ATM,
BRIP1, CHEK2, PALB2, entraînant une augmentation
du risque relatif (RR) de 2 à 4 fois ; ils sont également
rares (moins de 0,6 % de la population). Ainsi, CHEK2
(cell cycle checkpoint kinase 2) agit comme un gène
suppresseur de tumeur au niveau du noyau, où il
bloque la prolifération cellulaire et initie la réparation
de l’ADN après des cassures double-brin. Un variant,
CHEK2*1100delC, entraîne une perte de cette capa-
cité. Une hétérozygotie pour ce gène est associée à
une augmentation du RR de cancer du sein spora-
dique de 2,7 et, dans un contexte familial, de 4,8,
comme le relève une méta-analyse portant sur plus
de 26 000 patientes et 27 000 témoins (9) ;
les gènes à faible pénétrance, mais fréquem-
ment altérés (5 à 50 % de la population). Les RR
vont de 1,25 à 1,65. La mise en évidence du rôle de
ces gènes a été rendue possible par les techniques
d’analyse des single nucleotide polymorphisms (SNP).
On peut donner comme exemple FGFR2 (10q),
TNRC9 (16q), MAP3K1 (5q), LSP1 (11p) et CASP8.
La fréquence de ces polymorphismes ne permet
pas un dépistage ni une prévention individualisés,
mais inciterait à des stratégies larges de dépistage
dans des populations à risque qui restent à identi-
fier (10). Un autre exemple est le SNP rs10941679
sur le bras court du chromosome 5 (5p12), associé
à une augmentation du risque de cancer du sein
RE+ (RR = 1,27). Le gène le plus proche est MRPS30,
impliqué dans l’apoptose (11).
Une méta-analyse portant sur l’association entre
surcharge pondérale, évaluée par l’indice de masse
corporelle (IMC), et risque de cancer confirme une
relation entre un IMC augmenté et un risque de
cancer du sein majoré après la ménopause (12).
Cette relation est bien plus faible que celle constatée
dans le cancer de l’endomètre et n’est pas retrouvée
avant la ménopause. L’obésité est un facteur défa-
vorable pour la survie lorsque que le cancer du
sein est diagnostiqué (13). Létude observation-
nelle Health, Eating, Activity, and Lifestyle (HEAL),
portant sur 933 patientes, a montré que l’exercice
physique modéré (de l’ordre de 2 à 3 heures de
marche soutenue par semaine) avant mais aussi
après le diagnostic de cancer du sein est associé à
une amélioration du pronostic (14).
Un groupe d’experts français s’est penché sur la
question de la relation entre l’utilisation de déodo-
rants et le risque de cancer du sein, en étudiant
l’effet des sels d’aluminium présents dans ces
produits. Leur conclusion, au vu de l’ensemble des
données de la littérature, est qu’il n’existe aucun
élément scientifiquement établi en faveur de cette
hypothèse (15).
Prévention et dépistage
La tibolone (Livial®) traite les symptômes vaso-
moteurs de la ménopause et prévient l’ostéopo-
rose. Ses métabolites ont un effet estrogénique,
progestéronique et androgénique (16). Un essai
randomisé portant sur 4 538 femmes âgées de
60 à 85 ans, souffrant d’ostéoporose, a comparé
1,25 mg de tibolone quotidien à un placebo. Cette
étude rapporte que la tibolone réduit significative-
ment les fractures ostéoporotiques ainsi que l’inci-
dence des cancers du sein et du côlon. En revanche,
elle a été interrompue en raison d’une augmentation
des accidents vasculaires cérébraux (AVC) [28 cas
versus 13 ; p = 0,02]. Cette molécule est donc contre-
indiquée chez les femmes les plus âgées ou ayant
des facteurs de risque d’AVC. Létude APHRODITE,
portant sur 814 femmes ménopausées ne recevant
pas de traitement estrogénique et ayant une baisse
de la libido, a comparé à un placebo deux doses diffé-
rentes de testostérone en patch (17). Les femmes
recevant 300 μg de testostérone ont constaté une
augmentation de leur désir et de leur satisfaction
sexuelle. Une incertitude quant à l’augmentation
du risque de cancer du sein demeure (4 cas avec le
traitement, aucun dans le bras placebo).
Une étude anglaise a comparé, chez plus de
31 000 femmes passant une mammographie de
dépistage, une double lecture effectuée par deux
radiologues à une lecture effectuée par un seul radio-
logue assisté d’un ordinateur utilisant un logiciel
d’analyse d’image. Cette lecture assistée par ordi-
nateur a permis d’obtenir une sensibilité, une spéci-
ficité et une valeur prédictive positive équivalentes à
celles de la double lecture effectuée par deux radio-
Highlights
After more than 20 years of
high increase, a slight decrease
in the incidence of breast
cancer marked the past year.
New breast cancer suscepti-
bility genes were identified:
CASP 8, CHEK2, frequent genes
but with low penetrance, would
allow the identification of high
risk populations rather than a
personalized screening. New
discoveries led to a better
understanding of tumoral
progression and metastasis.
In the therapeutic area, large
trials and meta-analyses of
chemotherapy and hormono-
therapy were presented and
targeted therapies such as
antiangiogenic compounds
and tyrosine kinase inhibitors
confirmed their indication.
More surprisingly, new data
confirmed the antitumoral
activity of biphosphonates in
an early setting.
Keywords
Breast cancer
Genetic predisposition
Metastasis
Antiangiogenic
Tyrosine kinase inhibitors
Chemotherapy
Hormonotherapy
Mots-clés
Cancer du sein
Prédisposition
génétique
Métastases
Antiangiogéniques
Inhibiteurs de tyrosine
kinase
Chimiothérapie
cytotoxique
Hormonothérapie
L’année 2008 a été marquée par la mise en évidence d’une légère diminution de l’incidence du cancer du sein en
France, après plus de vingt années de forte augmentation. Des découvertes importantes portant sur de nouveaux
gènes de susceptibilité, gènes fréquents mais de peu d’effet car à faible pénétrance, comme CASP8 ou CHEK2,
permettraient non un dépistage individualisé mais l’identification des populations les plus à risque. Plusieurs
avancées ont également été faites dans la compréhension de mécanismes impliqués dans la progression tumo-
rale et, surtout, du processus métastatique. De grands essais randomisés et méta-analyses ont été présentés, et
l’intérêt de certaines thérapies ciblées, comme les antiangiogéniques ou les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI),
a été conforté. De façon plus surprenante, cette année a vu la confirmation d’un effet antitumoral des agents peu
spécifiques que sont les diphosphonates, en particulier le zolédronate, en situation adjuvante.
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009 | 9
DOSSIER THÉMATIQUE
logues (18). Une autre étude du dépistage, portant
sur 2 809 femmes, a comparé la mammographie
seule à la combinaison mammographie et échogra-
phie mammaire. L’association des deux techniques
d’imagerie a significativement augmenté le taux de
détection de cancers, qui passait de 7,6 à 11,8 pour
1 000 femmes, au prix d’une diminution de la valeur
prédictive positive de 22 % à 11 %, entraînant une
augmentation du taux de biopsie pour des lésions
bénignes (19).
Biologie
Signatures génomiques
De nouvelles signatures génomiques, permettant
de mieux prédire le pronostic ou la sensibilité au
traitement, ont été publiées au cours de cette année.
La technique employée repose essentiellement sur
des puces d’expression. Ainsi, l’équipe de A. Potti a
mis au point, à partir d’une série de 964 cas issus
de plusieurs banques de données, une signature
incorporant des données sur des voies de signali-
sation oncogénique comme Ras, Src, TNFα, CTNNB
(β-caténine), ainsi que des signatures prédictives de
réponse à certaines chimiothérapies, pour améliorer
la prédiction du devenir de patientes opérées d’un
cancer du sein localisé (20). Une des signatures les
plus connues, celle de 70 gènes découverte par le
Nederlands Kanker Instituut (NKI) d’Amsterdam
(MammaPrint
®
), fait l’objet d’un essai de validation
prospectif à grande échelle, MINDACT. Initialement
développée chez des patientes n’ayant pas d’atteinte
ganglionnaire (pN0), cette signature a montré sa
valeur chez des patientes ayant 1 à 3 ganglions
positifs (21).
Une équipe s’est particulièrement intéressée à
la biologie des cellules du stroma tumoral en les
recueillant par dissection laser. Une signature des
gènes exprimés par ces cellules impliquant les voies
de la réponse immunitaire, de l’angiogenèse et de la
réponse à l’hypoxie a permis d’obtenir une évaluation
du pronostic des tumeurs indépendante des cellules
tumorales, confirmant l’importance de la réaction
stromale dans l’évolution des tumeurs (22). Une
autre signature, embryonic stem cell, portant sur
les gènes le plus souvent exprimés dans les cellules
souches embryonnaires, avec, en particulier, une
répression des gènes régulés par le gène Polycomb,
a été retrouvée dans les cancers du sein les plus
indifférenciés, le plus souvent de type basal, RH–,
dont le pronostic est le plus sombre (23).
Le cancer du sein de la femme jeune est d’une
manière générale de plus mauvais pronostic.
C.K. Anders, en comparant 200 profils de cancers
du sein chez des femmes âgées de moins de 45 ans à
211 cas concernant des patientes de plus de 65 ans,
a identifié 367 gènes permettant de définir le cancer
de la femme jeune comme une entité biologique
distincte, comportant également une expression
moins fréquente du récepteur β aux estrogènes et
une expression plus fréquente du récepteur à l’epi-
dermal growth factor (EGFR) [24, 25].
Le site de développement des métastases dépend des
sous-types de cancer définis par C. Perou (luminal A
et B, HER2, basal et normal-like [26]), selon une
étude de l’équipe de J.A. Foekens (27). Ainsi, les réci-
dives osseuses sont plus fréquentes dans les formes
luminales A, dans lesquelles on ne retrouve pas de
récidive pulmonaire. La voie d’activation d’adhésion
focale (FAK), augmentée dans les formes luminales A,
est diminuée dans les métastases pulmonaires.
À l’inverse, la voie WNT est activée dans les formes
luminales B et basales, associées à des métastases
cérébrales et pulmonaires.
La mise en évidence d’un nouveau mécanisme de
progression tumorale dans le cancer du sein a été
rapportée dans Nature. La protéine nucléaire SATB1,
agissant comme un organisateur de la chromatine,
se lie à de nombreux loci sur le génome, recrutant
plusieurs enzymes qui régulent la structure de la
chromatine et l’expression des gènes (28). SATB1
entraîne des modifications épigénétiques qui favo-
risent l’expression de gènes du développement des
métastases et répriment des gènes suppresseurs
de tumeur.
Des découvertes importantes concernant le
processus métastatique ont été publiées par l’équipe
de J. Massagué, qui signe une revue de synthèse
sur ce sujet dans le New England Journal of Medi-
cine (29). La cytokine TGFβ, impliquée dans l’éta-
blissement de métastases pulmonaires, induirait
l’expression de l’angiopoietin-like 4 (ANGPTL4) par
les cellules en partance dans la circulation favorisant
une plus grande perméabilité capillaire, en parti-
culier au niveau pulmonaire (30). Un autre méca-
nisme favorisant le développement des métastases
pulmonaires et osseuses est la perte d’expression
des micro-ARN miR-335 et miR-126, qui aurait le
même effet que la perte de gènes suppresseurs
de tumeurs sur la migration et l’invasion tumo-
rales (31).
La transformation d’un carcinome canalaire in situ
en carcinome canalaire invasif reste mal comprise :
les cellules myoépithéliales auraient tendance à
10 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009
Cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2008
l’empêcher, alors que les fibroblastes la faciliteraient,
impliquant également TGFβ mais aussi Hedgehog
ou p63 (32).
On peut noter aussi la mise en évidence de méca-
nismes de résistance à certains traitements, comme
les inhibiteurs de PARP ou les sels de platine, en cas
de mutation du gène BRCA2 (33, 34) ou encore l’as-
sociation de larges mutations dans le gène PTEN avec
un phénotype de tumeur de type basal-like (35).
Les caractéristiques des carcinomes lobulaires ont
été reconsidérées en fonction des données des
13 220 patientes incluses dans les essais de l’In-
ternational Breast Cancer Study Group (IBCSG).
Les carcinomes lobulaires représentent 6,2 % des
cas de la série ; les tumeurs sont plus grandes, plus
fréquentes après 50 ans et expriment plus souvent
les RH. Les taux de mastectomies sont plus élevés.
On observe une meilleure survie sans récidive (SSR)
à 6 ans et une meilleure SG à 10 ans dans les cas de
carcinome lobulaire infiltrant (CLI) ; cette tendance
s’inverse à long terme (36). Les récidives étaient
plus fréquentes au niveau osseux et plus rares aux
niveaux pulmonaire et loco-régional.
Traitement loco-régional
Chirurgie
Leffet préventif de l’annexectomie bilatérale a été
étudié dans une série prospective de 1 079 femmes
porteuses de mutations de BRCA1 ou de BRCA2. Les
mutations de BRCA2, moins fréquentes que celles de
BRCA1, exposent au même risque de cancer du sein,
mais à un risque 2 fois plus faible de cancer de l’ovaire.
Les cancers du sein expriment moins souvent les RH en
cas de mutation de BRCA1 qu’en cas de mutation de
BRCA2. Après 3 ans de suivi médian, l’annexectomie
réduit de façon significative le risque de cancer de
l’ovaire en cas de mutation de BRCA1 et le risque de
cancer du sein en cas de mutation de BRCA2 (37).
Un lymphœdème peut survenir dans 5 % des cas
après une biopsie du ganglion sentinelle, et dans
16 % des cas lors d’un curage, les facteurs favorisants
étant un poids plus élevé, un IMC élevé et une infec-
tion ou une blessure du côté opéré (38, 39).
L’analyse des essais de l’American College of Surgeons
Oncology Group Z0010 et Z0011, portant sur près
de 1 000 patientes, a montré qu’il n’y avait pas plus
de complications après un curage faisant suite à une
biopsie du ganglion sentinelle positive – et nécessi-
tant donc un deuxième temps opératoire – qu’après
un curage axillaire complet d’emblée (40).
Une technique d’analyse du ganglion sentinelle en
peropératoire utilisant une RT-PCR pour la mamma-
globine et la cytokératine a été testée sur un échan-
tillon de 304 patientes et validée sur 416 (41). Après
un délai allant de 36 à 46 minutes, le test permet de
savoir, avec une sensibilité de 88 % et une spécificité
de 94 %, si le ganglion sentinelle est positif, ce qui
justifie un curage axillaire complet.
Notons également une revue effectuée par
P.G. Cordeiro et publiée dans le New England Journal
of Medicine, portant sur la chirurgie reconstructive
après cancer du sein (42).
Radiothérapie
Les résultats de deux essais randomisés, réalisés au
Royaume-Uni, d’hypofractionnement de la radio-
thérapie adjuvante dans le cancer du sein, présentés
au congrès de l’ASCO en 2007, ont été publiés dans
le Lancet en 2008 (43). Le premier essai, START-A,
ayant inclus 2 236 patientes, comportait trois bras
et comparait le standard de 50 Gy en 25 fractions
de 2 Gy sur 5 semaines à 39 Gy en 13 fractions de
3 Gy sur 5 semaines et à 41,6 Gy en 13 fractions de
3,2 Gy sur 5 semaines (44). Le second essai, START-B,
réalisé parallèlement dans d’autres centres, a inclus
2 215 patientes, randomisées en deux bras : soit
le standard de 50 Gy en 25 fractions de 2 Gy sur
5 semaines, soit un bras hypofractionné et accéléré de
40 Gy en 15 fractions de 2,67 Gy sur 3 semaines (45).
Pour les deux essais START, les résultats sur l’aspect
du sein, évalués par la patiente elle-même ou par le
médecin, ne montraient aucun effet défavorable de
la diminution du nombre de séances d’irradiation. Le
taux de récidive locale ne semblait pas être augmenté
dans les bras expérimentaux. Les auteurs concluaient
que l’hypofractionnement constituait une option
intéressante dans la radiothérapie du cancer du sein.
Les analyses concernant la récidive locale nécessitent
un recul bien plus important (10 ans). Lévaluation
des séquelles à long terme nécessite des délais encore
plus longs, dépassant 15 ans, comme le montrent
les données sur les complications cardiaques à long
terme, la fibrose, voire les plexites. Enfin, l’irradiation
en boost du site tumoral, lorsqu’elle était indiquée,
se faisait en fractionnement classique.
Imagerie
Une étude par PET scan portant sur 53 patientes
atteintes de cancer du sein localement avancé a
Survie sans maladie (%)
Patientes à risque (n)
Délai depuis la randomisation (mois)
0
0 84726048362412
904
899
Sans ZOL
ZOL 60
59
161
131
265
270
441
434
565
573
735
744
838
851
20
40
60
80
100
p = 0,011
ZOL
Sans ZOL
Nombre
d'événements
54/904
83/899
HR (IC95)
versus sans ZOL
0,643 (0,46-0,91)
Décès sans récidive
tumorale
Cancer secondaire
Cancer du sein
controlatéral
Récidive à distance
Récidive locorégionale
0
Sans ZOL
(n = 904)
20
40
60
80
100
20
41
10
10
2
ZOL
(n = 899)
10
29
6
9
0
Figure 2. Étude ABCSG-12 : l’acide zolédronique améliore significativement la survie
sans maladie par rapport à l’hormonothérapie seule.
12 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009
Cancer du sein
DOSSIER THÉMATIQUE
Rétrospective 2008
montré une corrélation entre une faible réponse,
voire une absence de réponse, à la chimiothé-
rapie – se traduisant par une faible réduction, ou
une absence de réduction, de la captation du radio-
traceur – et une diminution de la SG (46). Une autre
étude, portant sur 60 femmes atteintes de tumeurs
non inflammatoires de taille > 3 cm, a témoigné de
la bonne sensibilité et de la bonne spécificité du PET
scan dans le bilan préopératoire pour trouver les
ganglions à distance ou les métastases, mais non les
ganglions locorégionaux : la sensibilité et la spécifi-
cité du PET scan pour la découverte des métastases
ont été, respectivement, de 100 % et 98 % (versus
60 % et 83 % pour l’imagerie conventionnelle) [47].
Vingt des 52 malades ayant subi un curage axillaire
avaient des ganglions envahis, dont 14 avaient été
détectés par le PET scan, et 2 par l’examen clinique.
Cela correspond à une sensibilité et une spécificité
du PET scan de 70 % et 100 %, respectivement, pour
le dépistage des ganglions envahis au niveau axil-
laire. Si le PET scan sous-estime l’atteinte ganglion-
naire axillaire dans les cancers évolués du sein, il
permet, à l’inverse, d’éliminer de fausses métastases
dont d’autres examens faisaient à tort soupçonner
la présence.
Une étude rétrospective portant sur 756 patientes
ayant eu un traitement conservateur du sein suivi de
radiothérapie après une chirurgie pour un carcinome
invasif ou un cancer in situ avec un suivi médian
de près de 5 ans ne montre aucune différence en
termes de SSR, de SG et de contrôle local, que
les patientes aient eu ou non une IRM mammaire
pré opératoire (48).
Traitements adjuvants
Diphosphonates
Létude autrichienne ABCSG-12, randomisée, à
4 bras, menée chez des patientes non ménopausées
et ne recevant pas de chimiothérapie adjuvante,
soulevait deux questions : l’anastrozole fait-il mieux
que le tamoxifène en association avec la goséré-
line pendant 3 ans ? Le zolédronate (4 mg tous les
6 mois) a-t-il un rôle en situation adjuvante ? Le
zolédronate prévient la perte osseuse induite par la
castration, accentuée dans le bras avec inhibiteur de
l’aromatase. Après 5 ans de suivi, la densitométrie
osseuse s’est même accrue sous zolédronate (49).
L’analyse de la survie sans maladie, présentée au
congrès de l’ASCO en session plénière, n’a pas permis
de montrer de bénéfice des inhibiteurs de l’aroma-
tase par rapport au tamoxifène. La deuxième analyse
de cette étude a porté sur les résultats saisissants
de l’ajout du zolédronate : ce dernier réduit le RR
de rechute de 36 %, de manière très significative
(HR : 0,64 ; p = 0,011) [figure 2]. Ce résultat s’ob-
serve pour tous les types de rechute : locorégionale,
à distance, voire controlatérale. Les analyses de sous-
groupes (taille, grade, âge, RE, RP, pN, type de trai-
tement hormonal) n’en isolent aucun. Ces résultats
se confirment en survie sans rechute, mais on ne
peut pas encore observer de bénéfice en SG (50).
Il s’agit du deuxième essai clinique montrant un
effet antitumoral des diphosphonates en situation
adjuvante ; il fait suite à l’essai de I.J. Diel et al., qui
remonte à 1998 (51) [figure 2].
Lessai ZO-FAST, portant sur 1 065 patientes méno-
pausées recevant un traitement adjuvant par létro-
zole, comparait une injection tous les 6 mois de
zolédronate d’emblée à un traitement uniquement
entrepris si, au cours du suivi, il apparaissait une dimi-
nution significative de la densitométrie osseuse (52).
Après 1 an de suivi, la densitométrie osseuse était
significativement augmentée dans le bras traitement
immédiat. Des résultats préliminaires, présentés au
congrès de San Antonio 2008, montrent également
une amélioration de la survie sans événement dans
le bras recevant un traitement d’emblée par zolé-
dronate (p = 0,0314).
Les diphosphonates agiraient en bloquant la stimu-
lation ostéoclastique, et auraient en outre des
propriétés antiangiogéniques et antitumorales. Sur
des lignées cellulaires implantées sur des souris, il
a été démontré un effet antitumoral direct de l’in-
jection de zolédronate en association séquentielle
avec la chimiothérapie (doxorubicine suivie, après
1 / 12 100%