8 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 1 - janvier 2009
Résumé
lopper un cancer du sein, comme BRCA1, BRCA2,
P53. Ces altérations génétiques sont rares (moins
de 0,1 % de la population) ;
les gènes à pénétrance modérée
➤
, comme ATM,
BRIP1, CHEK2, PALB2, entraînant une augmentation
du risque relatif (RR) de 2 à 4 fois ; ils sont également
rares (moins de 0,6 % de la population). Ainsi, CHEK2
(cell cycle checkpoint kinase 2) agit comme un gène
suppresseur de tumeur au niveau du noyau, où il
bloque la prolifération cellulaire et initie la réparation
de l’ADN après des cassures double-brin. Un variant,
CHEK2*1100delC, entraîne une perte de cette capa-
cité. Une hétérozygotie pour ce gène est associée à
une augmentation du RR de cancer du sein spora-
dique de 2,7 et, dans un contexte familial, de 4,8,
comme le relève une méta-analyse portant sur plus
de 26 000 patientes et 27 000 témoins (9) ;
les gènes à faible pénétrance, mais fréquem-
➤
ment altérés (5 à 50 % de la population). Les RR
vont de 1,25 à 1,65. La mise en évidence du rôle de
ces gènes a été rendue possible par les techniques
d’analyse des single nucleotide polymorphisms (SNP).
On peut donner comme exemple FGFR2 (10q),
TNRC9 (16q), MAP3K1 (5q), LSP1 (11p) et CASP8.
La fréquence de ces polymorphismes ne permet
pas un dépistage ni une prévention individualisés,
mais inciterait à des stratégies larges de dépistage
dans des populations à risque qui restent à identi-
fier (10). Un autre exemple est le SNP rs10941679
sur le bras court du chromosome 5 (5p12), associé
à une augmentation du risque de cancer du sein
RE+ (RR = 1,27). Le gène le plus proche est MRPS30,
impliqué dans l’apoptose (11).
Une méta-analyse portant sur l’association entre
surcharge pondérale, évaluée par l’indice de masse
corporelle (IMC), et risque de cancer confirme une
relation entre un IMC augmenté et un risque de
cancer du sein majoré après la ménopause (12).
Cette relation est bien plus faible que celle constatée
dans le cancer de l’endomètre et n’est pas retrouvée
avant la ménopause. L’obésité est un facteur défa-
vorable pour la survie lorsque que le cancer du
sein est diagnostiqué (13). L’étude observation-
nelle Health, Eating, Activity, and Lifestyle (HEAL),
portant sur 933 patientes, a montré que l’exercice
physique modéré (de l’ordre de 2 à 3 heures de
marche soutenue par semaine) avant mais aussi
après le diagnostic de cancer du sein est associé à
une amélioration du pronostic (14).
Un groupe d’experts français s’est penché sur la
question de la relation entre l’utilisation de déodo-
rants et le risque de cancer du sein, en étudiant
l’effet des sels d’aluminium présents dans ces
produits. Leur conclusion, au vu de l’ensemble des
données de la littérature, est qu’il n’existe aucun
élément scientifiquement établi en faveur de cette
hypothèse (15).
Prévention et dépistage
La tibolone (Livial®) traite les symptômes vaso-
moteurs de la ménopause et prévient l’ostéopo-
rose. Ses métabolites ont un effet estrogénique,
progestéronique et androgénique (16). Un essai
randomisé portant sur 4 538 femmes âgées de
60 à 85 ans, souffrant d’ostéoporose, a comparé
1,25 mg de tibolone quotidien à un placebo. Cette
étude rapporte que la tibolone réduit significative-
ment les fractures ostéoporotiques ainsi que l’inci-
dence des cancers du sein et du côlon. En revanche,
elle a été interrompue en raison d’une augmentation
des accidents vasculaires cérébraux (AVC) [28 cas
versus 13 ; p = 0,02]. Cette molécule est donc contre-
indiquée chez les femmes les plus âgées ou ayant
des facteurs de risque d’AVC. L’étude APHRODITE,
portant sur 814 femmes ménopausées ne recevant
pas de traitement estrogénique et ayant une baisse
de la libido, a comparé à un placebo deux doses diffé-
rentes de testostérone en patch (17). Les femmes
recevant 300 μg de testostérone ont constaté une
augmentation de leur désir et de leur satisfaction
sexuelle. Une incertitude quant à l’augmentation
du risque de cancer du sein demeure (4 cas avec le
traitement, aucun dans le bras placebo).
Une étude anglaise a comparé, chez plus de
31 000 femmes passant une mammographie de
dépistage, une double lecture effectuée par deux
radiologues à une lecture effectuée par un seul radio-
logue assisté d’un ordinateur utilisant un logiciel
d’analyse d’image. Cette lecture assistée par ordi-
nateur a permis d’obtenir une sensibilité, une spéci-
ficité et une valeur prédictive positive équivalentes à
celles de la double lecture effectuée par deux radio-
Highlights
After more than 20 years of
high increase, a slight decrease
in the incidence of breast
cancer marked the past year.
New breast cancer suscepti-
bility genes were identified:
CASP 8, CHEK2, frequent genes
but with low penetrance, would
allow the identification of high
risk populations rather than a
personalized screening. New
discoveries led to a better
understanding of tumoral
progression and metastasis.
In the therapeutic area, large
trials and meta-analyses of
chemotherapy and hormono-
therapy were presented and
targeted therapies such as
antiangiogenic compounds
and tyrosine kinase inhibitors
confirmed their indication.
More surprisingly, new data
confirmed the antitumoral
activity of biphosphonates in
an early setting.
Keywords
Breast cancer
Genetic predisposition
Metastasis
Antiangiogenic
Tyrosine kinase inhibitors
Chemotherapy
Hormonotherapy
Mots-clés
Cancer du sein
Prédisposition
génétique
Métastases
Antiangiogéniques
Inhibiteurs de tyrosine
kinase
Chimiothérapie
cytotoxique
Hormonothérapie
L’année 2008 a été marquée par la mise en évidence d’une légère diminution de l’incidence du cancer du sein en
France, après plus de vingt années de forte augmentation. Des découvertes importantes portant sur de nouveaux
gènes de susceptibilité, gènes fréquents mais de peu d’effet car à faible pénétrance, comme CASP8 ou CHEK2,
permettraient non un dépistage individualisé mais l’identification des populations les plus à risque. Plusieurs
avancées ont également été faites dans la compréhension de mécanismes impliqués dans la progression tumo-
rale et, surtout, du processus métastatique. De grands essais randomisés et méta-analyses ont été présentés, et
l’intérêt de certaines thérapies ciblées, comme les antiangiogéniques ou les inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI),
a été conforté. De façon plus surprenante, cette année a vu la confirmation d’un effet antitumoral des agents peu
spécifiques que sont les diphosphonates, en particulier le zolédronate, en situation adjuvante.