La question Chez un malade Alzheimer modérée à sévère,

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La question
Chez un malade Alzheimer modérée à sévère,
faut-il remettre un certificat attestant du risque
de la conduite automobile ?
50
42 %
La réponse
des neurologues
40
34 %
30
24 %
20
Nombre de réponses : 180
10
0
Les résultats de cette enquête, s’ils peuvent paraître illogiques,
voire choquants, ne sont toutefois pas surprenants. De fait, ils
sont un reflet assez réaliste de la situation actuelle en France.
Dans ce sondage, une majorité de confrères (42 %) ont déclaré
qu’il ne fallait pas remettre de certificat attestant du risque lié à
la conduite automobile, alors même que la question spécifiait
bien que le patient concerné était atteint d’une maladie d’Alzheimer (MA) à un stade modéré à sévère !
oui : 61
non : 75
NSP : 44
D’autres se contentent d’un simple avertissement verbal. Malheureusement, une simple consigne verbale est vite oubliée,
surtout par un patient souffrant de troubles mnésiques.
Un résultat illogique et choquant ?
Plusieurs enquêtes épidémiologiques récentes ont pourtant
démontré que les patients atteints d’une MA à ces stades évolutifs avaient un risque élevé d’être la cause et/ou d’être victimes
d’un accident de la route. Sachant cela, il paraît illogique de ne
pas signifier de façon vigoureuse à un patient qu’il ne doit plus
conduire. Qui accepterait de voir quelqu’un de sa famille victime d’un accident causé par un grand dément ? Sans oublier le
risque, toujours croissant, qu’un médecin se voie un jour reprocher par les victimes, ou même par la famille du patient, de ne
pas avoir signifié cette interdiction.
Comment comprendre cette attitude ?
Tout d’abord, dans l’inconscient collectif, la voiture est un
symbole de liberté individuelle, liberté qu’on répugne à restreindre. De plus, il existe de nombreux obstacles concrets :
– l’interdiction de la conduite est souvent très mal acceptée par
les patients, qui la vivent comme une punition ;
– la famille peut avoir le plus grand mal à faire respecter cette
interdiction, face à un patient qui la refuse ou qui devient
agressif ;
– l’interdiction peut aussi poser de réels problèmes pratiques
(notamment en milieu rural), quand le conjoint malade est le
seul à savoir conduire ;
– enfin, le médecin peut juger qu’il est difficile d’apprécier la
compétence du patient à conduire. Bien que ce problème soit
tout à fait pertinent au stade initial, on peut considérer l’argument comme très spécieux à un stade modéré à sévère.
Un résultat pourtant attendu
De fait, beaucoup de médecins répugnent à avoir une attitude
ferme dans ce cadre. Certains n’interviennent pas du tout.
Pour des patients à un stade modéré à sévère
L’attitude qui me paraît la plus recommandable est la suivante :
– expliquer au patient et à sa famille (conjoint, enfants) les rai-
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sons de l’interdiction de conduire, à savoir les risques pour le
patient et les autres ;
– expliquer qu’une compagnie d’assurances peut parfaitement
faire une enquête et considérer que la maladie aurait dû être
déclarée et, de ce fait, considérer qu’il y a rupture de contrat.
Le patient et sa famille pourraient être amenés à payer l’intégralité des frais liés au dommage ;
– signifier très fermement oralement l’interdiction de conduire,
si possible devant un témoin externe (infirmière de consultation, secrétaire médicale…) ;
– noter cette interdiction sur le dossier médical ;
– remettre en mains propres un bref certificat non descriptif
(sans diagnostic) “Je soussigné… certifie que, à dater de ce
jour, l’état de santé de X n’est plus compatible avec la conduite
automobile.” Date. Signature ;
– la jurisprudence actuelle ne pousse pas à faire signer ce certificat ou le dossier par le patient. De ce fait, pour la traçabilité
de cette information (le médecin doit faire la preuve qu’il a
bien donné l’information), il peut être utile soit de faire signer
un témoin externe (voir précédemment) ou le conjoint, soit
d’envoyer par recommandé avec accusé de réception un double
du certificat au domicile du patient.
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Pour des patients à un stade léger
L’attitude peut être plus nuancée. Pour ma part, je pense qu’il
serait préférable de procéder comme pour les stades plus avancés. On peut envisager de tester l’aptitude à conduire soit par
des tests neuropsychologiques (article de C. Thomas Antérion
dans le supplément de La lettre du neurologue : “Données
récentes sur les démences”, juillet 2000, page 8), soit en recommandant au patient de prendre l’avis d’un moniteur d’autoécole.
En conclusion, il me semble indispensable que notre pratique
évolue dans le sens d’une meilleure prise en compte de ce délicat problème. Les conséquences d’une abstention seraient trop
sérieuses.
n
Pr S. Bakchine,
service de neurologie,
CHU Maison-Blanche,
Reims.
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