La Lettre du Pharmacologue - vol. 22 - n° 2 - avril-mai-juin 2008
Dossier médicaments anticancéreux
Dossier médicaments anticancéreux
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RÉSUMÉ
La dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) est l’enzyme
clé du catabolisme de la famille des uoropyrimidines, dont
le chef de le est le 5-uorouracile (5-FU), et ses prodrogues
orales, parmi lesquelles la capécitabine et le ftorafur (UFT,
S1). De nombreuses mutations ont été identiées sur le
gène de la DPD (DPYD), dont certaines ont des répercus-
sions fonctionnelles sur l’activité enzymatique. Les décits
en DPD sont à l’origine de toxicités graves, voire mortelles,
chez les patients traités. La fréquence de prescription des
uoropyrimidines, l’utilisation de fortes doses, l’extension
des indications et la sévérité des toxicités aiguës dues à
des décits enzymatiques font de leur dépistage une prio-
rité médicale et de santé publique. Dans cette revue, nous
présentons les diérentes approches rapportées dans la
littérature et les comparons essentiellement en termes
de validité et de compatibilité avec la pratique clinique
courante. La détection des décits en DPD est d’ores et
déjà possible et permet d’éviter des complications aiguës
graves.
Mots-clés : 5-uorouracile – Fluoropyrimidines – Dihydropy-
rimidine déshydrogénase – Toxicité – Pharmacogénétique
– Variant – Pharmacogénomique – Pharmacocinétique.
SUMMARY
Dihydropyrimidine dehydrogenase (DPD) is a key enzyme in the
metabolic catabolism of uoropyrimidines, such as 5-uorou-
racil and its oral prodrug derivatives, including capecitabine
and ftorafur (UFT, S1). Numerous genetic mutations have been
identied in the DPD gene locus (DPYD), with a few variants
having functional consequences on enzymatic activity. The allele
frequency is 5% for heterozygoty and 0.2% for homozygoty. It
is correlated to the frequency of DPD activity deciency that
has been frequently reported to cause early severe, sometimes
lethal, uoropyrimidine-related adverse events, regardless of the
drug. Taking in account the wide and frequent use of uoropy-
rimidines, in both advanced and adjuvant settings, it is clearly
a problem of public healthcare that cannot be underestimated.
We review in the present article the performances of assays
that assess DPD and DPYD status, with an emphasis on their
respective robustness and suitability for routine clinical appli-
cations. We show that DPD deciency can already be detected
before to treatment in practice and this detection could avoid
life-threatening uoropyrimidines toxic side-eects.
Keywords: 5-uorouracile – Fluoropyrimidines – Dihydro-
pyrimidine dehydrogenase – Toxicity – Pharmacogenetics –
SNP – Pharmacogenomics – Pharmacokinetics.
Dérivés fluoropyrimidiques et déficit en dihydropyrimidine
déshydrogénase
Fluoropyrimidines and DPD deficiency
●● Michèle Boisdron-Celle*, Alain Morel*, Gérard Milano**, Erick Gamelin*
* Laboratoire d’oncopharmacologie-pharmacogénétique, INSERM CR2C U892, CRLCC Paul
Papin, Angers.
** Laboratoire d’oncopharmacologie, CRLCC Antoine Lacassagne, Nice.
L
e 5-fluorouracile (5-FU), comme la plupart des agents
anticancéreux, possède un index thérapeutique étroit. De
nombreuses toxicités, parfois sévères, sont rapportées chez
les patients traités en situation conventionnelle, adjuvante ou
métastatique. Ces effets toxiques sont dus à une surexposition
au médicament, liée à une large variabilité interindividuelle du
métabolisme, lequel dépend principalement de l’activité de la
dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), l’enzyme majeure
de catabolisme du 5-FU. Ainsi, les patients présentant un déficit
de l’activité de cette enzyme ont un risque accru de toxicité
aiguë, précoce et grave avec ce médicament, mais aussi avec
les fluoropyrimidines orales disponibles en France : l’UFT et la
capécitabine (1). Ces toxicités se manifestent principalement
au niveau du tractus digestif et de la moelle osseuse, voire au
niveau du système nerveux central, pouvant aboutir à une toxi-
cité polyviscérale grave, potentiellement mortelle. Elles ont pu
être rapportées à des déficits en DPD, partiels ou complets,
dont les fréquences dans la population sont estimées à 3-5 %
et 0,2 % respectivement. En fait, l’activité de la DPD dans la
population générale suit une courbe de Gauss et est soumise à
un polymorphisme d’origine génétique de transmission auto-
somale codominante. Des cas de pyrimidinuries familiales ont
été décrits, mettant en évidence des déficits complets chez
des enfants présentant des concentrations élevées d’uracile
et de thymine dans le sang et l’urine mais aussi dans le liquide
céphalorachidien (2).