À ce propos, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous
dire, concernant les élus corses, qu’il en est un, tout particu-
lièrement, qui a toujours réagi contre le terrorisme, les
errements nationalistes, qui a toujours défendu les valeurs
fondamentales de la République, de l’ordre républicain. Cet
élu s’appelle Nicolas Alfonsi, sénateur radical de la Corse-du-
Sud, et il est regrettable que nombre de gouvernements, de
gauche et de droite, de ministres de l’intérieur n’aient pas fait
suffisamment cas de ses propos et de son comportement
intègre et courageux.
L’essentiel, c’est que la commission mixte paritaire, réunie
au Sénat le 6 décembre dernier pour élaborer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi, soit
parvenue à un accord équilibré, qui tient compte des préoc-
cupations des deux assemblées.
Cet accord équilibré, monsieur le ministre, eût été plus
facile à obtenir si nous avions pu éviter une excessive préci-
pitation et des adjonctions introduites le jour du débat à
l’Assemblée nationale, inspirées par des faits divers tragiques.
On ne légifère pas bien ainsi. Je passerai sur la diversité des
positions exprimées par les groupes majoritaires de l’Assem-
blée nationale et du Sénat : les radicaux, et d’autres avec eux,
étaient là pour ramener l’harmonie ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je crois aussi que le prési-
dent de la commission des lois de l’Assemblée nationale aurait
pu épargner aux sénateurs son couplet sur le thème du dernier
mot revenant de toute façon aux députés. Cela étant, nous lui
pardonnons : il était, semble-t-il, perturbé par des messages
extérieurs…(Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
Absolument ! Vous avez raison, monsieur le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Merci, monsieur le prési-
dent de la commission. Je constate que mon message, qui ne
se voulait aucunement subliminal, est entendu !
Sur les huit articles que comprenait le texte issu des travaux
du Sénat, l’Assemblée nationale en a adopté deux conformes,
elle en a supprimé un et modifié les cinq autres. Elle a en
outre inséré six articles additionnels. La commission mixte
paritaire était ainsi appelée à débattre de douze articles.
J’indique, pour mémoire, mais ce point est important, que
l’article 1er, qui vise à proroger certaines des dispositions issues
de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le
terrorisme –je pense en particulier aux interceptions dites
« de sécurité » –, n’a suscité aucune difficulté et a été adopté
dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale.
L’article 2 du projet de loi, dans la version du Gouverne-
ment, visait à élargir la compétence des juridictions pénales
françaises aux infractions terroristes commises à l’étranger par
des Français. Le Sénat avait encore étendu cette compétence
aux infractions à caractère terroriste commises à l’étranger par
des personnes titulaires d’un titre de séjour les autorisant à
résider sur le territoire français. Nos collègues députés ont
considéré que cette rédaction excluait notamment les
« citoyens européens », qui sont, depuis 2006, dispensés de
l’obligation de détenir un titre de séjour. Ils ont donc choisi de
viser les « personnes résidant habituellement sur le territoire
français ». Malgré les réserves que nous inspirait le caractère
peut-être insuffisamment précis de cette notion, nous nous
sommes ralliés à la position de l’Assemblée nationale.
L’article 2 bis A, inséré par l’Assemblée nationale sur l’initia-
tive de M. Ciotti, visait à mentionner expressément le
chantage dans la liste des infractions pouvant être qualifiées
d’actes de terrorisme. Le Sénat avait rejeté un amendement
ayant un objet identique au motif qu’il était redondant de
viser le chantage puisque l’extorsion, déjà mentionnée dans la
liste des infractions susceptibles d’être qualifiées d’actes de
terrorisme, comprend non seulement l’extorsion stricto sensu,
mais aussi le chantage. Considérant que cette mention n’ajou-
tait rien à notre droit, la commission mixte paritaire a
supprimé l’article 2 bis A, revenant ainsi à la position
défendue par le Sénat.
L’article 2 bis avait été introduit par le Sénat sur l’initiative
de Jean-Jacques Hyest et de Michel Mercier. Il tend à incri-
miner les actes de recrutement en vue de participer à une
association de malfaiteurs à visée terroriste, même lorsque ces
actes ne sont pas suivis d’effets. La commission des lois de
l’Assemblée nationale l’a supprimé, considérant que cette
incrimination spécifique affaiblirait l’efficacité de l’infraction
d’association de malfaiteurs. Au sein de la commission mixte
paritaire, nous avons fait valoir que le droit en vigueur laissait
subsister une lacune, car lorsque l’acte de recrutement n’est
pas suivi d’effets, l’infraction d’association de malfaiteurs ne
peut pas être constituée. Ce nouveau délit permet justement
de combler cette lacune : nos collègues députés nous ont suivis
et la commission mixte paritaire a rétabli cette disposition.
L’article 2 ter a été introduit par le Sénat par la voie de
l’adoption d’un amendement de Jean-Jacques Hyest, sous-
amendé par la commission. Il autorise le placement en déten-
tion provisoire et allonge le délai de prescription de l’action
publique pour le délit de provocation au terrorisme. Il a été
maintenu par l’Assemblée nationale, sous réserve d’améliora-
tions rédactionnelles tout à fait opportunes. La commission
mixte paritaire l’a approuvé.
L’article 2 quater A, inséré par l’Assemblée nationale,
complète le dispositif d’indemnisation des victimes d’actes
de terrorisme par le fonds de garantie. Cette excellente et
très utile disposition a été approuvée par la commission
mixte paritaire.
L’Assemblée nationale a adopté en commission une série de
trois amendements du Gouvernement créant les
articles 2 quater, 2 quinquies et 2 sexies. Bercy avait encore
frappé ! Ces dispositions, inspirées par le ministère de
l’économie et des finances et qui n’avaient pas été annoncées
au Sénat, ont pour objet de faciliter le gel des avoirs financiers.
D’abord, elles étendent le champ de cette procédure aux
personnes incitant à des actes de terrorisme, alors que
n’étaient visées auparavant que celles qui commettent de
tels actes, tentent d’en commettre, les facilitent ou y partici-
pent.
Ensuite, elles permettent la publication, sous forme de
simples extraits, des décisions de gel des avoirs, afin de
protéger les auteurs de ces décisions.
Enfin, elles ajoutent une nouvelle exception au secret
bancaire, valant principalement dans le cadre de la préparation
des opérations de gel d’avoirs.
Au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, j’ai
regretté que cette extension significative des pouvoirs de
l’administration en matière de gel d’avoirs et de recueil
d’informations bancaires n’ait pu être discutée en séance
publique par le Sénat.
SÉNAT –SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 2012 5775