SÉNAT
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Séance du jeudi 7 juillet 2011
(5ejour de séance de la session)
Année 2011. N
o
73 S. (C.R.)
ISSN 0755-544X
Vendredi 8 juillet 2011
7 771051 107309
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD FRIMAT
Secrétaire :
Mme Sylvie Desmarescaux.
1. Procès-verbal (p. 6037)
2. Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année
2010. Adoption définitive dun projet de loi (p. 6037)
Discussion générale : MM. Pierre Lellouche, secrétaire d'État
chargé du commerce extérieur ; Philippe Marini, rappor-
teur général de la commission des finances.
Mme Françoise Laborde, MM. Thierry Foucaud, François
Marc, Pierre Bernard-Reymond.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 7. Adoption (p. 6048)
Vote sur lensemble (p. 6075)
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 6075)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 6075)
DIFFICULTÉS DANS LES TERRITOIRES (p. 6075)
Mme Catherine Tasca, M. Philippe Richert, ministre chargé
des collectivités territoriales.
SCHÉMAS DIRECTEURS DE MISE EN PLACE DE LINTERCOMMU-
NALITÉ (p. 6076)
Mme Marie-France Beaufils, M. Philippe Richert, ministre
chargé des collectivités territoriales.
POLITIQUE BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT (p. 6077)
M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Valérie Pécresse, ministre du
budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
AIDES EUROPÉENNES AUX AGRICULTEURS (p. 6078)
MM. Yvon Collin, Jean Leonetti, ministre chargé des affaires
européennes.
RAPPORT CHALMIN (p. 6079)
MM. Yves Détraigne, Patrick Ollier, ministre chargé des
relations avec le Parlement
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES (p. 6080)
MM. Daniel Raoul, Philippe Richert, ministre chargé des
collectivités territoriales.
RYTHMES SCOLAIRES (p. 6081)
Mmes Colette Mélot, Jeannette Bougrab, secrétaire d'État
chargée de la jeunesse et de la vie associative.
GRÈVE DES DISTRIBUTEURS DE PRESSE (p. 6082)
MM. Serge Dassault, Frédéric Mitterrand, ministre de la
culture et de la communication.
RETRAITES :ALLONGEMENT DE LA DURÉE DES COTISATIONS
(p. 6083)
Mme Brigitte Bout, M. Xavier Bertrand, ministre du travail,
de l'emploi et de la santé.
FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE (p. 6083)
M. Jean-Pierre Michel, Mme Valérie Pécresse, ministre du
budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Suspension et reprise de la séance (p. 6084)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD FRIMAT
4. Communication du Gouvernement (p. 6084)
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
(p. 6084)
6. Orientation des finances publiques pour 2012.Débat sur
une déclaration du Gouvernement (p. 6084)
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes
publics et de la réforme de l'État ; MM. Philippe
Marini, rapporteur général de la commission des finances ;
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des
affaires sociales, en remplacement de M. Alain Vasselle,
rapporteur général.
M. Yvon Collin, Mmes Marie-France Beaufils, Nicole Bricq,
MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean-Jacques Jégou, Serge
Dassault, Mme Raymonde Le Texier.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Mme la ministre.
7. Ordre du jour (p. 6105)
6036 SÉNAT SÉANCE DU 7 JUILLET 2011
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD FRIMAT
vice-président
Secrétaire :
Mme Sylvie Desmarescaux.
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précé-
dente séance a été distribué.
Il ny a pas dobservation ?
Le procès-verbal est adopté sous les réserves dusage.
2
RÈGLEMENT DES COMPTES ET RAPPORT
DE GESTION POUR L'ANNÉE 2010
ADOPTION DÉFINITIVE DUN
PROJET DE LOI
M. le président. Lordre du jour appelle la discussion du
projet de loi, adopté par lAssemblée nationale, de règlement
des comptes et rapport de gestion pour lannée 2010 (projet
n° 672, rapport n° 674).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire
d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce
extérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la
commission des finances, monsieur le rapporteur général,
mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout dabord
de bien vouloir excuser labsence de Valérie Pécresse, qui
aurait souhaité pouvoir vous présenter elle-même ce projet
de loi de règlement pour lannée 2010. Jaurai donc le plaisir
et lhonneur de le faire en son nom et au nom du Gouverne-
ment.
Dans un contexte de sortie de crise, le Gouvernement a
engagé en 2010 des réformes porteuses de croissance et un
important programme dinvestissements destiné à renforcer la
compétitivité de notre économie.
En 2010, également, dans le cadre de la solidarité
européenne, la France a contribué au mécanisme de soutien
des pays de la zone euro qui connaissaient, vous le savez, une
situation financière préoccupante.
Les comptes 2010 de lÉtat présentés dans ce projet de loi
de règlement retracent les enjeux financiers de ces événements
et des politiques publiques engagées par notre pays.
Pour la cinquième année consécutive, la Cour des comptes
a certifié les comptes de lÉtat, en émettant un avis favorable
assorti de sept réserves. Lannée dernière, je le rappelle, neuf
réserves avaient été émises ; il y en avait douze lors de lappro-
bation des comptes pour 2008. Cela témoigne dun dialogue
constructif avec la Cour des comptes et defforts continus, qui
se sont poursuivis en 2010, pour améliorer la qualité et la
transparence de nos comptes.
Le résultat comptable de lÉtat pour lannée 2010 sélève à
moins 112 milliards deuros. Ce résultat est en baisse de
12 milliards deuros par rapport à celui de 2009. Cela
sexplique principalement par les mesures transitoires liées à
la réforme de la taxe professionnelle : vous le savez, elles ont
conduit à verser en 2010 aux collectivités locales la totalité de
leurs recettes, via le mécanisme de la compensation-relais,
alors quune partie des acomptes versés au titre de la
nouvelle fiscalité ne sera comptabilisée en produit dans les
comptes de lÉtat quen 2011.
Ce résultat reste toutefois nettement moins dégradé que le
résultat budgétaire, inchangé par rapport à celui qui a été
présenté au mois de février et qui sétablit à moins 148,8
milliards deuros. En effet, le Gouvernement a choisi de
favoriser la croissance de long terme et dapporter son
soutien à la stabilité financière européenne, tout en préservant
léquilibre de long terme de nos finances publiques.
Ainsi, les dépenses au profit de la Grèce, sous forme de
prêts, nont eu aucun impact sur le patrimoine de lÉtat. Pour
autant, elles nen étaient pas moins indispensables, et nous
avons encore eu loccasion de nous en rendre compte tout
récemment.
Il en va de même des dépenses exceptionnelles au bénéfice
dinvestissements davenir, qui reposent majoritairement sur
des opérations qui nappauvrissent pas lÉtat, mais qui stimu-
leront au contraire notre croissance.
Concernant les dépenses ordinaires de lÉtat, je veux vous
dire, monsieur le rapporteur général, que Valérie Pécresse,
ministre du budget, a pris connaissance avec une très
grande attention de votre analyse de lexécution budgétaire
en 2010.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances. Merci !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je sais que vous êtes
appelé à poursuivre le dialogue avec le Gouvernement sur ce
sujet, comme sur bien dautres.
Dores et déjà je veux laffirmer clairement devant vous ,
il ny a eu aucun relâchement de leffort de maîtrise des
dépenses en 2010. En dehors des investissements davenir
et du plan de relance de léconomie, la dépense sétablit à
SÉNAT SÉANCE DU 7 JUILLET 2011 6037
352,5 milliards deuros, pour un plafond fixé à 352,6 milliards
deuros en loi de finances initiale. La norme de dépense a ainsi
été strictement respectée.
Nous avons certes bénéficié, cette année-là, déconomies
conjoncturelles, en particulier sur les charges de la dette.
Mais je veux rappeler quelles ont principalement permis de
financer des dépenses elles aussi exceptionnelles, notamment
pour soutenir lemploi par des politiques actives et pour
absorber une hausse des dépenses de guichet, dont lévolution
reste étroitement liée à la conjoncture économique.
Pour lessentiel, les événements qui ont marqué lexécution
2010 ont pu être anticipés et intégrés dans la construction du
budget 2011. Je pense en particulier à la revalorisation de
lallocation adulte handicapé à hauteur de plus de
700 millions deuros, une mesure de justice particulièrement
forte.
Jajoute que, pour tenir compte du dérapage de 2010, la
dotation des contrats aidés a été augmentée de 400 millions
deuros, alors que le volume de ces derniers va baisser en
2011.
Nous avons également assaini considérablement nos
relations financières, en apurant totalement la dette de
lÉtat envers le Crédit foncier de France et la sécurité
sociale. Je précise quil ny a eu dans cette opération aucun
contournement de la norme de dépense, dès lors que nous
avons utilisé une ressource ponctuelle pour solder des dettes
anciennes, et non pour réduire les dotations versées par lÉtat
à la sécurité sociale au titre de lexercice 2010.
En matière de dépenses de personnel, léquation budgétaire
pour 2010 est désormais bien connue : elle a été marquée par
les conséquences des moindres départs à la retraite constatés
en 2009 et en 2010, qui ont toutefois été en partie compen-
sées. Les suppressions demploi effectivement réalisées, soit
31 200 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, restent
pour leur part légèrement en dessous des prévisions initiales,
mais elles représentent néanmoins 6 500 suppressions de plus
que celles qui ont réalisées en 2009.
Le cap du non-remplacement dun fonctionnaire sur deux
partant à la retraite a donc été pleinement tenu et il conti-
nuera de lêtre, tant en 2011 quen 2012. Je rappelle quen
2010 tous les ministères ont respecté leur plafond demploi et
se sont donc conformés à lautorisation qui leur a été accordée
par le Parlement.
Le dépassement constaté sur les dépenses de personnel a été,
au final, plus limité que prévu, et sélève sur lensemble de ces
dépenses à 250 millions deuros, soit 450 millions deuros
hors pensions.
Les gains bruts liés à la révision générale des politiques
publiques et à la mise en place du non-remplacement dun
fonctionnaire sur deux partant à la retraite ont représenté une
économie de plus de 800 millions deuros, et le retour catégo-
riel lié aux suppressions de poste a été conforme à lobjectif de
50 % fixé par le Président de la République.
Jajoute à ce sujet quil convient, de lavis du Gouverne-
ment, de distinguer leffet des décisions antérieures à 2010, à
linstar des différents protocoles salariaux signés par le minis-
tère de lintérieur entre 2007 et 2009, et les mesures catégo-
rielles liées à leffort de non-remplacement dun fonctionnaire
sur deux en 2010.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les recettes fiscales nettes
sétablissent pour leur part à 253,6 milliards deuros à la fin de
2010. Lécart par rapport à la dernière prévision, qui était de
255 milliards deuros lors de lexamen du projet de loi de
finances rectificative, sexplique essentiellement par de
moindres rentrées fiscales au titre du dernier acompte de
limpôt sur les sociétés, dont nous avons dailleurs tenu
compte dans le premier collectif pour 2011 examiné par la
Haute Assemblée.
Les recettes non fiscales, qui sont les plus liées à la situation
économique, notamment les dividendes perçus sur les entre-
prises publiques ou sur la Coface, sont inférieures de
0,4 milliard deuros aux prévisions. Elles sétablissent à
18,2 milliards deuros.
Enfin, plusieurs événements ont joué favorablement sur le
solde des comptes spéciaux.
Ainsi, la Grèce na pas mobilisé la dernière tranche des prêts
que la France avait prévu de verser. Je rappelle quil sagit de
crédits évaluatifs, que nous ne pilotons pas de la même façon
que les crédits budgétaires ordinaires. Au total, la France a
ainsi accordé 4,4 milliards deuros à la Grèce au cours de
lexercice 2010.
En outre, le solde du compte davance aux collectivités
locales sest amélioré denviron 600 millions deuros, en lien
avec la révision à la baisse du coût de la réforme de la taxe
professionnelle.
Concernant le bilan de lÉtat, la situation nette sétablit à
moins 756,6 milliards deuros en 2010. Elle recule donc de
92,5 milliards deuros par rapport à 2009, principalement du
fait de lévolution de la dette. Toutefois, cette dernière évolue
à un rythme nettement inférieur à celui qui a été constaté en
2009, puisquelle a enregistré une hausse de 79 milliards
deuros en 2010, contre 131 milliards deuros en 2009.
Lintervention exceptionnelle des États membres de
lUnion européenne, outre les prêts consentis à la Grèce,
sest aussi caractérisée par la mise en place du Fonds
européen de stabilité financière et se traduit dans les
comptes par une augmentation des engagements, hors bilan
de lÉtat, de 1,1 milliard deuros.
Enfin, la réforme des retraites a permis, dès 2010, de
réduire le besoin de financement des retraites des fonction-
naires qui figure dans les informations de lannexe des
comptes de lÉtat. Il sélève à 490 milliards deuros en
2010, contre 598 milliards deuros hors réforme des retraites.
Je dirai, pour terminer, un mot sur la performance, puisque
le projet de loi de règlement est loccasion, à travers lexamen
des rapports annuels de performance, danalyser en détail les
résultats obtenus par les grandes politiques publiques.
Le Gouvernement prend note de lensemble des proposi-
tions formulées par la commission des finances à loccasion de
cet exercice, dont une part substantielle concerne le dispositif
dévaluation de la performance.
Nous avons privilégié, en 2010, la réduction du nombre
dindicateurs du budget de lÉtat ils sont passés de près de
1 200 à un peu plus dun millier , afin de les resserrer sur les
priorités et daméliorer leur pertinence.
Le taux de renseignement des indicateurs, indispensable au
bon contrôle du Parlement, se maintient à un niveau élevé :
près de 90 %. Permettez-moi à ce titre de rappeler que ce taux
nétait que de 50 % environ lors de la première présentation
des rapports annuels de performance, en 2006.
6038 SÉNAT SÉANCE DU 7 JUILLET 2011
Concernant les résultats eux-mêmes, ils sont en légère
amélioration par rapport à lannée dernière, avec 69 % dindi-
cateurs affichant une évolution positive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le
constater, lexécution budgétaire de lannée 2010 qui vous est
présentée dans ce projet de loi de règlement reflète la déter-
mination du Gouvernement à effacer rapidement les stigmates
de la crise, sans pour autant ignorer les enjeux liés à la
compétitivité nationale et à la solidarité au sein de lUnion
européenne. Les événements récents, tout comme la reprise
de la croissance, sont venus nous donner raison.
Lannée 2010 était une année charnière : nous avons
progressivement mis fin aux dépenses conjoncturelles du
plan de relance, qui ont permis de soutenir lactivité et de
protéger autant quil était en notre pouvoir les Français de la
crise. Dans le même temps, nous avons engagé des investis-
sements structurels qui stimulent notre croissance potentielle.
Ce basculement sest opéré dans le plein respect des engage-
ments que nous avions pris devant vous de maîtrise des
dépenses courantes.
Nous poursuivons sur cette voie en 2011, et les bons
résultats que nous enregistrons dores et déjà doivent nous
encourager à aller plus loin dans cette direction que nous
avons définie ensemble. (Applaudissements sur les travées de
lUMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire dÉtat,
mes chers collègues, si le projet de loi de règlement ne suscite
généralement pas une grande passion, pas plus au Parlement
quà lextérieur, cest, me semble-t-il, pour deux raisons, une
bonne et une mauvaise.
La mauvaise, cest quil sagit dun texte rétrospectif, et que
le passé nest jamais passionnant pour les acteurs de la vie
politique. Pourtant, à condition dy consacrer du temps,
lexamen du projet de loi de règlement, qui est le rapport
de gestion de lÉtat, se révèle extrêmement utile, ainsi quen
témoigne lexpérience de la commission des finances : cette
dernière, sur linitiative de Jean Arthuis, auditionne en effet
systématiquement depuis plusieurs années les ministres,
notamment sur leurs indicateurs de performance.
La bonne raison, cest celle qui prouve le caractère obsolète
de la loi de règlement : ce qui compte aujourdhui, ce nest pas
tant le solde de lÉtat que celui des administrations publiques.
Au regard de vos responsabilités antérieures, monsieur le
secrétaire dÉtat, je ne vous apprendrai rien en disant que
nous devons surtout, conformément aux engagements que
nous avons pris, prouver notre capacité à respecter le pacte
européen de stabilité et de croissance, laquelle doit évidem-
ment sapprécier au niveau non pas du seul État, mais de
lensemble « maastrichtien » composé de lÉtat, de la sécurité
sociale, des collectivités territoriales et des divers organismes
dadministration publique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh
oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des
finances. Or, sagissant du programme de stabilité et de crois-
sance, rien dans notre système public ne permet aujourdhui
de confronter les objectifs aux résultats.
À cet égard, la loi de règlement fonctionne comme ces belles
machines dautrefois : une mécanique sophistiquée et bien
huilée. Tout est paramétré et sans surprise.
Mais la loi de règlement nest plus pertinente : si elle
conserve une certaine utilité, elle ne peut cependant se substi-
tuer à une vraie reddition des comptes, qui seule permettrait
de savoir si les engagements ont été respectés, si le cap de la
convergence a été tenu, et si des arrangements, petits ou
grands, nont pas été pris avec la vérité en cette période de
sortie de crise.
Je me contenterai, monsieur le secrétaire dÉtat, de tirer
cinq enseignements de ce projet de loi de règlement. Pour le
reste, je me permets de renvoyer à mon rapport écrit, et je
remercie nos collègues davoir participé nombreux, et très
activement, aux travaux de la commission : les vieux
animaux parlementaires que nous sommes, monsieur le secré-
taire dÉtat, savent bien que, pour ce genre de textes, les
séances de commission sont plus utiles que les séances
plénières(Sourires.)
Premier enseignement : une prévision de croissance
prudente réserve dagréables surprises en exécution. Lannée
2010 en porte le témoignage : le Gouvernement, rompant en
cela avec une longue série, avait en effet retenu une prévision
minimaliste de croissance du PIB de 0,75 %. La réalité a
finalement été bien meilleure, le taux constaté en exécution
sétablissant à 1,5 %. Dès lors, il ne faut pas sétonner que la
loi de règlement soit bonne : elle ne fait que traduire la
prudence de la prévision initiale !
Au final, le déficit des administrations publiques sétablit à
7,1 % du PIB, contre une prévision de 7,6 %. Il convient
toutefois de relativiser cette « bonne performance » puisque,
en 2010, seuls cinq États de la zone euro ont présenté un
déficit plus élevé que celui de la France : la Grèce, lIrlande,
lEspagne, la Belgique et la Slovaquie.
Nous pouvons toutefois nous réjouir davoir fait mieux que
prévu. Nous devons aussi tenir compte des dépenses excep-
tionnelles, quil sagisse de la réforme de la taxe professionnelle
et, surtout, du plan de relance, qui ont perturbé les séries.
Mais jai le sentiment que nous avons pris nos responsabilités
dans la crise.
Deuxième enseignement : même si lÉtat a plutôt bien tenu
ses dépenses en 2010 la commission a pu constater quil
nétait pas à lorigine de la dynamique des dépenses des
administrations publiques , il ne faut surtout pas relâcher
leffort.
Bien que les normes aient été respectées, noublions pas
que, en 2010, avec un déficit de 149 milliards deuros, le taux
de couverture des dépenses du budget général par les recettes
cest une vielle notion, mais il convient de sy rapporter, avec
les règles du bon sens atteint un « point bas » historique, à
53 %, contre plus de 85 % en 2007. La crise est incontesta-
blement passée par là. Ainsi, lan dernier, à cette même
période, nous commencions à vivre à crédit, et la situation
a duré jusquau 31 décembre. Quant à lencours de la dette
nominale de lÉtat, il sélevait à la fin de lannée 2010 à
1 212 milliards deuros, en progression de 40 % par rapport
à 2005.
Troisième enseignement : la contrainte budgétaire incite le
Gouvernement à prendre des libertés avec les règles de gouver-
nance. Comme vous lavez dit très justement, monsieur le
secrétaire dÉtat, la norme de dépense retenue pour 2010 était
le « zéro volume ». Elle a certes été respectée je vous en
donne acte , mais au prix de quelques aménagements
méthodologiques qui, sils se défendent, ne sont pas mineurs.
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